Anne-Laure Mouligneaux : Bart sort l’atout charme.
« Le loup n’est pas devenu subitement un agneau », disait Benoît Lutgen le jour où il a dit ‘non’ à Bart De Wever. Le Soir ajoutait « La N-VA récolte ce qu’elle a semé ». Entendez, la méfiance. Apparemment, la vidéo de Bart De Wever proposant aux Francophones de lui faire confiance n’a pas eu l’effet escompté. Qu’à cela ne tienne, le parti nationaliste a sauté le pas : il a engagé une porte-parole francophone. Et c’est un vrai changement de culture.
Article paru dans M Belgique.
« Oui, Jean Quatremer peut m’appeler ! Il n’y a pas de problème ! », me dit Anne-Laure Mouligneaux. C’est presque un scoop. En février 2011, ce correspondant bruxellois du journal Libération avait reçu un courrier signé par le porte-parole de la N-VA Jeroen Overmeer qui le décourageait d’essayer de l’appeler. « Il y a des personnes avec lesquelles nous choisissons de ne pas parler », écrivait-il. Les raisons : « il y a des limites [à la critique] à nos yeux ». Trois ans plus tard, le ton a radicalement changé. Tous les journalistes francophones peuvent désormais contacter la nouvelle porte-parole de la N-VA, Anne-Laure Mouligneaux, de langue maternelle… française. Tous, y compris Le Soir que Bart De Wever avait qualifié de «même pas assez bon pour utiliser comme papier toilette » ou Libé, autrefois boycotté. « Je ne peux pas changer le passé », dit Anne-Laure, « mais je vois les choses de manière purement professionnelle, et je traiterai tout le monde de la même façon : Le Soir, La Libre, Sud Presse et les autres peuvent m’appeler quand ils veulent. Mais bon, pas à 2h du matin, tout de même», plaisante-t-elle.
Car cette jeune trentenaire originaire de Bruxelles, qui vit a Grimbergen, a le sens de l’humour. Suffisamment, en tout cas, pour assumer totalement la cocasserie apparente de sa situation : le parti nationaliste flamand est en effet le premier parti belge à engager officiellement une porte-parole uniquement pour s’adresser à « l’autre » communauté. Interview.
MB : Qu’est-ce qui a amené la N-VA à engager une porte-parole francophone ? N’est-ce pas un peu, disons, bizarre ?
Anne-Laure Mouligneaux : Non, pas du tout. La N-VA a constaté qu’il y avait un problème d’image du parti côté francophone. Et puis, il est clair que le parti a évolué. C’est aujourd’hui le premier parti de Flandre et de Belgique. Il a simplement compris qu’il ne pouvait pas ne pas s’adresser également aux Francophones.
MB : Mais c’est un peu bizarre que la N-VA soit le seul parti belge qui ait un(e) porte-parole pour l’autre communauté…
A-LM : Ce n’est pas tout à fait vrai. Les partis flamands au pouvoir au fédéral ont souvent des Francophones dans les cabinets ministériels, qui jouent un rôle similaire au mien, de même pour les partis francophones.
MB : Vous pensez que les autres partis auraient intérêt à avoir un-e porte-parole de l’autre communauté ? Le FDF, par exemple ?
A-LM : Je ne vais pas me prononcer sur les autres partis et encore moins le FDF (rire). Mais je note que les autres partis [hors FDF] n’ont pas le même déficit d’image et de compréhension dans l’autre communauté. La N-VA, elle, n’évolue pas sur les axes classiques. Cela reste un parti communautaire.
MB : Quel est votre rôle exact au sein de la N-VA ?
A-LM : Mon rôle est de donner l’info à l’ensemble de la presse francophone, de communiquer, d’expliquer, de clarifier les positions du parti, mais ça ne s’arrête pas là. Je vais aussi conseiller le parti dans sa façon de communiquer avec les Wallons et les Bruxellois, leur expliquer ce qui vit du côté francophone, les différences de sensibilités que les Flamands ne comprennent pas toujours. Mon job est en quelque sorte de créer un pont à deux voies. L’intérêt est aussi du côté francophone, pour mieux comprendre la N-VA.
MB : La vidéo dans laquelle Bart De Wever a demandé aux Francophones de lui faire confiance n’a d’ailleurs pas eu l’effet escompté. Le body language de votre président de parti n’est apparemment pas bien passé au Sud. Est-ce cela qui a décidé la N-VA à vous engager ?
A-LM : Je ne vais pas me prononcer sur la vidéo elle-même, mais le fait d’avoir une Francophone dans l’équipe peut aider à ajuster le body language, mais aussi le phrasé, l’attitude, le choix des mots. Les Flamands sont plus straight to the point. Nous, les Francophones avons besoin de plus d’emballage.
MB : on a tout de même l’impression d’une offensive de charme de la part de la N-VA. D’abord, la vidéo, puis votre engagement comme porte-parole, enfin une note de l’informateur De Wever très light point de vue communautaire. Est-ce que la N-VA est en train de devenir un parti belgicain ?
A-LM : Mon engagement ne définit pas la ligne politique du parti. C’est clair qu’il a évolué et qu’il ressent le besoin de s’adresser aussi aux Francophones.
MB : peut-on s’attendre, par exemple, à des listes N-VA en Wallonie aux prochaines élections ?
