La haine de l’État, un crime contre le libéralisme.

Wagons de coke, Grand-Hornu.

Wagons de coke, Grand-Hornu.

Une petite discussion sur Twitter m’a fait découvrir que certains ont un amour à ce point immodéré de l’entreprise, et une haine si féroce de l’État, qu’une simple observation les met dans tous leurs… états. Qu’avais-je twitté ?

L’État est une construction morale, l’entreprise est amorale.

Twitter étant réducteur par nature, j’ai bien tenté de préciser ma pensée, mais sans succès, le manichéisme ambiant amenant mes interlocuteurs à imaginer que j’émettais un jugement de valeur entre l’État et l’entreprise, privilégiant le premier. C’est terrible, de nos jours, on ne peut être qu’absolument « de droite » (et adorer la Main invisible tout en considérant que le socialisme mène au totalitarisme) ou absolument de gauche (et lire une page de Marx chaque matin au petit déjeuner tout en dévorant un Américain néolibéral).

Twitter amplifie ces catégorisations d’une pauvreté tragique. D’où le besoin d’expliquer mon propos.

D’abord, la morale que j’évoque n’est pas une donnée objective. Elle dépend d’une société à l’autre et même d’une personne à l’autre. Pour certaines sociétés, l’homosexualité est immorale, alors que la considérer comme telle est à son tour immoral pour d’autres sociétés. Je ne pose donc pas de jugement, je constate simplement une différence de nature entre l’entreprise et l’État.

Un couple doublement nocif.
Ça ne signifie pas non plus que tous les États soient moralement recommandables ni même que les choix moralement justifiés soient souhaitables. L’exemple des subprimes est éloquent : une idée généreuse (« morale ») mais irréaliste et économiquement dangereuse (prêter aux insolvables) a mené au chaos. C’est l’État américain qui a mis en place les conditions de la catastrophe. Mais ce sont les entreprises — banques et assurances — qui ont fait le reste, se poignardant elles-mêmes au passage. À noter que dans cette affaire, l’État s’est aussi laissé influencer par l’idée que l’entreprise était un facteur de stabilité (refus de réguler les CDS au prétexte que les banques sont suffisamment sages pour ne pas causer leur propre perte — on a vu le résultat). Au final, c’est tout de même l’État qui a sauvé les banques et les finances mondiales. Bizarrement, depuis lors, la droite prétendument néolibérale vocifère encore deux fois plus fort contre l’État.

Pourquoi l’entreprise est-elle amorale (et non pas immorale) ? Parce que même si son objet fondamental est éthique, sa profitabilité prime sur toute autre considération. Ce n’est pas la première fois qu’une entreprise pharmaceutique vend sciemment un produit dont elle connaît la dangerosité mais a « oublié » de la transmettre aux pouvoirs publics. Si c’est immoral au vu de la société et de la loi, dans la perspective sèche, purement financière de l’entreprise, ce n’est pas forcément de la mauvaise gouvernance. Ainsi, Novartis aurait manipulé des études permettant de lancer plus rapidement un produit contre l’hypertension qui lui a rapporté, selon Passeur de Sciences, la bagatelle de 6 milliards d’euros. Du point de vue bilantaire, c’est positif.

La logique de l’entreprise est de produire de la richesse.

De même, dans le cas des banques qui ont manipulé le Libor, les amendes qu’elles ont payées n’ont aucune commune mesure avec les sommes en jeu. UBS aurait violé la loi (et la morale occidentale) en incitant des sportifs étrangers à frauder le fisc. L’entreprise y a probablement gagné beaucoup plus que ce que les procédures qui ont suivi lui ont coûté. À nouveau, sur le plan bilantaire, elle aurait alors « bien fait ». Or, la logique de l’entreprise est d’abord bilantaire : produire de la richesse. Le reste est accessoire.

On peut même pousser ce raisonnement aux confins de l’absurde : une entreprise qui périclite pour avoir voulu préserver à tout prix la morale contre le profit porte la responsabilité de la perte de travail de ses employés et sous-traitants. Ce qui moralement est aussi contestable ! Pas simple.

Les entreprises morales, pas toujours clean.
Tout ça n’empêche évidemment pas certaines entreprises d’avoir une moralité exemplaire, tant qu’elles peuvent se le permettre économiquement. Ou même carrément, d’avoir un objet « moral », comme le commerce équitable. Mais l’on observe que même dans ces cas-là, sa bonne volonté peut amener des distorsions de concurrence entre les producteurs qu’elle soutient (par exemple au Guatemala) et qui font monter les prix locaux, et ceux qu’elle ne soutient pas (par exemple au Congo), livrés à la concurrence la plus sauvage, voire violente. Et ça, c’est sans compter les petits arrangements avec la morale sur le terrain, provoquant des scandales sur l’équitable joliment documentés, mais tout aussi vite oubliés.

À l’inverse, les grandes marques textiles qui produisent dans des sweatshop au Bangladesh posent des actes considérés comme immoraux dans nos sociétés. Force est de constater que l’entreprise ne se moralise que quand on fait pression sur elle, par exemple, lorsqu’on révèle des pratiques inacceptables, qu’on la menace de boycott ou qu’un atelier s’écroule sur un bon millier d’ouvriers, jetant l’opprobre sur les marques concernées. Là, l’entreprise change ses pratiques parce qu’elles risquent de lui coûter plus cher qu’elles ne lui rapportent. Et tout comme elle a économiquement raison d’en appeler à des mains d’œuvres très bon marché pour battre ses concurrents, elle a économiquement raison de cesser de le faire quand l’opération risque de lui coûte trop cher et donc de faire disparaître le bénéfice qu’elle a tiré de l’immoralité.

