L’État pousse le burkini dans les piscines belges, et le féminisme fait plouf.
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Une fois de plus, le hijab s’est invité dans le débat public, sous sa forme natatoire. Cette fois, la source n’est autre que le très officiel Centre interfédéral pour l’Égalité des Chances et contre le Racisme, rebaptisé Unia. Le 24 janvier, l’institution a émis un avis juridique qui, en gros, déclare inopérantes les règles établies par des municipalités belges pour interdire le burkini dans les piscines publiques.
Cet avis répond à plusieurs décisions de justice contradictoires : deux jugements anversois autorisent cette interdiction, et deux autres, gantois, l’interdisent. Face à des tribunaux partagés, Unia a donc décidé de mettre son poids institutionnel dans la balance. En faveur du burkini.
Ce choix n’a rien d’étonnant. Chargée de lutter contre les discriminations de tout ordre en Belgique (sauf le genre), Unia coopère en effet avec le Collectif pour l’Inclusion et contre l’Islamophobie en Belgique (CIIB), le nouveau nom (non enregistré officiellement) du CCIB, copie conforme du CCIF dissous par le gouvernement français en 2020, tout aussi obsédé par le voile, et aussi proche des Frères musulmans. Unia s’était déjà pareillement illustrée, notamment en portant plainte contre la STIB (la RATP bruxelloise) qui avait rejeté la candidature d’une femme voilée, sous les applaudissements du collectif.
Le voile à bon port.
Pour bien comprendre le problème du burkini dans les piscines, il faut d’abord bien comprendre celui du hijab, pollué sciemment par les propagandes diverses.
Commençons donc par dissiper un malentendu sciemment installé : le port du voile — dans la rue et les espaces publics, par exemple — est un droit. Il doit être respecté au même titre que le port de n’importe quel autre vêtement religieux. Aucun parti démocrate ne remet ce droit en question.
La neutralité de l’État est également un droit, qui concerne l’ensemble des citoyens, et évite à ceux-ci d’être confrontés à des propagandes idéologiques ou des pressions religieuses dans les services publics — dont l’école. Le droit de porter des signes religieux s’arrête donc logiquement là où le citoyen s’adresse à l’État.
Le problème, c’est que la clé du débat n’est pas placée à cette intersection des droits par les « anti-islamophobes ». Elle est au contraire insérée dans le hijab lui-même ! C’est sur sa signification que s’articule la propagande, à partir du formidable déni de son évident caractère religieux. Ce déni est au cœur de la stratégie des antennes fondamentalistes quand elles parlent au grand public. Mais quand les mêmes parlent aux seuls musulmans, elles disent tout autre chose : « Le port du hijab est un devoir dévotionnel et religieux […] une obligation légale, et non pas un symbole religieux ». Prétendre ou penser qu’il s’agit d’un « simple vêtement » est donc absurde.
Si le hijab est un « choix » délibéré, en quoi serait-il problématique de le retirer pour travailler ou étudier ?
Or, toute absurdité provoque des incohérences. C’est le cas ici. Si certains se permettent de présenter toute interdiction du voile islamique comme une discrimination, c’est uniquement en vertu de ce port obligatoire religieux – ce qui est évidemment un comble : les femmes n’ayant pas le droit religieux de le retirer, toute interdiction limite leur accès à certaines fonctions ou à certaines études. Mais c’est bien la religion qui leur interdit de l’ôter. Et c’est là uniquement que se trouve la cause d’une éventuelle discrimination.
Si, en revanche, on prend ses défenseurs au mot, et que le hijab est un « choix » délibéré, porté pour « des tas de raisons », en quoi serait-il donc problématique de le retirer pour travailler ou étudier ? Tout autre choix vestimentaire pourrait être remis en question, tant à l’école que dans la vie professionnelle, mais pas ce « choix »-là ? Cette confusion entre obligation religieuse et choix délibéré est voulue, pensée, et stratégique.
En réalité, partout dans le monde, ce sont les milieux islamistes (soit une minorité de musulmans qui prônent l’instauration de la charia en lieu et place de la démocratie, au moins pour les minorités musulmanes) qui promeuvent constamment le port du voile. Par exemple, sous le hashtag #worldhijabday (journée mondiale du hijab).
Phobie en tête
Dans les pays anglo-saxons, cette campagne a le mérite d’être claire : puisque le port du voile y est souvent libre dans les services publics, l’objectif est réduit à la promotion du hijab auprès des musulmanes, et la promotion de leur acceptation par les autres.
