Acquitté. Un petit pas pour moi, un saut dans le vide pour la presse en ligne.
Mise à jour (en italique gras) des dates des courriers échangés par les deux parties, erronées dans la première version.
Le mardi 1er décembre 2020, j’ai été acquitté par la 61e chambre du tribunal correctionnel de première instance dans le procès qui m’était intenté par Florence Hainaut et Myriam Leroy, soutenues par l’Association des Journalistes de Presse (AJP). Elles me reprochaient d’avoir refusé de publier leurs cinq droits de réponse visant trois de mes articles sur « le Pouvoir du Victimisme ». Le tribunal a notamment reconnu qu’au « vu des éléments repris ci-avant et concernant le caractère injurieux de certains termes et l’implication de tiers sans nécessité, le prévenu pouvait refuser de publier les droits de réponse. »
Avant de détailler le verdict et ses effets, je remercie fraternellement tous ceux et toutes celles qui m’ont soutenu verbalement ou en participant au crowdfunding. Il m’a permis de bénéficier de l’excellente (et urgente — vous le verrez) défense d’un avocat liégeois. En une semaine, votre participation s’est élevée à un peu plus de 6 800 € ! Ce qui a visiblement marqué la partie civile. Lors de l’audience, Florence Hainaut a conclu sa déclaration finale par : « La liberté d’expression [que Marcel Sel] dit défendre aujourd’hui grâce à un crowdfunding qui lui a rapporté près de 7000 euros, on aimerait aussi en bénéficier ».
Mais si mon acquittement me réjouit à titre personnel, il ne contient pas que « du bon », pour la presse et les médias en ligne ou les blogs : il va même à l’encontre de ce qu’ils réclament (et pratiquent) depuis des années en la matière.
Le syndicat des journalistes contre la presse en ligne
Et l’Association des Journalistes professionnels (AJP) est indirectement à l’origine de cette décision précisément contraire à celle que la RTBF avait obtenue quelques semaines plus tôt, en première instance civile et sur laquelle nous avions partiellement basé ma défense : il fut alors jugé que les sites internet n’étaient pas concernés par la loi sur le droit de réponse.
Or, l’AJP a soutenu partie civile financièrement, qui a soutenu et obtenu l’inverse. C’est d’ailleurs l’un des avocats auxquels elle fait souvent appel, auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet, qui a apporté son savoir en matière de droit des médias à l’avocate des deux plaignantes.
Et à mon grand étonnement, celui-ci a donc défendu une jurisprudence inverse à celle souhaitée par les médias, par la plupart des journalistes et par… le Sénat.
À titre d’exemple amusant, j’ai appliqué les conditions qu’on a prétendu m’imposer à un droit de réponse imaginaire que j’enverrais « contre » un article de BX1 (qui me cite dans le cadre de la polémique engendrée par l’exclusion des blancs lors d’une conférence d’Imazi.Reine). Et ce, à partir d’extraits du premier droit de réponse que m’a envoyé Myriam Leroy. Comme on peut le voir, avant de lire l’article original de BX1 en lui-même, le lecteur devrait se farcir 12 000 signes (caractères + espaces) de diatribe, soit environ 4 pages écrans.
Je crois que la démonstration suffit pour qu’on comprenne que Florence Hainaut et Myriam Leroy ont exigé de moi, jusqu’au palais de Justice une pratique qu’aucun organe de presse n’accepterait, et cela, avec le soutien de… l’AJP !
L’AJP m’accuse désormais de harcèlement
J’ai averti Martine Simonis, secrétaire générale et juriste de l’Association des Journalistes Professionnels, que j’allais publier que l’AJP finançait les poursuites à mon égard et conformément à la déontologie journalistique, je lui ai donné la possibilité de réagir. Voici in extenso ce qu’elle m’a répondu, qui est donc la réponse officielle de l’AJP :
« L’union professionnelle défend ses membres. M. Leroy et Fl. Hainaut sont membres de l’Union professionnelle. L’Union professionnelle défend M. Leroy et Fl. Hainaut. Le syllogisme est parfait, et, en l’occurrence, vérifié. Un autre ? L’Union professionnelle défend les journalistes femmes harcelées. Marcel Sel harcèle deux journalistes femmes depuis des années. L’Union professionnelle les défend contre Marcel Sel. Au-delà, une Union professionnelle (et son conseil de direction) n’a de comptes à rendre qu’à ses membres, réunis en AG ».
Vous aurez noté que la secrétaire du syndicat des journalistes, dont on pourrait attendre qu’il soit un modèle de rigueur en matière de preuves et d’analyse des faits, m’accuse sans le début de commencement de preuve — et dans une réponse officielle qui engage l’AJP — de harcèlement envers Florence Hainaut et Myriam Leroy. Et confirme donc que je suis bien une cible pour le syndicat.
Je reviens plus bas sur les conséquences de ce jugement pour les médias en ligne. Voyons d’abord ce qui était jugé.
« Marcel Sel harcèle deux journalistes femmes depuis des années. » (AJP)
Coup de balek
Suite au « Balek-Gate » et à la campagne de dénigrement qui a suivi et qui a notamment atteint ma famille avec l’approbation de la Fédération européenne des Journalistes, j’ai estimé nécessaire, et d’intérêt public, la publication d’une série de cinq articles sur le pouvoir du victimisme qui était à l’origine, selon moi, de toute l’affaire, et de ses débordements multiples : mise en cause de journalistes, de chercheurs, de membres du Centre d’Action Laïque, de l’Observatoire des Fondamentalismes, etc. Mes trois premiers articles, publiés les 11, 12 et 13 septembre, mettaient en cause Florence Hainaut. Le troisième impliquait aussi Myriam Leroy. Le tout, sur base de nombreux faits, témoignages et documents.
