Étude bidon, preuves imaginaires. Jan Jambon, amateur congénital ou pyromane professionnel ?
« L’affaire Jambon semble close. MR et N-VA se sont tus, les autres partis de la majorité se contentent de réprobations. » Voilà ce que twittait Bart Brinckman, journaliste politique du Standaard après que Jan Jambon fut sorti tranquille de son examen oral, mercredi dernier, en commission de l’Intérieur de la Chambre. Pourtant, il y a démontré qu’il était incompétent, qu’il utilisait mal les ressources de son ministère, et/ou que son aveuglement idéologique l’empêchait de gérer des aspects fondamentaux pour la sécurité belge.
Ministre de la Sécurité bien sécurisé
Mais que pouvait craindre le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur ? Il savait que sa démission ne serait pas demandée : Galant venait d’être débarquée et le départ d’un vice-premier N-VA pourrait faire imploser la majorité. Et qui oserait provoquer une crise politique dans la Belgique actuelle, déjà ratiboisée par le Belgian-Bashing (réel ou supposé) ?
La presse belge n’est pas mûre non plus pour réclamer le départ du vice-premier. Il n’y a qu’à lire l’édito de Béatrice Delvaux ce jeudi, qui imagine pouvoir lui raccorder une forme de confiance. Jan Jambon a en effet affirmé à la commission de l’Intérieur qu’il voulait « reconquérir les cœurs » des musulmans. Le Soir lui a dit « chiche ». Une fois de plus. Et deux jours plus tard, badaboum, c’est Liesbeth Homans qui reprenait le témoin musulmanophobe ! Le lundi, Le Soir relevait aussi avec un enthousiasme (feint ?) que Jan Jambon avait été applaudi en commission du Parlement européen après avoir défendu… les musulmans belges !
Comment mieux dire que la méthode N-VA plonge la presse dans la perplexité ? Ou comment mieux démontrer l’efficacité de sa méthode, qu’on peut comparer à celle d’autres partis populistes européens, comme l’AfD en Allemagne. La passionaria de ce parti souvent classé à l’extrême droite par les journalistes avait ainsi déclaré que les gardes-frontières allemands pouvaient tirer sur les migrants à balles réelles, pour expliquer ensuite qu’elle ne faisait que dire ce qui se trouvait dans la loi et qu’elle ne souhaitait pas que ça arrive.
Le ministre des Énormités.
La technique N-VA est similaire. D’abord, on lance une énormité dans la presse, qui ravit les oreilles des extrémistes et choque les partis traditionnels et les médias, qui réagissent — que peuvent-ils faire d’autre ? Le/la mandataire N-VA (ou AfD) est alors sommé-e de s’expliquer. Ça lui donne du temps d’antenne. Il/elle en profite pour se présenter en victime du « politiquement correct » et expliquer qu’on lui fait, une fois de plus, un mauvais procès. Enfin, la main sur le cœur, il/elle donne des gages de respectabilité. Et fait passer les opposants pour des diabolisateurs.
Il/elle tacle au passage tous les autres partis, efface les nuances logiques ou scientifiques du débat pour y introduire les siennes, communautaires. Et, au final, le parti populiste se réapproprie les définitions les plus élémentaires avec la bénédiction naïve d’analystes honnêtes mais déboussolés, qui cherchent un équilibre entre la critique de ces dérives et le constat qu’il y a un « fond de vérité ».
Même des scientifiques brillants se laissent abuser par « la méthode N-VA ».
Un bel exemple de ce phénomène est la position de Mark Elchardus (VUB), ce dimanche dans Les Décodeurs sur la RTBF. Il a involontairement contribué à modifier le sens de « une partie significative ». Désormais, ce n’est plus 20 ou 30 ou 60 % d’une population donnée, mais à partir de… 0,0001 % (5 cas avérés sur, disons, 800.000 « musulmans »).
Le scientifique Marc Elchardus ne s’est même pas rendu compte du fait que la N-VA avait tronqué le débat. Selon elle, le fait d’appartenir à la catégorie « musulman » amène à un risque « significatif » de soutien du terrorisme. Avant d’avaliser un tel lien, un sociologue devrait, me semble-t-il, se demander quelles caractéristiques sont plus (ou moins) susceptibles d’entraîner une adhésion au terrorisme. Être [perçu comme] musulman est-il critère significatif ? D’autres critères ne le sont-ils pas plus, comme le niveau d’étude, le niveau de revenu, le fait de vivre, ou non, dans un ghetto, l’origine (on a vu que les Turcs sont sous-représentés parmi les jihadistes), etc. Mais ce débat n’est même plus possible.
