Écosse. La commission fait mumuse et cornemuse.
On a pu assister ce midi à un briefing de presse surréaliste de la Commission européenne (que je vous recommande de regarder, c’est un modèle de langue de bois assez exceptionnel). Plusieurs journalistes posaient la question de l’entrée de l’Écosse dans l’Union européenne suite à un éventuel « oui » au référendum d’indépendance qui se tient dans dix jours. Les questions étaient assez précises : l’Écosse pourra-t-elle entrer dans l’Union, sera-ce automatique, ou plus simplement : quelle est la position de la Commission sur le sujet. En réponse à ces questions, la porte-parole de la Commission, Pia Ahrenkilde-Hansen, n’a pu que répéter une vingtaine de fois que la position de 2004 était toujours de mise et que la Commission ne souhaitait pas donner plus d’information à dix jours du scrutin, pour respecter la démocratie écossaise (ou britannique). Elle a en revanche proposé aux journalistes de leur envoyer la position de 2004 qu’elle s’est refusée (!) à résumer ou commenter publiquement.
En d’autres termes, les électeurs écossais ne connaîtront pas (du moins pas de la bouche de la porte-parole) les conséquences de leur choix d’indépendance (ou pas). Si c’est ça que la Commission Barroso appelle « le respect de la démocratie », il faudrait informer ces dames et messieurs (heureusement en affaires courantes) qu’un électeur qui ne connaît pas les conséquences de son vote n’est pas en mesure d’exercer correctement son pouvoir… démocratique. Même si la plupart des électeurs s’en fichent, il y a aussi ceux qui s’informent et ont droit à une réponse décente au sommet de notre Union. Ce déficit démocratique criant est l’une des raisons pour lesquelles les citoyens européens sont méfiants envers les « technocrates » d’en haut. Quant à la distance entre les citoyens et la Commission, c’est apparemment cette dernière qui l’établit et la maintient.
Je sais tout, mais je ne dirai rien.
Pourtant, en mars de cette année, le Parlement écossais a reçu de Viviane Reding (vice-présidente de la Commission européenne, en charge notamment de la citoyenneté) une lettre extrêmement claire où elle parvenait à résumer les conséquences d’un vote d’indépendance en deux petits paragraphes (traduit rapidement de l’anglais par mes soins, l’original est dans le lien ci-devant) : « Les traités [européens] s’appliquent [exclusivement] aux États membres. Ceci signifie que si [l’Écosse] devient un État indépendant, les traités ne s’appliqueront plus à ce territoire. En d’autres termes, une région nouvellement indépendante deviendrait, du fait de cette indépendance, un pays tiers par rapport à l’Union et dès le jour de cette indépendance, les traités ne s’appliqueraient plus à ce territoire. Conformément à l’article 49 du Traité sur l’Union européenne, tout État européen qui respecte les principes énumérés dans l’article 2 dudit traité peut poser sa candidature de membre de l’Union européenne. Si cette candidature est acceptée par le conseil à l’unanimité après consultation de la Commission, et après approbation du Parlement européen, un accord est alors négocié entre l’État candidat et les États membres, sur les conditions d’admission et les ajustements aux traités qu’une telle admission entraîne. Cet accord est sujet à la ratification par tous les États membres et par l’État candidat. »
Les conséquences pour l’Écosse sont claires. Dès la date de son indépendance, elle sortirait de l’Union européenne. Elle ne serait plus liée à celle-ci et ne bénéficierait plus des subsides éventuels (ni ne serait assujettie). Contrairement aux États non-UE du continent, elle n’aurait aucune relation officielle avec l’Europe et ne bénéficierait d’aucun accord (ni douanier, ni de coopération, ni économique). Elle serait toute seule, très seule.
Ensuite, sa rentrée éventuelle dans l’UE serait soumise à l’unanimité des États membres. Ceci signifie que si un État, un seul, ne souhaite pas encourager les velléités d’indépendance en Europe (l’Espagne me paraît un bon exemple), l’Écosse ne pourra même pas se porter candidate. Elle pourrait être exclue de facto de l’Union pendant de nombreuses années. Mais même en supposant que l’Espagne accepte la candidature écossaise (et tous les autres pays itou), il faudra compter plusieurs années avant que l’adhésion soit définitivement négociée, le traité modifié, et l’ensemble ratifié par tous les États membres.