Les deux journalistes m’ont alors fait parvenir cinq droits de réponse (pour un total de 100 000 caractères, espaces compris) par l’intermédiaire de l’avocat spécialisé, entre le 20 septembre et le 7 octobre 2020. Avec un ordre de publier assorti de conditions très dures, dont le fait de les afficher au-dessus de mes articles incriminés. Comme chacune des plaignantes avait envoyé un droit de réponse pour le premier article (tout comme le troisième), cela revenait à le faire précéder d’un total de 40 000 signes de réponse ! Ce qui rendait mon papier inaccessible. Raison pour laquelle j’ai parlé de « censure ». On ne m’interdisait pas de m’exprimer, certes, mais on « noyait » mon expression sous une montagne de contestations.
Dès la première réplique, Myriam Leroy annonçait la couleur : « Je ne souhaitais pas donner à l’auteur de ce blog le crédit de m’abaisser à répondre […] Je ne le considère nullement comme journaliste. Mais comme un militant de l’ordre établi qui, pour nourrir son biais de confirmation, se fait le relai (sic) de vengeances de désaxés. » Excusez du peu.
Qui a pu diffuser l’accusation calomnieuse que je « harcelais » Myriam Leroy « depuis des années » , sinon elle-même ?
Suivaient 25 000 signes imaginant une « alliance » entre moi-même et plusieurs autres personnes, et mettant notamment en cause trois journalistes, deux rédacteurs en chef ainsi que le harceleur présumé de Myriam Leroy — soit six personnes, dont aucune n’apparaissait dans mon article ! Et elle y citait mon patronyme — dont elle sait pertinemment que j’essaie de le préserver —, à 19 reprises.
Pourtant, je n’avais cité Myriam Leroy qu’à titre très subsidiaire dans ce premier article, pour relever qu’un éditeur très complaisant de sa page Wikipedia avait écrit que je l’aurais « harcelée », alors que je n’avais pratiquement jamais interagi avec elle. That’s all.
Le seul élément factuel de ce droit de réponse, qui faisait 11 pages sur mon ordinateur (le juge a pour sa part déclaré « aucun des droits de réponse ne fait 11 pages » — d’où le fait que je parle désormais en nombre de caractères), était que Myriam Leroy réfutait connaître la personne qui a prétendu, dans les discussions Wikipédia, que je l’aurais « harcelée ».
Aujourd’hui, Martine Simonis (AJP), que Myriam Leroy connaît en revanche très bien, émet la même accusation de harcèlement envers Myriam Leroy de mon chef. D’où une question : qui a pu diffuser une telle calomnie si ce n’est Myriam Leroy elle-même ? Ou du moins, si ce n’est elle, pourquoi n’a-t-elle pas rétabli la vérité, à savoir que nous n’avons pratiquement jamais été en contact, et que je ne lui ai jamais rien envoyé d’abusif — condition première à un « harcèlement » ?
Une liberté très libre
En produisant une réplique aussi monumentale, Myriam Leroy entendait apparemment profiter au maximum du droit et de la jurisprudence belge, qui accordent une liberté considérable aux répondants. « Il est vrai », dit le jugement, « que les deux textes présentés [par Myriam Leroy] montrent une volonté de présenter les faits sous son angle mais également de régler des comptes avec le prévenu. Cet élément ne suffit pas à considérer qu’il n’y a pas de rapports immédiats » avec mon article, « d’autant plus que ce texte présente lui-même la partie civile et citante de manière assez négative et même sarcastique ».
Mais du maximum, elle est manifestement passée à l’excessif. Le jugement relève en effet dans le second droit « certains termes injurieux […] tels que “Inspecteur gadget et marionnette” (repris dès le titre), le fait que le prévenu perde le peu qu’il lui reste de santé mentale, […] l’assimilation du prévenu à un “pilier de comptoir d’émissions de télévision” ou encore la question relative à la “substance répugnante” qu’il aurait dans le cerveau. »
Ce ne sont manifestement que des exemples, Myriam m’accusant notamment dans son premier droit de réponse de m’associer à une « vengeance de désaxés » dans une histoire de « haine aveugle, de misogynie et de pathologies mentales », me qualifie de « pauvre papy dépassé par la marche du monde », de « tartuffe » qu’on appellerait « Selman Rushdie » (ça, au moins, c’est drôle) et trouve que mon nom est très « salissant ».
Le juge a par ailleurs considéré « discourtois et même excessif », mais non injurieuse, l’affirmation par Florence Hainaut que mon « obsession » à son égard tiendrait de la « dérive mentale ».
Les tiers payants
Les plaignantes n’étaient pas non plus tenues à la vérité, ni même à des faits démontrables. En compensation de la très large liberté d’expression octroyée à la presse par notre Constitution (très progressiste pour l’époque), le répondant a le droit d’écrire à peu près ce qu’il veut. Y compris de broder, d’inventer ou d’affabuler. Mes commentaires sous les droits de réponse que j’ai partiellement publiés ici, ici, ici et ici, vous donneront une idée de l’ampleur de la péroraison.
