Mahinur Özdemir ou le courage de virer en 187 millions de secondes.
Mise à jour du 1er juin à 17h: pour soutenir Mahinur Özdemir, le ministre turc des Affaires étrangères met en doute la « liberté et la démocratie » en Belgique (voir plus bas, en gras).
Me méfie toujours, moi, des grands concerts unanimes qui félicitent un politicien en particulier pour son « courage ». D’abord, le courage, en politique, c’est très difficile à déceler. Est-ce courageux de monter dans un gouvernement N-VA quand on ne représente que 25 % des Francophones ? Ou suicidaire ? Vous avez deux heures.
Ensuite, si courage il y eut dans le fait de virer Özdemir, il fit suite à des années d’hypocrisie. Et n’abolit pas l’hypocrisie actuelle. On a fait « la chasse aux Turcs ». Bravo. C’était facile. Un génocide centenaire très loin de nous, une négation instituée en dogme, des liens entre des élus belges et l’AKP de Tayyep Erdogan, un président « coupable » de tant d’exactions envers des journalistes, de tant d’atteintes à la liberté d’expression voire de collusion avec l’Organisation état islamique. Que rêver de mieux ?
Une « communauté » turque, en plus, mal considérée, qui a tendance à se réfugier dans sa langue, et où beaucoup d’élus communiquent en turc. Oui, il faudrait en parler, mais on a préféré brandir le génocide.
Courâge canonique
Le 22 mai, quand Benoît Lutgen a affirmé qu’un négationniste ne tiendrait pas une seconde dans son parti (suite à l’événement Facebook publié par Ahmed El-Khannouss que j’ai révélé ici), il connaissait précisément la position de Mahinur Özdemir. Il savait qu’elle avait parlé de « soi-disant génocide arménien » dans la presse turque, en 2007, puisqu’une plainte a été déposée contre elle le 22 juin 2009 au Centre pour l’Égalité des Chances et contre le Racisme. Il savait qu’il y avait des membres de l’AKP et même des nationalistes d’extrême droite à son mariage en 2010. Il savait que de ce fait là, elle ne pourrait pas, raisonnablement, reconnaître publiquement le génocide arménien. Et il n’a rien fait.
Il a fallu 700.000 secondes pour virer Özdemir !
Virée dans la seconde ? Sept jours après l’affirmation de Lutgen, elle était toujours députée ! La cellule Com du CDH lui envoyait toujours des recommandations et lui interdisait d’en parler avec des journalistes ! Entre le moment où Benoît Lutgen a fanfaronné qu’au CDH, un « négationniste » serait viré dans la seconde et la procédure de renvoi de Mahinur, il y a eu la bagatelle de 691.200 secondes ! Et entre le moment où le CDH a su qu’elle était vraisemblablement « négationniste » et celui où elle a été virée, il s’est écoulé 187 millions de secondes. Le courage est d’une lenteur, de nos jours !
D’autant qu’il aura fallu que Loïc Parmentier la course au parlement bruxellois et ensuite dans la maison communale de Schaerbeek, et que RTL-TVI diffuse cet épisode abracadabrant à des centaines de milliers de téléspectateurs pour que, tout à coup, le président du CDH prenne conscience qu’il avait une « négationniste » dans son parti ! Négationniste entre guillemets — j’insiste —, parce que la négation du génocide des Arméniens, Assyriens et Grecs pontiques n’est pas un délit en Belgique, contrairement à celui des Juifs et Rroms par les nazis.
Benoît Lutgen se serait-il retrouvé coincé entre ses déclarations à la bastognaise, bille en tête à la sauce Résiste et Mords, et l’actualité qu’il n’attendait pas — la séquence de Loïc Parmentier ?
