L’agence Belga porte la parole des islamistes français.
C’est une dépêche Belga du 25 janvier titrée « Le CCIE relève 527 faits islamophobes en 2022, les femmes en sont les principales victimes ». (Edit : elle a été reprise par La Libre web hier, mais a été entretemps retirée). Et il y a de quoi être estomaqué par ce billet, qui ne se contente pas de relayer sans résistance les affirmations d’une organisation islamiste. Il minimise aussi la dissolution du CCIF par la République française, et sème le doute sur la pertinence d’une décision du Conseil d’État français !
Car le CCIE, n’est autre que la refondation du CCIF, dissous en 2020 après l’assassinat brutal de l’enseignant Samuel Paty — dissolution approuvée par le Conseil d’État français le 24 septembre 2021. Une approbation que Belga n’hésite pas à remettre en cause en expliquant que « cette décision avait été décriée par Human Rights Watch pour sa disproportionnalité ».
Un jugement bien charpenté.
Pourtant, les termes du « jugement » ne laissaient pas beaucoup de place au doute. Ainsi, le Conseil d’État écrivait, sur base des pièces du dossier que le CCIF « tient depuis plusieurs années des propos sans nuance visant à accréditer l’idée que les autorités publiques française mèneraient, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, un combat contre la religion musulmane et ses pratiquants et que, plus généralement, la France serait un pays hostile aux musulmans. » Pour le CCIF, perquisitionner une mosquée suspecte de liens avec le terrorisme, c’est « islamophobe ». Ne pas tolérer le voile à l’école ou dans les services publics, c’est « islamophobe ». Critiquer l’islamisme est évidemment aussi islamophobe.
En Belgique, légitimer les attentats contre le Musée juif, ça passe crème.
Islamisme ? Yes sir. Le Conseil d’État constatait en effet les liens étroits du CCIF « avec des tenants d’un islamisme radical invitant à se soustraire à certaines lois de la République ». L’une de ses figures de proue ayant même « tenu publiquement des propos tendant à relativiser, voire à légitimer, les attentats contre le musée juif de Bruxelles en 2014 et contre le journal Charlie Hebdo en 2015, et promu l’idée d’une suprématie de la communauté musulmane. »
Comme si ça ne suffisait pas, le Conseil relevait que l’association a promotionné « les thèses d’un ancien trésorier de l’association djihadiste Anâ-Muslim […] qui a légitimé à plusieurs reprises le recours au terrorisme ». Non sans constater que les messages du CCIF sur ses comptes Facebook et Twitter provoquaient régulièrement des commentaires antisémites et hostiles aux autres croyances, jamais modérés.
Pour se défendre de ces accusations solidement fondées sur des captures d’écran, le CCIF n’a pu que tenter de discréditer celles-ci en prétendant qu’elles auraient dû être récoltées en présence… d’un huissier. Argument rapidement balayé par les juges.
Le CCIF a soutenu Barakacity, qui appelait au châtiment divin contre Charlie Hebdo.
Le Conseil d’État ajoute que le CCIF a milité contre la dissolution de Barakacity, dont de nombreuses publications provoquaient des commentaires non modérés incitant ou appelant directement « à la violence et au meurtre » de Juifs, ou « faisant l’apologie de crimes contre l’humanité ». Tandis que, sur son compte personnel, le président de Barakacity appelait « à un châtiment divin des victimes de l’attentat contre le journal ‘Charlie Hebdo’». Et exposait des pro-Charlie et des opposants au fondamentalisme à la haine ou à la violence.
Histoire belge
C’est là que l’histoire française se transforme en histoire belge. Car en 2020, à peine dissous, le CCIF déménage à Bruxelles et se reforme sous le nom de CCIE (Collectif contre l’Islamophobie en Europe). Il s’engage alors à compléter l’offre d’études biaisées au service du voilement, déjà bien fournie en Belgique par le CCIB (Collectif contre l’Islamophobie en Belgique)(1), qui n’est autre que le cousin belge de l’ex-CCIF.