La cour ne s’est donc pas penchée sur le contenu, tant qu’il respectait les quelques règles en vigueur. Et si elle a reconnu que je n’étais obligé de publier aucun des cinq droits de réponse, c’est uniquement pour deux raisons : les injures d’une part, et le fait que les plaignantes y mettaient en cause une dizaine de tiers que, pour la plupart, je n’avais pas cités moi-même.
Certains — aussi bien chez Myriam Leroy que chez Florence Hainaut — faisaient l’objet de « révélations » scabreuses, voire intimes, sur leur vie privée et, pour l’un, le jugement relève que « [Myriam Leroy] bafoue également la présomption d’innocence en écrivant que si le juge saisi de la plainte de Florence HAINAUT [à l’égard de celui que j’ai appelé “Pascal Lebrun” NDLA] a rendu une ordonnance de non-lieu pour “auteur inconnu”, cela signifie seulement que la police n’a pas pu obtenir la preuve de [sa] culpabilité et qu’il n’a jamais été innocenté de quoi que ce soit ».
« Myriam Leroy bafoue la présomption d’innoncence » (Le tribunal)
Ce faisant, il me donnait juridiquement raison sur le point fondamental de mon troisième article : Florence Hainaut ne peut plus affirmer avoir été « harcelée » par le harceleur présumé de Myriam Leroy sans violer sa présomption d’innocence.
Si Florence Hainaut ne l’a pas dit aussi clairement, tout son laïus (dans son troisième droit de réponse) revient à maintenir ses accusations envers « Pascal Lebrun », dont elle donne les initiales, ce qui permet, en plus, d’identifier une personne qu’elle continue à accuser alors que la justice ne l’accuse plus !
Ce rejet des attaques envers des tiers correspond à une logique juridique : si j’avais publié des calomnies, des atteintes à la vie privée, ou des lignes bafouant la présomption d’innocence, je me serais exposé à mon tour à d’autres demandes de droits de réponse — sur les répliques des plaignantes cette fois — et même à des poursuites en calomnie ou diffamation de la part des personnes incriminées par les deux journalistes. Car n’étant pas tenu par la loi de publier ces répliques, le faire m’aurait rendu à mon tour complice de ces infractions.
Afin d’éviter ce problème, la loi du 23 juin 1961 sur le droit de réponse dans la presse périodique précise donc opportunément en son article 3 : « Peut être refusée, l’insertion de toute réponse […] qui met un tiers en cause, sans nécessité […] »
Immeuble sans rapports
Deux autres points du même article de loi permettent de refuser une réplique. Si elle « n’a pas de rapport immédiat avec le texte incriminé » ou « qui est injurieuse ou contraire aux lois ou aux bonnes mœurs ».
À la réception du premier droit de réponse (de Myriam Leroy), j’ai bien fait mention de ces justifications de mon refus à la partie civile — outre les mises en cause de tiers —, précisant à leur avocat, en rapport avec le point 1 : « Il est à cet égard manifeste que votre cliente attaque l’auteur de l’article qu’elle incrimine ad personam et souhaite ainsi m’imposer une humiliation publique qui est sans le moindre rapport avec l’article que j’ai publié ».
Et en rapport avec le point 2 (« qui est injurieuse ou contraire aux lois ou aux bonnes mœurs »), je considérais contraire aux lois sur la vie privée le fait de tenter de me forcer à publier, sur mon propre blog, un texte qui contenait 12 occurrences de mon vrai nom (et 109 si on compte les trois autres répliques qui me nomment), alors que chacun sait que je tente de le protéger (et que les syndicats du journalisme tant belge qu’européen insistent pour révéler…) J’ai aussi fait valoir à l’audience qu’à partir de mon nom, des fans de Florence Hainaut s’étaient permis de publier celui de mon épouse, d’une de mes filles, mon adresse privée, et bien d’autres joyeusetés, affirmant qu’il s’agissait là d’une atteinte manifeste à la vie privée, ce qui me paraissait bien « contraire aux lois ».
Dans ma première réponse à leur avocat, je pointais également le caractère injurieux global ainsi que des phrases calomnieuses et diffamatoires à mon égard (qui sont donc également contraires aux lois).
Celui-ci a, en leur nom, rejeté toutes mes remarques, exigeant publication sur un ton sans équivoque : « vous avez jusqu’à ce mercredi 23 h 59 pour publier le droit de réponse envoyé. À défaut de quoi une citation directe vous sera, immédiatement et sans autre rappel, signifiée en vue de vous expliquer devant le tribunal correctionnel. »
En quête d’instruction
Ceci mérite une petite explication juridique. Normalement, avant de devoir « s’expliquer » devant un tribunal correctionnel (au pénal, donc), le procureur désigne un juge d’instruction, qui dirige une enquête. À l’issue de celle-ci, la Chambre du Conseil juge, en fonction du résultat de l’enquête, s’il y a lieu de renvoyer le prévenu en correctionnelle.
Mais dans quelques cas, rares, la partie civile (ici, Florence Hainaut et Myriam Leroy) peut déroger à toute la procédure et citer directement en correctionnelle. Mais c’est aussi prendre un risque, parce qu’on s’arroge alors de facto les prérogatives du procureur, du juge d’instruction et de la Chambre du Conseil. Autrement dit, on s’érige en juge (d’instruction) et partie. La loi sur le droit de réponse est une de celles qui permettent cette étonnante exception. Mais elle n’impose pas pour autant un passage en correctionnelle : dans la plupart des cas, les avocats envoient ces affaires au civil. Me citer directement au pénal était donc un choix assumé.