Le ministre du Communautarisme
Comme beaucoup, Mark Elchardus est tombé dans le piège de la N-VA. Celle-ci a bel et bien réussi à faire valider le fait qu’il y avait un problème lié aux « musulmans », par un scientifique, à la télévision publique. Je ne dis pas que c’est faux, mais je dis que c’est probablement caricatural, d’autant que nous n’avons pas les éléments permettant d’en juger, et qu’on n’a même pas défini le terme « musulman. » Les musulmans laïcs, les apostats, les non-pratiquants, les soufis, les alévis, ceux qui fréquentent une mosquée de temps en temps, ou jamais, les chiites, sunnites, wahhabites, etc. sont tous mis dans le même sac. Ça ne me paraît pas très scientifique.
Le public, certains médias, des intellectuels, n’y ont vu que du feu. Car le débat est définitivement verrouillé sur le fait qu’il y ait ou non une part « significative » de « musulmans bruxellois » qui dansent après les attentats. Comme toujours, les communautaristes — ce que la N-VA est fondamentalement — imposent une lecture communautaire du problème : on est flamand ou wallon, belge de souche ou allochtone, non-musulman ou musulman, et pour la N-VA, ces caractéristiques impliquent des comportements donnés, positifs si l’on est flamand, négatifs si l’on est autre chose. C’est bien Jan Jambon qui s’est un jour écrié : « sortez les Wallons de leurs hamacs » !
À chaque débat lancé de la sorte, les nationalistes placent la ligne de front du débat sur un cliquet clivant et la pensée penche jour après jour un peu plus vers le communautarisme, le populisme ou l’extrême droite.
La N-VA aurait tort de se priver, ça marche du tonnerre : il faut bien chercher pour trouver un éditorial vindicatif après cette nouvelle opération. Alors, la N-VA continue. À peine l’affaire Jambon est-elle clôturée sur un « cœur ouvert » que voici l’interview de Liesbeth Homans dans le Nieuwsblad, qui accuse « le CD&V, la gauche et le monde associatif » de « dorloter » les allochtones, ce qui les empêcherait de se « lever ». Ce faisant, elle diffuse l’idée que les jeunes Belges d’origine étrangère — prenant même au passage Salah Abdeslam comme exemple de leur comportement (n’en jetez plus) — sont des paresseux. Comme les Wallons sont assistés ou les Bruxellois, incompétents.
À cela s’ajoute la confusion du discours. Ce n’est pas par hasard qu’on remplace le mot extrémiste par terroriste dans un énoncé d’études (j’y reviens). Ou qu’on assimile musulman à Salah Abdeslam. Ou qu’on décrit un discours traditionnel, libéral ou humaniste comme étant politiquement correct.
Ce faisant, la N-VA aggrave le fossé entre communautés. Et elle éloigne la société d’un examen sérieux des problèmes, et donc de leur résolution. Pour un ministère aussi crucial en période de terrorisme, de guerre, c’est inadmissible, insupportable, tragique.
Un ministre de l’Intérieur à mettre dehors.
Le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur est censé être un professionnel de la communication politique. Quand il dit en interview — relue et approuvée, selon de Standaard — qu’une « partie significative des musulmans [de Belgique/Bruxelles] ont dansé après les attentats », il sait qu’il incrimine potentiellement l’ensemble des musulmans et inverse la charge de la preuve. Après de telles déclarations, c’est désormais à chaque musulman-e de prouver qu’il/elle ne s’est pas réjoui-e des attentats ! Immonde. Pourtant, certains semblent penser que Jambon est au final plus maladroit que dangereux (cf. l’épisode au Parlement européen). C’est oublier que Bart De Wever lui-même avait expliqué que la différence entre la N-VA et le Vlaams Belang était « la culture de l’insulte ». Autrement dit, on pense la même chose, mais on le dit plus doucement.
Les accusations de Jan Jambon ne reposent sur rien de concret.