Il n’aura fallu que deux ans pour qu’on oublie les origines de ce CCIE. Interpelant, mais pas étonnant. Dans ce pays étrange, le sort du CCIB, par exemple, est exactement à l’inverse de celui de son ex-confrère français. Non seulement, il est très bien toléré, mais en plus, il est subsidié et présenté comme un centre d’expertise. Et ses animateurs obtiennent des sièges enviables dans les institutions antiracistes ou liées à l’égalité entre les femmes et les hommes.
La secrétaire d’État écologiste belge assimile le CCIF et le CCIB à de simples organisations « musulmanes ».
Il faut dire que le CCIB est extrêmement proche du parti Ecolo (la version belge d’EELV — qui, en Belgique, est dans la majorité gouvernementale), au point que pratiquement tous les fondateurs du collectif y adhèrent. Dont la première sénatrice belge voilée, Farida Tahar, qui est également cheffe du groupe écologiste au Parlement bruxellois.
Mieux, en 2021, la Secrétaire d’État à l’Égalité des Genres, des Chances et à la Diversité Sarah Schlitz — également Ecolo — n’a rien trouvé de mieux que de nommer une fondamentaliste voilée, proche du leader des Frères musulmans belges et du CCIB, au poste de commissaire du Gouvernement à l’Institut pour l’Égalité… entre les Femmes et les Hommes ! Avant qu’un rapport de la Sûreté de l’État ne force la toute nouvelle commissaire à se retirer. La presse francophone a alors, à l’unisson, minimisé le rapport en question. Seul votre serviteur l’a rendu accessible aux Francophones.
Interrogée à la Chambre sur le CCIB et le CCIE après plusieurs révélations gênantes, Sarah Schlitz a même laconiquement répondu « J’ai rencontré des membres du CCIB voici quelques jours encore en vue d’une coopération constructive. Le contexte français n’est pas d’application en Belgique. »
Pourtant, les liens du CCIB avec les Frères musulmans européens sont multiples. Son leader est un habitué de la rabi3a (le signe de raliement des Frères musulmans). L’association loge à la même adresse que les jeunes Frères musulmans européens, FEMYSO. Et une source sécuritaire officielle n’hésitait pas à affirmer au Vif que « le CCIB est connu pour ses liens étroits avec les Frères musulmans ». Une coopération « constructive » avec une antenne hautement soupçonnée de frérisme, voilà de quoi expliquer la présence à Bruxelles de tout l’establishment frériste européen.
[PARAGRAPHE MODIFIE LE 27/1/2023 A 9H30] Sarah Schlitz concluait d’ailleurs qu’elle n’avait « aucunement l’intention de considérer toute organisation islamique comme une menace potentielle pour la sécurité ! » Or, il n’est pas question ici de simples organisations « islamiques », elles sont toutes deux suspectées d’islamisme. Dans le compte-rendu original de la chambre, il était d’ailleurs écrit « islamiste ». Personne n’a relevé . Le compte-rendu a été modifié sans bruit après que j’ai twitté l’extrait du compte-rendu. (2)
Des associations de journalistes relaient les conseils des Frères musulmans pour bien parler du voile.
Et ça s’explique aisément. Car à cette invraisemblable soumission des écologistes — premier parti bruxellois, soit dit en passant — s’ajoute une complaisance incompréhensible de deux syndicats de journalistes établis à Bruxelles : l’Association des Journalistes professionnels belges (AJP) et la Fédération européenne des Journalistes (FEJ), dont les secrétaires généraux respectifs se sont manifestement laissés happer par la communication victimaire du CCIB, pour ensuite contaminer une partie du monde journalistique, qui s’est vu proposer par ces syndicats des formations sur la bonne manière de parler du voile ou de l’islam, données par des personnes proches des Frères musulmans.
Le féminisme met le voile
L’AJP recommande aussi plusieurs personnalités du CCIB comme « experts » dans sa base de données Expertalia, destinée à proposer aux rédactions francophones des invités dignes de… confiance. Il en va ainsi de Mustapha Chaïri, sympathique animateur historique du CCIB. Un temps, ce grand épandeur de voiles islamiques y a même été présenté comme expert en… féminisme ! Conséquence : une partie du journalisme belge s’est laissée entraîner dans cette ouate de bisounours. Quelques-un(e)s ont résisté. Ils ont eu des problèmes.