Le substitut du procureur a d’ailleurs lui-même suggéré à l’audience que Hainaut et Leroy auraient mieux fait d’éviter le pénal au profit du civil, où l’affaire aurait été « tout à fait intéressante » selon lui. Notamment parce que le droit pénal est d’application stricte, contrairement au droit civil. Le choix est d’autant plus curieux que la secrétaire générale de l’AJP, Martine Simonis, a plaidé elle-même au Sénat pour une… dépénalisation du droit de réponse !
« Florence Hainaut et Myriam Leroy auraient mieux fait d’éviter le pénal au profit du civil » (le substitut du procureur, en substance).
D’où une question qui me taraude : voulait-on à tout prix me voir en correctionnelle ? Et pourquoi m’a-t-on envoyé cinq droits de réponse ? Et pourquoi 40 pages de diatribe vengeresse, plutôt que des réponses factuelles et précises ? Quelle était l’utilité d’y placer mon patronyme à 109 reprises ?
Pourquoi donc des journalistes profitent-elles à ce point d’un droit octroyé pour « se faire » l’auteur des articles incriminés, alors qu’il eût été plus efficace de souligner les quelques erreurs, de donner leur point de vue de manière structurée, sans insultes et sans citer mon patronyme ? Ou, plus globalement, pourquoi l’AJP s’associe-t-elle, de par son soutien, à l’imposition de droits de réponse qu’aucun de ses journalistes n’accepterait ?
J’ai donc déclaré lors de ma comparution que je considérais l’ensemble comme une « expédition punitive ». Et en toute franchise, je ne vois toujours pas d’autre terme.
Florence Hainaut a par ailleurs expliqué que mes articles étaient diffamatoires. Ce qui était en filigrane dans l’ensemble des droits de réponse. D’où notre demande de considérer que l’action des plaignantes visait, non pas à obtenir un droit de réponse (qu’elles pouvaient du reste publier elles-mêmes n’importe où sur le web — ce qu’elles n’ont pas fait), mais bien à contourner la loi sur le délit de presse, qui se juge aux assises avec un délai de prescription très court et n’est, dès lors, jamais jugé. La cour ne nous a pas suivis sur ce premier moyen.
Un ton vengeur
À titre d’exemple de cette « punitivité », le dernier droit de réponse de Florence Hainaut m’accusait littéralement d’avoir perturbé la tranquillité de… ses parents, dans une étonnante sortie de sujet (j’ai remplacé mon vrai nom par [Patronyme]) :
« Vous savez comment mes parents ont eu connaissance des billets de monsieur [Patronyme] ? Comme ils n’arrivaient plus à me contacter, ils se sont inquiétés. Leur premier réflexe a été d’aller voir ce que monsieur [Patronyme], sous le pseudonyme “Marcel Sel”, racontait sur Twitter. Et ils ont su que j’étais la cible d’une énième tempête. J’espère pour monsieur [Patronyme] que le jour où l’une de ses filles ne donne plus signe de vie (ce que je ne lui souhaite pas), il n’aura pas dans le collimateur un homme âgé qu’il soupçonne d’être la cause de ce soudain silence. »
Petit détail : Florence Hainaut n’a pas 20 ou 25 ans, mais bien 39.
« J’espère pour Marcel Sel que le jour où l’une de ses filles ne donne plus signe de vie… » (Florence Hainaut)
Quant à la « tempête » dont elle aurait été la cible sur Twitter, après la publication de mon premier billet, le 11 septembre, ce qui a surtout tempêté sur mon compte Twitter, c’est le fait que l’identité de mon épouse, ainsi que notre adresse privée avait été balancée sur les réseaux par deux soutiens de Florence Hainaut, suite à une énième complainte de celle-ci sur son compte « privé » Instagram.
La conclusion de ce même billet attaque mes quelques (milliers) de lecteurs en les qualifiant « d’enragés », et en les accusant de m’encourager, alors que je serais « visiblement en train de perdre pied ». Eh oui chers lecteurs, vous « faites preuve d’un manque d’humanité particulièrement cruel. » Et j’aurais « besoin d’aide ».
Procès dur
À cette violence scripturale, probablement inédite dans un droit de réponse en Belgique, s’est ajoutée une rigueur tout à fait remarquable de la partie civile en matière d’application de la loi. Ainsi, comme je l’ai dit, elle a exigé que j’insère ces répliques intégralement, sans aucune modification (ce qui est conforme à la loi), mais aussi en tête des articles incriminés. Ce qui donnait loisir aux plaignantes de donner d’abord leur version des faits, sur plus de 40 000 signes dans le cas du premier article, avant qu’on accède enfin à ma version à laquelle elles entendaient répondre.
C’est une interprétation très audacieuse de la loi qui prévoit, pour « les écrits périodiques », de placer le droit de réponse à la même place que l’article incriminé. Sauf que dans la presse périodique, il s’agit évidemment de la même place dans un autre numéro. Il est interpelant que cette exigence à mon égard soit à l’opposé de ce qu’a demandé la presse dans son ensemble lors des audiences en vue de l’élaboration d’un rapport du Sénat sur le droit de réponse.