Côté jardinage et côté courage
Du courage ? Alors que, selon la version de l’intéressée, le CDH a demandé à Mahinur Özdemir de signer un nouveau papier où elle reconnaissait le génocide des Arméniens, aucun autre des 6 mandataires d’origine turque du parti n’a été ainsi confronté à sa conscience par le CDH ! L’éviction de la députée eut donc valeur de symbole, et ne faisait pas partie d’un nettoyage à sec chez les « humanistes ». Le parti va-t-il étendre son courage en sommant les autres « négationnistes » potentiels de signer ce papier évoqué par la députée (et réservé aux élus Belgo-turcs… c’est quand même bizarre), au risque de voir un parti « turc » émerger qui regrouperait les exclus des autres formations ?
L’avenir le dira. Mais pour l’heure, le CDH n’a fait qu’un seul geste, qui lui apporte un avantage politique concurrentiel majeur par rapport aux autres partis. Ah ! Le courage, en politique, ça rapporte…
Özdemir, fusible multifonctions.
Car Mahinur Özdemir est un fusible multifonctions. Il sert à blanchir le CDH mais aussi à toiser le PS, que la presse, et les autres partis, ont immédiatement mis au défi de faire de même avec sa bête de course « négationniste », Emir Kir. Mais il est bourgmestre, ancien ministre, il fait six fois plus de voix qu’Özdemir — plus dur à virer. Sans compter qu’il serait incompréhensible que le PS ne vire pas du même coup les trois élus du Parlement bruxellois qui se sont vantés d’avoir saboté la minute de silence de la noble assemblée ! Ce n’est plus du courage qu’on demande au PS, mais un début de suicide. Et est-il si courageux de précipiter tous ces élus dans un parti communautariste turc où ils pourraient allègrement nier du génocide et faire le plein de voix chez les Loups gris ? Vous avez quatre heures, cette fois.
Du courage au kirage
Le courage est contagieux. Il a vite atteint le MR. Celui-ci a envoyé l’héroïque Vincent De Wolf au feu, pour appeler le PS à virer l’Emir ! Acte d’un courage inouï, puisqu’il impliquait que De Wolf oublie publiquement les déclarations inacceptables de Didier Reynders à la Chambre qui, non seulement, a évoqué « les crimes de 1915 » en lieu et place du « génocide » (Mahinur sors de ce corps godverdomme), mais en sus, a repris telle quelle la position de la Turquie, et donc de l’AKP, en affirmant qu’un « génocide ne peut être reconnu que par un organe juridictionnel. Dès lors, il ne me semble pas opportun que d’autres instances, législatives ou exécutives, se substituent au pouvoir judiciaire pour reconnaître un génocide » (Tayyep, sors de ce corps bordel de nom de Dieu !)
Courage ! Allez donc expliquer à des Belges d’origine turque que ce que Reynders a le droit de dire au nom de l’ensemble du pays, Özdemir ou Emir Kir n’ont même pas le droit de… le taire !
Quand on reproche aux élus d’origine turque de ne pas s’exprimer sur le génocide…
Ah oui, parce qu’on ne reproche pas à Mahinur Özdemir d’avoir nié publiquement le génocide des Arméniens, mais de ne pas l’avoir reconnu publiquement. C’est tout de même une première dans notre pays ! Pour rappel, au Vlaams Belang, un certain Roeland Raes erre toujours dans les couloirs, après avoir nié l’existence des chambres à gaz ! Jusqu’à ce qu’il nie, personne ne l’avait sommé de s’exprimer. Serait-on désormais plus regardants sur le génocide le plus loin de nous que sur celui qui, au contraire, a amené l’Europe à se refonder fondamentalement ?
