Exclu : Uber à l’assaut de Bruxelles-National (Zaventem) – MàJ
Mise à jour du 13 avril à 18h10 à la fin de cet article.
Les taxis de Zaventem (la commune flamande sur laquelle se trouve l’aéroport de Bruxelles-National) ont du souci à se faire. Uber est apparemment bien décidée à court-circuiter, là aussi, les règles de fonctionnement des taxis professionnels. À la clé, un tarif moitié moindre, au prix d’une absence de formation, de licence, de contrôle et, selon certains, d’assurance passager.
Déjà, Bruxelles-National est un aéroport bizarre. Situé hors de la Région de Bruxelles-Capitale — qu’il prétend desservir —, il répond aux règles imposées par la Région flamande et la petite commune de Zaventem. Ça se remarque particulièrement au niveau des taxis. Ainsi, seuls les taxis du cru ont le droit de prendre des passagers à l’arrivée à la volée (excusez le jeu de mots). Les taxis bruxellois ne peuvent le faire que lorsqu’un arrivant les contacte directement par téléphone. Du coup, ceux-ci doivent généralement faire le trajet Bruxelles-aéroport à vide. Il en va de même pour les taxis de Zaventem, qui déposent leurs clients à Bruxelles et rentrent généralement à vide à l’aéroport. Ceux-ci n’ont en effet pas le droit de se mettre en file d’attente dans la ville et ne peuvent embarquer que les clients qui les héleraient en rue, à leur passage. Encore faut-il que ces clients aillent eux-mêmes à l’aéroport !
Ceci a un coût : comme les taxis ne peuvent rentabiliser que la moitié de la course, vous vous en sortirez avec une facture de 40 à 50 euros pour aller de Bruxelles à Zaventem, où certaines compagnies facturent à peine plus pour aller, par exemple, à Malaga. À comparer aux 50 euros pour aller de la rue de Rivoli à Charles de Gaule, pourtant situé 10 km plus loin du centre-ville que Zaventem. Ou aux 33 € (prix minimum) pour aller du Louvre à Orly quand ça circule bien (19 km contre 16,5 pour Bruxelles-National).
Ça fait des années que Bruxelles et Zaventem tentent régulièrement de négocier une solution avantageuse pour le client, sans succès. Mais l’arrivée d’Uber risque de forcer les deux villes à trouver un accord.
Uber, enfreindre les règlements sans la moindre gêne
Car la firme américaine a lancé, la semaine dernière, un nouveau système permettant aux voitures particulières Uber de court-circuiter la file d’attente réservée aux taxis de Zaventem : une file virtuelle. Dans un mail envoyé à ses sous-traitants (les chauffeurs Uber), l’entreprise constate « une demande de plus en plus importante à l’aéroport de Zaventem » et reconnaît que « les conducteurs doivent souvent prendre en charge les utilisateurs dans la zone kiss & fly au niveau des départs », ce qui est bien sûr interdit. Atterrante constatation : Uber reconnaît d’emblée qu’elle viole le règlement établi par la commune de Zaventem.
La solution ? « Un système de ‘file virtuelle’ dans la zone de l’aéroport. Lorsqu’un conducteur entre dans la zone, un numéro de file lui est virtuellement attribué ». Et à la commande suivante, il sera envoyé au terminal. Le plan joint au mail montre qu’Uber encourage ses chauffeurs à stationner à proximité de l’aéroport en attendant une course. Ensuite, pour éviter de prendre des gens dans la zone où, normalement, on les dépose (les départs), Uber a décidé d’ajouter un montant de 2,5 € à la course pour que les chauffeurs puissent payer 30 minutes de parking express et chercher leur client à pied, à l’arrivée ! « Les frais seront chargés au passager comme ‘frais de parking’ », précise le mail.
La méthode est très précise : « Nous vous conseillons d’appeler le passager pour arranger le lieu de rendez-vous, mais gardez à l’esprit qu’il est plus pratique d’entrer dans le parking express et de garer votre voiture pour aller le chercher. » Plus pratique ? Disons plutôt moins visible aux yeux de la police de l’aéroport…
Deux fois moins cher, mais cent fois moins légal
Résultat, la course Uber coûtera moins de 20 euros. De quoi enthousiasmer le chaland. Sauf que le service n’est pas légal, pour commencer, puisqu’Uber ne respecte aucune des obligations imposées aux taxis : connaissance de l’agglomération, licence, assurance spéciale, voitures aux normes, et bien sûr, certitude que le travail fourni par le conducteur est dûment imposé et qu’il payera (ou que son employeur payera) sa sécurité sociale. Bien sûr, il y a toujours un peu de fraude dans toute activité indépendante. Mais par comparaison, Uber, ce n’est que de la fraude, jusqu’à nouvel ordre : les chauffeurs sont dilettantes, ils ne déclarent pas forcément leurs revenus (rien ne les incite à le faire — surtout que leur activité est illégale) quant à Uber même, l’on saura bientôt, suite aux perquisitions dans leurs locaux, s’ils paient des impôts en Belgique ou pas du tout.