C’est aussi un moyen de pression sur les femmes de culture musulmane qui ne veulent pas le porter. D’où l’émergence récente d’un mouvement de réelle émancipation : #LetUsTalk (laissez-nous parler), qui recense aussi les agressions dont sont victimes les femmes non voilées à l’intérieur de leur communauté.
Mais dans les pays qui appliquent une forme de neutralité (laïcité, etc.), ces campagnes s’accompagnent d’accusations d’islamophobie envers les États qui régulent le port du voile — autant dire, envers les démocraties occidentales. Et des progressistes, qui pensent défendre des femmes qui sont bloquées dans leur progression sociale ou éducative par une discrimination « islamophobe » qu’ils attribuent à leur pays, s’en font le relais.
Pourtant, la logique d’une telle incrimination n’est pas née de considérations égalitaires, mais puise sa source dans la charia elle-même !
Ceci est essentiel pour bien comprendre l’enjeu : du point de vue des islamistes, le choix démocratique d’une société où il y a une minorité musulmane doit impérativement être conforme à la loi islamique. Mais bien sûr, ce discours inaudible pour les démocraties reste enfoui, par exemple, dans les recommandations du centre de la fatwa des Frères musulmans (ECFR, Dublin) où il est néanmoins très clairement rédigé : si, selon l’ECFR, les États occidentaux n’ont pas le droit d’interdire le hijab où que ce soit, c’est parce que « les enseignements de l’islam, de par leur nature, ne connaissent pas la contradiction ». Et c’est sur cette base purement religieuse que les islamistes prétendent imposer le voile dans les services publics de nos démocraties. Ce faisant, ils leur imposent, ni plus ni moins, de se conformer à la charia.
Hijabogauchisme
En communiquant sur les femmes discriminées, ils attirent des partis et même des institutions dans le piège d’une stratégie à long terme qui prend les démocraties occidentales en tenaille.
La première pièce de la tenaille est la militance « intérieure », que certains appellent « islamogauchisme », dont le vocabulaire propagandiste est destiné à effacer le caractère religieux et obligatoire du hijab : « foulard », « choix », « liberté », « discrimination » sont en fait des concepts nés chez les islamistes eux-mêmes.
Ainsi, d’innombrables micro-organisations liées de près ou de loin aux Frères musulmans principalement, se chargent de réduire tout obstacle imposé au voile à de « l’islamophobie ». Il est d’ailleurs remarquable que les centrales « anti-islamophobie » concentrent leur activité sur les atteintes au port du voile, comme si les musulmans mâles d’Europe ne connaissaient, eux, aucune forme de discrimination !
La seconde pièce de la tenaille, c’est le soutien extérieur à ces campagnes par des Frères musulmans étatiques, comme la Turquie d’Erdogan, qui lance régulièrement de grands discours enflammés contre la prétendue « islamophobie » de — par exemple — la France. Hasard ? Non !
L’objectif concret des islamistes est de supprimer les principes de laïcité et de neutralité.
Le CIIB, tout comme le CCIF et d’autres antennes de la sphère frériste, participe à la rédaction des « rapports » annuels du SETA — une antenne turque islamiste et propagandiste, dont les conclusions sont ensuite brandies par le président turc.
Ce sont en réalité de véritables petites fabriques de « preuves d’islamophobie », qui vont jusqu’à qualifier « d’islamophobe » la lutte légitime et nécessaire des démocraties contre le terrorisme jihadiste.
C’est en s’appuyant sur ces « rapports » qu’Erdogan et ses affidés accusent ensuite des États européens d’islamophobie, voire de fascisme. Et jusqu’à l’ONU ! Et l’objectif est concret : supprimer les principes de laïcité et de neutralité, qui ne sauraient, à leurs yeux, supplanter leur version radicale de la charia.
Féminisme, source Tariq
Ceci produit ensuite des incohérences tragicomiques ébouriffantes comme le fait que des néoféministes occidentales se retrouvent alors précisément sur la même ligne que l’autocrate patriarcal par excellence, Recep Tayyip Erdogan, qui a par exemple retiré la Turquie de la Convention d’Istanbul, qui impose aux États d’interdire les violences envers… les femmes !