Le ministre de l’Intérieur est l’acteur politique qui peut — ou non — contribuer le plus à éviter d’autres assassinats de masse, ce qui passe, entre beaucoup d’autres choses, par l’activation des jeunes — je crois que c’est l’un des messages de Bilal Benyaich, cité par Jan Jambon. Non seulement ses déclarations ne sont pas à même de réduire les discriminations à l’emploi, à la location, etc. mais en plus, elles risquent de les aggraver.
Et surtout : ses accusations ne reposent sur rien de concret. Or, un ministre de l’Intérieur a, en principe, à sa disposition un service de renseignement, un conseil de sécurité, des rapports, qui lui permettent d’exposer au Parlement une opinion fondée sur des données fiables. Et ce mercredi, il n’a brandi que l’inexistence de PV, de vagues confidences de policiers, des informations glanées dans la presse et/ou interprétées avec un manque de nuance terrifiant pour le poste qu’il occupe, ou encore, une étude bidon.
Le ministre du Cynisme
Le premier fait qu’il évoque pour démontrer qu’une partie significative de la population de Molenbeek soutiendrait le terrorisme, c’est la séance de jets de projectiles sur la police lors de l’arrestation de Salah Abdeslam à Molenbeek. Cet événement obsède la N-VA. Il avait été brandi dès le lendemain de l’arrestation par Geert Bourgeois comme une démonstration du refus de l’autorité. Le 26 mars, Bart De Wever passait à la vitesse supérieure : « Quand on vient arrêter [Salah Abdeslam], il y a des manifestations de soutien, c’est incroyable et je ne peux pas m’imaginer que la même chose se produise à Anvers ». C’est cette version-là que Jan Jambon reprend. Et il vise bien Bruxelles.
Visiblement, il n’a pas demandé ou pas tenu compte des avis de la police et de l’autorité de Molenbeek, commune dirigée, je le rappelle, par Françoise Schepmans, du même parti que le premier ministre : le MR.
Car les autorités molenbeekoise n’ont relevé aucun soutien à l’État islamique ou à Salah Abdeslam chez ces jeunes voyous. Il n’a même pas pu être établi que ceux-ci savaient qui était arrêté ce jour-là ! Sarah Turine (Ecolo), première échevine, précise : « Des dires mêmes de la police, il s’est agi de quelques très jeunes (13-15 ans) qui étaient dans un affrontement classique avec la police — ‘marquer le territoire’. Si cet événement n’est pas à minimiser, rien dans leur comportement ou leurs dires ne peut être directement lié à un quelconque soutien à Daesh ou au terrorisme. »
Le manque d’intérêt apparent du ministre de l’Intérieur pour les rapports des communes inquiète quant à la gestion des problèmes.
Françoise Schepmans confirme cette information. Quand la PJ a bouclé le quartier, des adultes se sont énervés parce qu’ils étaient tenus à l’écart de chez eux des heures durant. Les gamins de rue en ont profité pour se faire remarquer en titillant la police, et en leur envoyant quelques projectiles. Les cassages (notamment d’une vitre d’une camionnette d’un journaliste) et agressions verbales contre les médias s’expliquent aisément par le fait que les médias campent depuis des mois dans la commune et donnent souvent une image totalement tronquée de Molenbeek. Les gardiens de la paix et les éducateurs sont intervenus pour calmer les ardeurs des ados. Il n’y a pas eu de blessé.
Bien sûr, il faut agir contre ces casseurs et ne pas minimiser ces événements. Il y a bien des ados et préados à recadrer ou à punir. Mais les confondre avec des supporters de Salah Abdeslam ou du terrorisme ne résout rien, au contraire, ça brouille les pistes, ça empêche de financer correctement une réponse proportionnée. Au mieux, c’est de l’incompétence, au pire, Jan Jambon instrumentalise ces agressions pour incriminer les habitants de la commune, les musulmans, et plus largement, Bruxelles.
Le ministre des Soutiens (qui prennent à la gorge)
Deuxième « preuve » de Jan Jambon : le fait qu’Abdeslam soit resté plusieurs mois dans son quartier sans être repéré. En commission, le ministre explique : « quand Salah Abdeslam a été attrapé [à Molenbeek], tout le monde confirmait qu’il devait tout de même avoir eu beaucoup de soutien ».