Curieusement, certains libéraux, comme Boris Dilliès (MR), sont de fervents supporters du système « modernissime » venu des USA. Étrange que des membres d’un parti qui a déclaré la guerre à la fraude sociale et dit soutenir les PME soient si peu regardants quand un système qui pirate les revenus de l’État, et concurrence de façon déloyale des petites entreprises déjà fragilisées par la crise (ce que sont les sociétés de taxis et plus encore les taxis indépendants) vient perturber un système mis en place pour protéger les clients (qui a ses défauts, comme tout système). Il arrive déjà que les taxis de Zaventem s’énervent quand un taxi bruxellois indélicat (il y en a, bien sûr) décide de rentabiliser son retour en prenant un client discrètement dans la zone des départs. Mais quand les taxis de l’aéroport verront leurs revenus fondre comme neige au soleil, on peut penser que la majorité zaventemmoise, dirigée par l’Open VLD (pendant néerlandophone du MR), trouvera tout à coup qu’Uber n’est finalement pas si chic que ça ! Et prendra des mesures choc.
Une organisation sans comptabilité
L’entreprise se défend généralement en prétendant faire du covoiturage (tout comme Djump). Or, le covoiturage consiste à prendre une personne sur le trajet qu’on doit effectuer. Exemple : je sais que je dois aller de la Place Saint-Job à Koekelberg dans 1/2h, je l’indique dans une app prévue à cet effet, et les gens qui doivent faire le même trajet, ou une partie de celui-ci, peuvent s’inscrire. Je les conduis sur ma route. Je peux même le faire gratuitement, cela ne me coûte rien. Et cela réduit le trafic, puisque la personne ne doit pas engager une automobile (taxi ou Uber) pour un trajet qu’elle n’aurait pas fait sans cette commande. Uber, au contraire, ne réduit pas le trafic comme ses défenseurs l’affirment, mais l’augmente, puisqu’il offre une solution moins chère que les taxis et plus rapide que les transports en commun et attire un public supplémentaire dans le transport monopersonne avec chauffeur qui, sinon, aurait pris le train ou le bus.
D’autant qu’Uber incite ses chauffeurs à se rendre là où des affaires pourraient se faire. Dans un autre mail dont j’ai pu prendre connaissance, l’entreprise garantit le revenu des chauffeurs engagés aux heures de pointe : « Les heures garanties sont des heures durant lesquelles Uber garantit un certain chiffre d’affaires minimum. Cela signifie que si vous gagnez moins que le revenu garanti durant les heures fixées, Uber vous paie la différence ».
Uber insiste régulièrement sur le fait qu’elle n’offre qu’une application mettant en relation des personnes privées. Ces messages, envoyés à ses chauffeurs, montrent qu’au contraire, Uber crée un marché et l’organise, incitant ses fournisseurs — à considérer comme des sous-traitants, donc — à se présenter aux heures les plus intéressantes, à bénéficier d’un système de file virtuelle qui permet de générer des bénéfices soutirés aux taxis de Zaventem et de Bruxelles, conçu et entretenu par l’entreprise, ainsi qu’à respecter un certain nombre de règles de courtoisie (la petite bouteille d’eau…)
Elle décide également de garder les chauffeurs qui font un bon score auprès des clients et d’éliminer les autres du système (encore heureux, me direz-vous, mais ceci montre que les chauffeurs sont astreints au respect des règles imposées par Uber, ce qui implique une relation, au minimum, de client à fournisseur). Et dans tous ces cas, ceci impose soit un contrat d’emploi, soit l’établissement de factures avec TVA du chauffeur à Uber, et le paiement des cotisations sociales qui vont de pair avec l’activité clairement professionnelle. Sinon, il y a fraude fiscale et sociale.
Cela dit, même le piratage a du bon. Depuis l’arrivée d’Uber, les sociétés de taxis ont réagi en lançant une application encore trop peu connue, eCab. Elle permet de repérer les taxis les plus proches et de payer son trajet en ligne. Elle souffre d’un cruel manque de publicité, mais dans les circonstances actuelles, on se dit que la Région bruxelloise devrait s’en charger en partie. Après tout, il en va de la réputation de la ville. Et peut-être qu’enfin, les édiles de Zaventem et ceux de Bruxelles vont s’asseoir à la table des négociations avec les taxis pour créer un système permettant aux professionnels de ne plus rouler à vide, bêtement, entre l’aéroport et la capitale. Il suffirait que les taxis de Bruxelles soient autorisés à entrer dans la file à Zaventem et qu’en échange, ceux de Zaventem soient intégrés dans le système radio bruxellois, qui leur permettrait de prendre en charge les Bruxellois qui désirent aller à l’aéroport pour un peu moins cher qu’actuellement.