Depuis l’éviction de la députée voilée (applaudie au passage par une foule d’islamophobes qui trouvent en ce moment le CDH très sympathique), n’écoutant, lui aussi, que son courage, Denis Ducarme a pris la parole au nom de la majorité, annonçant que celle-ci aura incessamment la fulgurante audace de proposer une… résolution à la Chambre, dont on ne connaît pas encore le contenu mais qui, vraisemblablement, devrait reconnaître le génocide des Arméniens, et prier la Turquie de faire de même. Une telle résolution pourrait même inviter le gouvernement belge à s’y mettre aussi. Eh oui, parce qu’une résolution de la majorité gouvernementale, ça n’est pas une déclaration gouvernementale. Ce n’est même pas une loi. Ça n’engage que la chambre, et non le gouvernement. En coulisse, un diplomate ira voir Erdogan en lui disant « fieu, t’inquiète, ça est juste un résolution, hein ket ! La gouvernement ne va pas reconnaisser le gènoçaïde, hein. On veut pas embêter toi, quoi, mais tu dever comprener qu’on doit faire ça pour notre haut-pignon public. »
Cerise sur le gâteau : si la résolution devrait être déposée très bientôt, elle ne sera débattue au Parlement qu’APRÈS la fin d’Europalia Turquie, à savoir l’an prochain…
Ah. Le courage en politique, vous savez…
Le vrai courage consisterait pour le premier ministre à convoquer une conférence de presse, où il déclarerait que le gouvernement belge reconnaît le génocide des Arméniens, Assyriens et Grecs pontiques. Point.
Courage, fuyons !
Au passage, Denis Ducarme a bien précisé que la décision de la majorité de voter une résolution n’avait évidemment rien à voir avec les affaires Kir ou Özdemir. Ben voyons ! Dans ce cas, pourquoi ne pas l’avoir prévue à temps pour la commémoration du centenaire ? Pourquoi avoir envoyé un sous-fifre à Erevan plutôt qu’un ministre ? Pourquoi avoir laissé Reynders déclarer à la Chambre que la thèse de la Turquie était la bonne ? Et comment expliquer tout ce fatras à un enfant élevé par des parents et grands-parents à qui, depuis leur naissance en Turquie jusqu’à aujourd’hui, tout l’environnement n’a cessé de marteler qu’il n’y a jamais eu de génocide dans l’Empire ottoman ? Un génocide qu’on n’enseignait pas à l’école belge jusqu’il y a peu ? Pour autant qu’on l’enseigne aujourd’hui… Allô Milquet ?
Côté Turcophones, Özdemir étant en ce moment en mode discrimination et victimisation, elle convainc à tour de bras, et il faut bien reconnaître qu’elle ne manque pas d’arguments. Rien que la façon dont la charte du CDH était rédigée prêtait à confusion. Elle exige la reconnaissance des génocides reconnus internationalement. Si le Parlement européen a bien reconnu le génocide, ce n’est pas le cas du Conseil ni de la Commission, ni de leur présidence, ni même de la présidence des États-Unis. Sur ce mot « internationalement », elle a raison. Sinon, pourquoi le CDH lui aurait demandé de signer un second papier concernant le génocide des Arméniens ?
Özdemir a raison, mais un peu hypocritement, comme son ancien parti.
Özdemir a raison, mais n’est pas moins hypocrite à son tour : il était évident qu’un jour, le CDH allait inclure le génocide arménien dans le package qu’elle avait signé. Elle joue aujourd’hui sur le fait que la Belgique n’a toujours pas reconnu le génocide et quand Martin Buxant, sur BelRTL, lui demande si elle le reconnaîtra quand la Belgique le fera, elle ne répond pas. Elle gesticule.
Mahinur ose des mirages.
À présent, voyons où nous mène le courage de Lutgen. Özdemir — qui peut enfin s’exprimer — diffuse désormais librement la doctrine appréciée par l’AKP et alimente les jeunes issus de l’immigration turque avec le dogme du « massacre de quelques Arméniens » rapidement compensé par la « souffrance du peuple turc ». Ah, mais Mahinur, le peuple allemand a aussi souffert, hein, entre 1940 et 1945. Peut-être faut-il rappeler la différence entre une guerre et un génocide ? Un génocide, c’est l’éradication programmée d’une population. C’est de ça qu’on parle. Cette programmation a implicitement été reconnue par l’Empire ottoman lui-même, puisqu’il a condamné les responsables à mort, par contumace, ceux-ci étant réfugiés en… Allemagne. Cette dernière étant au final le seul pays ayant fait preuve d’un vrai courage en l’occurrence, en reconnaissant sa propre implication dans le génocide par la voix de son président.
