Follow-up du crowdfunding : Florence Hainaut et Myriam Leroy condamnées aux doubles dépens en appel.

Image par NoName_13 de Pixabay

Ce 4 octobre 2023, les deux affaires de droits de réponse pour lesquels Myriam Leroy et Florence Hainaut m’avaient cité en correctionnelle en 2020 se sont conclues par deux arrêts de la 14ème chambre de la Cour d’Appel de Bruxelles, qui condamnent les deux journalistes précitées à 3.240 euros d’indemnité de procédure chacune, plus les frais. Sauf cassation, ces arrêts sont définitifs.

Je tiens d’abord à remercier mon avocat, le très sympathique Liégeois Mathieu Simonis, pour ses excellentes conclusions et ses qualités de Mensch. Un doublé qui mérite un ardent détour.

Je tiens aussi à remercier chaleureusement tous ceux et toutes celles qui m’ont soutenu moralement, et les personnes qui ont participé au crowdfunding. Vous m’avez permis de tenir le coup et d’assurer ma défense.

 

Résumé de l’affaire

Le 31 juillet 2020, j’ai écrit un article qui critiquait les accusations de harcèlement lancées par Florence Hainaut envers l’Observatoire des Fondamentalismes, que j’estimais infondées après vérification. J’y critiquais aussi le comportement du secrétaire général de la Fédération Européenne des Journalistes, Ricardo Gutiérrez, qui avait, sur base de ces seules déclarations, et sans vérification sérieuse, dénoncé de facto les directrices de l’Observatoire des Fondamentalismes Florence Bergeaud-Blackler et Fadila Maaroufi à la plateforme de protection des journalistes du Conseil de l’Europe, pour « harcèlement » envers Florence Hainaut. Plus grave : à peu près toute la presse belge avait relayé ces accusations, sans contacter les intéressées (à une exception près). Je concluais que la liberté d’expression en Belgique en était sévèrement menacée.

En réaction à cet article, Florence Hainaut a publié un papier confusionniste et calomnieux sur Medium, dans lequel elle accusait toute une série de personnes qui, pour la plupart, ne se connaissaient pas, d’avoir mené un « raid » contre elle. Elle y assimilait ainsi allègrement le compte Twitter du parti néofasciste Nation à des personnalités du Centre d’Action laïque. Et elle m’accusait insidieusement d’avoir été à la tête de ce « raid », quod non. L’analyse des interactions, que j’ai fournies au Conseil de Déontologie et à la justice, confirme que seuls dix commentaires répondent à un des miens — tous respectueux du droit — et qu’aucun de ceux-ci ne peut être considéré comme injurieux ou participant à un « raid ».

Au même moment, des proches du cercle Hainaut/Leroy m’ont également accusé, toujours à tort, d’avoir harcelé Myriam Leroy que je n’avais pas mentionné dans l’article. En réalité, je n’ai que très peu interagi avec elle, et jamais de façon harcelante. Le tout a provoqué des réactions extrêmement violentes de leurs partisanes et partisans, dont le point d’orgue fut le doxing de mes filles par un journaliste de la RTBF, avec le soutien de sa hiérarchie. En un mois, je récoltais un millier de captures d’écran de commentaires injurieux, menaçants ou gravement calomnieux.

Persuadé que cette violence était motivée par le fait que je détenais des informations problématiques quant au comportement des deux journalistes, j’ai alors décidé, en septembre 2020, de les publier dans une série d’articles sur le victimisme.

 

Des droits de réponse impubliables

Sur les conseils de l’Association des Journalistes Professionnels (AJP) (qui a, selon mes sources, d’abord envisagé de me poursuivre pour harcèlement, mais manquait évidemment de matière), Florence Hainaut et Myriam Leroy m’ont envoyé cinq droits de réponse impubliables (exemple ici, avec mes commentaires). Devant mon refus motivé, elles m’ont chacune cité directement en correctionnelle pour refus de publication de droit de réponse (cinq au total). Leurs frais d’avocats étant assurés par l’AJP. 

Pour ma part, j’ai dû appeler au crowdfunding pour assurer ma défense. J’ai récolté plus de 7.000 euros en seulement quelques jours. Grâce à vous, j’ai pu aborder la procédure sereinement et engager Maître Mathieu Simonis, du barreau de Liège, qui a réussi à conclure efficacement en moins d’une semaine, dans une affaire devenue rapidement très complexe. L’urgence provenait du fait que les deux parties adverses ont refusé tout calendrier et ont exigé que l’affaire soit traitée dès la première audience, prenant la loi à la lettre.