À ces féministes bizarres, on a tout de même envie de rappeler que l’inventeur du « féminisme voilé » n’est autre que Tariq Ramadan.
En réalité, la discrimination dont les islamistes (et des progressistes) accusent les démocraties prend sa source chez eux-mêmes ! Car l’interdiction du hijab est un rempart contre le véritable instrument de discrimination, qui est le voile islamique en tant que tel, vecteur s’il en est de l’effacement des droits des femmes, et cause fondamentale de toute discrimination apparente qui s’ensuit.
Les islamistes renvoient de ce fait la responsabilité de leur propre misogynie et de leur propre discrimination sur les démocraties occidentales qui tentent de la limiter !
Triple bénéfice : De un, l’islam radical maintient son joug sur les femmes. De deux, il fait passer la charia pour libératoire et émancipatrice. De trois, il mine les fondements de la démocratie qui empêche l’avènement de la seule loi qu’il reconnaît : la charia.
Fatras de fatwas
Déjà dans l’islam conservateur, le hijab est une obligation « légale » et toute infraction est punie par Allah en personne ! C’est clairement établi par de nombreuses fatwas de Dar El-Ifta, le centre « juridique » de la prestigieuse université Al-Azhar, institution-phare de l’islam conservateur. C’est aussi la base de la doxa, plus dure encore, du Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche, fondé par le leader spirituel des Frères musulmans, l’antisémite homophobe Yussef Al-Qaradawi.
Ainsi, la fatwa 82 de Dar El Ifta statue que le port du hijab est : « obligatoire pour toute femme musulmane qui […] commence à menstruer ». La fatwa 7504 précise qu’une femme ne peut le retirer en public qu’en cas de nécessité vitale. Ainsi, si une professeure d’université ne peut travailler voilée, et si un job de caissière voilée chez Ikea lui permet de survivre décemment, elle doit choisir la deuxième solution. Son ambition, ses souhaits de carrière, ses désirs de promotion n’ont strictement aucune valeur. Féminisme, on vous dit !
Et pour les musulmanes qui refusent de porter ce « choix » qu’est le « foulard », les vieux croûtons misogynes et réacs (tous mâles, bien sûr) qui établissent ces lois misogynes ont prévu deux armes radicales.
Pour les muftis (très) conservateurs et les islamistes, le port du voile est une obligation absolue.
Il y a d’abord la peur. La fatwa 6137 rappelle qu’aux yeux de Dieu, une bonne action ne compense pas une mauvaise. Ainsi, on peut être une parfaite musulmane sous tous les autres aspects, mais le seul fait de ne pas porter le hijab peut quand même encore vous mener à l’enfer pour la vie éternelle !
La seconde arme est la pression sociale et familiale. La fatwa 3590 encourage les pères à imposer le port du hijab à leurs filles. En réalité, c’est tout l’entourage qui est tenu, pour son salut, de participer à ce système de pression. Ceux qui ont connu le catholicisme d’antan connaissent bien ce phénomène.
Et cette pression va de pair avec un radicalisme ahurissant. Ainsi, la fatwa 10669 interdit à une femme qui perd ses cheveux d’ôter son hijab, alors même qu’un médecin lui a prescrit de le faire pour guérir. Et les muftis de s’autoproclamer docteurs, en lui imposant de garder le hijab capellodestructeur, lui suggérant d’utiliser un tissu plus léger, et — tant qu’à faire — de… chercher d’autres causes d’une telle chute (stress, malnutrition, etc.)
Allah veille
Aucun choix, donc, aucune liberté, et aucun féminisme. Mais une version extrêmement conservatrice et stricte d’une religion, figée dans des interprétations radicales et/ou biaisées de textes d’une époque antique, ignorant tout contexte, toute évolution et tout progrès !
Les conservateurs égyptiens sont donc déjà bien lourds. Mais les fatwas des frères musulmans européens prêchent en sus que la femme n’est l’égale de l’homme que tant qu’elle est d’accord avec son mari. Elle doit par exemple demander son autorisation pour se couper les cheveux si cela change trop son visage, et que le pauvre homme fragile pourrait ne pas reconnaître la femme qu’il a épousée et aimée.
