Emploi : la Belgique de Charles Michel est dans les limbes.
Quand un gouvernement doit fouiller les fonds de tiroir pour trouver de bons chiffres à brandir au citoyen, c’est qu’il a un problème. Surtout si c’est une coalition qui a promis le changement et des « jobs, jobs, jobs ». Rappelez-vous : la « Suédoise » de Charles Michel allait nous transformer l’emploi belge très cher en travail compétitif, rendre les salariés faciles à engager, attirant ainsi les entreprises étrangères et favorisant l’exportation. Car oui, l’emploi est trop cher en Belgique, et non, les petites entreprises n’ont pas le moindre intérêt à engager du personnel. Mais surtout, quand on fait la promesse de révolutionner le monde du travail au prix d’une perte (relative ?) de pouvoir d’achat, il y a un moment où on doit montrer ses résultats. D’autant que les annonces de licenciements de ce début d’automne font peur.
Du coup, le MR a tant besoin de prouver par tous les moyens que la politique gouvernementale est productive qu’il en arrive à vampiriser les résultats des gouvernements précédents pour se donner bonne figure. Ainsi, ce twit du MR où le parti se vante de 12 trimestres de création d’emploi nette, alors qu’il n’est en place que depuis 6 ou 7 de ces trimestres et que ses mesures n’ont pu avoir d’effet avant deux ou trois d’entre eux ! Bref, tout fait farine au moulin pour prétendre qu’il y a un changement.
Alors qu’une évolution annuelle est la façon la plus crédible de présenter ses accomplissements, le gouvernement s’est donc employé à cumuler les années. Le besoin d’un tel cumul montre qu’il n’a pas de quoi ébouriffer le citoyen avec les chiffres sur un an. Ainsi, il brandit comme une belle réussite le fait d’avoir créé quelque 80.000 emplois nets depuis son arrivée au pouvoir. Soit en près de deux ans. En 2015, le gouvernement pouvait déjà se targuer d’avoir « créé »(1) 41.000 nouveaux jobs. Selon la BNB, Sur 2 ans pleins (du 2e trimestre 2014, sous Di Rupo) au 2e trimestre 2016), on est en fait à 83.000 emplois, dont 44.000 sur la dernière année— un léger mieux, sans plus.
On ne voit donc pas de grosse évolution (pour l’instant). Mais bien pire encore, ce chiffre ne tient pas compte de l’accroissement de la population. Et il n’est comparé au résultat d’aucun autre pays. Or, si l’on veut connaître sa performance, il faut la comparer aux autres.
Voyons par exemple le taux d’emploi dans notre pays et dans quelques économies voisines. Il a l’avantage de tenir compte de l’accroissement de la population et de permettre une comparaison au moins basique avec d’autres pays. Pour rappel, le bureau du plan prévoyait pour 2015-2020 la création de la bagatelle de 200.000 emplois. Mais surtout, selon lui, le taux d’emploi allait passer de 67,3% en 2014 à 70% en 2020. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Eh bien à 67,1 (Eurostat) ! Sur le graphique ci-contre (taux d’emploi des résidents de 20 à 64 ans, corrigé des différences saisonnières), la Belgique est en fait toujours à son niveau du 2e trimestre 2010. Sa courbe est atone. Pour tout dire, même la France (métropolitaine) nous distancie.
La courbe de la zone euro, elle, se redresse clairement depuis 2014. Pas la belge. L’Allemagne cartonne et frôle désormais les 79% (contre 75% il y a 6 ans), le Royaume-Uni fonce, certes au prix de jobs très mal payés. Mais le fait est là, depuis début 2014, tous les pays progressent, sauf la Belgique ! Y compris le Danemark, un pays où la pression fiscale est assez similaire à la nôtre.
Allons un pas plus loin et examinons la croissance du taux d’emploi en Belgique par rapport à ceux de l’Allemagne, de la France (métropolitaine), et de la zone euro. Clairement, nous sommes de moins en moins performants. Nous sommes même doucement largués par la France. Si la situation s’est légèrement améliorée pendant l’ère Di Rupo par rapport à la zone euro, c’est la chute libre depuis l’arrivée de Charles Michel : la Suédoise a même plus perdu par rapport à l’UE en 5 trimestres que Di Rupo en 12 !
Mais soyons honnêtes : je prends ici la logique du gouvernement Michel lui-même, qui prétend que les effets de sa politique se ressentent dès son avènement. Ce n’est pas le cas : la baisse de performance de l’emploi belge en 2015 est plutôt imputable au gouvernement précédent. Mais ce qui est vraiment inquiétant, c’est qu’aucun redressement ne se profile !
C’est ce que montre mon troisième et dernier graphique (je ne tiens pas à donner totalement raison à Nordpresse). Ici, on prend le premier trimestre 2010 comme base 0. On compare donc la différence actuelle entre notre taux d’emploi et celui de nos voisins à celle de l’époque Et là, les résultats sont juste tout à fait stressants : c’est la Berezina ! L’Allemagne nous largue à haute altitude. Et alors que dans la première moitié de l’ère Di Rupo, on a tenu la zone euro en respect, depuis 2013, elle se distancie aussi à toute berzingue. Et ça s’accélère depuis 2015 ! Enfin, la France, de sinistre réputation quant à sa capacité à créer de l’emploi, elle aussi nous dame gentiment le pion.
Bien sûr, on parle de 5% de différence maxi. Et un gouvernement ne change pas les choses du jour au lendemain. Comme je le disais, la stagnation du taux d’emploi de 2015 peut être imputée au moins en partie au gouvernement précédent. Mais alors, la hausse des créations d’emploi, tant revendiquée par le MR, aussi !
Une chose est sûre, nous n’atteindrons pas les 70% de taux d’emploi en 2020. Pour rappel, l’objectif européen est encore 3,5% au dessus de ce chiffre. Bref, à l’heure qu’il est, le gouvernement Michel n’a encore absolument rien montré. Et cette fois, il peut difficilement mettre ça sur le dos de la gauche ou des syndicats. S’ils ont manifesté parfois sans pouvoir expliquer pourquoi, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’aucune de leurs revendications importantes n’a été prise en compte par l’équipe de Charles Michel.
Enfin, contrairement au slogan de la N-VA, ce n’est pas tant de la force du changement qu’il s’agit, mais bien de la puissance de l’immobilité. Comme quoi il ne suffit pas de crier fort et de se prétendre meilleur pour gérer un pays.
(1) J’avais mis crée entre guillemets, car un gouvernement ne crée pas d’emploi, hormis par ses propres commandes ou dans le fonctionnariat, il peut tout au plus créer les conditions d’une progression de l’emploi par les entreprises. [précision ajoutée suite à un commentaire pertinent de Riton laveur]
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21 Comments
Tournaisien
octobre 05, 17:37marcel
octobre 05, 18:28Tournaisien
octobre 06, 05:12Salade
octobre 05, 18:20moinsqueparfait'
octobre 06, 08:44Salade
octobre 07, 11:48poubellications
octobre 05, 20:12marcel
octobre 06, 08:31Démocrate
octobre 05, 22:12marcel
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octobre 06, 10:14Salade
octobre 08, 17:07Jean-Claude Du Cru
octobre 06, 15:42Riton Laveur
octobre 06, 07:23marcel
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octobre 09, 01:15marcel
octobre 10, 08:25