Le 1er décembre 2020, la 61ème chambre du tribunal correctionnel de bruxelles m’acquittait de toutes les charges, jugeant que les cinq droits de réponse que Mmes Hainaut et Leroy m’avaient envoyé étaient injurieux et/ou calomniaient des tiers que je n’avais pas cité dans mes articles. Le jugement établissait que j’avais refusé de les publier à raison. À l’audience de lecture du jugement, le juge lui-même a découragé l’avocate de Florence Hainaut et Myriam Leroy de faire appel sur le fond, les faits étant très clairement à leur désavantage.

 

Un appel dilatoire ?

Le jugement du 1er décembre 2020 condamnait Myriam Leroy et Florence Hainaut à me payer chacune les indemnités de procédure qu’elles avaient elles-même fixé à l’indemnité de base de 1.440 €.

Les deux journalistes m’avaient en effet cité séparément au tribunal, ce qui impliquait qu’en cas de condamnation, je leur aurais dû, à chacune, 1.440 € d’indemnité de procédure. Bien que nous ne doutions pas d’une issue favorable, mon avocat a accessoirement demandé la jonction des causes, qu’elles ont refusé tout net. En cas de jonction, les indemnités que j’aurais pu leur devoir avaient une chance d’être réduites à 1.440 € en tout, soit la moitié.

Le juge de première instance les a suivies sur ce point, considérant logiquement qu’elles avaient bien envoyé des droits de réponse séparés, alors qu’elles auraient pu rédiger des droits de réponse communs ; leurs citations étaient séparées aussi.

Mais dès lors que j’étais acquitté, ce sont elles deux qui « me » devaient 1.440 €, chacune.

Elles ont donc fait appel, mais sur le seul montant des indemnités de procédure, en demandant… la jonction de leurs deux causes. Celle-là même qu’elles m’avaient refusé en première instance ! Elles demandaient aussi la réduction des indemnités. Un tel appel reportait le règlement pécunier de l’affaire de deux à quatre ans.

Dès lors qu’elle n’ont pas réagi à ma demande de payer au moins l’incontestablement dû, je me permets de supposer qu’un des objectifs de cet appel était de reporter le plus loin possible le règlement du montant auquel elles avaient été condamnées. Mal leur en a pris.

La Cour a-t-elle pris la mesure du caractère possiblement dilatoire de ces deux appels ? On ne le saura jamais. Le fait est qu’elle leur a refusé la jonction des causes, ce qui était logique et conforme au droit : « si le lien de connexité était si évident que les parties [appelantes] le prétendent, elles ont, cependant, fait le choix de rédiger des droits de réponse séparés même si elles se font, par moment, référence, alors qu’elles auraient pu rédiger un droit de réponse commun, tout comme elles ont lancé chacune une citation directe individuelle, alors qu’elles auraient là encore pu faire signifier une déclaration conjointe ».

Mais la Cour est allée plus loin, en condamnant les appelantes, non seulement à payer chacune les 1.440 € auxquels elles avaient été condamnées en 2020, mais en sus, à régler les indemnités de la procédure d’appel, qu’elles contestaient, pour un montant de 1.800 € chacune.

 

 

La fin n’est pas la fin

En principe (sauf pourvoi en cassation), ceci conclut donc l’affaire des droits de réponse par deux condamnations définitives sur les indemnités de procédure, auxquelles il convient d’ajouter mes deux acquittements définitifs sur le fond, en 2020. Mais ce n’est pas la fin.

Car entretemps, chacune des deux journalistes m’a encore cité au civil pour de prétendues calomnies, toujours avec le soutien financier de l’AJP. Florence Hainaut, pour 182 déclarations qu’elle estime calomnieuses — le dossier faisant 900 pages avec les pièces. Myriam Leroy, pour une trentaine.

Dans mes conclusions, j’entends d’abord démontrer que je disposais d’une base factuelle suffisante pour chacune de ces affirmations. Toutefois, dans le cas de Florence Hainaut, étant déraisonnable de le démontrer pour 182 prétendues calomnies, je le fait pour les trois ensembles de calomnies qu’elle présente comme les plus graves (soit au total 57 des 182 extraits) : le fait qu’elle ait fait relire une carte blanche sur le hijab par une fondamentaliste islamique, le fait qu’elle est surtout suivie par des Ecolos, le fait qu’elle a plusieurs fois accusé autrui d’harcèlement soit manifestement à tort, soit sans être en mesure de le prouver.

