Journalisme. Pour m’atteindre, on balance mes enfants. Roman d’une ignominie.
L’une vient de cueillir sa majorité. Elle va rentrer à l’université en octobre. Appelons-la Sand. Elle est douée, volontaire, drôle, écologiste, féministe. L’autre sort tout juste de fac. Appelons-la Olympe. Elle est douée, volontaire, drôle, écologiste, féministe. Leur nom de famille, ce serait Palombieri.
En mars, alors que leur avenir était en pause forcée — confinement oblige — elles ont décidé de lancer un projet musical ensemble. Pendant trois mois, elles ont écrit, composé, enregistré. Elles se sont trouvé un nom. Quings. Et un storytelling. Sand deviendrait Julius Quings, et Olympe, Karl Quings. Mais elles ne seraient pas sœurs. Elles se seraient rencontrées par hasard, à Bogota ou à Ouagadougou. Humour et dérision. Et, enfin ! enfin ! la possibilité de se montrer !
Au nom des filles
Car ces filles ont un père un peu connu dans certains milieux. Pendant des années, pour n’être associées ni à sa bonne réputation chez certains profs, ni à sa mauvaise chez d’autres, elles ont caché leur relation à ce père sur les bancs d’école et d’université. C’était facile, il avait un pseudo. Lui n’a jamais parlé d’elles sur les réseaux. Pas une photo. D’ailleurs, même en radio, il disait juste « mes enfants ». Et jamais « mes filles ».
Déjà, dans la famille Palombieri, les femmes ne sont pas filles d’un mec ou femmes d’un homme. Ici, Dora Maar ne serait pas « la maîtresse de Picasso ». Il y aurait Dora Maar et il y aurait Picasso. Olympe Palombieri ne porte donc pas « le même nom de famille que Marcel Palombieri », comme elle le lit aujourd’hui sur les réseaux. Non. Olympe Palombieri porte le nom d’Olympe Palombieri, point barre.
Mais comme le père écrivait des choses qui ne plaisaient pas à tout le monde, il recevait beaucoup d’insultes sur les réseaux sociaux. Goebbels pour ménagère. Fasciste. Gros porc nazi. Sous-fiente littéraire. Des milliers comme ça. Et de temps en temps, il était menacé. Quelqu’un annonçait qu’il allait lui « péter les rotules ». Un autre proposait qu’on lui « casse la gueule », une commentatrice trouvait qu’il fallait « l’euthanasier ». Ou encore : « Je sais où t’habites (sic), fais attention à ce que tu fais… » Sans compter les incitations au suicide, certaines envoyées par mail d’une adresse anonyme : « prends une corde », « suicide-toi ». Ou plus littéraire : « t’es qu’une sous-merde et ça ne changera pas. Va te pendre, ça nous débarrassera ». Un jour, après un débat, un mec a voulu lui envoyer un poing dans la tronche. Parce qu’il avait dit qu’il était libéral de gauche. « Sale facho », qu’il a dit, le mec. Un autre a retenu son bras au dernier moment. Flippant.
Leur maman aussi, elle a reçu des menaces. Par mail, on lui a suggéré de « disparaître », un jour d’automne de 2016, parce que leur père avait écrit un article qui avait déplu. Deux ans plus tard, la mère a reçu un autre mail : « Fucking kill yourself ». Le père venait d’écrire un article critique envers Ecolo, cette fois.
Intimidation
En 2019, ça a empiré : dix-sept de ses clients ont reçu des mails de menaces pour qu’ils arrêtent de la faire travailler. Plusieurs ne sont jamais revenus. L’an dernier, alors qu’Olympe et son père sortaient de sa maison, deux jeunes inconnus sont passés devant eux. L’un a sifflé avec un sourire mesquin, en détachant bien les syllabes « bonjour monsieur Pa-lom-bie-ri ». Leur patronyme n’est connu que de leurs amis, ou alors de gens qui détestent le père. Des gens de cette gauche très militante. Maintenant, il semble qu’ils aient aussi leur adresse. Faudra faire gaffe.
Lui, régulièrement, voyait passer des twits interpellant ses clients médias, et se demandait chaque fois s’il allait encore perdre un boulot. Cancel culture ? Ça a commencé en 2018. Petit à petit, il n’était plus invité dans les émissions politiques. Son deuxième roman n’a eu qu’une seule recension dans la presse, une très belle émission à la RTBF télé, certes, mais silence total en radio nationale. Le premier roman avait pourtant obtenu quatre prix.
Les temps sont donc un peu durs quand même. En janvier, il a été viré de Télépro après 10 ans de chroniques hebdomadaires, sans l’ombre d’un reproche.
Ces temps-ci, quand il propose une chronique ou un concept à un journal, les portes se ferment prestement. Les plus courageux lui disent qu’il est pestiféré. Ou trop clivant. Ou sulfureux.
Talon d’Achille
Dès qu’il est devenu un peu public, le père a décidé de prendre un pseudo, pour protéger sa famille de l’extrême droite flamande et des nationalistes qu’il allait décortiquer, d’abord. Palombieri, c’est un nom rare en Belgique. Il y en a une vingtaine, tout au plus. Et aussi pour séparer nettement ses activités de journaliste de ses activités de réalisateur de films institutionnels et de compositeur. Être Marcel Sel lui donnait toute liberté. Et enfin, ce pseudo permettait de dresser une palissade entre l’activité de sa femme, art director et webdesigneuse, et la sienne. Il serait Marcel Sel. Tous les médias qui l’employaient étaient au courant.
Finalement, il n’a jamais été embêté par la N-VA. Le Vlaams Belang a bien tenté, en vain, de lui attribuer un pamphlet violemment anti-flamand. Une vraie menace vint de ce camp-là : l’idée, évoquée sur un forum fréquenté par des gens du Voorpost, de trouver son adresse pour lui faire son affaire.
Les emmerdes, la violence verbale, et même la haine, elle est en fait venue de gauche. Pas toute la gauche, certainement pas. Vraiment pas. Pas le PS, jamais. Mais la gauche intolérante. La gauche identitaire, comme on dit maintenant.
Marcel a donc ce talon d’Achille. Il partage une entreprise avec sa femme. Ils n’ont pas les moyens d’en avoir deux. C’est pas Crésus ici, bordel ! Mais ils n’ont pas les mêmes activités. Pas les mêmes clients.