En Belgique, les égéries du voile à qui l’on donne la parole dans les médias ou qui la prennent sur les réseaux sociaux adhèrent à ce port obligatoire du voile et sont elles-mêmes des ultraconservatrices. La plupart sont liées à des antennes fréristes. Ce sont ces mêmes religieuses convaincues qui vous assurent qu’il existe « un choix ». Et qu’on porte le voile « pour tout un tas de raisons ». Elles le comparent même à la minijupe, qu’aucune autorité religieuse n’a jamais rendue obligatoire nulle part, et qu’elles-mêmes ne porteront jamais : c’est pour elles un interdit absolu ! Pire : elles le comparent au foulard que portent les cancéreuses pour cacher leur calvitie…
Charia, mon tout, mon toit.
Vous aurez peut-être compris que le fait qu’une bonne action ne répare pas une mauvaise implique (ou découle du fait) que pour ces gens, la charia est un tout. Le hijab n’est donc pas un « simple » vêtement qu’on choisit de porter : c’est un élément obligatoire, et indissociable de l’ensemble de leur vision de la loi islamique. Porter le hijab, c’est donc porter toute la charia. Ce foulard a également pour fonction accessoire de rappeler aux femmes qui ne le portent pas qu’elles sont en défaut quant à leur obligation de pudeur, de discrétion, de modestie, de soumission.
L’objectif réel des campagnes #WorldHijabDay est dès lors limpide : généraliser le voile au sein des communautés musulmanes. Et chaque jeune femme qui l’adoptera et circulera avec cet étendard sur la tête contribuera volontairement ou non à le rendre un peu plus incontournable pour les autres, devenant un vecteur de cet islam conquérant.
Dès cinq ans, un avenir de soumission déjà scellé.
Ensuite, on vous dira que les fillettes de cinq ou six ans qui le portent font simplement la même chose que leur maman et que c’est bien naturel. Elles seront félicitées pour leur « bon choix » par leur entourage, mais leur avenir de soumission sera d’ores et déjà scellé, avant même qu’elles ne puissent comprendre qu’un choix existe, avant même qu’elles ne puissent apprendre que les femmes ont des droits, et que les démocraties occidentales leur offrent une chance d’émancipation.
Avant même que d’être !
Et avec le soutien de progressistes égarés et même d’institutions qui préfèrent sacrifier l’islam libéral et progressiste en aidant l’islamisme, le frérisme, le salafisme à l’écraser définitivement
Piège en eau trouble.
Ces progressistes sont tombés dans le piège des islamistes à visage d’ange parce qu’ils ont cru qu’un droit était bafoué, une liberté refusée à des personnes « issues de la diversité ».
Pourtant, le droit de porter le hijab est consacré dans nos États. Tout comme le droit de se soumettre à ce qu’on veut. Une musulmane voilée ne fait d’ailleurs rien de plus ni rien de moins que ce que font les juifs orthodoxes, les amish ou les moines bouddhistes.
Mais on n’imaginerait pas militer pour le droit des hassidim de porter des peyes et un streimel pour enseigner à l’école publique ou conduire un bus. Ils ne le demandent d’ailleurs pas. Seuls les islamistes exigent qu’on franchisse cette frontière qui protège le citoyen des excès religieux, et les religions de la politique. Cette frontière qu’on appelle « laïcité », un concept qu’ils abhorrent.
Ce qu’on ne peut donc pas faire, ce qu’on n’a pas le droit d’infliger aux musulmanes libres ou apostates, et aux jeunes femmes qu’on laisse dans l’ignorance d’une autre vision du monde (Brel aurait dit qu’on les « gestapotte », c’est participer à la promotion du hijab ! Parce que l’invisibilisation des femmes va à l’encontre des valeurs fondamentales de notre société que sont l’égalité de genre, le droit à l’émancipation, et tant d’autres précieux engagements.
Le voilement ne peut être qu’une exception que l’État doit tolérer, mais jamais encourager.
Le voilement, comme toute autre pratique religieuse contraire à l’égalité, ne peut être qu’une exception qu’on doit tolérer, mais aussi limiter. Une pratique qu’en aucun cas, les pouvoirs publics ne peuvent promouvoir, de près ou de loin, via une association subsidiée ou via Unia. Or, cette promotion a déjà eu lieu. Par la Belgique et ses composantes, la Commission européenne, ou encore le Conseil de l’Europe !
C’est pourtant à ce point précis, qui sépare la tolérance de la promotion de l’intolérance, que se situe la clé du débat, et nulle part ailleurs.