On peut trouver ça dégueulasse, c’est comme ça que ça fonctionne, et au final, quand vous revenez du magasin avec un t-shirt super bon marché, vous êtes complice. Tiens, le Mac sur lequel j’écris a probablement été fabriqué dans un sweatshop de Shenzhen… Mais en tant que micro-entreprise de rédaction, il serait économiquement insensé pour moi de remplacer mon ordinateur par un papier et un crayon (dont je devrais alors vérifier la provenance, il y a peut-être des usines de crayons à Shenzhen).

Pour compenser, j’achète des chemises produites en Normandie avec du lin français tissé en Italie.

Il n’y a pas de héros au numéro que vous avez demandé.
L’entreprise ne peut donc se laisser encombrer par la morale dans sa gestion ou ses décisions stratégiques fondamentales. Ce n’est pas une critique, c’est un constat. Il implique une série de choses. Tout d’abord, qu’il faut considérer l’entreprise pour ce qu’elle est : un acteur économique fondamental, et le moteur de toute société de marché libre (le seul type de marché qui ait jamais démontré son efficacité sociétale pour autant qu’il soit bien surveillé), et un vecteur d’emploi et de bien-être. Oui, mais pas une bienfaitrice, pas un vecteur de régulation et certainement pas une aventure héroïque comme certains voudraient nous le faire penser.

L’autre corollaire, c’est que l’entreprise est socialement irresponsable. On ne peut lui confier aucune responsabilité autre que sa propre capacité à générer des revenus ou de l’emploi. On ne peut pas lui faire confiance dans l’application de mesures favorables à l’emploi, tout simplement parce que ce n’est pas son rôle. Quant l’État baisse ses charges de 30 %, il n’a aucune assurance que l’entreprise augmentera l’emploi d’autant : elle ne le fera que si cela lui paraît plus rentable et elle aura bien raison.

Et donc, le politicien qui vous explique que baisser les charges d’un tiers entraînera autant d’emplois nouveaux est soit un âne, soit un satané populiste.

On ne peut pas non plus faire confiance aux organisations patronales lorsqu’elles produisent des statistiques ou exposent des études qui leur sont forcément favorables : leur rôle n’est pas de dire la vérité, mais de défendre les intérêts des entreprises. Ce rôle est parfaitement légitime, c’est en revanche le rôle des politiques de ne pas prendre leurs déclarations pour argent comptant (sinon, vous savez, le tabac, c’est hyper bon pour la santé !)

Quand l’entreprise se crise.
L’entreprise — vue en tant qu’entité individuelle — est même intrinsèquement un vecteur de crise. Car la nécessité de rentabilité d’abord, et de service de l’actionnaire ensuite (qui a bien mérité une rétribution de son risque et de son investissement), lui interdit pratiquement de considérer les conséquences macroéconomiques de ses décisions individuelles. Cela signifie en pratique que lorsque les entreprises cherchent massivement à limiter l’emploi (quelle que soit la raison), cette décision apparemment sage, voire nécessaire, vue de l’intérieur d’une seule entreprise, revient au bout du compte — si elles s’y mettent toutes — à limiter la consommation et donc, à terme, leur propre revenu !

Cette irresponsabilité ne peut être compensée que par un intervenant extérieur qui peut prendre en compte l’ensemble des intérêts de la société et ça, dans l’organisation humaine que nous connaissons, c’est l’État.

Bart De Wever n’a jamais travaillé en entreprise…

Le problème, c’est que les forces politiques en présence aujourd’hui sont soit hostiles à l’entreprise, vue comme un exploiteur invétéré, soit ne comprennent rien à sa nature pour n’en avoir qu’une connaissance très théorique — Bart De Wever n’a jamais travaillé en entreprise et il n’est pas le seul — soit voient en elle la source de tout et la solution à tout, une sorte d’alpha et d’oméga de l’humanité.

Ces derniers ont le vent en poupe en Europe. Ils présentent l’entrepreneur comme un véritable héros et lui trouveraient même un gêne particulier qui l’amène à investir. Une étude de l’Université de Californie montre que l’entrepreneur-né est surtout né dans une famille qui a de l’argent. L’entreprise n’est donc pas fondamentalement libérale, mais serait au contraire un vecteur de conservatisme économique et de maintien des classes possédantes — même les tout petits entrepreneurs ont intérêt à avoir l’équivalent d’un an de revenu en poche avant de commencer, j’en sais quelque chose.

Il n’y a donc rien d’héroïque ni de moral à entreprendre. L’héroïsme et la morale sont même étrangers à cette activité : l’entrepreneur attend simplement une rémunération supérieure à celle offerte par un emploi salarié, au prix d’un risque. Et pour les gros investisseurs attendent un retour sur investissement de plusieurs fois l’intérêt versé par les banques les plus généreuses. Au final, oui, il y a un risque à entreprendre, mais ce risque est rémunéré. Pire : l’entrepreneur qui ouvrirait une entreprise pour des raisons morales plus qu’économiques s’expose à un échec retentissant, avec des conséquences funestes pour ses fournisseurs, employés et sous-traitants. Il vaut mieux exclure ces fous dangereux, les héros sont de très mauvais entrepreneurs !

Car, entreprendre ou financer une entreprise, c’est très bien, mais ce n’est pas non plus les 12 travaux d’Hercule ou la Passion de Jésus-Christ ! Consommer plus que thésauriser pour soutenir l’économie est tout aussi héroïque, au final.

Le consommateur, alfa et oméga de l’économie.
Car l’économie dépend de la consommation, et celle-ci provient toujours d’une seule et même personne : le consommateur. À elle seule, la consommation privée directe représente plus de la moitié du PIB belge (51,6 %). Le solde de la balance commerciale (entre importations et exportations) n’étant que de 2 milliards d’euros environ en 2010, on peut considérer que les achats étrangers influencent le PIB à hauteur de 1 % seulement — une paille. Le reste (46 %) provient des dépenses de l’État et des investissements (qui seront, eux aussi, payés par le consommateur).