Je propose d’opposer cet acte de bravoure au « courage » tonitruant de ceux qui en profitent pour basher les Belgo-Turcs en brandissant la négation du génocide comme un crime digne de la Conférence de Wannsee. Alors qu’il s’agit, dans ce qu’on appelle « la communauté turque » d’un sujet de conversation qu’on laisse le plus souvent de côté, sauf quand on se sent accusé par le reste du monde. Le réflexe est celui de l’auto-défense : les Belgo-Turcs « en ont marre » qu’on les emmerde avec cette vieille histoire. Ils ont en partie raison, ça finit par ressembler à une chasse aux sorcières.
Mais aussi, ils ont en partie tort : le meilleur moyen de ne plus être embêtés, c’est de reconnaître que des hauts responsables ottomans avec lesquels ils n’ont personnellement rien à voir ont ouvert la route aux nazis, il y a un siècle. Les Allemands ont regagné leur honneur en reconnaissant le génocide nazi. Ils font aujourd’hui figure de modèles uniquement grâce à cette qualification sans ambages des crimes de quelques-uns et de la docilité de beaucoup de leurs parents, pourtant parfois encore vivants.
On ne s’encombre pas d’un génocide ou de crimes contre l’Humanité en les reconnaissant. Au contraire, on s’en débarrasse ! Les Belgo-Turcs, et les Turcs, seraient d’autant plus légers, et leur image d’autant plus noble s’ils faisaient enfin ce pas vers la reconnaissance ! Mais si les élus, les partis, l’État belge ne leur montrent pas la voie à suivre, qui le fera ?
Chasse à courage au pôle magnétique
Je ne résiste pas à la tentation de souligner aussi le merveilleux courage de Paul Magnette, qui approche le schmilblick avec autant de pincettes qu’il y a de secondes écoulées entre la déclaration de Lutgen et l’exclusion de Mahinur : oyez, oyez, le PS va proposer une résolution qui reconnaîtra le génocide (zut, me suis planté, je recommence) : qui demandera à la communauté internationale de reconnaître le génocide. Et Emir Kir suivra. Ben, voyons. C’est reporter la reconnaissance par la Belgique aux calendes turques.
La Belgique ne doit plus accepter l’ingérence du gouvernement turc dans une des communautés de Belges.
Pendant ce temps, la position de la diplomatie belge est devenue intenable. Lorsque la Turquie, par la voix de l’AKP Bruxelles et de son ambassade au Bahrein, a fustigé le manque de liberté d’expression en Belgique (!) et défendu Mahinur Özdemir, elle s’est scandaleusement ingérée dans nos affaires et nos partis, prenant en plus une partie de la population belge à témoin, qu’elle cherche à utiliser comme cheval de Troie pour retarder la reconnaissance du génocide des Arméniens. Mais sur Twitter, c’est carrément le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlüt Çavuşoğlu, qui s’est fendu d’un commentaire mettant en cause la démocratie belge et la liberté d’expression dans notre pays : « l’expulsion de Mahinur Özdemir du CDH pour son refus d'[émettre des] allégations sur l’Arménie est inacceptable. Est-ce là votre manière de voir la démocratie et la liberté ? » Un twit que Mahinur Özdemir s’est empressée de retwitter sur son compte en turc, mais pas sur son compte en français…
Après cette ingérence de la Turquie dans la politique belge, qui révèle des méthodes franchement inamicales, il me semble inadmissible, lâche, couard, que le gouvernement continue à faire des ronds de jambe à Erdogan. Charles Michel et Didier Reynders doivent reconnaître clairement la qualification de « génocide » le plus rapidement possible, au nom de la Belgique, et ainsi mettre les choses au clair pour tout le monde ! Si le ministre des Affaires étrangères turques peut tancer la Belgique avec une telle légèreté, il nous rend notre liberté d’expression ! Parce que non, la Belgique ne peut tolérer qu’un État étranger prétende dicter sa loi et ses idées à un parti belge, quel qu’il soit, et l’accuser de manque de démocratie ou d’atteinte aux libertés. Et non, la démocratie bruxelloise ne peut admettre que deux députés se targuent de l’avoir manipulée au bénéfice « de la Turquie » ! Que des Belgo-Turcs nient un génocide, c’est leur droit. Qu’ils le nient même au Parlement, c’est toujours leur droit. Qu’ils imposent par des manipulations antidémocratiques leur opinion minoritaire aux autres, là, non !