Je ne sais pas qui est ce « tout le monde » qui « confirmait » une information dont personne ne semble disposer. Les soutiens de Salah Abdeslam sont en principe, soit en prison, soit activement recherchés. Ce sont des complices de terrorisme. Ceux qui lui ont fourni des planques. En principe, si quelqu’un se planque jusque dans des logements sans électricité, et change d’apparence, c’est bien que, même à Molenbeek, il doute du soutien de la population.
De nombreuses informations qui ont permis de suivre les terroristes venaient de « la communauté ».
En revanche, des journalistes belges et étrangers se demandaient comment les autorités avaient failli à repérer un homme qui n’avait pas quitté la ville depuis le 14 novembre 2015, malgré des dizaines de perquisitions. La question a été posée à Jan Jambon, d’autant que la police de Malines possédait l’adresse en question depuis des semaines, ainsi que les informations sur son hôte radicalisé, Abid Aberkan.
À propos, ces informations provenaient, semble-t-il d’un membre de « la communauté ». De même, l’info sur la présence de Salah Abdeslam rue des Quatre-vents le jour de son arrestation proviendrait, selon la source, soit d’un « proche » de la famille, soit d’un « ami ». Les multiples alertes sur la radicalisation des frères Abdeslam, bien avant les attentats, provenaient, elles aussi, de « la communauté » et, souvent, des propres familles des futurs terroristes. Le mouvement des mères contre la radicalisation vient, lui aussi, de « la communauté ». Alors, pourquoi Jan Jambon ne salue-t-il pas les « musulmans » qui ont informé les autorités quand quelqu’un se radicalisait ?
Suite aux soupçons d’impéritie policière, on a donc posé la question de l’inefficacité apparente de la police. C’est là que Jan Jambon n’a pas hésité à comparer le terroriste (si peu) présumé Salah Abdeslam aux familles juives qui se cachaient des nazis sous l’Occupation. Pourtant, celles-là n’ont pas bénéficié de beaucoup de complicités locales : la délation avait pris de telles proportions qu’ils ne pouvaient faire confiance qu’à une poignée de personnes absolument sûres. Étrange qu’un homme qui a fêté les 50 ans d’une association d’anciens Waffen-SS en 2004 ne soit pas au courant de ça. Oui, je sais, c’est bas. Mais c’est un fait, relevé par la presse israélienne en même temps que la comparaison juif/terroriste.
Le ministre de la Reformulation des questions d’études.
Jambon a comme troisième argument les « différentes études qui confirment la sympathie [de musulmans] pour les terroristes », citant d’abord celle de Bilal Benyaich qui — c‘est commode — est tenu à la réserve dès lors qu’il est aujourd’hui diplomate. Je vais donc tenter, sous toutes réserves, de ne pas trahir ses conclusions.
De quelle étude de Benyaich parlait le ministre de l’Intérieur ? Dans son article destiné à soutenir Jan Jambon, le député N-VA Peter De Roover écrit : « Les musulmans qui ont le sens du réalisme sauront qu’un trop grand groupe dans leur communauté sympathise avec le fondamentalisme et la terreur. Bilal Benyaich a écrit en 2013 un livre aussi intéressant qu’alarmant à ce sujet » et de citer l’ouvrage en question : Islam et radicalisme chez les Marocains à Bruxelles (Van Halewyck). Un livre passionnant que je recommande.
Mais l’étude de Benyaich n’a pas de valeur scientifique et n’évoque pas la sympathie des jeunes « musulmans » pour le terrorisme proprement dit. Sur base d’un panel de 200 Belges d’origine marocaine (donc pas tous les/des musulmans), qu’il reconnaît lui-même non-représentatif, il pose la question : êtes-vous d’accord, pas d’accord ou sans opinion sur l’affirmation suivante : « le fondamentalisme et l’extrémisme religieux constituent un problème important auquel les musulmans belges sont confrontés ». Et 22 % des musulmans interrogés répondent « non ». Cela n’implique évidemment pas qu’ils soient partisans du fondamentalisme ou de l’extrémisme (le mot « terreur » n’apparaît même pas). Ils peuvent penser que le problème n’est pas important (quantitativement), par exemple.
