Ecolo et les Frères 1. De Taizé à Sidi-Josse.

Le 30 novembre 2023, Ecolo a tenté d’autoriser le voile islamique pour tous les fonctionnaires de la commune bruxelloise d’Anderlecht, rompant avec la tradition belge de neutralité de l’administration. Ce coup de force n’était que le dernier épisode en date d’une très longue liste de complaisances envers le fondamentalisme islamique.

Jusque là, tant les médias que les autres formations épargnaient ce parti de la majorité. Cette fois, des voix plus critiques se sont élevées, jusqu’au très sobre président de Défi (centre démocrate francophone), François De Smet, qui n’a pas hésité à affirmer qu’Ecolo faisait « le jeu de l’islam politique ». En réponse, le ministre écologiste bruxellois, Alain Maron a jugé ces propos « insultants et outranciers », sur LN24, non sans prétendre que « l’islam, il est pour l’égalité entre les hommes et les femmes ; ils sont pour le droit à l’avortement »…

La réalité, on va le voir, c’est qu’en Belgique, l’écologie politique et l’islamisme ont effectivement fini par s’imbriquer parfaitement. Mais comment Ecolo, en est-il arrivé là ?

Ecolo et les Frères est un feuilleton sur l’entrisme islamiste chez Ecolo.

Laïques, Taizés-vous.

Ecolo fut fondé en 1981 par des écologistes laïques. Mais dix ans plus tard, les déçus du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC), l’aile gauche du Parti Social Chrétien (PSC, aujourd’hui Les Engagés) l’ont rejoint. Ils avaient pour chef de file l’avocat Vincent Lurquin, président de l’éphémère parti SEP (Solidarité Et Participation), qui venait d’être laminé aux élections. Lurquin se retrouva ainsi sur les listes de membres d’Ecolo, avec Marcel Cheron, qui sera ensuite élu député wallon. 

Cette entrée catholique serait, selon une ancienne personnalité du parti, l’amorce de sa dérive religieuse. Une autre m’explique que « depuis le départ de Jacky Morael [figure historique d’Ecolo considéré par certains comme « bouffeur de curés » NDLA], tous les secrétaires fédéraux (appelés coprésidents à partir de 2007) sont issus du monde chrétien : Jean-Michel Javaux, Isabelle Durant, Patrick Dupriez, Sarah Turine, Jean-Marc Nollet. » C’est un peu radical, mais il est vrai que le catholique le plus affirmé des coprésidents nommés, Jean-Michel Javaux, figurait en 2010 dans un top 20 du Soir des « Catholiques les plus influents ». C’est aussi l’homme qui est resté le plus longtemps à la tête du parti, de 2003 à 2012.

En 2017, un autre catholique fervent, le député européen Philippe Lamberts, affirmait au Vif/L’Express qu’il passait tous ses étés dans la communauté religieuse de Taizé. Il ajoutait : « confiner la religion à la sphère privée, je ne l’accepte pas ». Une déclaration détonante, radicalement antilaïque, qui n’a pas fait moufter grand monde. Au passage, Lamberts faisait aussi le lien entre sa conviction catholique et la lutte contre « le néolibéralisme ». Dieu est un moteur politique.

Certains estiment que de là est née une certaine souplesse envers d’autres entrismes religieux : entre croyants, on partage plus volontiers une vision où la laïcité n’est plus un principe nécessaire en démocratie, mais un problème. Comme en témoigne une position pro-voile du Conseil de la Jeunesse catholique. Ou encore, les positions de BePax (ex-Pax Christi), une organisation qui a, un temps, eu l’un des fondateurs du CIIC (ex-CCIB) dans son conseil d’administration. Oui, ce même CCIB considéré par la Sûreté de l’État comme pour le moins proche des Frères musulmans !

 

Sidi-Josse 

Et c’est effectivement pendant le « règne » de Jean-Michel Javaux que l’aile « islamogauchiste », pour utiliser un terme décrié mais que tout le monde comprend, a commencé à prendre ses aises. En particulier à Saint-Josse-Ten-Noode, la plus petite commune bruxelloise, entre le centre historique et la grande commune de Schaerbeek, patrie de Jacques Brel.