L’interdiction du voile dans l’enseignement secondaire, par exemple, répond nécessairement à ce critère, dès lors qu’il évite l’introduction à l’école de ce système de pression multiforme, et qu’il offre aux jeunes filles de milieux « voilants », d’expérimenter les bienfaits d’une société égalitaire, où aucun signe ostentatoire ne peut distinguer les sexes, les genres et les individus.
Les Iran de Belgique
Au contraire, dès lors qu’une idéologie totalisante — l’islamisme, qui mêle religion et politique — est à la manœuvre, la société des libertés se doit de résister. C’est pour ça qu’Ihsane Haouach ne devait en aucun cas devenir commissaire du gouvernement : elle était un de ces pieds dans la porte, un de ces multiples épiphénomènes d’un entrisme qui, patiemment, trace une route qui vise à parvenir, dans 20, 50, 100 ans, à présenter le voile comme la normalité, et tout millimètre de nudité comme un scandale.
On doutera qu’ils y parviennent jamais dans la société séculaire. Les néoféministes blanches qui tissent, à coup d’accusations d’islamophobie, la toile dans laquelle les islamistes enferment de plus en plus de femmes ne risquent donc strictement rien pour elles-mêmes. Mais dans les quartiers à forte population musulmane, et dans certaines entreprises, les femmes qui refusent de le porter subissent déjà des pressions voire des menaces, et vivent ce paradoxe insoutenable : c’est dans les pays mêmes où leurs libertés sont inscrites avec le plus de fermeté dans les lois, qu’elles se retrouvent enfermées, pressurisées, injuriées, menacées et parfois même violentées !
Les institutions qui se rendent complices de la promotion du hijab les abandonnent ainsi au pire patriarcat. Et tout en hurlant qu’on ne peut pas comparer le voile en Iran et en Belgique, ces progressistes dévoyés contribuent à créer, justifier et maintenir des mini-Iran au sein même de notre société, où ce voile est déjà tout aussi obligatoire !
Le burkini, fissa
Pour l’instant, la loi parvient encore à limiter, cahin-caha, le port de signes ostentatoires pour les agents publics. Mais la lutte est âpre, déjà. Et c’est là qu’intervient la stratégie du burkini.
Si des femmes sont heureuses de pouvoir se baigner quand même malgré la dureté imposée par leur religion, le burkini est surtout une manœuvre qui n’a pas grand-chose à voir avec un « choix ». Car là aussi, l’objectif est de dicter à la femme musulmane un comportement contraignant, d’envahir le plus possible les lieux publics de l’image idéale de la musulmane voilée, et d’assigner à la fois les autres musulmanes à leur mauvaise pratique — se baigner en maillot classique —, et les non-musulmanes à leur impureté.
Stratégie délibérée, car pour les démocraties, le burkini est un piège machiavélique qui utilise nos valeurs pour les retourner contre elles : il n’est pas porté par des agents de l’État, mais bien par des citoyennes lambda qui réclament un droit apparemment légal, celui de porter dans les piscines publiques un vêtement qui ne pose pas de problème d’hygiène.
La discrimination visible : le burkini impose une différence entre femmes qui est absente chez les hommes.
L’essentiel n’est évidemment pas là. C’est que le burkini est en lui-même un facteur de discrimination. D’abord, parce que porter l’habit réputé pudique revient à renvoyer autrui à son impudeur. La femme qui nage en deux pièces devient l’antithèse de la femme décente qui, elle, ne laisse voir aucun bout de peau. Ensuite, et surtout, cette distinction n’existe que pour les nageuses. Les nageurs, eux, ne se distinguent absolument pas entre musulmans très pratiquants, musulmans laïques, et non-musulmans : ils nagent tous en maillot !
Autrement dit, autoriser le burkini en heures normales dans les piscines ne permet pas seulement de militer contre l’égalité. Cela revient en plus à démontrer, ouvertement, publiquement, et de façon ostentatoire, que les femmes ne disposent plus des mêmes libertés que les hommes en Europe, celles-ci étant assignées à une prétendue pudeur qui épargne totalement leurs homologues mâles.
Discriminer n’est pas discriminant
Le piège est épatant : les islamistes réclament l’application des lois contre la discrimination, alors qu’il n’y a pas de discrimination plus visible, plus efficace, plus insidieuse que celle produite par l’arrivée dans nos piscines de femmes qui colportent une interprétation misogyne de leur religion sur la totalité de leur corps ! Et qui se distinguent ainsi radicalement des hommes qui, eux, ne portent rien !