Et la consommation des entreprises, me diront les « libéraux », furieux que j’aie oublié le sacro-saint entrepreneur ? Celle-là dépend de la consommation privée, puisque les achats des entreprises sont couverts par les achats des individus — c’est même le principe de la TVA : toute valeur ajoutée d’une transaction entre entreprises est payée au final par les ménages !

L’entreprise n’a aucune légitimité dans le caractère légiférant de l’État.

Le seul alpha et oméga de l’économie, c’est donc le consommateur. Les entreprises, tout comme l’État, sont de simples vecteurs dont la qualité définit évidemment la bonne marche de l’ensemble (ou pas). Tout comme l’entreprise est un intermédiaire entre le travailleur et le consommateur (qui sont une seule et même personne), l’État est un intermédiaire entre le contribuable et le citoyen (une seule et même personne, à nouveau). Ce dernier ne rend de comptes qu’aux électeurs.

D’où un autre corollaire fondamental : l’entreprise n’a aucune légitimité dans le caractère légiférant de l’État. Elle peut certes tenter de l’influencer (lobbies) ou se défendre en justice contre celui-ci, mais exclusivement en vertu des lois votées par l’État. L’État qui cèderait aux entreprises un droit de véto sur les lois futures (ou un droit d’abolition des lois), par exemple en instituant un tribunal qui mettrait entreprises et législateur sur le même pied (suivez mon regard) serait failli pour avoir violé le contrat qui le lie au citoyen : lui seul peut élire ses représentants, eux seuls peuvent voter les lois ou transmettre ce droit à d’autres pouvoirs législatifs.

L’État moral n’a plus le moral.
Et c’est fondamental. Car l’État (dans sa conception occidentale actuelle) est une construction morale dont les choix reposent sur des jugements moraux. C’est une des raisons pour lesquelles il ne peut être géré comme une entreprise : il n’a pas du tout la même finalité. D’ailleurs, un État peut parfaitement disfonctionner sans que ses gestionnaires n’en subissent de conséquences — la famille Karamanlis en Grèce n’est plus au pouvoir, mais elle a d’autres ressources ; aucun des responsables de l’endettement belge n’a jamais été poursuivi et aucun ne le sera jamais. À supposer que la Wallonie soit effectivement exécrablement gérée par le PS et le CDH, les électeurs ne semblent pas prêts à cesser d’élire Élio Di Rupo ou Joëlle Milquet. Il a fallu une énorme crise morale (les affaires Dutroux et celle de la dioxine) pour remballer le CD&V dans l’opposition, un effet bien plus puissant que sa coresponsabilité dans la dette apocalyptique de la Belgique.

Et tout cela, parce que l’État démocratique est une construction morale. C’est-à-dire que son critère de fonctionnement premier n’est pas économique mais éthique (en positif ou en négatif). Tout comme les entreprises devraient être rentables dans des conditions idéales, l’État devrait être moral dans des conditions idéales. Tout comme l’entreprise n’atteindra jamais une rentabilité absolue, l’État n’atteindra jamais une moralité absolue. Dans les deux cas, c’est un objectif à atteindre. Du reste, la démocratie au sens radical est elle aussi un idéal vers lequel l’on doit tendre, et non un fait.

L’État ne tire d’ailleurs pas la nécessité de bonne gestion, y compris financière, de son ADN économique mais bien de la moralité que l’on doit attendre d’une démocratie [forcément imparfaite mais tout de même] digne de ce nom, à savoir, un État avec un parlement libre, peu de corruption, des partis peu populistes, une justice assez efficace, une vraie volonté de non-discrimination, une presse libre, financièrement stable, et aux aguets…

Depuis la Révolution française, le sens fondamental de l’État est de créer et maintenir un état de justice, qu’elle soit sociale, environnementale, sociétale, pénale ou économique. Et la justice se fonde, se justifie et se rend sur des bases morales. C’est aussi pour des raisons morales — Voltaire ne m’aurait pas contredit, je pense — que l’État se charge de limiter la misère et d’éduquer les masses, la condition établie par le grand penseur pour que la justice et la liberté apparaissent et se maintiennent.

À nouveau, un État peut parfaitement fonctionner avec un peuple illettré et misérable. Cela n’empêcherait pas les classes possédantes de posséder. De nombreux pays fonctionnent encore de cette façon. C’est donc uniquement l’exigence de moralité, issue notamment des Lumières qui ont précisé et précédé l’expression de la volonté des « peuples », qui amène l’État moderne à se soucier de l’équité sociale.

La démocratie moderne, un engagement moral.
L’idée même que « tous les citoyens sont égaux devant la loi » est un principe et un choix moraux. La devise de la France — Liberté, Égalité, Fraternité — est un engagement moral auquel elle est confrontée à chaque dérapage. La nécessité pour un État de dépenser raisonnablement n’est pas économique car l’État n’en a pas fondamentalement besoin — de nombreux États sont en faillite virtuelle ; même les États les plus pauvres et les plus corrompus ne disparaissent pas ; certains font défaut régulièrement, mais existent toujours. Mais bien morale : l’État n’a pas de bien propre, mais un bien commun qui appartient ex-ante et in fine à l’ensemble des citoyens. L’État n’est pas la condition d’une activité économique (elle existe hors de lui), mais bien la condition d’un état de justice, ce qui est un fait moral.

Ce n’est pas par hasard si les débats les plus brûlants se tiennent avec des arguments moraux. Ainsi, l’on ne reproche pas tant à la Grèce d’être endettée (point de vue économique) que d’avoir violé les lois de l’euro, voire de demander à des pays plus pauvres de l’aider (point de vue moral). C’est le cas pour tout le débat sur le Grexit qui n’est pas fondamentalement économique : l’Europe peut parfaitement se permettre d’effacer la dette grecque. Mais serait-ce moral de le faire plutôt que d’encourager les pays rigoureux (au prix d’efforts de leurs populations) à continuer à être vertueux en leur offrant des bonus d’investissement ? Ou pouvons-nous dire au retraité allemand : on te coupe ta retraite pour alimenter celle des Grecs alors que tu as toujours voté pour des partis qui ont bien géré ton pays ? Ou à l’inverse : l’Europe peut-elle abandonner 11 millions de Grecs à un sort funeste ou, pire encore, enfoncer son économie pour les punir de leur manque de vertu (en fait, celle de leur classe politique ancienne), comme le voudraient les faucons ?