 

Reconvention

Dans ces deux affaires, j’ai également introduit des demandes reconventionnelles — ce qui revient à les citer en retour au tribunal. Et ce, pour 258 calomnies (toujours présumées) du chef de Florence Hainaut, et 380 de ses partisans, principalement en réponse à ses diatribes. Ainsi que pour 174 calomnies présumées du chef de Myriam Leroy, à ajouter, pour le contexte, à une liste de  516 « calomnies, menaces ou souhaits de mort » de ses proches et partisans.

Je les poursuis également pour procédure déraisonnable, harcèlement, infraction au code de droit économique (pour dénigrement de concurrent), procédure téméraire et vexatoire, et atteinte à la vie privée (tout ceci présumé). Je poursuis en plus Florence Hainaut pour complicité présumée de menace d’attentat contre les personnes et pour infraction présumée à l’article 314 bis du code pénal, qui condamne « quiconque prend connaissance ou fait prendre connaissance […] des communications ou des télécommunications privées, auquel il ne prend pas part, sans le consentement de tous les participants ». La raison de cette dernière qualification : Florence Hainaut a pris connaissance du contenu de mes conversations privées en ligne avec trois employé(e)s de la RTBF — dont deux journalistes de premier plan — et un politologue, sans mon accord. Elle en a ensuite publié des extraits.

Les audiences sont fixées au 20 octobre 2023 (pour Myriam Leroy) et le 11 octobre 2024 (pour Florence Hainaut).

Ce sont les deux seules procédures qui me visent encore. À noter que plusieurs des prétendues calomnies qui me sont reprochées ont été considérées comme démontrées par le Conseil de Déontologie Journalistique.

Pourquoi je suis obligé de publier tout ça moi-même ?

Parce que la presse belge a manifestement pris fait et cause pour Florence Hainaut et Myriam Leroy, sans jamais prendre ma version. Ainsi, le RTBF et Belga ont publié des articles indiquant que j’étais cité en justice par les deux journalistes (ce qui se retrouve du coup sur ma page Wikipedia) mais ont omis d’évoquer le contenu bien plus dense de mes demandes reconventionnelles et même leur existence. Et pour cause, ils ne m’ont jamais contacté.

Jusqu’ici, aucun journal n’a jamais publié d’article quand je gagnais en justice contre l’une des deux journalistes. Au contraire, deux journalistes de la RTBF se sont insurgées sur X quand Georges-Louis Bouchez a partagé mon article faisant état de mes deux acquittements de 2020 — l’une en parlant même « d’indignité politique ». La RTBF n’a publié que quand j’ai perdu contre l’un de ses journalistes dans des circonstances peu reluisantes pour la partie adverse, qui a profité d’une situation de force majeure pour plaider seule, suite à quoi je n’ai même pas pu faire appel, le montant de la condamnation (deux fois un euro) étant trop bas !

Mais chiche que quelque chose change un jour à cette présentation unilatérale par la profession qui a justement fait vœu de neutralité ?

En tout cas, c’est un sixième succès en justice (deux contre Michel Collon, quatre contre Florence Hainaut et Myriam Leroy). Et en correctionnelle ! Je n’aurais jamais cru m’y retrouver un jour.

Il ne faudra pas oublier que jusqu’ici, seuls des journalistes m’ont convié au tribunal et, dans la plupart des cas, avec le soutien financier, moral et actif d’institutions belges et européennes du journalisme. Et tout ça, uniquement pour tenter de me faire taire.

Vous avez dit « cancel culture » ?

Previous Les sept erreurs de Rajae-le-taxi.
Next Les progressistes qui effacent ou minimisent le génocide du 7 octobre encouragent le Hamas.