Le juriste de la RTBF — qui a, détail piquant, co-écrit un ouvrage de référence avec m’avocat des plaignantes sur le droit des médias — y a notamment demandé que, si une nouvelle loi était proposée, les droits de réponse sur Internet soient insérés à côté de l’article. D’autres préfèrent qu’ils apparaissent sur une nouvelle page, avec une alerte en tête de l’article incriminé, et bien sûr, un lien vers cette nouvelle page. C’est d’ailleurs cette dernière solution que Christine Defraigne a proposée lorsqu’elle a déposé une proposition de loi sur le thème, en 2009 et 2010 : « La réponse est […] soit publiée à la suite du message en cause, soit accessible à partir de celui-ci. »
Quand l’ordre fait désordre
Cette exigence de publier la réplique en tête de l’article a provoqué un épisode amusant à l’audience, quand le juge, constatant que deux de mes articles faisaient l’objet chacun de deux droits de réponse, a demandé à la partie civile lequel des deux devait, selon elle, venir en premier…
Toutefois, la question du placement du droit de réponse n’a finalement pas été abordée dans le jugement, puisqu’elle ne se posait plus une fois acquis que j’étais en droit de les refuser.
Mais imaginons que le juge ait répondu favorablement aux exigences des plaignantes. Et qu’une telle décision fasse jurisprudence. Les conséquences en eurent été d’un surréalisme bien belge. Car, sachant que l’auteur d’un article a le droit de répondre à un droit de réponse, où répondrait-il alors ? Après chacun des deux droits de réponse ? Après les deux et avant l’article ? Et sachant que les citantes ont alors le droit de répondre à la réponse à leur droit de réponse (j’me comprends), où va-t-on placer celles-là ? Et les réponses à ces réponses qui répondent aux réponses à leur droit de réponse ?
Une telle demande pourrait-elle correspondre à une tentative de censure ? Dans l’une des répliques, Florence Hainaut reprécise en effet que les droits devront figurer au-dessus de mes articles « tant qu’ils seront en ligne ». Elle suggérait ainsi que le seul moyen d’éviter la publication de ces élucubrations portant gravement préjudice à plusieurs personnes, dont moi-même, eût été d’effacer mes articles. Ou de fermer mon blog. CQFD.
Time is maudit
Et cette dureté d’approche est apparue à chaque étape de la procédure. Dans son jugement, le président de la 61e chambre a ainsi reproché aux deux parties un manque d’étai dans leurs conclusions. Il est évident que nous aurions pu (et aimé) présenter un dossier le plus complet possible, développant la jurisprudence et décortiquant les atteintes à la vie privée, les mensonges, les calomnies, etc.
Mais nous n’en avons pas eu le temps.
J’ai en effet reçu la citation à comparaître le 13 octobre. J’ai alors dû chercher un avocat spécialisé, compétent, dans une matière où ils sont rares. Cela m’a pris une semaine, et le vendredi 23 octobre, celui-ci, fraîchement engagé, a envoyé au juge une demande de calendrier pour la remise de nos conclusions. Nous pensions en effet qu’on nous donnerait le temps de construire une défense sérieuse dans ce dossier monumental. Mais le lundi 26 octobre, soit cinq jours ouvrables avant l’audience, les avocats de la partie civile ont à leur tour envoyé un courrier au juge, refusant tout report et exigeant le maintien de la date d’audience, arguant (à raison) que la loi précise que le tribunal statue « toutes affaires cessantes ». Bien sûr, ce n’est pas parce que la loi le permet qu’une telle rigueur est forcément exigée par les avocats. Elle peut d’ailleurs se retourner contre leur client. Ce fut le cas ici.
Le dossier est arrivé au tribunal au moment de l’audience…
Mon conseil a donc disposé de très peu de temps pour rédiger ses premières conclusions dans les deux dossiers, dont la cour a souligné « la complexité » ; conclusions qu’il a déposées le samedi précédent l’audience (qui avait donc lieu le mardi). Sur un temps aussi court, impossible de fournir une analyse des différents textes ni même de faire le tri dans les 540 phrases qui m’avaient paru litigieuses, et impossible aussi de présenter la jurisprudence et ses raisons in extenso.
Alors que nous nous attendions, le samedi, à ce que la partie civile recule l’audience pour avoir le temps de répliquer, leurs conclusions en retour nous sont parvenues… le lundi matin, soit la veille de l’audience. Et mon avocat n’a donc eu que quelques heures pour rédiger sa synthèse, dans les deux affaires, kilométriques !
Finalement, le dossier est arrivé chez le président de la 61e chambre au moment de… l’audience elle-même ! Celui-ci n’avait donc pas eu le temps ni la possibilité d’en prendre connaissance. Il a alors demandé si nous souhaitions reporter, mais la partie civile a refusé tout net, arguant à nouveau que la loi stipulait (en effet) que le tribunal devait trancher « toutes affaires cessantes ». Nous n’avons pu qu’acquiescer.
L’AJP tire à vue
Mais il y a donc un autre volet à l’affaire, qui intéresse les médias en général : la participation de l’AJP à une évolution de la jurisprudence qui va radicalement à l’encontre de son propre intérêt.