Le libéralisme entrepreneurial, l’assassin potentiel du libéralisme citoyen.

Cette constitution morale est d’autant plus forte dans nos démocraties que le peuple est la source du pouvoir. On ne peut y accéder sans sa volonté. On ne peut être jugé autrement que par les lois votées, une fois encore, par les élus du peuple. Et la question à laquelle le gouvernement doit sans cesse répondre n’est pas fondamentalement de savoir si le budget est économiquement viable (sinon, on ne serait pas endettés à plus de 100 %), mais bien de savoir si celui-ci est équitable. Entre Flamands et Francophones, entre riches et pauvres, entre entreprises et individus… Et ça, encore, c’est une approche morale !

Si la cour des comptes peut émettre des avis, on ne l’a jamais vue condamner un ministre à la déchéance de la nationalité pour avoir plongé son pays dans le chaos économique. En revanche, le pouvoir judiciaire est chargé de sévir en cas d’immoralité d’un serviteur de l’État. Et si elle fait défaut, le quatrième pouvoir — pourvu qu’il n’oublie pas sa fonction fondamentale — se charge de le lui rappeler.

L’État, c’est toi.

C’est pourquoi l’État est le seul à même de contrôler les entreprises, de réguler leur fonctionnement, de les sortir d’une logique individuelle pour leur imposer les corollaires d’une logique macroéconomique. Mais il peut aussi être le pire des gestionnaires. Il s’y ajoute l’éventuelle immoralité, la corruption, voire la bêtise de certains mandataires.

Mais supprimer l’État ou réduire ses prérogatives à leur plus simple expression, c’est livrer le consommateur et le travailleur — petites entreprises incluses — aux pires excès. Cette exigence est donc illégitime. En revanche, il faut se battre pied à pied pour que l’État soit géré au mieux et conçoive son rôle sur base d’une vision claire, la moins dogmatique possible, et la plus profitable à tous.

Dès lors que la population est bien l’alpha et l’oméga de l’économie et de la nation, l’État, moral, est la seule institution qui puisse maintenir les entreprises, amorales, dans une trajectoire profitable pour l’ensemble de la population, et pour elles-mêmes. Il suffit d’examiner les pays où les règles sont pratiquement inexistantes (le Kivu, la Somalie…) pour le comprendre : livrer la société aux seules entreprises, c’est l’anarchie assurée. C’est aussi le contraire du libéralisme, dès lors que l’individu n’y est plus libre mais au contraire totalement aliéné dans un univers où le dieu dollar (ou euro) dicte une loi implacable, inhumaine.

Nous sommes déjà sur cette voie-là, notamment du fait de la droitisation des gauches au pouvoir depuis les années 90 et de l’aveuglement de certaines droites excessivement séduites par le grand capital. Or, la liberté des entreprises ne peut en aucun cas primer sur celle des citoyens au risque que le libéralisme entrepreneurial finisse par avoir raison du libéralisme citoyen.

Moralement, que l’on soit de gauche ou de droite, la loi du plus fort ne peut en aucun cas devenir la meilleure.