Profitant de cette situation, en 2016, un militant de Tout autre chose a balancé son vrai nom, ainsi que l’activité de son épouse, sur la toile, l’accusant d’un conflit d’intérêts inventé de toutes pièces, en interpellant aussi toute la presse. Sel lui a expliqué en message privé qu’il faisait fausse route, mais le militant s’en fichait. Fallait leur faire mordre la poussière à ces capitalistes !
Parmi les quelques partageurs, la journaliste ex-RTBF Chantal Istace et le prof de criminologie Christophe Mincke (on va les retrouver plus loin). Un journal a mordu à l’hameçon. Un article a paru sur le web. Les clients de sa femme étaient cités. Son agence, dénigrée. Le lendemain, les clients recevraient les alertes presse. Panique à la maison. Vraie panique. Les filles aux études. La maison à payer. Comment on ferait si elle perdait la moitié de ses clients ?
De justesse, Sel a pu faire modifier l’article. Légitime : rien ne démontrait le moindre conflit d’intérêts ! Aucune pièce, aucune preuve. Et rien ne le démontrera jamais.
Oxymores
Mais le nom Palombieri était sorti. Depuis lors, un certain Carlot, journaliste à la RTBF, rebalance de temps en temps son vrai nom, à Marcel, histoire de faire souffler dans le cou de ce « blogueur » le vent de la pression. D’autres font de même. En fait, c’est tout un groupe qui se concerte en dilettante, s’alimente en spirale, crée des légendes urbaines à foison : Marcel a un égo surdimensionné. Il est arrogant, réac, vieux, lobbyiste (eh non ! il ne l’a jamais été !), il « parle de trop de sujets qu’ils ne maîtrise pas », dit une éminence grise. Et des oxymores pleuvent comme une manne céleste : plus personne ne le lirait, mais quel scandale qu’autant de monde le lise ! Et ça tourne. Et ça devient des vérités.
Et ça fonctionne. Un jour, sur la Première (RTBF), un humoriste jour le rôle du blogueur « Marcel Poivre. » « Je sais, je suis une merde », ajoute-t-il. Et puis, il parle de Zemmour, et tout. Sel regimbe. L’humoriste plaide la maladresse : le blogueur n’est pas le sujet de tout le sketch. C’est possible. Tous ne l’ont pas compris comme ça. Sel passe l’éponge.
Deux semaines plus tard, sur la même chaîne, une chroniqueuse relève une odeur de caniveau, dans les couloirs. En substance : « C’était si pestilentiel que j’ai cru que Marcel Sel était passé par là ». Il proteste. Pourquoi insulter quelqu’un qu’on n’invite plus jamais ? La chaîne lui répond mollement.
Il faut dire que quand on l’insulte, il réagit. Sel est quand même un emmerdeur. Pourquoi il ne se laisse pas faire comme ça ? Quel provocateur, ce type !
Et donc, depuis qu’elles sont toutes petites, Sand et Olympe vivent dans un univers pas tout à fait ouvert. Pas vraiment la parano. Mais des pressions qui pèsent parfois lourd sur la vie de famille. Un blog qui ne rapporte rien, ou presque.
Confinement
Mars 2020. Trois mois d’enfermement ont amené Olympe et Sand à vouloir un souffle libre. Une évasion. Ce serait un projet musical. Pour le premier morceau, elles voulaient une voix d’homme qui chante « je me sens bieeeeeeeen ». Dans cet univers brusquement confiné, j’étais le seul dispo. Et puis, j’étais pile-poil le genre de mec qu’elles recherchaient. Un peu vieux. Un peu fou. Ou tout à fait.
Le morceau enregistré, mixé, masterisé, elles ont voulu faire un clip. Elles m’ont demandé d’y figurer. Pas parce que je suis leur père. Mais parce que ce serait drôle.
— Mais ils vont tout de suite comprendre que vous êtes mes filles !
— Wake up, dad. Parce qu’on est tes filles, on n’aurait pas le droit d’aller au bout de notre trip ?
— Okay.
— De toute façon, on n’est pas tes filles, tu nous as rencontrées par hasard, l’une à St-Petersbourg, l’autre à Waregem. Rappelle-toi !
— Hahaha !
— En plus, ça n’a rien à voir avec ce que tu écris, ton blog, tes activités. Dans le clip, tu seras juste ridicule. Une sorte de professeur fou comme dans Back to the Future. Ou un sosie raté de Philippe Katherine… Personne ne va nous attaquer, nous, là-dessus !
— Je sais pas…
— Les gens ne sont pas des porcs, ils respectent les enfants, même de leurs pires ennemis !
— Oui… enfin, j’espère.
— Et puis, on en a marre de nous cacher sous prétexte que notre père est attaqué sans arrêt ! On n’a pas le droit aussi de réaliser nos envies ? On n’est pas égales aux autres ?
Elles avaient raison. Elles avaient ce droit. Celui de faire un truc avec un mec, qu’il soit leur père ou pas, sans être pour autant liées à ses autres activités. Ça n’avait rien à voir. C’était juste une chanson.
Alors, on l’a fait. Je serais « un inconnu de cinquante ans » dans le clip de deux artistes : les Quings. Karl et Julius Quings, précisément. Les seuls noms qui intéresseront le public. Si public il y a. Pour l’instant, elles sont parfaitement inconnues. Elles ne sont passées nulle part en radio ou en télé. La RTBF ne s’intéresse pas à elles. Elles n’existent que sur leur page YouTube et Facebook.
Vous allez rencontrer un inconnu de cinquante ans
Vous avez compris l’idée ? Les Quings ne sont pas les filles de Marcel Sel. Ce sont les Quings, point. C’est pas non plus Sand et Olympe Palombieri. Certainement pas ! Celles-là auront une autre profession. D’ailleurs, Palombieri ne sera écrit nulle part. Et Sel non plus. Sur le clip et partout autour, il y aura les Quings, et « an unknown fifty-year-old man ».
Après tout, la presse française a bien respecté l’anonymat de Mazarine pendant vingt ans. Et la belge, celui de Delphine Boël pendant trente et un ans!
— Et tu le partageras sur ta page web, ça nous donnera un petit coup de pouce. Après toutes les merdes qu’on s’est prises avec ton blog, autant que tu serves à quelque chose hihihi. Non, n’hésite pas, c’est comme ça, point !
C’est Sand et sa belle autorité. J’accepte. Olympe est joyeuse. Olympe et son bel enthousiasme.
