Geert Bourgeois, francophobe de service.

train AnversJohan Swinnen, spécialiste de la photo avait organisé une expo sur La Flandre en 175 photos au Musée de la Photographie de Charleroi. Suite à la défection de 20 photographes néerlandophones (ou flamands) — ce qui rendait l’expo impossible — le directeur du musée, Xavier Canonne a annulé l’événement. L’éditeur flamand qui devait réaliser un recueil des 175 clichés a fait de même. Les 20 photographes en question ont refusé de participer parce que Johan Swinnen n’est pas uniquement professeur, il est aussi secrétaire de la fraction N-VA à la Chambre. Le refus est motivé parce que cela pourrait amener ces artistes à travailler involontairement au profit d’un parti politique.

Le problème, c’est que la nouvelle s’était à peine répandue que Geert Bourgeois, vice-ministre-président flamand, chargé des affaires intérieures, de l’intégration et de la périphérie twittait «Après la levée de boucliers contre Hendrik Vuye, voilà le boycott de l’expo de l’historien de la photographie Johan Swinnen, francophonie intolérante» avec un lien vers l’article du Standaard. Le journaliste Eric Donckier, du Belang van Limburg, qu’un journaliste d’une chaine nationale m’a un jour présenté comme «un vrai modéré (sic)», a surenchéri ; «L’expo photo à Charleroi est annulée parce que le curateur Johan Swinnen est, non seulement professeur expert, mais aussi N-VA. Ça se passe comme ça en Wallonie». J’ai retwitté les deux messages qui datent d’hier, le premier en ajoutant «xénophobie», le second en préfaçant «ceci n’est pas un journaliste». Le premier cas me paraît le plus grave, et révélateur. il s’agit d’un vice-ministre-président flamand et N-VA. À ce titre, il n’hésite pas à abuser d’une défection artistique (flamande en l’occurrence) pour fustiger « la francophonie », faisant un amalgame qui ne peut être qualifié autrement que de «xénophobe» et attribuant au fait d’être francophone une tare — l’intolérance — naturelle. J’attends les protestations de la ministre de la culture francophone, si prompte à organiser un concours antiquatremer, à moins qu’elle ne devienne lâche quand l’attaque vient de plus près.

Le twit d’Eric Donckier est plus ou moins de la même nature, sauf qu’il a pris soin de parler de «Wallonie», ce qui peut être interprété comme «l’administration wallonne». Techniquement, on n’est plus dans la xénophobie, sauf bien sûr s’il pense «les Wallons», mais ça, c’est entre lui et sa conscience. J’estime par ailleurs que le journaliste a un droit d’opinion. Encore faut-il qu’elle soit réaliste. Or, je le répète, le directeur du musée n’a tiré cette conclusion inévitable que suite à la défection de photographes qui n’étaient ni francophones, ni wallons ! Sa réaction n’est donc pas d’un journaliste.

À tout le moins, on attendait des deux sieurs un correctif lorsqu’il est apparu que Xavier (que je croise de temps en temps à CQFD sur La Première et que j’apprécie — comme ça, c’est clair) n’était pour rien dans l’annulation de l’événement. D’autant qu’il savait qui était Johan Swinnen avant de lancer le projet et qu’il s’agissait tout de même d’une expo destinée à montrer la Flandre autrement, aux nombreux visiteurs de ce musée renommé. Le procès d’un ministre et d’un journaliste (mais les commentaires de bien d’autres nationalistes flamands sont plus violents encore) est donc tout à fait à-côté de la plaque. Scandaleux. Révélateur.

Oui, révélateur. Car ceci montre que, quoi que les Francophones ou les Wallons fassent, aux yeux des N-VA et de leurs soutiens journalistiques, ce ne sera jamais bon, pour paraphraser Stromae. On m’a déjà quelquefois accusé d’alimenter la N-VA (le pouvoir astronomique attribué à ce petit blog me flatte presque) parce que je la critiquais avec virulence (mais toujours avec des arguments et des faits). On a souvent crié haro sur tel(le) ou tel(le) commentateur ou ministre parce que ses déclarations faisait «grossir la N-VA», allant jusqu’à les (me) qualifier d’«antiflamand». On le voit ici, ce que disent ou font les Francophones n’a aucune espèce d’importance, c’est la manière dont ces choses sont interprétées et l’ampleur qui leur est donnée par une partie (de moins en moins importante, heureusement) de la presse néerlandophone qui sert de haut-parleur récolteur de voix pour les nationalistes. Un article autocritique de Destexhe dans un journal flamand les rend hystériques de bonheur, à De Barricade, le siège du parti. Les nationalistes, au final, ne sont jamais décevants quand il s’agit de taper sur le voisin.

Ces derniers temps, plusieurs commentateurs avaient presque réussi à me convaincre que la N-VA était un parti «démocratique», «normal», «qui n’a rien contre les Wallons ou les Francophones». Je pense qu’aujourd’hui, je peux répondre tout haut ce que j’ai tout de même pensé tout bas à chaque fois : «et mon cul, c’est du poulet ?» Boah… on dira que même si je suis de Bruxelles, mon cul est peut-etre bien c’est du coq… wallon.

Ah oui, une remarque. Quand un professeur en photographe artistique s’engage dans un parti politique si prompt à fustiger la Wallonie, il est très, très mal placé pour critiquer les artistes qui décident, par liberté de conscience, de ne pas vouloir collaborer avec lui. Quand on mêle art et politique, on n’a pas le droit de reprocher aux artistes de faire de la politique à leur tour ou de au contraire, de ne pas vouloir y être mêlé, de près ou de loin. Begrepen ?

Photo amateur mais néanmoins copyrightée : «Gare D’Anvers. Votre train vous attend à l’étage.», Marcel Sel, 2013.

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