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0 Comments

  1. Jp
    juillet 19, 21:13 Reply
    Bonsoir. Le raisonnement me semble correct et séduisant a une nuance près : la ligne du temps. A long terme, il serait souhaitable de tendre vers la logique que vous défendez. Mais à court terme les entrepreneurs qui arrêteraient de produire seraient remplacés ... Et en appliquant la loi du plus fort, inévitable, on aboutirait à une économie dépendante exclusivememt de l extérieur ou d entrepreneurs "plus éloignés" ... Et in fine obtenir une situation similaire à la Grèce. En conclusion a court terme il est souhaitable que des entrepreneurs locaux "marchent" au pas (ou même plus vite) que des entrepreneurs "étrangers" pour éviter les fuites de valeur (ajoutée). Donc oui pour votre raisonnement "first best" theorique et de long terme mais oui oui au "second best" réaliste avec des entrepreneurs (surtout) locaux et solides, bien entendu sous le contrôle d un état moral. JP from mes vacances en Grèce
    • u'tz
      juillet 21, 00:00 Reply
      l'Etat c'est tout les citoyens bdw n'est que la führer flamingante de ce qui ya de médiocre chez les flamands
  2. Patrick De Geynst.
    juillet 19, 23:36 Reply
    Brillante démonstration !Mais elle semble minimiser l'essor vertigineux de la corruption qui fausse de plus en plus le rapport entreprise - état ou institution (européenne notamment) Exclure le lobbyisme de la notion de corruption est une entourloupe généralement acquise et intégrée par trop de monde. Bruxelles est le centre névralgique de ces pratiques néfastes .Certaines "lois"européennes sont directement rédigées par les groupes de pression corporatistes. Evaluer le rapport privé -public au sens large n'aura aucun sens dès lors que l'on aura pas pu éradiquer ces pratiques. Et qu'attendre du traité transatlantique si ce n'est une aggravation de ces douteuses activités ?
    • Mélanippe
      juillet 20, 14:12 Reply
      Les fondements de l'Etat dépendent en premier lieu du socle des lois. Avec le mariage homosexuel, surtout défendu par la gauche et les ultra-libéraux, les bases de notre société ont été balayées laissant place à la violence du monde entrepreneurial. Pour tenir en place et lutter contre la violence qui la borde, une société doit préserver le droit à la différence sexuelle, le tabou de l'inceste, la différence de génération et le tabou du meurtre.
      • Mélanippe
        juillet 20, 14:16 Reply
        Le monde de l'entreprise, c'est aussi la dégradation de l'environnement.
        • Didier
          juillet 22, 11:08 Reply
          C'est vrai qu'en Allemagne de l'est, l'environnement était en bien meilleur état qu'à l'ouest avant la réunification. C'est bien connu. Décidement, beaucoup ont la mémoire courte.
  3. Hansen
    juillet 20, 07:34 Reply
    Au nom de la liberté, notre société européenne a abandonné ses valeurs. Liberté, égalité, fraternité. Nous ne naissons pas égaux, mais dans un entourage friqué ou pas. Quant à la fraternité, si c'est encore une valeur pour certains individus, ceux-là ne se reconnaissent plus dans cette société mercantile. L'Europe périt où la démocratie laisse la porte ouverte à tous les requins sans scrupules qui réussissent à détourner la justice à leur profit au nom de leur sacro-sainte liberté. La marche blanche n'a pas empêché la justice de protéger Dutroux et sa complice. Au nom de la liberté, tout est permis, même de ne plus respecter les règles élémentaires de la nature, profit et satisfaction de nos instincts dénaturés obligent. Cette société amorale est pourrie de l'intérieur. C'est comme la décadence de l'empire romain, l'histoire se répète une seconde fois.
    • Marcel Sel
      juillet 20, 20:52 Reply
      Petit détail ; Dutroux et ses complices ont été condamnés, et lourdement. Je ne vois pas en quoi ils auraient été "protégés".
    • u'tz
      juillet 21, 00:33 Reply
      si nous ne naissons pas libres égaux et fraternels dutroux n'a d'intérêt la dedans que de nous détourner du problème
  4. David Brabant
    juillet 20, 09:23 Reply
    L'amour démesuré de l'Etat et de sa "moralité", c'est 200.000.000 de morts au cours du 20ème siècle.
    • Marcel Sel
      juillet 20, 20:54 Reply
      Apparemment, vous n'avez pas lu l'article, je précise bien que je ne dis pas que l'État a une moralité positive mais qu'il est de nature morale. C'est pour ça qu'on émet des jugements moraux sur l'État, comme vous le faites vous-même.
      • Zébulon
        juillet 22, 19:28 Reply
        Oui, et ça, c'est de la casuistique et du jésuitisme. La nature "morale" de l'Etat, on la cherche encore et on la cherchera longtemps. Ses millions de morts sont bien réels.
    • u'tz
      juillet 21, 00:18 Reply
      "200.000.000 de morts au cours du 20ème siècle" heureusement qu'on meure sinon on se marcherait sur les pieds
  5. Suske
    juillet 20, 13:46 Reply
    "Ou pouvons-nous dire au retraité allemand : on te coupe ta retraite pour alimenter celle des Grecs alors que tu as toujours voté pour des partis qui ont bien géré ton pays ?" C'est pas un peu bientôt fini de présenter les choses ainsi? Je propose une alternative: "Ou pouvons-nous dire au retraité allemand : on te coupe ta retraite pour renflouer - encore une fois - le secteur bancaire, mais on va utiliser la dette grecque pour masquer le coup, alors que tu as toujours voté pour des partis qui ont bien géré les intérêts des riches ?" (On devrait pouvoir le dire!) Sinon très bel article comme d'habitude, mais un peu gentillet. "il faut se battre pied à pied pour que l’État soit géré au mieux et conçoive son rôle sur base d’une vision claire, la moins dogmatique possible, et la plus profitable à tous." C'est moi, ou c'est enfoncer des portes ouvertes? Ça aurait sonné fort et juste il y a 20 ans, mais aujourd'hui force est de constater que l'État n'a plus les ressources ni la motivation pour se réformer efficacement, c'est raccomodage sur raccomodage. Il faut se battre pied à pied pour l'avènement de la démocratie: ça passe par un État plus transparent, plus représentatif et moins corrompu. Pour cette dernière qualité, il faut un État qui puisse organiser son propre contre-pouvoir, et c'est dans le sens inverse que les choses évoluent. Jusqu'où faudra-t-il tomber avant que ça ne craque?