Car la décision de la 61e chambre renforce une des deux jurisprudences en cours sur le sujet, et c’est précisément celle qui gêne les sites de presse en ligne. À telle enseigne que quelques semaines seulement avant le verdict, donc, la RTBF a désiré et obtenu une décision exactement inverse de celle qui me concerne, en première instance et au civil.
Il y a en effet depuis la naissance du web deux lignes jurisprudentielles radicalement opposées en matière de publication de droits de réponse. La première — qui a bénéficié à la RTBF — est que la loi du 23 juin 1961 sur le droit de réponse dans les « écrits périodiques » ne peut pas concerner les médias d’information en ligne (ni les blogs) dès lors que le législateur ne pouvait savoir, en 1961, que l’internet existerait un jour. Il n’a donc pas pu prévoir les modalités de publication sur le web ou dans les blogs. Que peut signifier pour ceux-ci l’obligation de publier tout droit de réponse « à la même place […] que le texte auquel il se rapporte […] dans le premier numéro publié […] », dès lors que les sites de presse en ligne et les blogs ne sont pas publiés par numéro ? Et que, bien sûr, il n’y a pas de pagination, chose indispensable pour permettre de publier une réplique « à la même place ».
La partie civile soutenue par AJP a défendu une jurisprudence inverse aux demandes des éditeurs.
C’est cette jurisprudence que nous avons défendue. Elle correspond d’ailleurs aussi à la volonté (ou aux besoins) des acteurs de la presse en ligne telle qu’exprimée lors de la séance d’information que le Sénat a consacrée à la question, et dont le rapport (avril 2019) comprend notamment l’intervention… de la secrétaire générale de l’AJP, Martine Simonis !
Celle-ci a alors recommandé qu’une nouvelle loi sur le droit de réponse limite celui-ci à la correction de données erronées ou d’atteintes à l’honneur. Elle a aussi demandé la dépénalisation du refus de droit de réponse. Oui, je sais, c’est presque amusant…
Suite à ces auditions, le Sénat constatait notamment que « nous ne disposons pas d’une loi relative au droit de réponse sur internet. Une application extensive de la loi du 23 juin 1961 aux nouveaux médias ne semble pas adéquate ». On peut difficilement être plus clair.
L’assemblée précisait aussi « que les journalistes et les éditeurs ne sont pas unanimement demandeurs d’un élargissement du droit de réponse aux médias numériques. Certains orateurs renvoient à l’existence d’autres possibilités pour faire valoir ses droits en tant que personne lésée, comme la possibilité de réagir à un article numérique ou la possibilité de diffuser soi-même un message via les réseaux sociaux. » Il y a aussi de nombreux sites qui permettent une telle publication. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Florence Hainaut en août, en publiant une réponse à mon article sur le Balek-Gate sur le site en ligne Medium. À noter que, comme elle n’a publié qu’un seul article sur ce site, il n’est pas certain que j’eus pu y bénéficier, moi-même, d’un droit de réponse ! Eh oui, la situation est déjà loin d’être idéale !
L’auguste assemblée recommandait de plus « que le droit de réponse soit limité à ce qui est strictement nécessaire à la réponse. » Et encore « De créer, dans les archives électroniques, un lien reliant le texte original à la réponse apportée. »
Comme je l’ai dit plus haut, et comme je l’ai montré en publiant ce qui était publiable des répliques reçues des deux journalistes : un droit de réponse sur une page séparée permet de faire la promotion du seul droit de réponse, notamment sur les réseaux sociaux.
Relaxe, baby be cool
Il n’est donc pas étonnant que le substitut du procureur du roi (soit le ministère public) ait pris ma défense au grand dam de la partie civile, en proposant une troisième voie, arguant que la loi porte sur les écrits périodiques (donc, quotidiens, hebdomadaire, mensuels) alors que mon blog n’a pas de caractère périodique, concluant : « Je suis vraiment désolé. L’action publique ne tient pas debout à l’égard du prévenu. » Suite à quoi il a demandé ma relaxe.
Visiblement désorientée par cette nouvelle interprétation, la partie civile a alors assuré que je publiais un article « tous les jours » sur mon blog, contre toute vraisemblance — c’est tout simplement faux.
Mais ce moyen n’a pas tenu : la cour a retenu une jurisprudence défendue par l’avocat « de l’AJP » qui puise ses sources dans un arrêt de la Cour de Cassation datant du 25 octobre 1909 (Ça date, comme dirait Nasser), qui précise que « ni l’article 98 de la Constitution [aujourd’hui article 150, qui attribue à la Cour d’Assises la compétence des délits de presse NDLA], ni le décret du 20 juillet 1831 sur la presse n’impliquaient que le recours à l’imprimerie proprement dite soit le seul élément matériel qui puisse être retenu pour la commission des délits de presse ». Dans ce cas, c’est au juge d’estimer comment interpréter le mode de publication précis du droit de réponse et la manière de traduire dans les faits qu’il doit être publié « dans le numéro suivant » et « à la même place ». Ce qui renvoie les blogueurs et les éditeurs de sites de presse à l’incertitude juridique et même pénale.
L’AJP a donc soutenu et financé une plainte qui me visait au pénal dans une matière qu’elle souhaite… dépénaliser. Et qui poussait au-delà du raisonnable celle des deux jurisprudences qui va à l’encontre des intérêts de la presse en ligne et de ses membres journalistes !
Saint Diktat.