Ensuite, on peut se demander ce que les répondants ont compris par « extrémisme religieux ». Wahabisme ? Ou jihadisme ? Il est évident que les soutiens éventuels du terrorisme dont Jan Jambon parle figureraient dans ces 22 %. Mais combien exactement ? On ne le sait pas. Le panel est déjà faiblard, l’étude, purement indicative, sans marge d’erreur, a le mérite de poser des questions qu’on préfère trop souvent éluder, et de lancer l’alerte. Mais quantitativement, elle ne prouve strictement rien.
Non seulement, Peter De Roover (et Jan Jambon) « reformule » la question de l’étude à sa sauce et la convertit en soutien du terrorisme, mais en plus, celle-ci a été menée en 2010, soit avant les assassinats de Charlie Hebdo, de l’Hypercacher, du Musée juif, du 13 novembre à Paris et du 22 mars à Bruxelles, autant d’événements qui ont profondément modifié la position des musulmans, d’abord attentistes et gênés de se montrer, et aujourd’hui largement présents dans la rue pour manifester leur horreur et clamer sa réprobation.
Le ministre des Études bidon.
Le quatrième argument brandi par Jan Jambon avait déjà été démoli par Nicolas Vanderbiest en novembre 2015 dans Reputatiolab (une démonstration reprise cette semaine par L’Écho). Selon Jambon, « une autre étude montre que la Belgique est dans le top trois mondial en matière de soutiens pour l’État islamique et en nombre de messages en arabe sur les médias sociaux, après le Qatar et le Pakistan. » Cet argument est repris tel quel par un seul autre parti : le Vlaams Belang.
En réalité, cette « étude » se base sur les seuls comptes géolocalisés de média sociaux, ce qui rend déjà les données peu fiables. De plus, elle exclut les messages neutres. De ce fait, le pourcentage de commentaires « positifs » n’est pas relatif au nombre de messages sur l’État islamique, mais à celui d’opinions positives ou négatives sur celui-ci.
« Tout le monde est témoin… »
Elle se focalise aussi sur le taux de messages d’opinon, pas sur leur nombre. Apparemment, les auteurs de l’étude pensent que, quel que soit le nombre de twits qu’ils ont géolocalisé dans un pays, ils sont représentatifs de la réalité totale de ce pays. Mais rien ne le prouve. Il faudrait ainsi expliquer pourquoi il y a plus de 30 fois moins de commentaires recensés en Belgique qu’aux Pays-Bas ! Le pourcentage de 31 % obtenu pour la Belgique ne peut donc pas être validé, il ne signifie rien !
On pourrait tout autant présupposer que des pays comme les Pays-Bas, la Belgique et la France ont un pourcentage d’opinions géolocalisées relativement similaire. Or, aux Pays-Bas, si l’étude affiche 12,5 % de commentaires pro-EI, le nombre de messages relevés pour ce pays représente 1.61 % du nombre total mondial. En Belgique, 31 % des messages d’opinion repérés seraient pro-EI (près de 3 fois plus qu’aux Pays-Bas)… Mais seulement sur 0,05 % du nombre total — (près de 30 fois moins) ! Il y aurait donc (calcul rapide : ) 13 fois plus de messages pro-EI repérés en Hollande qu’en Belgique !
Vous me direz qu’il faut rapporter le tout à la population de chaque pays. J’ai donc imaginé un « indice de radicalisme » qui intègrerait cette donnée. Résultat : celui des néerlandais serait alors 8,4 fois supérieur à celui de la Belgique et 22,4 fois supérieur à celui de la France. Ce qui est évidemment absurde.
% de messages sur le total enregistré |
% de messages positifs envers l’EI |
Population (en millions) |
Indice de radicalisme par 10.000 ha. |
|
Pays-Bas |
1,61 |
12,5 |
17 |
118,4 |
Belgique |
0,05 |
31,0 |
11 |
14,1 |
France |
0,17 |
20,8 |
67 |
5,3 |
(Indice : Pourcentage de messages positifs x Pourcentage de messages par rapport au total « mondial » de l’étude / 10.000 habitants.)
Et donc, la seule chose que ces chiffres peuvent démontrer, c’est que cette « autre étude » est bidon. En la citant sans l’avoir fait vérifier par ses services, Jan Jambon fait très amateur.
