Affaire Collon : ce mardi, je serai au tribunal pour défendre le droit d’utiliser le mot « antisémite ».

CC0 Pixabay.com

En 2018, après que la présence du président de la Ligue des Droits de l’Homme Alexis Deswaef fut annoncée dans un « débat » sur Israël mené par Michel Collon, — l’inventeur des « médiamensonges » et auteur du brûlot « Israël, parlons-en » , j’ai alerté au moyen d’un article très fouillé que M. Deswaef donnait, à mon avis, une caution complaisante à un antisionisme qui dissimulait un antisémitisme habilement réorienté sur la lutte contre Israël. 

Il me paraissait donc extrêmement choquant que le président d’une ligue née de l’affaire Dreyfus s’associe à ce qui ne serait qu’une longue diatribe contre Israël, avec un nombre peu banal de militants « antisionistes ». 

Dans mon article à la fois très détaillé et satirique, je confrontais la LDH à ses propres principes. Michel Collon, qui n’était pas le sujet central de l’article, a alors exigé via son avocat que je l’efface intégralement, ce qui relevait de la censure. J’ai évidemment refusé. Il m’a alors cité au civil, exigeant 10 000 euros de dommages et intérêts. Plus les indemnités, frais, etc. 

Ce fut ma première citation en justice, mais je n’étais pas le premier à être cité pour avoir qualifié Michel Collon « d’antisémite ». Un professeur suisse avait subi le même sort. Mais se défendant sans avocat, et reconnaissant malhabilement qu’il n’avait pas étudié la question en profondeur, il avait été condamné.

Plus de 300 sources consultées avant de conclure
N’ayant pas les moyens de la partie adverse et considérant que mon billet de blog était d’intérêt public, j’ai fait appel au public pour la première fois. Il a compris l’enjeu et répondu massivement (encore merci à toutes et tous) à mon tout premier crowdfunding.

Dans leurs conclusions et à l’audience, mes avocats sur cette affaire, Jacques Englebert et Audrey Adam, ont fait valoir la jurisprudence de la CEDH, mais aussi mon importante recherche — j’ai pu démontrer que j’avais consulté plus de 300 sources avant d’émettre l’opinion que Michel Collon était antisémite. 

Ce dernier a été débouté en ces termes : « Condamner le défendeur l’obligerait au silence au sujet de M. Collon, alors que celui-ci (…) n’est pas un citoyen anonyme et ne se prive pas de prendre publiquement des positions tranchées sur les sujets d’actualité que M. Marcel Sel se plaît à commenter dans le style railleur qui est le sien, qu’il s’en suit que faire droit à la demande serait regardé comme la permission donnée à l’un de s’exprimer et l’interdiction faite à l’autre d’encore le critiquer ». 

Michel Collon a immédiatement fait appel.

L’enjeu : la possibilité d’un débat public équitable
Quatre ans plus tard, l’enjeu est donc remis sur le tapis et il n’est pas banal. Car le danger de cette procédure dépasse la seule liberté d’expression : il réside aussi dans le fait que M. Collon considère qu’on ne peut accuser d’antisémitisme que des personnes qui auraient été condamnées pour de tels faits. Cela revient à dire que, dans le débat public, on n’aurait pas pu estimer que Dieudonné ou Soral fussent antisémites avant leurs jugements. Ni que Geert Wilders fût islamophobe. Ni qu’Éric Zemmour fût raciste. Ni même que Marine Le Pen fût d’extrême droite. 

Islamophobie (au sens de haine envers les musulmans), racisme, extrême droite, voilà des accusations que Michel Collon lui-même réserve pourtant sans complexes à des gens qui, non seulement, n’ont jamais été condamnés pour de tels faits, mais dont il aurait de surcroît toutes les peines du monde à les rassembler. Il en va par exemple de Boualem Sansal, auteur magnifique et lauréat du prix Goncourt. 

Une telle stratégie, si le tribunal l’autorisait, permettrait aux antisémites non affirmés (y en a-t-il d’autres ?) de ne plus devoir être confrontés à la critique tout en étant eux-mêmes autorisés à distribuer des brevets d’islamophobie, de racisme, ou d’extrême droite. Ce serait la fin d’un débat libre sur le sujet, à l’avantage des seuls antisémites.

Et, comme pour démontrer la sagesse du juge de première instance, juste après avoir été débouté, Michel Collon a publié un article dans lequel il me qualifiait sans rire de « blogueur d’extrême droite » et dès le titre.

Ma première audience au tribunal de cette année se tiendra ce mardi 21 février à 9 h 30, au Palais de Justice de Bruxelles. Le jugement interviendra dans un peu plus d’un mois.

Et si vous croisez les doigts, ne le faites donc pas pour moi. Faites-le pour nous.

 


Informer sur l’antisémitisme et l’islamisme est périlleux en Belgique. En deux ans, j’ai fait l’objet de cinq citation, plus deux appels, et de deux signalements au Conseil de l’Europe, financés ou organisés par l’AJP, l’EFJ et la RTBF. J’attire votre attention sur le fait que dans le cas présent, en cas de victoire, les indemnités seraient en principe suffisantes pour financer les ultimes frais d’avocats. En cas de condamnation, c’est l’inverse.
Dans ce combat pour une information libre, je n’ai d’autres ressources que votre bonne volonté. Vous pouvez me soutenir en faisant un don. En-dessous de 2€, les frais sont prohibitifs. Enfin, le soutien moral aide aussi.

© Marcel Sel, 2023. Reproduction interdite sans accord de l’auteur.

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