    • Marcel Sel
      juillet 20, 20:56 Reply
      Juste une précision : je présentais les deux analyses les plus courantes, la pro-Tsipras et la pro-Merkel, sans prendre parti. Je pense que la pro-Tsipras est aujourd'hui plus proche d'être juste, mais c'est une opinion. Cela implique que je peux aussi me tromper. L'avenir nous en dira plus :-)
    • Didier
      juillet 22, 12:15 Reply
      C'est pourtant la seule réalité : la dette grecque n'est plus dans les mains des banques, mais bien dans celles des pays de la zone euro (et d'eux seuls, voyez comme la Grande-Bretagne, la Suède, le Danemark, etc... se tiennent tous courageusement très éloignés du problème). Nous avons du nous-même nous endetter pour sauver la Grèce de la banqueroute, c-à-d pour que le retraité grec percoivent toujours sa pension. Etant donné que c'est pas demain la veille qu'une banque prendra le risque de reprêter à ce pays (pour rappel, les "méchantes banques ont pourtant laissé tomber une bonne partie des créances grecques en échange d'un rachat du solde de dette par les pays aptes à rembourser), cette situation va donc s'éterniser. L'ultra-gauche européenne (plus Elio) s'indigne donc des mesures d'austérité imposées aux Grecs. Mais comment faire autrement ? Quand on sait que depuis le début du problème (5 ans ?) aucune réforme d'envergure courageuse ( étant entendu que s'en prendre aux retraites et salaires des fonctionnaires, c'est faire preuve de facilité et n'est pas spécialement courageux) n'a été prises dans ce pays par Papandréou, Samaras et finalement Tsipras. On lui a mis le révolver sur la tempe ? Oui ! Mais chat échaudé craint l'eau froide : les 3 précités n'ayant pas cessé de nous faire des promesses de réformes sans jamais les appliquer, il fallait mettre un terme au jeu de dupe. J'en reviens à Di rupo, il fustige la droite européenne et soutiens Tsipras ! La bonne blague ! A-t-il oublié que son allié naturel grec est le Pasok ? Sait-il que les socialistes ont le pouvoir ou le partagent en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas ou en Slovaquie, soit tous les pays qui (avec la Finlande, soyons de bon compte) auraient bien vu le grexit ??? A-t-il oublié qu'il fut premier ministre pendant 3 ans et que pendant cette période, la situation n'a cessé de se détériorer sans que l'Europe y apporte une autre solution qu'il appelle maintenant de tous ses voeux? Comment peut-on encore l'écouter et lui apporter du crédit ? Qu'il médite un peu le sort de Papandréou : personne n'est irremplaçable.
  6. Franck Pastor
    juillet 20, 14:53 Reply
    Article très intéressant qui a l'énorme mérite de mettre les choses à leur place. En ce qui concerne Twitter, il vous faudra retenir, Marcel, que ce n'est vraiment pas l'endroit approprié pour poster des réflexions profondes :-)
  7. Hucbald
    juillet 20, 16:18 Reply
    Tout ça, pour moi, c'est un peu du chinois -- je veux dire que je n'y comprends pas grand chose; mais j'essaie d'apprendre. Ce qui est amoral, n'est-ce pas ce qu'on appelle aujourd'hui la «finance»? Les entreprises ne sont pas nécessairement amorales, il me semble qu'elles le deviennent au moment où elles doublent (dans plusieurs sens du terme) leurs travailleurs par des actionnaires, créant deux systèmes économiques parallèles, la rémunération du travail d'une part, celle de la spéculation d'autre part. Je suppose qu'un certain nombre d'entreprises du 19e siècle se sont formées d'abord petitement et ont pris de l'ampleur par leurs bénéfices -- redistribués ou non aux travailleurs, tout n'était pas moral pour autant. Mais il me semble que les choses ont dérapé au moment où certaines entreprises ont voulu croître plus vite ce que leur permettait leur prospérité normale, où elles se sont endettées en prenant des actionnaires, et où finalement la bourse est devenue plus importante que le marché. Qu'en pensez-vous, Marcel? Faut-il que je m'inscrive à un cours d'économie marxiste? Il y en a, sur Internet, je pourrais les trouver...
    • Marcel Sel
      juillet 20, 21:00 Reply
      Ne pas confondre amoral (qui n'est pas concerné par les valeurs morales, du moins pas au premier chef) et immoral (qui n'est pas moral). Sinon, oui, il y a un problème avec la bourse aujourd'hui, qui n'est pas nouveau et qui s'appelle la spéculation professionnelle. C'est à l'État justement de l'empêcher. Mais dans un monde mondialisé, ça ne peut se faire qu'à un niveau supranational (G7/8 par exemple). L'Europe a déjà légiféré sur les CDS et la séparation entre banques d'affaires et banques de dépôt, reste à taxer les paradis fiscaux et les plus-values rapides pour rendre la spéculation rapide (celle qui pose problème) inintéressante fiscalement parlant.
  8. Def
    juillet 20, 18:19 Reply
    "La haine de l’État, un crime contre le libéralisme." Hmm. Il serait peut-être temps de lire des penseurs libéraux avant de l'ouvrir, Marcel...
    • Marcel Sel
      juillet 20, 21:01 Reply
      Ah oui. Comme qui par exemple (je ne considère pas Hayek comme un penseur libéral).
      • u'tz
        juillet 21, 00:14 Reply
        Marcel, le considérez-vous comme un penseur ? un idéologue méritocrate libéral serait déjà un début de reconnaissance
      • Salade
        juillet 21, 11:11 Reply
        "ils" citent toujours Tocqueville!
      • Ph11
        octobre 09, 01:03 Reply
        Vous ne considérez pas Hayek comme penseur libéral ? Un penseur libéral devrait donc être labellisé par un esprit supérieur nommé Marcel Sel pour être considéré comme tel ? Les libéraux le considèrent comme un penseur libéral majeur, cela suffit. Sinon, avez-vous déjà lu ses bouquins, ses articles ? Et lesquels ? S'il y a une chose qui est certaine, c'est qu'Hayek est fortement critiqué alors que son travail, ses positions sont fortement méconnues…
        • Marcel Sel
          octobre 09, 09:20 Reply