On enregistre le clip dans une parcelle en chantier, à côté de la maison. Ça leur fait un bien fou. Ça nous fait un bien fou. Un jour de bonheur. De peps. La lumière dans un tunnel de masques et de gestes barrières. C’est un truc sympa, innocent, un truc pur. On le lance sur les réseaux, en dilettante. Un peu toute la famiglia au sens large fait pareil. Olympe partage sur sa page. Moi itou. Et sur Twitter aussi. Je me doute bien sûr que certains en profiteront pour se foutre de ma tronche. Et tant mieux ! Mais je suis persuadé qu’on ne touchera pas à elles. Qu’on les respectera. Mes filles ! La prunelle de mes yeux !
Les enfants des autres, qu’ils aient 17 ou 25 ans, c’est toujours sacré.
Enfin, ça, c’est dans un monde normal. Le monde dans lequel nous les avons élevées. Le monde libre et progressiste qu’on leur avait vanté.
Il raille
La vidéo sort le 10 juillet. Le 11, un journaliste de la RTBF nommé Carlot partage le clip sur son compte Twitter. Il le raille. Il en rit aussi avec un compte satirique qui profite depuis quelques années de son anonymat pour canarder « la droite », et au passage, me canarder, moi (jusqu’à 24 twits dénigrants en 24h). C’est Camille Caze.
Il faut dire que, depuis 2015, quand j’écris quelque chose qui lui déplaît, Carlot publie mon vrai nom dans un commentaire Facebook ou dans un twit. Chaque fois, je lui dis d’effacer. Il fait son paon, son coq. Je durcis le ton. Droit à la vie privée. Déontologie journalistique. Confraternité. Je sais bien sûr ce qu’il pense. Je ne suis pas un confrère, je suis juste un blogueur. Alors, il maintient. J’annonce chaque fois que je vais en référer à sa hiérarchie. Il ne me donne pas d’autre choix. Alors, il efface. Et hurle que j’ai tenté de lui faire perdre son boulot.
En octobre 2016, il me compare — subtilement comme toujours — à Degrelle.
En 2018, alors que j’étais sélectionné pour le prix Rossel, il milite sur Twitter pour qu’on ne me l’attribue pas. La plupart des jurés le suivent sur Facebook ou Twitter. La coupe est pleine. Je demande à son supérieur, Jean-Pierre Jacqmain, de ne pas sévir, mais simplement de lui imposer une paix des braves : Carlot arrête de m’embêter et, en échange, je fais pareil. L’hystérie s’arrête net.
2020. Le 16 juillet, je tombe sur son twit méprisant à l’égard des Quings. Je le partage en faisant une promo pour le groupe. Et en remettant Carlot à sa place — il vient de rompre notre pacte. Il râlote, et puis plus rien.
30 juillet. Je critique accessoirement Florence Hainaut dans un papier qui vise surtout Ricardo Guttiérez, le secrétaire général de la Fédération européenne des Journalistes. Une semaine plus tard, sur sa page Facebook, celui-ci réduit le billet très argumenté à du… complotisme.
Shitstorms
Le 11 août, Hainaut répond à son tour. Elle évoque un « raid ». Autrement dit, une attaque en meute organisée. Mais son papier n’apporte aucune preuve d’une telle organisation. Elle a apparemment vécu ce qu’on appelle une shitstorm : les opposants de tout bord qui critiquent, un peu rudement pour certains, et qui tombent dans l’insulte pour quelques-uns. Toute personnalité qui a un peu écumé les réseaux connaît ça.
Les captures d’écran qu’elle étale sont de cet acabit. Mais surtout, elles proviennent de gens d’horizons très différents, dont quelques personnalités qui se sont contentées de partager mon article. Pire : elles proviennent pratiquement toutes de Twitter, un réseau social qu’elle a quitté il y a plus d’un mois et que personne ne l’oblige à consulter.
Mais surtout, Hainaut me charge personnellement :
« Le 30 juillet, un blogueur (sic) (tellement intéressé par “l’affaire” que j’ai arrêté de compter au 100e tweet sur moi) (sic) s’y met, dans un long billet supposé analyser la « polémique en cours » en se basant sur des « faits » (sic pour les guillemets) […] En lieu et place de la hauteur de vue promise, cet individu pratique une prose d’allusion (sic), d’illusion logique (sic), spécialisé dans l’argumentum ad ignorantiam (sic) […] et les sophismes (sic) de fausse cause (sic). Et les rancoeurs (sic) personnelles (sic) rances (sic). Piqué au vif par le soutien de la Fédération européenne des Journalistes, il multiplie depuis les intimidations (sic) à mon égard. Sur les conseils de l’avocate que j’ai dû (sic) me résoudre à consulter, je ne m’attarderai pas sur cet individu (sic) ici. »
Souvent, on projette sur autrui ses propres défauts. La description qu’elle fournit de mon travail dans ce paragraphe s’applique impeccablement… à ce dernier !
En réalité, d’intimidation, elle ne trouvera nulle trace. Entre le 23 juillet et le 10 août, j’ai publié 29 twits et 4 ou 5 retweets, tous factuels, sur ce sujet — que j’ai traité journalistiquement —, et où elle tout de même est un des personnages centraux. Je ne l’ai pas nommée systématiquement. 29 twits en deux semaines, c’est moins que ma moyenne, dans ce cas. Le reste de ce qu’elle considère comme des « tweets » sont en réalité des réponses — autrement dit, des éléments de débat —, à des commentaires ou à des attaques, parfois insultantes ou verbalement violentes, de ses partisans (au sens large). Ce qu’elle me reproche, en fait, c’est de répondre.
More shitstorms
Pour ma part, depuis la parution de mon article, j’ai bien sûr aussi subi plusieurs shitstorms, parfois sophistiquées, avec des comptes endormis qui se sont réactivés brusquement, uniquement pour discréditer mon article. Avec aussi au moins deux comptes tout neufs, sans abonnés, dont un profil « satirique » usurpant mon identité, qui a envoyé plus de 120 twits en moins de trois jours, dans le seul but de me narguer et/ou de me discréditer.
Ajoutons plusieurs attaques à mon égard de personnalités politiques liées à Ecolo — le député Olivier Biérin, en particulier, ayant même accusé mes (14.000) abonnés d’être proches de l’extrême droite (ce que mes followers de gauche n’ont pas du tout apprécié), et regrettant carrément ma « dieudonisation » et m’accuse d’avoir une « meute de comptes anonymes » qui pourchasserait des « jeunes femmes » !