En fait, il avait tellement peu d’éléments concrets qu’il a d’emblée déclaré que : « Tout le monde est témoin. Tout le monde sait que de tels faits se sont produits. Faut-il attendre un procès-verbal de confirmation pour qu’un phénomène existe ? »
Avec des arguments pareils, je peux aussi dire que tout le monde sait que les Américains n’ont jamais vraiment été sur la lune ou que Sheila est un homme ! Voilà le niveau… Et à supposer que « tout le monde » déclare effectivement « savoir », la rumeur serait donc devenue une méthode d’enquête et/ou de décision politique dans ce pays.
Le ministre des Danseurs psychiatriques
Cette rumeur est elle-même fondée sur quasi rien car non, « tout le monde » n’est pas témoin. Au contraire. En fin de commission, le député MR Philippe Pivin, bourgmestre de Koekelberg, a confirmé que sa police n’avait aucune information à propos de réjouissances après les attentats. Le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort avait auparavant relevé que le parquet n’avait qu’un signalement impliquant deux personnes. Une autre affaire, citée par la presse aurait concerné six personnes, mais rien n’a pu être établi. Rien de significatif, donc, sur des gens ayant fêté les attentats, ou ayant dansé à Bruxelles. Aucune fête de rue, que Jan Jambon a pourtant évoquées lors d’un congrès sur Israël à La Haye, comme le relève le journal en ligne néerlandophone Apache. Et deux étudiants punis pour s’être réjoui verbalement, à Laeken.
Le seul fait de « danse » paru dans la presse concernait un Tunisien résident à… Bruges. Et selon Het Nieuwsblad, il aurait oublié de prendre… ses médicaments. L’homme a effectivement dansé dans un supermarché après les attentats. Il était en liberté conditionnelle après avoir déjà menacé de détruire un supermarché qui vendait Charlie Hebdo. Il est retourné à la case… hôpital psychiatrique. Un fou ?
Jan Jambon racole-t-il des voix du Vlaams Belang ?
Le ministre de l’Intérieur s’installe donc dans un rôle d’agitateur et de racoleur des voix qui quittent de plus en plus clairement la N-VA pour le Vlaams Belang. En accusant une « partie significative des musulmans » d’avoir fêté l’assassinat de plus de trente innocents, soit l’acte le plus brutal que la Belgique ait connu depuis les massacres des Tueurs du Brabant, le vice-premier Jan Jambon a tendu un bouc émissaire à la population, rompu la confiance entre la majorité et une minorité, provoqué la suspicion systématique envers celle-ci et donné un argument supplémentaire aux recruteurs terroristes, celui de l’inimitié, du rejet, par le gouvernement lui-même, des musulmans. Après, c’est facile de les défendre au Parlement européen, son électorat ne l’écoute pas là.
Alors que notre société avait besoin de convergence, Jambon, Homans, De Wever divisent. Ils sèment la discorde au moment où il faut réconcilier. Ils n’ont pas cessé de le faire après les attentats. Ils ont ignoré les 400 hooligans, dont de nombreux extrémistes, qui ont souillé le mémorial. Et c’est désormais à la « communauté musulmane » de démontrer qu’elle n’est pas « un cancer » qui ronge notre société, pervertit la jeunesse et organise l’assassinat de dizaines d’innocents à Paris, Bruxelles et Zaventem. Mais comment le pourrait-elle auprès d’un public pour qui aucune preuve n’est jamais suffisante ?
« Les musulmans » ont beau avoir été représentés massivement lors de la marche contre la terreur et la haine, ils ont beau avoir fait déclaration forte sur déclaration forte, des imams ont beau réaliser enfin qu’il va falloir revoir la pratique musulmane en Belgique et le dire tout haut, ça ne suffit jamais pour les xénophobes qui forment — au passage — une partie significative de la population belge, ce qui est facile à prouver : selon une vraie étude du Centre pour l’Égalité des chances citée par Jozef De Witte dans un rapport réalisé par Bilal Beniaich pour Itinera, 32 % des Belges pensaient en 2006 que certaines races étaient plus intelligentes que d’autres. Trente-deux pour cent dans une étude sérieuse, ça, c’est du significatif !
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Hansen
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avril 26, 09:08miyovo
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avril 29, 17:47Capucine
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