          Non, je ne considère pas Hayek comme un libéral parce que ce n'est pas ma vision du libéralisme. Nul besoin de railler mon soi-disant "esprit supérieur", j'ai une audience et j'ai une façon de voir. Elle est peut-être différente, originale, mais je ne vois pas en quoi elle pourrait être supérieure. J'ai simplement une grille de lecture qui n'est pas la même que celle des libéraux de droite. Le libéralisme est pour moi d'abord une vision de l'individu qui répartit les chances de la façon la plus équitable possible pour permettre au plus grand nombre d'entreprendre. Ensuite, c'est bien sûr à chacun de "grimper" selon ses talents. Appliquer la vision d'Hayek revient selon moi à entériner les privilèges des plus aisés, de ceux qui, détenant les clés financières et/ou politiques de la société, tirent profit d'une trop large libéralisation pour écraser toute innovation provenant d'autres acteurs moins favorisés. Ce qui revient non seulement à immobiliser la société de castes, ce qui est pour moi un des critères majeurs de conservatisme, mais en plus à enrichir les plus riches et appauvrir les plus pauvres. Ce qui est du néoconservatisme. Sa haine du socialisme étant une démonstration accessoire de sa position aristocratique. Son "libéralisme" est tout au plus un prétexte.
        • Darth Ph11
          octobre 10, 14:07 Reply
          Hayek n'est donc pas libéral selon la vision que vous avez du libéralisme… « Le libéralisme est pour moi d’abord une vision de l’individu qui répartit les chances de la façon la plus équitable possible pour permettre au plus grand nombre d’entreprendre. » Le libéralisme est une philosophie du droit (c-a-d les règles régissant une société humaine) basée sur les libertés individuelles, dont la liberté d'expression, de culte, la liberté d'agir (et par extension d'entreprendre) la liberté d'association, le droit de propriété, la légitime défense, la résistance à l'oppression. On considère que les hommes sont libres (c-a-d qu'on ne les en empêchera pas) d'agir tant que leurs actions ne nuisent pas concrètement à leur prochain. Le principe aussi est que chaque personne ait les mêmes droits individuels et donc, qu'il y ait un traitement équitable face à la loi, l'administration ou la justice. Le libéralisme est individualiste (chose qu'on lui reproche souvent), ce qui signifie en réalité que l'individu a une personnalité juridique et qu'il a le droit de se défendre face au préjudice, à l'injustice. Si on reproche l'individualisme du libéralisme, c'est notamment parce que les idéologies nécessitent de violer les droits des individus. Si j'ai le droit de défendre mes convictions, comment va faire le dernier mouvement untel à la mode qui veut voir sa conviction dominer la société ? Économiquement, le libéralisme fait que les hommes sont en principe libres d'entreprendre, libres de s'organiser de la façon qu'ils estiment la meilleure, libres aussi de faire ce qu'ils doivent faire (si l'autorité m'empêche de faire ce que je dois faire pour maintenir mon entreprise, elle va faire faillite.) Bien sur, cette liberté n'est pas garantie de succès ou de réussite, mais permet aux gens qui se donnent les moyens de réussir si c'est possible. « Appliquer la vision d’Hayek revient selon moi à entériner les privilèges des plus aisés, de ceux qui, détenant les clés financières et/ou politiques de la société, tirent profit d’une trop large libéralisation pour écraser toute innovation provenant d’autres acteurs moins favorisés. Ce qui revient non seulement à immobiliser la société de castes, ce qui est pour moi un des critères majeurs de conservatisme, mais en plus à enrichir les plus riches et appauvrir les plus pauvres. » Désolé, mais cela est fort simpliste. Primo, parce que s'il y a des gens plus aisés, c'est notamment parce mieux rémunérés, et cette rémunération est la contrepartie de ce qu'ils ont apporté à la société. Dans une économie basée sur l'échange, tout ce qui est gagné est un gain en contrepartie d'un autre gain pour autrui. Ensuite, les faits tendent à démontrer que c'est loin d'être aussi statique et provient d'une vision biaisée. Beaucoup de riches ne le restent pas, finissent ruinés, peu de riches sont des héritiers. Bien sur, certaines choses sont plus visibles que d'autres… « tirent profit d’une trop large libéralisation pour écraser toute innovation provenant d’autres acteurs moins favorisés. » Que des acteurs favorisés essaient d'écraser cela, c'est certain, mais est-ce par la libéralisation qu'ils y arrivent ? Un environnement libéralisé est plus dynamique et fait qu'une entreprise ayant réussi peut tout simplement péricliter, voire carrément disparaitre parce que son offre n'est plus adaptée ou tout simplement parce qu'un concurrent propose quelque chose de meilleur. Je pourrais souligner Uber avec les Taxis, mais comme Uber fait du noir, ce n'est pas un bon exemple ; le bon exemple sera le jour où il y aura des voitures autonomes. C'est surtout par la connivence avec des hommes de l'État qu'ils cherchent à écarter des concurrents, afin d'adopter la loi qui va bien, d'avoir des contrats d'exclusivité dans un marché public, faire une loi qui nécessite les services de l'entreprise de connivence… D'ailleurs, Schumpeter disait qu'un grand danger pour le capitalisme était les entrepreneurs selon cette raison. La tentation de faire passer des lois qui les avantagent afin de ne pas supporter la concurrence ou de maitriser l'offre et la demande fait que petit à petit, il y aura de plus en plus d'entraves… « Sa haine du socialisme étant une démonstration accessoire de sa position aristocratique. » Je rappelle qu'à la base Hayek était socialiste, c'est même sa conviction qui l'a poussé à devenir économiste. Il n'a pas en soi de haine du socialiste, il considère même que les socialistes sont des gens de bonne volonté et que leurs fins sont bonnes. Cependant, il distingue la fin des moyens et critique la prétention scientiste du socialisme envers laquelle il est sceptique, et puis démontre que cette idéologie qui cherche une certaine construction théorique de la société contient de grosses erreurs, des contradictions et des conséquences considérables aboutissant à la disparition de la liberté, voire au totalitarisme. Je ne suis pas certain que vous ayez la même conception du socialisme, Hayek et vous. Hayek appelle socialisme ce qu'on appelait socialisme à l'époque, c-a-d l'organisation de l'économie par l'État.
  9. Gilles-bxl
    juillet 20, 18:45 Reply
    Voilà donc pourquoi je pense que créer des scop (sociétés coopératives et participatives) est la seule manière intelligente de s' en sortir tous ensemble !
  10. Tournaisien
    juillet 20, 19:44 Reply