Pendant ce temps, sur Wikipedia, un étrange éditeur très favorable à Florence Hainaut tente de bidouiller ma page sous prétexte que je l’aurais harcelée, ainsi que Myriam Leroy, sur base de fausses preuves.
Bref, ce dont Florence Hainaut se plaint n’est pas un raid, encore moins du harcèlement, c’est le dagelijkse kost du débat public en réseau (a)social pour toute personne médiatisée, ce qu’elle est incontestablement. Mais dans son pamphlet, elle a pris bien soin de me charger, sans le moindre début de preuve.
En lisant ce papier, je comprends tout de suite, par sa façon de sous-entendre que je serais le « leader du raid », que je vais prendre cher.
Mais je croyais que je serais le seul.
Doxing
Le 11 août, en début d’après-midi, le papier paraît. Le premier partage qui apparaît dans mes recherches intervient à 14h26. Le porte-parole d’Ecolo publie 10 minutes plus tard. L’Association des Journalistes professionnels largue à 15h16. Ricardo Guttiérez (Fédération des journalistes européens), à 15h27. Suivent, entre autres, la cheffe du service média du Ministère (écolo), plusieurs mandataires du parti, et de très rares socialistes (notoirement Jamal Ikazban).
Carlot partage l’article à 14h36. Il est donc parmi les tout premiers. Deux twits plus tard, il reprend, sur Twitter, la conversation que nous avions eue… un mois plus tôt, à propos du clip musical des Quings. Il insinue brusquement que les jeunes personnes sont mes filles : « moi aussi, je suis papa », écrit-il dans une réponse qui tombe du ciel. Je ne vois pas l’intérêt de relever la filiation, et je réponds, comme convenu avec les Quings que « ce ne sont pas mes filles, juste deux personnes talentueuses que j’apprécie beaucoup. Je suis content que toi aussi ». Je suis persuadé qu’il va lâcher l’affaire, comprendre l’astuce, respecter leur projet.
Il répond : « Pas tes filles ? Pourtant, on m’a assuré du contraire ». Moi : « Il ne faut pas croire les assureurs ». Et là, le digne héritier d’Albert Londres, balance : « J’ai vérifié et ça concorde : une certaine Olympe P. partage d’ailleurs le clip sur sa page Facebook. »
Le 11 août, à 16h25, un journaliste de la RTBF vient de balancer le prénom et l’initiale du nom d’un de mes enfants. Je suis abasourdi.
Juste l’initiale ? Certes, Carlot ne « livre » pas notre nom de famille. Mais il n’en a pas besoin ! Parce que — rappelez-vous —, il a déjà « doxé » mon patronyme à plusieurs reprises, depuis 2016. Et dans l’entourage très idéologique de Carlot, il a très bien circulé. Alors que le grand public s’en fout, ignore généralement mon patronyme, dans ce cercle-là, tout le monde connaît ce nom, le partage avec mépris, se l’envoie en message privé, le crache dans un ricanement quand un de mes textes leur paraît « immonde ». Et de temps en temps, l’un d’eux le publie pour faire pression sur l’infâme individu que je suis devenu dans leurs esprits ! « Humour Palombieresque » twitte Carlot, un jour.
C’est pas nous, c’est toi !
Pour se défendre ensuite de leur forfait, ils expliquent que mon patronyme serait « public » dès lors qu’on peut le trouver sur Google en faisant une recherche donnée. Sauf que si c’est bien le cas, c’est uniquement parce qu’ils m’ont doxé à tant de reprises ! Autrement dit, selon ces gens, une fois qu’on force votre porte, il serait légitime ensuite de vous cambrioler !
Je sais donc, à ce moment-là, que les gens qui me haïssent le plus (que j’ai appelé un moment « gauche Maximilien » pour faire court dans un twit, ce qui les a rendus dingues, alors que l’apposition n’avait rien d’insultant) ont désormais accès au nom et au prénom d’une de mes filles. Un twittos intervient d’ailleurs : « Et comme tout le monde connaît le nom de famille de MS, il est facile de la retrouver… Comment osez-vous ? » Un autre en profite pour balancer mon patronyme deux fois en deux phrases : « Foncièrement on s’en fout qu’elle s’appelle Palombieri ou Du Champs tant que le taf est bon. Et si ça dérangeait Marcel Sel Palombieri pourquoi avoir laisser (sic) faire. »
À ce moment, la boucle est bouclée, tout le monde peut trouver son nom et son prénom, par ces deux twits successifs.
Voyant l’identité de ma fille livrée à une meute qui me hait par tous les pores, je réagis en qualifiant le journaliste d’ordure. Réaction spontanée. Mais comme je sais que le twit a sûrement déjà été capturé, et qu’au final, ce qu’il a fait justifie ma réponse, je ne l’efface pas. J’assume.
D’autres « twittos » réagissent. Ils tancent Carlot. Les mots sont durs. « Ce que vous faites est immonde » ; « absolument détestable et honteux » ; « salopard ». Mais aussi : « autant je suis rarement d’accord avec Marcel Sel, autant faire l’arrogant et limite jeter sa fille en pâture est une belle technique pour provoquer un harcèlement ciblé (dont on connaît les [conséquences] parfois dramatiques ».
Carlot n’efface pas. J’en comprends qu’il est furibard, prêt à tout. Une seule explication possible : la diatribe de Florence Hainaut l’a (rien n’indique pour autant une action concertée) chauffé à blanc. Pour que ça cesse, et tout de suite, je réagis, je twitte ma colère avec copie au directeur de l’info de la RTBF, Jean-Pierre Jacqmain, que je contacte aussi par mail pour faire cesser l’agression. Il répond le lendemain qu’il est en repos et qu’il confie l’affaire à « l’équipe sur le pont ».
Madame Carlot
Pour venger son mari que j’aurais donc « dénoncé » auprès de « ses employeurs », la femme de Carlot publie alors deux statuts Facebook successifs. Le premier, daté du 12 août, est lancé en « amis et amis d’amis », soit un cercle assez large pour être considéré comme public. Son pamphlet me dépeint en monstre hideux et répugnant.