Et non, on ne peut pas reprocher à une députée d’avoir des liens étroits avec l’AKP turque. Pour rappel, des députés belges vont bien manifester pour Sarkozy ou pour Hollande aux élections françaises. Pour rappel, encore, la Turquie est, semble-t-il, notre alliée.
Courage de raison
Le courage ? On en a tant manqué et on en manque encore. En laissant entrer des « négationnistes » à l’époque où tout le monde se fichait du génocide des Arméniens comme de sa première culotte, l’ensemble des partis politiques francophones a omis de s’occuper de ce qui allait un jour ou l’autre nous sauter à la gueule : cette difficulté à mettre le thème du génocide des Arméniens en débat.
Difficulté ? Non, impossibilité. Pour preuve : ce dossier, qui politiquement était de loin le plus chaud du weekend, n’a pas fait l’objet d’un débat public, ni à la RTBF, ni sur RTL-TVI . À la place, on a, sur les deux chaînes, papoté de la corruption à la… FIFA ! N’est-ce pas là le signe qu’il y a un abcès à vider et que tout le monde a surtout le courage de fuir ?
Ce n’est évidemment pas le seul non-dit. Il y en a des tas d’autres. Les Belges d’origine grecque ont beaucoup de mal à reconnaître que la Macédoine a droit à son propre nom. Des Belges d’origine serbe nient encore souvent le micro-génocide de Srebrenica ou le nationalisme criminel de Milosevic. Des Belges d’origine croate font de même avec le nationalisme exacerbé de Franjo Tudjman. Les Anversois de la N-VA refusent de reconnaître la culpabilité du bourgmestre de l’époque dans la déportation des Juifs. Bart de Wever a été applaudi, acclamé par les grands journaux sur base d’une seule phrase, les autres ayant été soigneusement tues aux lecteurs (sauf par Vincent Engel et quelques autres… courageux).
Ce « négationniste » du plus grand parti du gouvernement, qu’on ne remet jamais en question.
Courage ? Jamais personne n’a osé lui demander s’il était normal qu’il héberge dans son parti Bob Maes qui, récemment encore, disait admirer Staf De Clercq, le Hitler flamand. Franchement, si Özdemir a commis un crime valant exclusion, je rappelle que le président d’honneur de la cellule de Zaventem du plus grand parti du gouvernement belge a refusé de se désolidariser du plus grand complice belge de la Shoah. Là, ça concerne des milliers de Belges déportés, des milliers de Juifs battus, des centaines de résistants belges dénoncés, battus, abattus.
Des Francophones ont toujours du mal à reconnaître que leur « terre » a envoyé plus de jeunes à la Waffen SS, proportionnellement, que les Flamands et les Français. Ils préfèrent reprendre la phrase de Brel sur les flamingants « nazis pendant les guerres et catholiques entre elles ». C’est bien commode, évidemment… Quant au mainstream, on attend encore le débat sur les atroces crimes coloniaux commis, notamment, sur ordre de Léopold II, mais aussi l’apartheid au Congo, sous Baudouin Ier.