On m’objectera, comme le fait l’AJP, que le rôle d’un syndicat est aussi d’offrir un soutien judiciaire à ses membres. Mais selon son site, l’AJP est intervenue en 2019 (soit par traitement par son service juridique, soit par envoi à ses avocats) dans 8 dossiers de licenciement de salariés, 2 dossiers de vols de photos, 4 défenses envers des plaintes contre des membres devant le CDJ, un problème de cotisations sociales et un autre de droits d’auteur impayés, 4 autres d’illégalité de statut professionnel, 2 récupérations d’honoraires, 8 problèmes de TVA, 3 de harcèlement en ligne, et 4 litiges fiscaux.
Soit des réactions.
Sauf qu’ici, il ne s’agissait pas pour les deux journalistes de se défendre d’une action (éventuellement juridique) les visant. Mais bien d’attaquer au moyen de droits de réponse vengeurs des articles argumentés et sourcés qui visaient principalement le comportement de Florence Hainaut sur les réseaux sociaux (et non ses activités journalistiques), et les affirmations des deux femmes sur leur prétendu harceleur commun (ce qui ne concerne que très indirectement leur travail journalistique). Et que le but réel de l’opération était de dénigrer un… travail journalistique — car j’affirme que c’est bien ce que j’ai livré dans mes articles.
Les actions judiciaires intentées par les deux journalistes avaient donc à mon avis un caractère principalement privé.
Il n’est d’ailleurs nullement nécessaire de passer par un avocat pour demander un droit de réponse. Lorsque le toutes-boîtes de la périphérie De Beiaard m’a faussement attribué un texte très antiflamand, un mail a suffi pour l’obtenir. Il n’était pas indispensable non plus d’aller en correctionnelle, ni de commettre deux avocats.
Le rôle d’un syndicat de journalistes n’est-il pas aussi de défendre la liberté de la presse ?
De plus, selon le site de l’AJP, une telle assistance judiciaire requiert l’accord de son conseil de direction. Elle n’est pas automatique. Il y a donc eu un choix de l’ensemble du syndicat.
C’est, me semble-t-il, aussi le rôle d’un syndicat de journalistes de défendre le journalisme en général, et la liberté de la presse. Or, ici, la secrétaire générale, et le conseil de direction ont manifestement avalé tout cru les calomnies de deux membres, allant jusqu’à m’accuser, au nom de l’AJP, de harcèlement « depuis plusieurs années ». Et ils ont soutenu des « droits de réponse » qui ne parviennent pas à contester sérieusement les allégations de mes articles.
L’AJP est fortement subsidiée. Elle partage le pouvoir de décerner les cartes de presse. Elle est représentée au Conseil de Déontologie Journalistique, où l’on est en droit de me « poursuivre ». Ainsi qu’au CSA et au Conseil pour l’Éducation aux Médias. Et elle a une influence sur les journalistes en général. Ce n’est pas « juste » un syndicat. C’est aussi un acteur institutionnel.
D’où la question : comment un tel choix a-t-il pu être fait sans examiner d’abord la véracité de mes articles ? Les deux journalistes feraient-elles l’objet d’un traitement de faveur par rapport à d’autres membres ? Je l’ignore. Mais feu mon très regretté poteau Marc Metdepenningen — qui fut tout de même président de la société des journalistes du Soir — s’était plaint en juillet auprès de Ricardo Guttiérez (président de la FEJ qui fait aussi partie du conseil de direction de l’AJP et siège au CDJ) de ne pas avoir bénéficié, comme Florence Hainaut, d’une alerte harcèlement au Conseil de l’Europe ni même du moindre soutien, quand des décoloniaux (y compris un prof de l’UMons et une mandataire Ecolo) avaient lancé une pétition le visant, ainsi que Dominique Demoulin (RTL) pour un seul tweet ironique présenté à tort comme « raciste », et s’étaient adressés à son employeur avec l’intention manifeste de nuire à sa carrière. Guttiérez avait alors répondu (en substance) qu’il n’était pas au courant…
Il est par ailleurs difficilement contestable que les deux plaignantes ne passent pas inaperçues dans le syndicat. Ainsi, Myriam Leroy a siégé au conseil de direction de l’AJP de 2011 à 2014, et Florence Hainaut y donne régulièrement des formations. Une sur la présence « face caméra » en septembre de cette année, tout comme en octobre 2018, où elle a aussi mené un coaching pour Expertalia (la base de données d’expert-e-s de l’AJP). Le 14 décembre, elle modérait un débat sur la vie des femmes journalistes à l’université de Mons, co-organisé par l’AJP. Le 13 novembre 2019, elles donnaient ensemble leur version du « cyberharcèlement des femmes journalistes » lors d’une soirée événement. Et le mois dernier, Myriam Leroy était à nouveau en vedette en cover de la newsletter de l’AJP, qui — last but not least — cofinance aussi leur film « Sale Putte », via le Fonds du Journalisme.
Certains journalistes ont plus de droits que d’autres
À propos de ce documentaire Sale Putte autocentré et très subsidié, à la sortie de la longue audience du tribunal (terminée à 18 h 30 dans un palais de justice vidissime), à laquelle assistaient les deux plaignantes, il y avait… une équipe de tournage ! Était-ce pour elles ? Serai-je cité dans leur film ? Aurais-je droit alors à une réponse sur le site de la RTBF ? En tête de l’article ?
Ou plus sommairement : quels sont désormais les droits des journalistes très indépendants dans ce pays ?