Parmi ses amis Facebook, une grande romancière, plusieurs députés et mandataires Ecolo (et pratiquement uniquement des écolos), ainsi que la cheffe du service Médias de la ministre de la Culture et des Médias (écolo aussi) et le secrétaire général de la Fédération européenne des Journalistes, Ricardo Guttierez.
Le ton est donné d’emblée : « Marcel Sel aka Marcel Palombieri est un harceleur, un sale type et un des plus nuisibles malhonnêtes intellectuels que j’aie eu la malchance de croiser. » La dénonciation d’Olympe est justifiée sur un mode accusatoire et son nom complet est largué : « Pas de bol, Olympe Palombieri, la fille de Marcel, a publié le clip sur sa page (en réalité son profil Facebook personnel NDLA), en mode public. » Ce qui, selon elle, l’autoriserait donc à diffuser son nom.
Madame Carlot ressent aussi le besoin d’humilier les Quings en expliquant qu’elle trouve leur clip « malaisant ». La litanie continue pour mézigue : « Marcel Sel-Palombieri est un sale type, bouffi de jalousie et de frustrations. Il chouine, il ment […] Je ne parle même pas non plus de ses attaques répétées envers Florence Hainaut (dont acte NDLA), sous prétexte de défense d’une certaine liberté d’expression, mon cul! [C’est] un menteur, un délateur, un harceleur, un naufrage ». Je suis aussi un Sinistre individu, harceleur, sale type, nuisible, pâle con, bouffi de jalousie et de frustrations, chouineur, menteur, constamment dans le mépris et la malhonnêteté, sinistre cuistre, délateur, harceleur, vieux con, affabulateur, nuisible, une vraie enflure.
Salir les Quings
Quelqu’un poste la vidéo des Quings dans les commentaires. Et une internaute s’esclaffe, méprisante : « je comprends finalement qu’il nie être le père de ces artistes. » Suivent quatre smileys. La vidéo des filles n’est plus une œuvre qu’on critique, qu’on estime en bien ou en mal. C’est un objet à salir, un truc sur lequel on crache. Pour bien haïr Sel. Pour bien le miner.
Olympe lit ce portrait. Abasourdie. Cette violence verbale. Pourquoi ? Tout est faux. Tout est de travers. Et elle fulmine. Puis, elle craque.
Parmi les enthousiastes qui ont apprécié d’un like rigolard cette seconde attaque visant mes mômes avec une lâcheté féroce, juste pour me démolir, quelques personnalités. Ricardo Guttiérez, le secrétaire général de la Fédération européenne des Journalistes clique deux fois. Sur sa page, il écrira plus tard qu’il n’y a pas eu de doxing de mes filles. Selon lui, c’est une fake news. Son association, qui protège en principe les journalistes et les blogueurs, niera aussi, et m’accusera au contraire d’accusation outrancière. Puis, elle reprendra la thèse de madame Carlot : ma fille se serait doxée toute seule.
Du beau monde
Christophe Mincke, professeur à Saint-Louis, co-directeur de la Revue Nouvelle, une « revue intellectuelle », et directeur à l’Institut national de Criminalistique et de Criminologie — qui avait déjà soutenu mon doxing en 2016, aime. Chantal Istace, autre vieille connaissance de 2016, like aussi. David Lallemand, ex-journaliste RTBF et porte-parole du Délégué interfédéral aux Droits de L’Enfant — l’une des deux personnes qui me connaissent personnellement dans ce milieu, rit. Mustapha Chairi, président du CCIB est de la bande aussi. Comme le député Ecolo Olivier Biérin qui m’avait « dieudonisé ».
Il y a encore Renaud Maes, président de la SCAM, société d’auteurs dont je fais partie. Il approuve ce doxing de la fille d’un de ses membres, qui s’est entretemps transformé en humiliation collective de mes deux enfants, une forme de cyberharcèlement où chaque intervenant énerve le suivant et alimente une spirale sans fin qui nous pressure le crâne. Une ligue du Lol assumée, et en direct !
Effaré et furieux de voir de telles personnalités participer à une telle chasse, je publie leurs noms sur Twitter. Ils sont adultes. Par leurs likes, ils encouragent le forfait. La page est publique. Qu’ils assument !
Je cite aussi Corinne Torrekens, islamologue, professeure de Sciences politiques et chercheuse à l’Université Libre de Bruxelles. En réponse, elle publie sur Twitter un extrait du deuxième statut de madame Carlot, où apparaissent mon nom et celui de ma fille, en toutes lettres. Elle se fait reprendre par Jean Quatremer, excédé par cette atteinte à la vie privée. Elle efface le twit. Puis, elle ferme son compte. Comble : elle vient en fait de balancer l’identité d’une diplômée de sa propre faculté, sous prétexte qu’elle hait son père ! Torrekens retourne sur la page de madame Carlot, pour se plaindre. « Merci bien ! »
Olympe : « donc, désormais, les élèves de la fac de Science Po dont madame Torrekens n’aime pas les parents risquent d’être doxés ? »
La femme est une chose qui dépend d’un mec
Olympe s’effondre. « Je me sens violée », elle me dit. Jamais, elle n’a été autre chose qu’elle-même. Et là, tous ces gens, ces beaux diplômes, ces postes de prestige l’ont réduite, en un twit et deux statuts, à n’être plus que la fille d’un homme. La fille de son père ! Une chose qui dépend d’un mec. Tout l’opposé de son éducation. Tout l’opposé de son féminisme, qu’ils déclarent pourtant tous défendre. Et même, c’est quoi ce binz ? Elle n’a pas à « payer » pour un autre !
— J’ai l’impression qu’on est en Chine. Surveillés. Qu’ils sont libres de nous balancer quand ça leur chante !
Sand erre dans la maison. Si on balance sa sœur, ça va forcément être son tour. On essaie de la rassurer. Mais c’est possible que ça arrive. Probable. On ne sait pas. On se ronge les ongles.
Et puis, son œuvre, sa chanson, écrite à 17 ans (elle vient tout juste d’en avoir 18), raillée, démolie, est réduite à « de la daube » sur la page de cette belle âme de madame Carlot : ce serait une musique pour « le bêtisier de fin d’année que je fais écouter aux amis à Noël », selon un ingénieur du son ; un truc « objectivement merdique. » Sand à son tour réduite à une serpillère sur laquelle on crache pour atteindre son père. Et elle non plus, elle n’est pas « la fille de ». Elle est Sand Palombieri. Point. Merde !