Toujours est-il que deux ans après que la Secrétaire d’État à l’Égalité des Genres a rendu l’islamisme fréquentable en plein parlement le CCIF refondé en CCIE a réussi à passer pour une source crédible auprès de l’agence de presse nationale, et à sa suite, du site web de La Libre, pourtant l’un des meilleurs quotidiens du pays.
Comme pour se justifier, Belga termine d’ailleurs sa dépêche par : « Fondé en Belgique en novembre 2020, le CCIE est surveillé de près par la Sûreté de l’État mais n’a, jusqu’ici, fait l’objet d’aucune condamnation. » Comme s’il fallait une condamnation pour éveiller la suspicion des journalistes ! On a envie de leur rappeler que l’islamisme relève aussi de l’extrême droite. Et que la même phrase appliquée, par exemple, au parti néofasciste Vlaams Belang vaudrait à son auteur une juste, et donc colossale réprimande.
Une version néerlandaise bien moins complaisante.
On prend la mesure du delirium islamens lorsqu’on lit la version néerlandaise de la même dépêche Belga. Car celle-ci ne fait pas état des contestations de Human Rights Watch, ni de l’absence de condamnation. Elle résume simplement : « Le CCIE est le successeur du CCIF […] qui a été interdit en France après le meurtre de l’enseignant Samuel Paty en 2020. Elle fait l’objet d’un suivi par la Sûreté de l’État. » Point.
Un énoncé plus conforme à la déontologie, qui compense le relais offert aux frémistes et à leurs chiffres bidouillés.
(1) En 2022, le CCIB a changé son enseigne en CIIB (Collectif pour l’Inclusion et contre l’Islamophobie en Belgique), mais a gardé sa raison sociale. C’est pourquoi je parle de CCIB dans l’article et non de CIIB.
(2)[MISE A JOUR DU 27 JANVIER A 9H30] Ce paragraphe a été modifié après qu’un lecteur attentif (merci à lui !) m’a fait remarquer à juste titre que, selon le compte-rendu de la Chambre que j’ai mis en lien plus haut, Sarah Schlitz n’a pas dit « toute organisation islamiste » mais bien « toute organisation islamique ». Dans le compte-rendu actuellement en ligne à La Chambre, il est en effet écrit « toute organisation islamique ». Mais la phrase de Sarah Schlitz contenait bien le terme « toute organisation islamiste » dans le compte-rendu analytique original de la séance du 7 janvier 2021 sur le site de la Chambre, et c’est resté tel quel au moins jusqu’au 14 juillet de la même année. J’ai publié la phrase originale le 5 juin 2021 dans l’article Oh Bro 1. J’ai encore téléchargé le compte-rendu le 11 juillet 2021, dont j’ai publié l’extrait contenant « toute organisation islamiste » dans un tweet du même jour, avec copie à Sarah Schlitz. Elle n’a pas réagi, mais trois jours plus tard, le 15 juillet 2021, la phrase était modifiée dans le compte-rendu de la Chambre, et le mot « islamiste » était remplacé par le mot « islamique », et à raison. Dans la vidéo de la séance (vers 2:30), Sarah Schlitz s’exprime en néerlandais avec grande difficulté. Lisant un texte, elle prononce d’abord « islamis… » puis se reprend : « islamitisch », ce qui se traduit bien par « islamique ». Ces corrections obtenues et vérifiées, je ne peux donc plus lui reprocher d’avoir « adoubé » les organisations islamistes dans l’énoncé, mais en tout état de cause, elle évoque bien des organisations considérées comme islamistes et non islamiques et les assimile à des organisations musulmanes « normales », ce qui n’est pas le cas. Voici pour votre information complète les captures d’écran des deux versions.
J’écris toujours la peur au ventre. Dénoncer les compromissions de la corporation ou de politiques avec le frérisme ou l’islamisme est périlleux en Belgique. En deux ans, j’ai fait l’objet de cinq procédures, plus deux appels, et de deux signalements au Conseil de l’Europe, financés ou organisés par l’AJP, l’EFJ et la RTBF. Je n’ai d’autres ressources que votre bonne volonté. Vous pouvez me soutenir en faisant un don. Notez qu’en-dessous de 2€, les frais sont prohibitifs.
© Marcel Sel, 2023. Reproduction interdite sans accord de l’auteur.
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