Les employés de la STIB rejettent les signes convictionnels et le prosélytisme.
Il y a quelques mois, la STIB était condamnée par un tribunal bruxellois pour ne pas avoir engagé une femme qui refusait de retirer son voile au travail. Le jugement avait fait l’objet de critiques acerbes. Mais sous l’impulsion d’Ecolo, la Région bruxelloise a empêché sa société de transports publics de faire appel de cette décision, à la grande joie des islamistes qui n’en espéraient pas tant. Le retour de manivelle vient à présent du personnel de l’entreprise, très majoritairement opposé au port de signes convictionnels.
Suite à ce jugement, la STIB a en effet lancé une enquête interne, menée l’été dernier et dont les résultats viennent de me parvenir via un vent favorable. Elle révèle qu’une majorité d’employés ne souhaitent pas que les signes convictionnels soient autorisés dans l’entreprise, qu’il s’agisse de fonctions hiérarchiques ou non, y compris lorsque les personnes ne sont pas en contact avec le public. L’enquête révèle de surcroît que le prosélytisme (toutes convictions confondues) est intense dans la société de transport.
Ainsi, 41 % des salariés ne se sentiraient pas « à l’aise » si un ou une collègue portait un signe convictionnel, philosophique ou politique. Ce sentiment d’inconfort monte à 48 % chez les femmes. Seuls les musulmans sont très minoritaires à le penser — même si c’est bien le cas pour un musulman sur 10. En revanche, il frôle ou atteint les 60 % chez les chrétiens, les athées et les croyants syncrétiques.
Une majorité claire contre les signes convictionnels
En posant la question autrement, on découvre que 63 % des salariés préféreraient qu’il n’y ait pas de signes ou vêtements convictionnels du tout. Seuls les musulmans y sont légèrement favorables (53 %), mais même là, 35 % s’affirment contre. Ces derniers sont aussi 26 % à penser que le port de tels symboles nuit à l’image de la STIB.
L’opposition aux signes convictionnels est surtout écrasante chez les chrétiens (78 %), les athées (77 %), les agnostiques (79 %), et plus encore chez les adeptes de la morale laïque et les croyants syncrétiques (81 %). Quand on examine la répartition selon les âges, il n’y a que chez les 18 à 35 ans que l’opposition à ces signes est minoritaire (36 %). Mais aussi beaucoup plus hésitante, puisque 27 % des jeunes n’ont pas d’avis.
La STIB s’est aussi penchée sur les discriminations en fonction des convictions. Elles concernent 12 à 13 % des répondants, selon qu’il s’agisse d’être reconnu à sa juste valeur ou de se penser exclu de réunions, d’activités sociales, de discussions ou de décisions professionnelles.
Et les hommes sont deux à trois fois plus nombreux que les femmes à s’en plaindre. L’impression de ne pas être reconnu à sa juste valeur concerne par ailleurs deux fois plus les personnes d’origine étrangère (ou du moins ceux qui ont au moins un grand-parent d’origine étrangère).
Si les adeptes de l’islam le ressentent plus souvent que la plupart des autres (16 %), ce sont les croyants d’une religion « autres » (judaïsme, bouddhisme et animisme) qui se sentent le plus méjugés (19 %). Suivent onze pour cent des catholiques, des agnostiques, et 13 % des syncrétiques. Seuls les adeptes de la morale laïque ne semblent pas s’en plaindre, avec moins d’un pour cent. Youpi pour eux.
Les agnostiques écartés
L’ordre change lorsqu’il est question de se sentir exclu de réunions ou de discussions professionnelles. Cette impression concerne plus d’un cinquième des croyants syncrétiques (22 %) et des agnostiques (21 %), pour 16 % de musulmans et 11 % d’athées.
Ce sont aussi les agnostiques qui déclarent le plus souvent faire l’objet de blagues liées à leur croyance (21 %), devant les croyants sans religion précise (19 %), les musulmans (18 %), les athées (14 %), ou encore les catholiques (13 %).