Le père Marcel est une ordure
Tout à coup, Olympe se met à paniquer, pour une tout autre raison. Sa recherche d’emploi ! Elle sait que les DRH examinent les pages Facebook des candidats et candidates, et font régulièrement une recherche sur leur nom. Elle fait l’exercice, au cas où. Et elle se rend compte que, quand on recherche Olympe Palombieri sur Facebook, on tombe en premier sur le statut de madame Carlot, cette parodie grotesque qui la dénonce : elle est la fille de Marcel Sel, et voici son nom, mesdames messieurs : Olympe Palombieri. Et son père est une ordure.
— Qui va engager quelqu’un qui a ça dans sa recherche Facebook ?
Et il y a pire encore. Avec tous les écolos qui ont désormais son nom et savent qu’elle est ma fille — ceux-là mêmes qui m’ont parfois classé entre Nation et Degrelle — et qui applaudissent ce qui lui est infligé, les portes des ministères, des cabinets, des institutions bruxelloises viennent-elles de se fermer ? Jusqu’ici, elle était une jeune diplômée en gestion de l’environnement qui a tourné dans un clip. Désormais elle n’est plus que la fille de Marcel Sel. La fille d’un porc.
Une de mes cousines m’écrit. Elle est inquiète pour les autres enfants de la famille. Une telle haine pour les Palombieri, ça pourrait faire tache d’huile, non ?
Ma smala est dans tous ses états. Entre panique, inquiétude, fulminance, larmes, cris. À surveiller les twits, les pages Facebook, à prendre des copies d’écran, à se prendre au passage des gerbes d’insultes, de la boue à n’en plus finir, à chercher un avocat, à établir une stratégie.
Les vacances ont sombré dans l’angoisse.
Brunch et crunch
— Venez, on sort, on va prendre l’air. On arrête tout ça. On reprend après.
C’est Sand, la cadette, la tête froide de la smala. On acquiesce. On sort. De l’air. On se fait un brunch sur une terrasse, au soleil. On se détend un peu. Mais l’affaire est obsédante.
— Pourquoi la RTBF ne fait rien ? C’est quoi ces gens ? Ils nous en veulent tous ou quoi ?
Quand on rentre, un peu détendus, je checke ma boîte mail. Un courriel d’une ténore du barreau vient d’arriver. Frisson. Elle m’accuse de harcèlement envers Florence Hainaut et menace : si je n’arrête pas de la citer, elle est chargée de me poursuivre pour harcèlement et diffamation. Correctionnelle. Préparez les oranges !
Olympe sort de ses gonds. Explose. Une phrase la révulse, la rend dingue : on me reproche d’avoir associé Florence Hainaut à son doxing qui, entretemps, s’est déjà converti en séance de dénigrement de masse. En raid. Et envers sa sœur aussi. Pourtant, le nom Florence Hainaut est inscrit en toutes lettres dans le premier statut de madame Carlot (il le sera aussi dans le troisième), certes parmi d’autres raisons, mais bien pour justifier cette horreur qui lui est infligée. Et Carlot, lui, n’avait aucune autre raison de s’en prendre brusquement à moi. Et d’autres internautes m’interpellent en la citant.
Et surtout, dans cette lettre d’avocate, pas un mot d’empathie pour Olympe ! Même pas dans le mail d’accompagnement. Rien. J’essaie de lui expliquer que ce n’est pas son rôle. Qu’un avocat n’a pas à montrer son empathie pour la partie adverse. Mais le courrier, à la limite de l’intimidation, est ressenti comme une agression supplémentaire.
— C’est quoi cette #metoo qui n’en a rien à foutre de ce qui m’arrive ? On balance mon nom sur tous les toits ! Je ne suis jamais intervenue dans tes débats. Elle, c’est une personne publique, mais c’est toi qui la harcèlerais ? Et moi, dans cette histoire ?
Nuit de braise
Dans la maison, c’est le souk. La foire. Le soir est torride, l’ambiance est de braise. Il va falloir payer un avocat ! Comment on va faire ? OK, un crowdfunding. Mais jusqu’où ça va aller, ce délire ? Comment un article étayé peut mener à des agressions pareilles ? Car même si certains le trouvent biaisé, il suffit d’en débattre. Ou pas ?
Sand n’en peut plus. Elle s’en va. Elle a besoin de penser à tout autre chose.
Lendemain. La RTBF n’a toujours pas réagi. Des dizaines de personnes, sur les réseaux, nous expriment leur soutien. Les mots sont durs, parfois définitifs, pour la RTBF. Un hashtag fleurit #defundRTBF. Je ne suis pas d’accord. Du tout. Mais je n’ai pas le cœur à l’exprimer.
Des journalistes, solidaires, nous disent de tenir bon, qu’il faut continuer, qu’eux ne peuvent pas. Je comprends que j’ai mis le pied dans une colossale fourmilière.
« Bonne lecture »
Alors qu’on s’est partagé les rôles pour réagir, que chacun récolte sa part d’infos, et copie les quelques twits qui citent Olympe Palombieri, un nouveau mail arrive. Cette fois, c’est madame Carlot elle-même. Elle a copié dans son mail un troisième statut, qu’elle vient de publier. Il est encore pire que les précédents. Et elle nous souhaite… « bonne lecture » ! L’écran se brouille. Je craque.
Dans ce nouveau statut, la haine dégouline par paquets. C’est si malfaisant qu’on ne parvient même pas à lire jusqu’au bout. Aucune de nous. Cette fois, Olympe Palombieri est nommée quatre fois ! Elle serait la fille d’un « dégoûtant personnage », qui a un « odieu caquet ». À nouveau, son père est un malhonnête, un menteur, un harceleur, tordu, pervers, toxique, et les commentateurs d’acclamer ! À nouveau du beau monde like. Lucie Cauwe, journaliste littéraire, l’éditeur Eric Lamiroy, qui en profite pour descendre en flamme une de mes interviews dans Le Soir sur Elise, l’écrivain Eric Neyrinck, et même l’ex-coprésident d’Ecolo Patrick Dupriez, qui semble trouver tout ça parfaitement légitime ! Marcel Sel delenda est. Ses filles aussi.
Le statut est longuissime. Pire qu’un de mes billets — c’est dire. Carlot’s wife y nie le doxing, puis le justifie. Les arguments jouent avec le droit comme un tigre avec une souris : Olympe a une page Facebook, donc, c’est bien une personnalité publique, hein, mêdême ?