Si les Écossais doivent se retrouver isolés en cas d’indépendance, ils doivent le savoir avant.
Voilà la dure réalité qui attend les Écossais en cas d’indépendance. Et un rappel en forme de gifle (qui réveille plus qu’il ne frappe) aux nationalistes catalans et flamands qui pensent ou propagent l’idée qu’il y aurait un droit « naturel » de réintégration dans l’Union européenne après une déclaration d’indépendance et la création d’un nouvel État. Ce n’est pas le cas — si l’on en croit la Commission, mais on voit difficilement qui pourrait la contredire.
Bien entendu, il faut regretter, critiquer le fait que l’Union européenne n’ait pas prévu un système permettant la réintégration quasi automatique de toute région d’un pays membre qui se déclare indépendante pourvu que cette indépendance fasse suite à un processus démocratique et un choix explicite de ses habitants, par référendum. C’est là un principe fondamental du droit des populations à disposer d’elles-mêmes que l’Europe devrait introduire si elle se veut le parangon du droit des gens.
Elle devrait également préciser les conditions pour obtenir ce droit (référendum, information correcte, respect des Traités et droits établis, etc.) Les États européens devraient d’ailleurs être empêchés d’interdire les référendums d’indépendance comme le fait l’Espagne avec la Catalogne. Et si la Flandre voulait devenir indépendante, la Belgique ne devrait pas pouvoir s’y opposer, pour autant que les conditions du référendum soient respectées. Il semble par ailleurs logique que lorsqu’une région souhaite se détacher d’un État au nom du droit des populations à disposer d’elles-mêmes, chacune de ses sous-régions devrait être en mesure de choisir sa future appartenance, soit au nouvel État, soit à l’État duquel elle relevait précédemment (ce qui aurait dû être concédé aux communes serbes du Kosovo), faute de quoi le droit à disposer de soi-même pourrait être imposé par une majorité territoriale à des portions de territoire dont la population souhaite disposer autrement. On aura compris que je pense aussi notamment à Bruxelles. Il serait inacceptable qu’un « pays » ou un parti use de ce droit libéral pour l’imposer à ceux qui souhaitent une autre liberté.
Mais bon, en même temps, reconnaissons que si la Commission disait explicitement que l’indépendance signifie des années d’errance, la plupart des nationalistes d’Europe lui cracheraient : « I want to kilt you ! »
34 Comments
GuyF
septembre 08, 15:37Stéphane Dohet (@stephanedohet)
septembre 08, 18:45Marcel Sel
septembre 09, 10:18Pfff
septembre 09, 12:00uit 't zuiltje
septembre 14, 18:10Tournaisien
septembre 08, 18:34uit't zuiltje
septembre 09, 11:14uit't zuiltje
septembre 10, 11:27Tournaisien
septembre 11, 06:18Stéphane Dohet (@stephanedohet)
septembre 08, 18:50uit't zuiltje
septembre 09, 11:20uit 't zuiltje
septembre 11, 00:02Tournaisien
septembre 09, 14:07Tournaisien
septembre 09, 14:08Tournaisien
septembre 09, 14:09Salade
septembre 08, 21:34uit 't zuiltje
septembre 08, 23:16uit 't zuiltje
septembre 08, 23:37uit 't zuiltje
septembre 08, 23:50HACHIVILLE
septembre 09, 09:43uit't zuiltje
septembre 10, 10:28schoonaarde
septembre 09, 14:32Marcel Sel
septembre 10, 19:45uit 't zuiltje
septembre 10, 20:45Tournaisien
septembre 11, 06:26Tournaisien
septembre 09, 18:02uit 't zuiltje
septembre 10, 22:16Ecosse indépendante: “Les citoyens écossais seront toujours des Européens” | 9 de novembre de 2014
septembre 10, 12:02Philippe Vander Linden
septembre 10, 18:35Marcel Sel
septembre 10, 19:43uit 't zuiltje
septembre 10, 23:49uit 't zuiltje
septembre 10, 23:53KA_oru
septembre 17, 13:39Brexit : l’Union européenne est devenue une marâtre revancharde. | Un Blog de Sel
juin 30, 09:43