Avec ses petites rues centenaires, non sans charme, aux pieds des institutions européennes, Saint-Josse a le revenu moyen le plus bas du pays, avec 11.082 euros euros par habitant, deux fois moins que la moyenne nationale. Un niveau plus proche de la Pologne ou de la Grèce que du reste de la Belgique.

En 2013, c’était aussi la commune la plus « islamique » de Belgique, avec 44% de musulmans, un habitant sur deux ayant des origines turques. Derrière le parti du bourgmestre historique Emir Kir — exclu du Parti Socialiste pour avoir rencontré officiellement des Loups-Gris (soit l’extrême droite turque) —, la seconde formation politique est aujourd’hui Ecolo, après une croissance remarquable. Entre 2006 et 2018, les verts sont passés de 12% à 25% des voix, tandis que les libéraux et les catholiques s’effondraient. 

Ce succès est principalement dû à l’engagement communautariste de deux conseillers communaux écologistes [équivalent des conseillers municipaux en France NDLA] : Zoé Genot, députée bruxelloise et sénatrice, et Ahmed Mouhssin, également député bruxellois. 

Selon l’essayiste Claude Demelenne, (qui fut l’un des premiers à lancer l’alarme sur les liens entre écolos et islamistes), Ahmed Mouhssin était « le candidat des mosquées ». C’était aussi un ancien de Vigilance musulmane, un Think tank animé par un proche de l’AKP d’Erdogan.

De fait, Mouhssin n’a jamais hésité à défendre des valeurs rétrogrades. En 2008, il lançait une offensive contre le « Guide du Respect » que Ni Putes Ni Soumises distribuait alors dans les écoles. Son problème : ce manuel rappelait que les jeunes filles avaient le droit d’avoir des relations sexuelles à partir de 16 ans. Pour Ahmed Mouhssin, cela revenait en fait à « inciter à la débauche de mineurs », sur base d’une analyse assez fumeuse de la loi. 

Et de rappeler que, pour Ecolo : « Il convient d’intégrer dans le cursus scolaire des animations à la vie relationnelle, affective et sexuelle, adaptées à l’âge et au milieu d’origine des enfants. » En d’autres termes, ces animations, lorsqu’elle ont lieu à Saint-Josse, doivent s’adapter à l’islam !

Selon une source au parti, lors d’un débat interne à Ecolo, en 2012, Ahmed Mouhsin aurait été jusqu’à proposer que le parti reconnaisse le créationnisme « au nom de la tolérance cultuelle et culturelle ». Contacté, Ahmed Mouhssin conteste avec force : « ces allégations sont entièrement fausses », et se dit préoccupé que votre serviteur considère « comme crédible que de tels propos aient pu être tenus lors d’une réunion écolo ». 

On retrouvera pourtant une position similaire quelques années plus tard chez Farida Tahar, la première députée et sénatrice voilée du parti. Mais cette fois, en public ! J’y reviendrai.

 

Le voile pour étendard

La plus influente des deux est probablement Zoé Genot. Elle a récemment annoncé quitter la politique après les prochaines élections de 2024, sous les félicitations chaleureuses de ses pairs. C’est une passionnaria. Très à gauche, très communautariste, très palestiniste. Elle incarne à la perfection ce que certains appellent l’islamogauchisme. « Elle fonctionne en réseau, elle est très proche d’Ahmed Mouhssin », me dit-on. 

En 2009, elle était — avec l’actuelle ministre fédérale du Climat Zakia Khattabi, parmi les initiatrices « féministes et laïques » (sic) d’une pétition visant à autoriser le voile dans toutes les écoles. Zoé Genot en avait « ras le bol de voir ces mêmes idéologues s’approprier le féminisme pour prôner un interdit qui nuit à l’émancipation des principales intéressées. » 

Elle affirmait aussi qu’une interdiction du voile islamique entraînerait un repli communautaire et empêcherait les jeunes femmes de « se frotter à d’autres conceptions de rapports femmes/hommes » que celles de leur communauté. Outre que sa logique est absurde (l’interdiction du port du voile à l’école permet justement aux jeunes musulmanes de découvrir des rapports femmes/hommes différents), la pratique suggère exactement l’inverse…

Évidemment quand, la même année, le CDH, refondation « humaniste » du vieux Parti Social Chrétien, faisait élire la première députée voilée de Belgique et d’Europe, Mahinur Özdemir, Zoé Genot a immédiatement salué « un exemple d’émancipation pour les femmes ». 