Changer la couche d’osons.
Autant de débats qu’on mène du bout des lèvres, de temps en temps, à une heure extrêmement tardive, par des poncifs convenus, en tentant de mettre un max de poussière sous le tapis. Et puis, arrive un génocide qui s’est déroulé hors d’Europe, et des expats d’origine arménienne qui militent depuis un centenaire pour qu’on le reconnaisse. Et on finit par faire feu de tout bois sur les Belges d’origine turque, qu’on en arrive à classer au même rayon que des Faurisson ou des Le Pen. C’est à se demander si les partis vont aussi avoir le courage de rendre les mandataires hutus à part, un par un, et de leur demander de reconnaître publiquement le génocide rwandais. Et si demain, on avait des députés d’origine cambodgienne, on aurait, je suppose, le courage de leur demander leur opinion sur le génocide (ou sociocide) cambodgien. Et un député d’origine russe devra-t-il reconnaître le génocide ukrainien ou être viré du CDH ? Quand demandera-t-on à des députés d’origine espagnole s’ils sont prêts à reconnaître le génocide des Incas par leurs « ancêtres » ?
Le courage ? Ne serait-ce pas plutôt de s’assoir à la table, d’en discuter ? Publiquement. Ça ne modifierait probablement pas fondamentalement les lignes des uns et des autres, ou très lentement. Mais au moins, l’opinion publique pourrait mieux comprendre pourquoi tant de Belges d’origine turque ont du mal à reconnaître le génocide des Arméniens, pourquoi les élus qui se reposent sur cet électorat sont coincés d’une part entre un électorat blessé, un entourage nationaliste et des pressions de groupes fascistes, et d’autre part, la pseudoblancheur (toute fraîche) des grands partis belges.
Les partis belges lavent plus blanc que blanc avec la lessive des autres.
Quand le CDH a enrôlé Mahinur Özdemir voici dix ans, c’était pour faire des voix. Jusqu’à ce vendredi 16 h, au moment de la décision de renvoyer la députée, cette considération primait encore sur le tintamarre du président. On peut difficilement demander à un-e candidat-e de « faire un score » et lui imposer de prendre des positions qui auraient l’effet inverse.
Un mot aussi sur le succès du thème « génocide des Arméniens ». Il s’appuie sur notre sensibilité au génocide que l’Europe a connu et organisé voici 70 ans, la Shoah. Mais il n’a pas la même valeur morale. Il est plus ancien. Il a mis longtemps à être clairement révélé. La plupart des pays occidentaux ne le reconnaissent pas. Il n’y a plus un seul coupable en vie. Par comparaison, il y a aujourd’hui, en Belgique, des ex-Waffen SS qui continuent à raconter leur vie sur le front russe au service, par exemple, de la Flandre. Alors que pour le génocide des Arméniens, il n’y a que le souvenir, de part et d’autre, à 3.000 km d’ici, au moins. Même l’État qui l’a perpétré (l’Empire ottoman) n’existe plus ! Nous n’y habitons pas. Et la plupart des Belges ne savent même pas qui était le père de la nation turque !
Courage, ô désespoir !
Le défi, soi-disant lancé par le CDH au PS, avec toute la meute des autres partis pas beaucoup plus propres sur eux, n’en est donc pas un. Au haro sur le Belgo-Turc répond l’écho du haro sur les socialistes. La position de Paul Magnette est aussi minable que celle de tous les autres. Mais pas plus, pas moins. Entre les opportunistes, les hypocrites, les lave-plus-blanc et les cache-moi-ça, je ne fais pas le détail.