You might also like

7 Comments

  1. Brajbart
    octobre 05, 12:14 Reply
    Bravo Marcel - enfin l’honnête intellectuelle, la tienne, a été récompensée. Honte à la presse belge d’être tombée dans le panneau de ces faussaires de l’information. 
  2. Laclette
    octobre 05, 12:42 Reply
    Comme quoi il y a encore une justice. Soulagée pour vous. Vous êtes bien courageux. Mais ce qu'on retient c'est la grosse poubelle qu'est la rtbf, a laquelle s'abreuvent les cerveaux moutonniers ds ce pays, et à quel point il est petit et pourri ce pays. Vivement qu'on se casse. Tenez bon et continuez de raconter et exposer tout ça. Bien à vous
  3. Lorenzo
    octobre 06, 07:51 Reply
    Je suis très heureux pour vous, Marcel. Je n''y connais pas grand'chose en justice, mais est-ce normal qu'elles ne soient finalement condamnées qu'à de modiques sommes (quelques milliers d'euros) alors que ces deux dames obstruent manifestement les tribunaux avec leurs folies victimaires ? l'institution judiciaire devrait quand même "remettre les points sur les "i"" en leur faisant financièrement comprendre que la Justice a d'autres chats à fouetter.
    • marcel
      octobre 06, 09:48 Reply
      En réalité, elles n'obstruaient rien elles-mêmes tant qu'elles n'étaient pas financées par l'AJP pour leurs poursuites. En 2017, Myriam Leroy avait porté plainte sans constitution de partie civile contre « Pascal Lebrun » qui a reçu un avertissement sévère au moment du classement. Cette plainte me paraissait légitime, même si elle s'est trompée sur l'auteur des agressions verbales post-2014. Mais ensuite, elle a porté plainte conjointement avec Florence Hainaut (qui s'est terminé pour cette dernière en non-lieu, parce que leur coupable idéal était innocent dans cette affaire) avec constitution de partie civile, avec le soutien financier de l'AJP. Et c'est en fait là que les choses ont dérapé. Je comprends très bien le soutien à Myriam Leroy à l'époque, parce que le dossier pouvait faire croire à un harcèlement — la Cour d'Appel tranchera l'an prochain. Mais baser une procédure sur une capture illégale et ratée d'une adresse IP comme l'AJP l'a toléré de Florence Hainaut, c'est au mieux de l'incompétence, au pire, de la malveillance. Et c'est là que tout a capoté. Elles sont donc quelque part aussi victimes de la facilité avec laquelle l'AJP leur octroie des aides judiciaires (alors que moi-même, je ne l'avais pas obtenue de la SCAM en tant que membre dans l'affaire Collon, or là, il a été juridiquement démontré qu'il s'agissait bien d'une tentative de procédure-baîllon). J'espère d'ailleurs qu'elles ne devront pas payer les indemnités de procédure elles-mêmes, du moins, si elles disent vrai sur le fait que ce sont leurs avocat(e)s, mandatées par l'AJP, qui leur ont conseillé de faire appel sur les indemnités. Je pense qu'il faut bien distinguer la férocité des deux journalistes, qui aurait peu de conséquences si elles n'étaient pas financées par les cotisations de journalistes et les subsides, et le soutien indéfectible d'une corporation qui a, elle aussi, sa petite idée derrière la tête à mon égard, en témoignent le comportement de certains notables du journalisme syndical et les articles de complaisances publiés par l'AJP.
  4. Deffense Ben
    octobre 09, 17:17 Reply
    Très heureux de constater Marcel que la vérité judiciaire finit par faire jour. La rigueur de ton travail et ton souhait de toujours trouver les sources les plus fiables méritent mieux que ces attaques de personnes dont l'approche journalistique relève le plus souvent du plus pur amateurisme et d'un esprit partisan. Heureux aussi de voir que ton travail aussi de L'Action laïque puisse se poursuivre.
  5. Deffense Ben
    octobre 28, 17:26 Reply
    Une chose est sûre pour déclarer qu'en quelque sorte "le voile on s'en balek" Florence Hainaut n'a pas lu "Bas les voiles !" de Chahdortt Djavann. Comme l'a écrit à propos de cet ouvrage Jean-Marie Legay de l'université Claude Bernard à Lyon : " Ce livre a l’extrême mérite d’être écrit par une femme, qui plus est par une femme iranienne, sur sa propre position, et non pas par un homme sur ce qu’il imagine être la position des femmes, ou par un intellectuel occidental, toujours prêt à de longs développements ethnologiques et à décider pour les autres ce que devrait être leur liberté ".

Leave a Reply

Attention, les commentaires n'apparaîtront qu'après modération.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.