 

L’émancipation à la Erdogan 

Pourtant, Mahinur Özdemir était une intime de Recep Tayyip Erdogan, qui fut d’ailleurs présent à son mariage. Elle était aussi, selon Suffrage Universel, la fille d’un responsable des Loups Gris (encore eux), l’extrême droite turque, dont la branche politique, le MHP, était itou à la cérémonie. Ça devait être un détail, parce que peu de gens s’en émurent. 

Et pas l’ombre d’un journal belge ne remarqua que, l’année suivante, Mahinur Özdemir était mise à l’honneur dans un meeting de Milli Görüs, les frères musulmans turcs, à Essen (Allemagne). Ils fêtaient ainsi bruyamment l’entrée de l’une des leurs dans un parlement européen.

Il s’est avéré, en 2015, que cet « exemple d’émancipation », selon Zoé Genot, refusait de reconnaître le génocide des Arméniens. Conséquence logique : l’exclusion du parti humaniste. Sous les protestations de plusieurs amies Ecologistes, dont l’actuelle coprésidente, Rajae Maouane, qui la présenta comme une « victime d’une chasse aux sorcières. » Ou encore, la sénatrice voilée Farida Tahar, qui lui assura son « soutien total » et accusa le CDH d’avoir trouvé un « prétexte pour l’exclure ».

 

Mahinur Özdemir est aujourd’hui ministre de la Famille de l’autocrate turc, chargée de faire appliquer des mesures qui sont radicalement à l’opposé de cette fameuse « émancipation ». Un exemple : le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, en 2021, qui proscrit la violence envers les femmes. Une convention décidément trop féministe pour ce fieffé patriarcat erdoganien.

 

Recruteurs de Frères

Mais revenons en 2009. Tandis que Mahinur se prépare à être élue, le duo Ahmed Mouhssin / Zoé Genot va lui aussi recruter dans les rangs des Frères musulmans de l’obédience Ramadan, en tentant de faire entrer Abdelmajid Mhauchi chez Ecolo. Celui-ci est alors trésorier et cofondateur de l’European Muslim Network de Tariq Ramadan et Malika Hamidi. Cette dernière est aussi l’effigie du « féminisme » islamique [voilé] imaginé par son mentor. 

Ecolo rejette la candidature. Selon Mhauchi lui-même, le parti lui a barré la route à cause d’un screening négatif de la Sûreté de l’État. Oupsie. Ahmed Mouhssin, lui, a une toute autre explication: l’European Muslim Network n’est pas assez connu pour intéresser Ecolo. Seuls Mouhssin, Genot, et un troisième député Ecolo aujourd’hui rangé des bagnoles, Fouad Lahssaini connaissent alors cette initiative frériste, et savent donc très bien où ils ont mis les pieds. 

Détail piquant : ce troisième larron, Fouad Lahssaini, n’est autre que ce député écologiste qui, un an plus tôt, a invité un haut-représentant du Hezbollah, ainsi que le directeur de la chaîne libanaise Al Manar (Hezbollah également) à un colloque au…  Parlement fédéral.

Lorsque dix ans plus tard, on apprendra que Tariq Ramadan est poursuivi pour viol. Ahmed Mouhssin commentera « c’est comme un TGV qui nous passe dessus. C’est super-violent. » Un fan…

L’European Muslim Network sera alors repris en main par Ibrahim El-Zayat, considéré comme le plus haut responsable des Frères musulmans en Allemagne. Et Abdelmajid Mhauchi, le candidat malheureux à une place chez Ecolo, figurera toujours dans l’équipe belge de l’organisation, toujours aux côtés de Malika Hamidi. Frères et fidèles.