— Et quand je me suis fait tabasser en rue par deux connards, c’est parce que j’avais une robe trop légère, c’est ça ?
Olympe est remontée. Il faut dire que les mensonges dégoulinent : « son père l’a citée comme étant sa fille dans un de ses statuts » Je vérifie. C’est faux : je l’ai juste taguée, parmi 10 personnes, pour qu’elle cite 10 livres, à une époque où je n’avais pas encore été doxé, et je n’ai pas évoqué de lien de parenté ! J’arrête déjà là, il y a tellement de mensonges, tellement d’idioties, tellement d’éléments contre-factuels que ça prendrait la nuit.
Torture-porn
Dans les commentaires, Olympe découvre que son père est un auteur de merde et que son deuxième roman, Elise, est « du torture porn »… Ses prix pour Rosa, « de l’entre-soi ». Ou encore, madame Carlot, dans un cas d’école de victim-blaming : « Ce qui est malsain, en revanche, c’est d’entraîner ses propres enfants dans une telle tourmente. »
— Mais ils sont dingues ! Mais quelle horreur ! Mais qui fait ça ? Qui peut écrire des choses pareilles ? crie Olympe.
Le 15 août, à 21h06, descendant à son tour dans l’arène de la péroraison, prenant parti pour le couple doxeur, et justifiant la désormais octuple mention du nom de ma fille dans les statuts (sans compter quelques doxings malveillants supplémentaires sur Twitter), l’ex-coprésident d’Ecolo Patrick Dupriez commente :
« Dans cette affaire comme dans quelques autres, il est tout de même saisissant que le ‘problème’ de départ au (sic) yeux de Marcel aurait été dérisoire et quasi invisible si Marcel lui-même ne lui avait donné une gigantesque publicité. Et puis, comme le dit ce texte : ‘S’il avait communiqué ce souhait à Philippe, ça aurait bien sûr été respecté.’ Le traumatisme aurait pû (sic) être évité en moins de 3 minutes et un coup de fil demandant le retrait du tweet incriminé. Trop simple?
C’est Dupriez qui aurait dû me téléphoner, tiens ! Parce que la faute a bien été commise par son ami. Et que d’expérience, je sais que Carlot ne fait que ce qui lui plaît. Et qu’un coup de téléphone n’aurait rien changé. Ou pire, ça aurait empiré. J’aurais donc dû laisser faire, ou supplier l’agresseur. J’aurais donc dû m’écraser !
Il justifie de la sorte, aussi, le doxing précédent dont ma femme et moi avions été victimes, par Vincent Flibustier, en 2018, alors que Flibustier était candidat Ecolo, soutenu par tout le parti, coprésidente par Dupriez lui-même. Pour Ecolo, quand on subit une attaque d’un de ses candidats, il faut donc se taire et attendre que ça passe.
Pour se défendre, ils colportent que je leur en veux. Même pas. Je veux juste qu’ils prennent leurs responsabilités. Qu’ils acceptent la critique. Qu’ils soient un parti normal. Et surtout, qu’eux et leurs militants foutent la paix à mon entourage.
Tu as une pelle ?
Sand, elle, veut comprendre. Elle décide de parcourir les anciens statuts Facebook de cette journaliste diplômée qui ne travaille pas. Elle tombe sur un texte de 2018, où madame Carlot annonce qu’elle a trouvé un chien qui s’appelle Marcel Sel, « Il chie partout et il aboie en permanence. Pour rien. C’est tout ce qu’il fait. Ouvrir sa gueule et faire caca. » Un commentateur se demande quel calibre serait idéal pour l’abattre : « Calibre 12 ou 25 » ? Madame Carlot like. Un autre : « Tu as un jardin ? Tu as une pelle ? » Madame Carlot like. Ainsi que trois autres visiteurs, dont un criminologue.
Sand frémit.
— Dis, c’est des menaces de mort, ça non ?
— Ben, c’est le chien qui est visé… Et pour eux, c’est de l’humour.
— Oui, mais littéralement, ils sont bien en train de se demander quel calibre est idéal pour tuer Marcel Sel !
Et puis, elle me montre ce commentaire de la même dame Carlot pour justifier le mépris initial de son mari envers leur clip, à sa sœur et à elle : « Mais je ne nie aucunement qu’il a suffi de quarante secondes d’écoute de ce clip pour que Philippe se demande ce qu’est ce bazar. C’est son droit. […] Comme c’est mon droit de dire que je trouve ce clip malaisant. Tout artiste qui publie son oeuvre s’expose aux critiques positives ou négatives. »
Sand se recroqueville. Elle a compris que ce n’était pas de la critique. « Ce qu’est ce bazar » n’est pas de la critique. « Malaisant » n’est pas de la critique. Elle lit aussi que « l’homme de cinquante ans » n’aurait pas dû figurer sur le clip. Que c’est dégueulasse qu’il y ait été. On lui enfonce ligne après ligne qu’elle a commis cette erreur grave d’impliquer son père, comme on gave une oie. Qu’il est légitime que sa sœur paye ce besoin innocent, irréprochable de faire ce qu’elles avaient envie de faire ! Et tout ce beau monde qui pérore, qui certifie, qui juge ! Et qui ne sait pas ! Qui invente ! Ils n’en sont même plus à justifier de s’en être pris à sa sœur ! Ils en sont littéralement à justifier de recommencer encore et encore et encore et encore !
La petite sœur
Ce n’est pas le monde qu’on lui a annoncé. Un monde dur, oui, on l’avait prévenue. Mais une telle hideur dans la répugnance ! Un tel venin ! Une telle malveillance ! De tels progressistes ! De tels sauveurs de l’humanité ! De tels féministes ! Non !
Le portrait se brouille. Elle voudrait rugir. Être lionne. S’enfuir à toute vitesse dans la savane. Ne plus parler. Ne plus entendre. Courir dans le vent jusqu’au bout du monde, et puis au-delà, pour ne plus penser. Parce qu’on ne peut pas comprendre. Non, ça, on ne peut pas le comprendre ! Elle vient d’avoir 18 ans.
Madame Carlot a écrit : « Olympe et sa petite sœur ».
— C’est foutu. On me trouve comme on veut maintenant. Je suis une cible, comme Olympe.
Sur Twitter, quelqu’un explique qu’il suffit de les googler pour tout savoir sur elles. Les voilà analysées. On les dénude. On les explore. Dissection malsaine d’une meute haineuse.