Et si vous ne voulez pas être évité(e) par des collègues en raison de vos convictions à la STIB, il vaut mieux être de morale laïque (3 %). Pour les autres, c’est pénible : on grimpe à 28 % pour les agnostiques, 22 % pour les croyants sans religion, 21 % pour l’islam, 20 % pour l’athéisme, 17 % pour le christianisme, etc. Là encore, seuls les adeptes de la morale laïque s’en sortent bien, puisqu’ils ne sont que 3 % à penser que des collègues les évitent en vertu de leur conviction !
On notera au passage que les musulmans ne sont pas plus discriminés que les autres, en tout cas pas dans cette société bruxelloise, malgré l’impression que tentent d’en donner les divers collectifs proches des Frères musulmans.
La discrimination ethnique en tête
Dans les quatre catégories précitées, l’ethnicité est un facteur généralement plus important de discrimination ressentie que les convictions, surtout pour la reconnaissance de la juste valeur (21 %) et les blagues (19 %). Mais le sentiment d’exclusion du fait du genre (de 7 à 10 %) et de l’orientation sexuelle (de 4 à 6 %) rappelle que nous sommes toujours dans une société relativement patriarcale et probablement homophobe (dès lors que l’orientation non hétérosexuelle est plus rare, ces 4 à 6 % semblent très élevés). À juste titre, la STIB souligne qu’un plan de lutte contre les discriminations doit être envisagé.
Enfin, le prosélytisme semble être le problème le plus criant. Ne vous réjouissez pas trop vite à la droite de la droite. L’enquête ne précise pas de quel prosélytisme il s’agit ni ne fait le tri : on parle de convictions politiques, philosophiques et religieuses. Mais pas moins de 22 % des salariés affirment y avoir été exposés, et ça monte à 27 % chez les ouvriers. Logiquement, ils sont près d’un tiers à en avoir été témoins.
Le prosélytisme ne passera plus.
Là encore, certaines convictions font l’objet de plus de prosélytisme que d’autres : près de la moitié des croyants syncrétiques s’en plaignent (44 %). Ils sont plus d’un quart chez les agnostiques et les athées (27 %), les croyants sans religion et les chrétiens (26 %). Et 20 % des pratiquants des religions « autres » (juive, bouddhiste, animiste) s’en plaignent. Ici, ce sont les musulmans et les laïcs qui s’en plaignent le moins, avec 14 et 11 %…
Qu’il s’agisse principalement de prosélytisme religieux ou politique, tout cela semble beaucoup inquiéter les salariés de l’entreprise, puisque les trois quarts des hommes (76 %) et encore plus de femmes (78 %) veulent en être protégés.
Difficile de tirer des conclusions sur ce sujet très vaste. Mais en ce qui concerne les signes convictionnels — le voile islamique étant de loin le plus discuté —, on constate qu’ils ne sont pas vraiment les bienvenus à la STIB et qu’une proportion de musulmans loin d’être négligeable n’en veut pas non plus. C’est donc bien bien un camouflet envoyé à la Région bruxelloise par les salariés des transports publics eux-mêmes. Et un rappel que la laïcité — que certains milieux prétendent « à la française » pour mieux la discréditer — est beaucoup plus belge qu’on ne veut bien l’admettre.
Si vous pensez que cet article est intéressant, vous pouvez me soutenir en faisant un don. Notez qu’en-dessous de 2€, les frais sont prohibitifs.
© Marcel Sel, 2023. Reproduction interdite sans accord de l’auteur.
9 Comments
Bison, la colle super-puissante
février 20, 20:37marcel
février 21, 13:15Bison, la colle super-puissante
février 21, 17:17marcel
février 21, 19:18Bison, la colle super-puissante
février 21, 21:39marcel
février 22, 09:37Bison, la colle super-puissante
février 22, 11:28marcel
mars 16, 18:36Bison, la colle super-puissante
février 20, 20:43