Or, les piscines sont des lieux publics dans lesquels les femmes doivent avoir le droit de se baigner sans être confrontées à un étendard propagandiste d’une conception ultrapatriarcale d’une religion, quelle qu’elle soit.
Cet aspect est purement et simplement ignoré par Unia.
Extrapolons. Si une religion imposait de nager tout nu, selon la même logique, il faudrait autoriser ses adeptes à le faire. Quoi ? La nudité choque certains ? Eh bien, l’enfermement vestimentaire des femmes et d’elles seules en choque d’autres. Et le vivre-ensemble impose qu’on modère l’un, comme l’autre.
Le principe même d’interdiction de toute discrimination selon le genre est l’outil juridique approprié : le burkini est un vêtement discriminatoire, sexiste et misogyne, profondément choquant pour tous ceux qui chérissent l’égalité entre les genres, et en l’autorisant dans leurs piscines, les communes se font complices de la discrimination qu’il impose, expose et propage.
Bruxelles, capitale du hijab
De tout temps, bien des femmes ont résisté à leur émancipation. Beaucoup trouvaient un certain confort dans le patriarcat. Il a fallu que les féministes leur montrent la voie, leur révèle patiemment, un à un, les pans de leur propre illiberté qu’elles n’imaginaient même pas.
Aujourd’hui, notre responsabilité est de faire de même avec les musulmanes, jeunes et moins jeunes. De leur dire que non, elles ne sont pas tenues d’obéir à une injonction attribuée à Allah ou au Prophète, ou au mufti le plus réac du moment, lui-même terrifié par sa propre libido. De leur dire que porter le voile est leur droit absolu. Mais aussi de leur expliquer qu’aucun être suprême qui se respecte ne les punira d’être elles-mêmes, d’être libres, fières et ambitieuses. Qu’au contraire, il se réjouira qu’elles se donnent plus de chances d’intégration dans une société qui se veut égalitaire ! L’islam naissant favorisait déjà l’instruction des femmes. Dans le contexte actuel, êtes-vous bien sûr que le voile correspond encore à cette volonté ?
Vous me direz que l’égalité n’est pas encore au rendez-vous. On a avancé, et on n’y est pas. Certes. Mais une chose est sûre : en promouvant des pratiques antédiluviennes qui devraient être l’exception, on n’y parviendra jamais. On ne peut pas saluer cent ans d’émancipation en autorisant mille ans de recul.
« On n’a pas fui les imams du bled pour se faire voiler à Bruxelles »
Et puis, surtout, la liberté d’une nation est égale à la liberté de sa plus petite minorité. Cette plus petite minorité, aujourd’hui, ce ne sont pas les imams qui prêchent la rigueur. Ils ont d’excellentes protections. Ce ne sont pas les femmes voilées : elles sont enfermées dans une idéologie qui les exclut, ou s’y enferment elles-mêmes. Cette minorité, c’est aujourd’hui la femme musulmane ou de culture musulmane qui refuse les diktats d’un culte totalitaire et patriarcal, ou la jeune LGBT qui sort ses tripes contre l’homophobie intrinsèque à certains courants de l’islam.
Cette minorité, c’est celle dont les néoféministes nient l’existence au nom d’un prétendu choix qu’elles n’auront jamais à faire elles-mêmes ! Cette minorité s’appelle Mila, Menel, Zineb, Henda, Fadila. Cette minorité a dû fuir, et fuit encore des quartiers devenus des zones totalitaires où leur existence ne peut plus se dérouler qu’à l’ombre du voile.
Cette minorité, c’est chaque femme qui résiste à la pression du nombre ou qui est menacée de mort pour avoir refusé de faire ce choix « si libre ».
« On n’a pas fui les imams du bled pour se faire voiler à Bruxelles », me disait une amie musulmane et fière de l’être. La prochaine fois qu’elle ira à la piscine, les burkinis des islamistes lui rappelleront qu’elle est condamnée à les retrouver partout sur son chemin, ces imams voileurs, et de plus en plus souvent dans la capitale de l’Europe des droits humains, et de l’égalité des genres.
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6 Comments
Gauthier V.
février 04, 23:06marcel
février 06, 11:07Philippe Haegelsteen
février 05, 10:17alainvdk
février 07, 17:28marcel
février 07, 18:40Salade
février 22, 12:28