***
Elles ont eu un moment de liberté, mes filles. Un moment où elles ont pu s’exposer sans frein. Sans crainte. Créant leur truc. Elles l’ont eu. Ça aura duré un mois. Et désormais, pour au moins un bon moment, elles ne sont plus Sand et Olympe. Ni Karl et Jules. Elles sont « les filles de Marcel Sel ». Parce qu’un journaliste a confondu rendre compte et dénoncer. Parce qu’une radio publique a haussé les épaules. Parce que des personnalités et même un ponte écologiste ont approuvé, parfois avec enthousiasme — j’ai reçu des soutiens privés de pratiquement tous les autres partis, que je remercie. On en avait besoin. On s’en est nourris. Pour tenir !
Un blogueur
Le 16 août à 18h05, après cinq jours infernaux, le compte twitter @newsroomrtbf twitte :
« La RTBF a été interpellée sur les réseaux sociaux dans le contexte d’une polémique entre un blogueur (sic) et un de ses journalistes. La polémique est née après la publication d’un commentaire (sic) sur une vidéo musicale. Les échanges qui ont suivi ne concernent pas la RTBF.
Dans un souci d’apaisement, et de commun accord avec son employeur, le journaliste a décidé (sic) de retirer le tweet qui mentionne le prénom de la fille de ce blogueur (sic)
Ce retrait ne constitue en aucune manière une reconnaissance des griefs formulés par le blogueur (sic). La RTBF et le journaliste regrettent les injures et amalgames formulés à leur égard. »
Mon nom n’est pas cité. Comme dans l’article de Florence Hainaut. Je me sens innommable. Pestiféré. Ma fille agressée n’est plus que « la fille de ce blogueur ». Et la victime, à les lire, c’est la RTBF !
Cold case
Quelques minutes plus tôt, Carlot est intervenu pour la première fois sur la page Facebook de sa femme pour s’étonner que les Quings n’aient pas payé les droits d’auteurs sur un petit clip promotionnel pris dans Friends. Le grand reporter a encore enquêté ! Ce clip fait partie d’un package d’autoproduction qu’elles ont payé rubis sur l’ongle.
Au moment où la RTBF fanfaronne sa « solution », la femme de Carlot écrit sur sa page Facebook où la chasse aux sorcières continue peinard : « Encore une fois, je proteste! Il y aurait eu octuple doxing si j’avais, genre, pendant huit jours, envoyé huit caisses de livres de Marcel Sel à l’adresse privée d’Olympe Palombieri ! » Réponse de l’ingénieur du son qui trouve leur musique si merdique : « Pourquoi? Elle manque de PQ ? »
Ettore Rizza, un ex-journaliste, qui s’est acharné deux jours durant à m’expliquer pourquoi je n’étais qu’un blogueur — copieusement liké par Guttiérez — et au moins autant à justifier le doxing d’Olympe, pose l’ultime cerise vénéneuse sur le dégoûtant gâteau :
« Quand on parle des ‘filles’, faut quand même préciser que celle dont on parle a quelque chose comme 27 (sic) balais, hein. Je sais bien qu’on reste toujours la fifille à son papa (sic), mais (comme le pointe un ami facétieux) ni Jim Morrison ni Kurt Cobain ni Amy Winehouse n’ont vécu plus vieux que ça. je ne lui souhaite certainement pas leur sort, mais en parler comme d’une enfant vulnérable est de la pure escroquerie. »
Rires ! Likes ! Applaudissements ! Rideau ?
Non. À l’heure où j’écris, ça continue.
54 Comments
Étienne Carton
août 18, 12:49Ergo
août 18, 13:05Laurent Paul
août 18, 13:39marcel
août 18, 15:20Maria
août 18, 14:27marcel
août 18, 15:19zzz
août 18, 16:08marcel
août 19, 13:20Salade
août 18, 16:26Dekais
août 18, 16:59janssen
août 18, 17:17Deltenre Gérard
août 18, 17:44Achille Albert
août 18, 17:54Vindju
août 18, 19:09Duboisdenghien
août 18, 19:30Rybido
août 18, 21:29marcel
août 19, 12:50Dumont
août 19, 08:30marcel
août 19, 12:49Chris
août 19, 10:30Emma
août 19, 16:30marcel
août 20, 08:58Hugues CREPIN
août 19, 19:56christophe schoonjans
août 20, 18:03Sylvie Rigot
août 20, 18:13Rainbow
août 23, 23:23Vince
août 25, 17:52marcel
août 25, 18:02Le Gille
août 26, 11:35marcel
août 26, 13:40Le Gille
août 26, 18:17marcel
août 26, 22:26Salade
août 27, 10:40Tournaisien
août 31, 15:20Tournaisien
août 30, 21:52u'tz
septembre 03, 16:54uit't zuiltje
septembre 01, 00:20u'tz
septembre 03, 17:15Tournaisien
septembre 05, 08:49marcel
septembre 06, 09:20u'tz
septembre 06, 22:06Tournaisien
septembre 07, 12:55Eifel
septembre 03, 10:46Dali Mbala
septembre 14, 15:19marcel
septembre 17, 19:28Alex delalibre
septembre 14, 17:04marcel
septembre 17, 19:30Ben Deffense
septembre 26, 17:33Droit de réponse de Florence Hainaut au texte : « Le pouvoir du victimisme. Episode 2 : comment devenir un harceleur, en un tweet. » | Un Blog de Sel
décembre 11, 10:15Droit de réponse de Myriam Leroy au billet : « Le pouvoir du victimisme 3 bis : appel au crowdfunding de votre serviteur cité en correctionnelle pour refus de publier des droits de réponse qui… aggravent les soupçons sur Myriam Leroy. » | Un Bl
décembre 23, 21:09Acquitté. Un petit pas pour moi, un saut dans le vide pour la presse en ligne. | Un Blog de Sel
janvier 03, 01:04Oh Bro ! 1. La Fédération Européenne des Journalistes (EFJ) se forme chez les Frères musulmans. | Un Blog de Sel
juin 05, 08:30La RTBF et Philippe Carlot m’assignent en justice : appel au crowdfunding. | Un Blog de Sel
septembre 24, 19:29Comme un polar : Myriam Leroy a menti, Florence Hainaut a menti. Et l’Association des Journalistes les a couvertes. | Un Blog de Sel
juillet 01, 11:33