Pour ne pas sembler trop en défaut par rapport à sa mission de défense du journalisme en général, dès la sortie de l’article sur le Balek-gate, l’AJP a adhéré à une offensive notamment menée par Ricardo Guttiérez, visant à nier ma qualité de journaliste pour me limiter à celle de « juste blogueur ». Cette frénésie à nier ma qualité évidente de journaliste (pour rappel, j’ai été chroniqueur Télépro pendant 10 ans, j’ai travaillé pour M… Belgique, j’ai été rédacteur en chef de PAN, des articles de ma main sont parus dans plusieurs médias, plusieurs de mes articles de blog ont fait l’objet de reprises dans la presse et je travaille actuellement comme correspondant pour une chaîne française), a provoqué un passage presque comique à l’audience. Ainsi, la partie civile s’est évertuée à expliquer que je n’étais pas journaliste, mais blogueur. Pour ensuite brandir un arrêt de la Cour de Cassation qui dit que les blogueurs sont… des journalistes.
CQFD (again).
En 2014, la Cour d’appel de Bruxelles a également reconnu que tout journaliste était tenu de respecter le Code de Déontologie Journalistique et de se soumettre aux décisions du Conseil de Déontologie Journalistique (dont l’AJP est une partie importante), même s’il n’était pas membre d’un syndicat. Je suis donc astreint aux devoirs d’un journaliste, sans bénéficier de ses droits !
Dans le cas d’espèce, tout en me discréditant au moyen de cette tactique simpliste indigne du journalisme lui-même qui revient à me refuser — et je suis probablement le seul — une qualité manifeste, on m’imposait une pratique (le droit de réponse) qui concerne principalement les journalistes, en partant du principe que mes articles étaient un tissu de mensonges. Ce que les deux journalistes professionnelles ne sont pas parvenues à démontrer malgré 100 000 signes prévus à cet effet. Au contraire, dans leurs derniers droits de réponse, elles alimentent ma démonstration en produisant des « preuves » qui, loin de les « disculper », les enfonce davantage.
Suite et pas fin
Dans ses conclusions, le juge estimait enfin sagement « regrettable [que je n’aie] pas jugé utile de transiger sur la possibilité de la publication d’un droit de réponse retravaillé ». Il se fait que, connaissant les parties civiles et constatant le ton très dur des droits de réponse et des injonctions leurs avocats, je n’ai pas imaginé une seconde qu’une telle éventualité existait. La suite m’a donné raison.
À peine une semaine après mon acquittement, la partie civile m’a renvoyé quatre des cinq droits de réponse « retravaillés », dont n’avaient été retirés que les éléments précisément soulignés par le tribunal comme illégaux. Avec toujours la même « obligation » de les publier in extenso, sans modification, en tête des articles, faute de quoi, on m’enverrait m’expliquer « devant le même juge » (ce qui impliquait une nouvelle citation directe en correctionnelle !)
Ne pouvant raisonnablement le faire tel quel, considérant toujours ces droits de réponse comme impubliables, et pour en finir avec ce que je considère comme une manœuvre d’intimidation — assez exceptionnelle dans l’histoire du journalisme, d’ailleurs —, j’ai donc suivi la sage proposition du président du tribunal, en page 15 du jugement visant Florence Hainaut : « C’est dès lors à juste titre que le prévenu a refusé les droits de réponse du 24 septembre 2020 et du 7 octobre 2020 même s’il aurait pu proposer de publier les droits de réponse en retirant les quelques passages litigieux. » J’ai publié les quatre droits que j’ai à nouveau reçus, précédés toutefois d’un avertissement — je ne m’estime en effet toujours pas tenu de les publier —, et en retirant quelques-uns des passages que j’estimais toujours litigieux (tout en laissant ceux qui me visaient). Le quatrième droit de réponse me dénigrait sur base d’affirmations à ce point fausses que j’ai dû intercaler mes réponses, tout en permettant aux lecteurs d’en lire l’intégralité sans intercalation, sur une page séparée.
Et ça n’a pas suffi.
En fin de semaine dernière, mon avocat recevait un nouvel avertissement des plaignantes me rappelant que je dois respecter toutes les conditions imposées par les deux journalistes, faute de quoi, elles relanceront de nouvelles procédures. Il pourrait s’agir de l’envoi de nouveaux droits de réponse qui pourront « faire le double de l’espace occupé par les commentaires et le texte » (à multiplier par deux plaignantes), mais aussi de « demande de dommages et intérêts », en plus d’une nouvelle procédure — toujours éventuelle — en correctionnelle.
Les avocats de l’AJP exigent que je modifie rapidement ma pratique, « à défaut de quoi nous pourrons […] conseiller à nos clientes toutes les démarches utiles afin que leurs droits soient effectivement protégés ».
Eh non, chers lectrices et lecteurs, vous les enragés et enragées qui, selon Florence Hainaut, m’entraînez par le fond, mon acquittement n’est apparemment pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin.
Mais c’est peut-être le début du commencement.
9 Comments
Salade
décembre 22, 17:40Berthold Neefs
décembre 22, 22:42Stéphane
décembre 23, 09:24Lachmoneky
décembre 23, 11:07Eric DRIESSEN
décembre 30, 12:44Rybido
janvier 05, 20:13marcel
janvier 06, 12:46JPP
février 27, 14:29marcel
février 28, 10:45