 

Les mains dans le cambouis terroriste

Le duo Mouhssin/Genot a aussi pour hobby étrange de défendre bec et ongles des personnes accusées de terrorisme. En 2011, Ahmed Mouhssin lance un appel à plusieurs ministres pour libérer Ali Aarrass et protester contre l’extradition de ce Belgo-marocain par l’Espagne vers le Maroc. Il y a été condamné pour terrorisme, mais le jugement est contesté par la bande à Ahmed, notamment.

Dans la foulée, et à la suite du député et avocat Vincent Lurquin (l’ex du Mouvement Ouvrier Chrétien passé à Ecolo dont je vous ai parlé plus haut), Ahmed Mouhssin demande aussi — et sur le site d’Ecolo s’il-vous-plaît — la libération d’Oussama Atar qui a été condamné en Irak à dix ans de prison pour le seul fait, selon le député Ecolo, d’avoir « traversé illégalement la frontière syro-irakienne ». Une autre écologiste, Juliette Boulet, cosigne ce dossier. Elle sera ensuite bombardée cheffe de cabinet de la ministre Ecolo de l’Environnement wallon, Céline Tellier.

Quelques années plus tard, on apprendra que le « gentil volontaire » Oussama a en réalité été arrêté en possession d’une arme et qu’il s’est même blessé en tentant de dégoupiller une grenade. C’est le même Oussama Atar qui organisera les attaques terroristes de Paris en novembre 2015 (dont le Bataclan) et de Bruxelles, en 2016, pour le compte de l’État islamique. 

Au crédit de notre duo, toutefois, le fait que bien d’autres politiques, et même la Sûreté de l’État, se sont alors laissés bernés par ce futur bourreau de masse, qui se présentait comme « humanitaire ».

 

Zoé qui fait boum

Outre Aarass et Atar, Zoé Genot défend Abdelkader Belliraj, un homme qui a avoué (sous la torture selon lui) avoir assassiné six personnes en Belgique, dont le docteur Wybrand, président du CCOJB (Comité de coordination des organisations juives de Belgique). 

En 2012, le comité Free Ali (Aarrass), dont Zoé et Ahmed sont proches, publie une ode intégrant quatre autre condamnés pour terrorisme emprisonnés au Maroc (Abdelkader Belliraj, Hicham Bouhali Zriouil) ou en Belgique, comme Malika Al Aroud, la « veuve noire du jihadisme » qui a envoyé des dizaines de jeunes au Jihad, et Nizar Trabelsi, qui a tenté un attentat suicide sur la caserne de Kleine Brogel avant d’être extradé, certes illégalement, vers les Etats-Unis. 

Si tous les citoyens ont le droit d’être défendus, on peut s’interroger sur la manie de cette paire d’écologistes de défendre principalement et aussi bruyamment des terroristes islamistes, fussent-ils présumés, ou en devenir.

Et à propos des autres citoyens, lorsqu’en novembre 2013, j’ai alerté quelques politiques, dont Zoé Genot, pour leur demander de soutenir le rapatriement de la petite Dipika et de sa maman adoptive coincées au Népal, celle-ci m’a fait comprendre que le sujet était trop touchy pour elle. À mon grand étonnement, seuls des mandataires N-VA (et quelques libéraux) acceptèrent de défendre publiquement la maman brugeoise pourtant… francophone !

Néanmoins, antifasciste dans l’âme, Zoé Genot a toujours été prête à grimper sur toutes les barricades lorsqu’il s’agit de lutter contre l’extrême droite européenne. Curieusement, sa tolérance est inversement proportionnelle quand cette extrême droite est… turque.

Ainsi, en 2018, un candidat Ecolo de sa commune, Kenan Aydogan, s’est fait remarquer en faisant le signe des Loups Gris sur une photo « privée ». Zoé l’a alors défendu dans un vibrant plaidoyer, a passé l’éponge et le candidat a été élu. 

Mais début 2019, Aydogan a dû démissionner après avoir été interrogé dans une affaire de braquage, pour laquelle il a ensuite été reconnu coupable. Et boum !

 

Dans l’épisode suivant, nous verrons comment Zoé Genot a imposé sa patte « islamogauchiste » jusqu’à la tête du parti.

 

À suivre, l'épisode 2 : « Zoé, Zakia, Zibouh ».

 

Tant que vous êtes là…


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