Je trouverai en revanche du courage à celui qui essayera une autre voie, celle de l’explication, plutôt que de choisir la confrontation. Rêvons un peu. Emir Kir pourrait s’armer d’un tel courage et commencer à préparer ses électeurs à l’inéluctable : la reconnaissance du génocide des Arméniens par tous les partis belges. Pour rendre à « la communauté turque » l’honneur qu’elle perd chaque fois que quelqu’un nie en son nom. Car la reconnaissance des erreurs passées n’est jamais un aveu, mais toujours un pas en avant. Il permet de laisser derrière soi les crimes d’autrui et de repartir la conscience vierge. Ce ne serait pas une source de honte, mais au contraire, de fierté.
Une source dont les Belges « d’origine catholique » (héhé) n’ont eux-mêmes toujours pas eu le courage de s’abreuver sur le Congo. Alors, je rappelle une phrase chrétienne qui me plaît beaucoup : « que celui qui n’a jamais péché leur jette la première pierre ».
Tout ça n’empêche pas que tout élu doit se rappeler que, même s’il appartient aussi à l’une des nombreuses communautés dont notre pays est riche, lorsqu’il s’assied dans une de nos institutions, il doit être belge avant toute autre chose. Et respecter l’opinion de la majorité. Quelle que soit son origine.
80 Comments
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juin 01, 14:39Pfff
juin 01, 14:41Marcel Sel
juin 01, 15:03Pfff
juin 01, 15:25u'tz
juin 01, 23:00Pfff
juin 02, 17:08Pfff
juin 01, 15:29Pfff
juin 01, 18:28hilarion lefuneste
juin 01, 14:51Marcel Sel
juin 01, 15:06hilarion lefuneste
juin 01, 16:04Marcel Sel
juin 01, 19:18u'tz
juin 02, 01:41Pfff
juin 02, 17:12Pfff
juin 01, 14:51Tournaisien
juin 01, 14:52Marcel Sel
juin 01, 15:08Didier
juin 02, 14:38Pfff
juin 01, 14:55Pfff
juin 01, 15:57Pfff
juin 02, 08:22Francis Delmtte
juin 01, 15:07Pfff
juin 01, 15:09francolatre
juin 01, 15:35Marcel Sel
juin 01, 19:17Hop !
juin 02, 10:15Marcel Sel
juin 02, 16:47willy
juin 02, 17:17Marcel Sel
juin 02, 17:25willy
juin 02, 17:37Marcel Sel
juin 02, 20:51Willy
juin 03, 10:22Marcel Sel
juin 03, 10:57Wallon
juin 01, 16:20Pfff
juin 02, 13:20Pfff
juin 02, 14:32Pfff
juin 02, 14:35Pfff
juin 01, 16:26Philippe
juin 01, 17:29Marcel Sel
juin 01, 19:38Pfff
juin 01, 20:44Pascal Debière
juin 03, 17:44Marcel Sel
juin 04, 14:47Pascal Debière
juin 06, 07:22Pfff
juin 06, 16:28u'tz
juin 02, 01:20willy
juin 02, 17:34Philippe
juin 02, 22:14willy
juin 02, 17:21Gilles-Bxl
juin 01, 18:15Hop !
juin 01, 18:17Pfff
juin 01, 22:07Antoine Dellieu
novembre 14, 14:57Didier
juin 02, 15:20Pfff
juin 01, 18:19Bernadini
juin 01, 18:51Bison, la colle super-puissante
juin 02, 12:56Tournaisien
juin 01, 18:59Altaï
juin 01, 19:44Pfff
juin 01, 20:34Rhooo...
juin 01, 22:05Marcel Sel
juin 02, 16:39Debière Pascal
juin 02, 06:13lievenm
juin 02, 08:44guypimi
juin 02, 09:35Pfff
juin 02, 10:04Pfff
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juin 02, 12:08MarieH (@bullbizou)
juin 02, 13:10thomas
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juin 02, 16:36Patrick
juin 02, 17:05Piana Danielle
juin 03, 13:40Patrick
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juin 04, 10:58Piana Danielle
juin 03, 13:41Marcel Sel
juin 03, 14:19