D’Uber-plafonnage à Uber-plombier
Certains cèdent au chant des sirènes d’un système soi-disant « citoyen », mais en fait financé par Google et GoldmanSachs, qui puise son succès dans le viol systématique des règles établies (ces règles ayant pour but d’assurer un système de taxis performant et sûr, rappelons-le), pour, non pas briser le soi-disant « monopole » des taxis (il y a en effet de la concurrence), mais bien pour s’arroger un véritable monopole, planétaire, celui-là, où Uber décidera bientôt du prix de toutes les courses, et où pour avoir cru payer moins cher un système « moderniste », le client se verra un jour imposer des prix encore plus élevés. Ces partisans d’Uber, de Djump ou d’AirBnB — qu’ils prennent pour de l’économie collaborative (même Gilles Vanden Burre, — Ecolo —, s’y est laissé prendre, à voir dans Les Experts du 28 mars)— oublient qu’on peut multiplier cela à l’infini.
Du plafonneur « particulier » mis en relation avec le client à un prix défiant toute concurrence au plombier « du soir » en passant par le restaurateur « d’occasion » ou le carrossier « dilettante », il n’y a pas de limites à ce genre de système. De toute évidence, tout ce qui n’est pas taxé coûte moins cher. On oublie que les taxes servent aussi à payer l’asphalte, l’éclairage, les ponts, la police, les « feux rouges », l’urbanisme, la gestion du trafic… toutes choses dont Uber profite gratuitement.
Enfin, il faudra que les brillants partisans de la concurrence à tout crin m’expliquent comment on augmente un PIB en insérant dans l’économie des pirates organisés qui ratatinent les prix et minent des pans entiers de notre économie. Qu’ils se rappellent que s’ils ne veulent pas de la croissance, la croissance ne voudra pas d’eux non plus.
Interrogé sur le mail introduisant le nouveau « service » pour l’aéroport, Uber m’a répondu : « je crains que nous n’ayons guère de commentaire à donner en réponse à votre question. » Reconnaissons qu’ils pouvaient difficilement mieux formuler leur réponse !
Mise à jour du 13 avril à 18h10 : suite à mon passage dans le journal de TV Brussel (également disponible en version française), Pierre Steenberghen, porte-parole de l’organisation professionnelle nationale des taxis GTL a évoqué la plainte déposée à Bruxelles par Taxis Verts (Bruxelles) contre Uber et évoque assez clairement une réaction probable des taxis de Zaventem : « Je crois que les taxis de Zaventem ne vont pas laisser passer ça sans réagir. » a-t-il dit au micro de Laetitia Janssens. Uber n’a pas souhaité réagir autrement qu’en disant chercher à satisfaire sa clientèle. Voilà, voilà.
Sinon, selon TV Brussel, me voilà donc officiellement « klokkenluider », sonneur d’alerte. Mais la traduction littérale me plaît beaucoup : « sonneur de cloches ». Et qui c’est qui va se les faire sonner ?
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William Rantale
avril 10, 15:33Marcel Sel
avril 10, 17:01Kobudo
avril 11, 15:25Pierre Steenberghen
avril 12, 23:46Nicolas
avril 13, 00:39William Rantale
avril 10, 15:39Pfff
avril 10, 16:25Cynique
avril 10, 16:42Marcel Sel
avril 10, 17:03Pierre Steenberghen
avril 10, 16:58uit 't zuiltje,
avril 10, 23:44Lachmoneky
avril 10, 20:35uit 't zuiltje,
avril 10, 23:37HACHIVILLE
avril 11, 10:20Eric Rutayisire Rutayisire
avril 11, 14:46Burton
avril 11, 17:05Burton
avril 11, 17:12Nicolas
avril 11, 22:18Pfff
avril 13, 13:42petitmf
avril 12, 00:54Salade
avril 12, 10:33uit 't zuiltje,
avril 13, 01:27Tournaisien
avril 12, 12:14uit 't zuiltje,
avril 13, 01:36uit 't zuiltje,
avril 13, 21:46Pfff
avril 15, 12:36Pfff
avril 15, 14:54Pfff
avril 15, 12:10Pfff
avril 13, 12:22Marcel Sel
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avril 15, 13:14MUC
avril 17, 13:17uit 't zuiltje,
avril 15, 01:15Marcel Sel
avril 15, 11:35uit't zuiltje
avril 15, 15:53Marcel Sel
avril 16, 12:45Tournaisien
avril 15, 21:43Tournaisien
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avril 16, 08:07Marcel Sel
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avril 17, 19:28Marcel Sel
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avril 13, 09:07Marcel Sel
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avril 17, 19:23Salade
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avril 15, 00:20willy
avril 16, 10:54Pfff
avril 16, 17:37Marcel Sel
avril 17, 12:49Pfff
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avril 17, 16:09Marcel Sel
avril 18, 14:09thomas
avril 20, 08:51Pfff
avril 20, 09:49thomas
avril 20, 08:59Samantha R
avril 21, 11:48parking roissy
mars 24, 14:15Lachmoneky
mars 26, 20:25