    Marcel, Vous touchez là du doigt l'un des grands problèmes de notre époque ... le nécessaire équilibre entre la dynamique libérale, fondée sur la libre entreprise, qui est incontournable pour permettre à nos sociétés de se déployer de façon un minimum harmonieuse en évitant le piège de l'appauvrissement collectif, et les fonctions collectives qui doivent être assumées pour que, également, nos sociétés vivent en harmonie en misant sur la formation, la culture, le service à la population. Tout est une question d'équilibre et la tendance des radicaux, de quelques bords qu'ils soient, est toujours de déplacer le curseur le plus loin possible dans la direction qui leur semble être la meilleure. Le problème aujourd'hui est que, dettes publiques obligent, le calcul en quelque sorte est faussé (cfr le cas de la Grèce, emblématique des grandes questions qui nous interpellent aujourd'hui, en nos sociétés dites "développées). Une quadrature du cercle en quelque sorte, car hélas, les lois économiques sont difficilement contournables. PS : Je vous avais promis de participer financièrement à votre débat public ... à bien y réfléchir, je trouve que la meilleure façon de le faire est de commander votre littérature (ce que j'ai déjà fait par le passé). Pourriez-vous me filer les références de votre dernier ouvrage ? Je le commanderai aussitôt via mon libraire tournaisien ... quelqu'un qui est d'ailleurs très proche de votre manière de penser et de percevoir le monde dans lequel on vit. bàv L.
    • Marcel Sel
      juillet 20, 21:02 Reply
      Mon dernier ouvrage s'intitule Indignés de Cons, aux éditions La Boîte à Pandore. Avec ça, en principe, votre libraire devrait le trouver :-)
      • Tournaisien
        juillet 20, 22:23 Reply
        Je transmets à mon libraire dès aujourd'hui. Le suivant, dès parution, vous m'avertirez. bàv L.
    • Marcel Sel
      juillet 20, 21:02 Reply
      (sinon, mon suivant sort au mois d'octobre).
      • Mélanippe
        juillet 21, 13:54 Reply
        https://books.google.be/books?id=B5xJaGcfYO8C&pg=PT76&lpg=PT76&dq=interdits+de+stade+anal&source=bl&ots=0-fG6p0Lmh&sig=zXmn0b8eTlQaAdkrnv-_gr-hha8&hl=fr&sa=X&ved=0CDAQ6AEwA2oVChMIj8HWhZPsxgIVAskUCh0Rag8J#v=onepage&q=interdits%20de%20stade%20anal&f=false Cher Marcel, pour comprendre le monde de l'entreprise, je vous invite, si vous avez encore le temps de lire des extraits de ce livre: Harcèlement, famille, institution, entreprise (Ariane bilheran) Il faut toucher au coeur du problème.
        • Marcel Sel
          juillet 21, 13:56 Reply
          Merci mais etant dans l'entreprise depuis 1985, et dans la mienne depuis 1994, je crois que je comprends un peu le monde de l'entreprise :-)
      • u'tz
        juillet 21, 23:19 Reply
        (merde alors encore au moins 92 fois dormir)
    • u'tz
      juillet 21, 00:09 Reply
      "… le nécessaire équilibre entre la dynamique libérale, fondée sur la libre entreprise, qui est incontournable pour permettre à nos sociétés de se déployer de façon un minimum harmonieuse en évitant le piège de l’appauvrissement collectif, et les fonctions collectives qui doivent être assumées pour que, également, nos sociétés vivent en harmonie" ... "incontournable" la dynamique libérale hahahaha... "minimun harmonieuse" hahahahaha silence
  11. Salade
    juillet 20, 22:07 Reply
    Je me demande combien de temps il faudra pour que les grecs soient moins heureux que les cubains...
  12. u'tz
    juillet 21, 00:26 Reply
    perso Marcel vous me décevez vous qualifiez d'amorale des personnes morales strictement immorales.
  13. u'tz
    juillet 21, 00:48 Reply
    "Il n’y a donc rien d’héroïque ni de moral à entreprendre. L’héroïsme et la morale sont même étrangers à cette activité : l’entrepreneur attend simplement une rémunération supérieure à celle offerte par un emploi salarié, au prix d’un risque." reconnaissons tout de même que ce type d'enfoiré travaille comme l'âne qu'il est pour essayer d'y arriver malgré que tous ceux "qui ont réussit" s'interposeront... ps(walllon): à l'exception du capitalisme précurseur uk né des initiatives de différents bénéficiaires de l’appropriation des biens des peuples britanniques, aucun capitalisme n'est né dans le monde sans l'intervention de l'Etat, aucun
  14. Guillaume
    juillet 21, 08:09 Reply
    "Or, la liberté des entreprises ne peut en aucun cas primer sur celle des citoyens au risque que le libéralisme entrepreneurial finisse par avoir raison du libéralisme citoyen." C'est un peu ce qu'on a fait avec les traités dits de nouvelle génération comme TTIP/TAFTA avec les tribunaux privés qui permettent à des multinationales de condamner des lois qui ne leur sont pas favorables. Bravo pour l'article, je suis à 100% d'accord avec son contenu.
  15. Darth Ph11
    octobre 09, 01:19 Reply
    Cela me semble plus complexe que la seule question de moralité. L'entreprise est certes amorale — le but de l'entreprise n'est pas dans sa nature forcément le bien ou le bonheur, mais le but qu'on lui a fixé. La plupart du temps, de créer des revenus, des services, de la production, des échanges. Cependant, l'État n'est-il pas en soi d'une certaine manière une entreprise ? Il s'agit d'une organisation humaine, nécessitant du travail, des ressources et agissant selon des objectifs pré-établis ? Bien qu'en fait, la raison de l'existence de l'État est plus complexe, plus sombre, plus floue. D'où vient l'État, quelle en est sa nature, pourquoi l'État ? L'État existe, est une forme d'organisation dans la société, résultat notamment d'un héritage culturel et social multimillénnaire, d'une évolution longue… Il existe, non pas qu'on le veuille, mais parce que les conditions font qu'il existe. Le jour où elles disparaitront, il disparaitra. Le léviathan existe, et on cherche à en faire quelque chose de plus ou moins moral. Ou plutôt de justice, bien que cela ne soit que dans les intentions. Et l'enfer est pavé de bonnes intentions… Je ne suis pas certain que tout fonctionne de façon suffisamment rationnelle pour faire en sorte que l'État organise le bien ou un bien… D'où viennent les institutions de l'État ? Les tribunaux sont un héritage de l'inquisition ; le droit est un héritage du droit romain et de la coutume ; le système parlementaire et administratif existait déjà durant l'antiquité.

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