A-LM : Sur les listes bruxelloises, il y avait déjà deux francophones, dont un Carolorégien. La N-VA est donc ouverte à ça. Mais pour la Wallonie, ce ne sera certainement pas moi qui en déciderai (rires). Cela étant, la N-VA reste un parti communautaire. C’est son ADN et il ne va pas s’en départir.
MB : Comment la N-VA vous a-t-elle contacté ?
A-LM : C’est moi qui leur ai envoyé une candidature spontanée, après une discussion avec une amie. Je travaillais dans un cabinet-conseil en communication d’entreprise, surtout pour des entreprises Wallonnes. Je m’occupais de permis, de restructurations, de problèmes de communications dans des situations délicates. J’étais donc très souvent en contact avec l’administration wallonne. Ça me plaisait beaucoup, mais j’avais envie de revenir à quelque chose de plus politique — j’ai fait Science-Po à l’ULB. Je voulais mettre mon expérience en com au service d’un parti. J’expliquais ça à cette amie qui m’a dit « pourquoi tu n’irais pas travailler à la N-VA ? » J’ai envoyé ma candidature. En février, j’ai eu un premier entretien et on m’a proposé de revoir ma candidature après les élections.
MB : C’est assez amusant de passer d’un environnement wallon à un environnement très flamand, si j’ose dire.
A-LM : Oui, mais je crois que ma connaissance des sensibilités wallonnes est aussi enrichissante pour le parti.
MB : Mais vous étiez convaincue par le programme de la N-VA, ou plutôt attirée par le défi professionnel ?
A-LM : Je suis plutôt libérale, donc, je me reconnais assez bien dans le programme de la N-VA. C’est quand même important. Je n’y serais pas allée si le programme n’était pas compatible avec mes convictions. Mais bien sûr, le défi est passionnant !
MB : Comment votre passage « chez Bart » a-t-il été pris dans votre entourage ? Vous avez eu des critiques, des rejets ?
A-LM : Très peu de gens m’ont dit que j’étais folle, si c’est ça votre question (rires). Certains étaient surpris au départ, mais de manière générale, tout le monde s’est montré très positif. J’ai même eu pas mal de gens qui me disaient en confidence « Tu sais, je suis d’accord avec ce que dit Bart De Wever »…
MB : Des Flamands ?
A-LM : Non, des Francophones de la Périphérie et des Bruxellois.
MB : Mais vous avez bien dû avoir des avis opposés ?
A-LM : Vraiment quasi personne ! Quelqu’un m’a simplement dit « la N-VA, ce n’est pas du tout ma tasse de thé, mais je te souhaite bonne chance » non sans ajouter « c’est clair que tu auras du boulot ».
MB : Oui, c’est clair (rires). Et votre accueil dans le parti ?
A-LM : Je viens d’arriver ! Mais tout le monde a été super gentil, très sympathique. Vraiment, un chouette accueil.
MB : Vous avez déjà rencontré Bart De Wever ?
A-LM : Oui, je l’ai vu fin mai. Il a été charmant. C’est quelqu’un de très poli et d’un peu réservé. Il a aussi un grand sens de l’humour. Comme souvent les gens très intelligents, il a le sens de la formule.
MB : Vous avez parlé néerlandais ?
A-LM : Il m’a parlé en français et je lui ai répondu en néerlandais !
MB : Vous parlez couramment néerlandais, je suppose ?
A-LM : Oui, j’ai été élevée à Grimbergen, j’ai toujours eu des amis des deux communautés, ça aide à l’apprentissage des langues. Amour et amitiés, tout ça… Mais déjà toute petite, mes parents m’envoyaient chercher du pain à la boulangerie, par exemple, et ils m’encourageaient à oser parler en néerlandais. En fait, ce n’est pas compliqué d’oser ! Et puis, on regardait beaucoup la télévision flamande. Les séries télé étaient plutôt meilleures à cette époque.
MB : Mais vous êtes francophone, donc.
A-LM : J’ai des grands-parents d’origine flamande, mais pour le reste, ma culture familiale est française en effet. J’ai été à l’école en français, à Bruxelles, puis à l’ULB, mais tout en vivant dans le Rand [la Périphérie bruxelloise].
MB : La presse politique, c’est nouveau pour vous ?
A-LM : Oui les journalistes politiques, je ne les connais pas encore, c’est très excitant de découvrir ce milieu, de rencontrer de nouvelles personnes, de créer des relations.
MB : Vous allez devoir créer votre carnet d’adresse ?
A-LM : Oh, je crois que ça ne va pas être nécessaire. Quand l’annonce de mon engagement a été publiée le 13 juin — un vendredi — mon téléphone n’a pas arrêté de sonner !
MB : Enfin, une question piège : que pensez-vous des Diables Rouges ?
A-LM : (sourire) Je n’ai pas vraiment beaucoup d’intérêt pour le sport à la télé. Je préfère faire du sport que de regarder les autres en faire. Mais je suis au courant de l’évolution, qui est positive.*
D’après la presse flamande, la N-VA aurait recommandé à ses membres interrogés sur l’équipe nationale belge de répondre « ils se débrouillent bien ». Les mauvaises langues diront qu’Anne-Laure Mouligneaux a donc déjà bien intégré le message du parti. Oui, des mauvaises langues, parce que c’est tout de même surtout ça, son nouveau métier ! Alors, dans les mois qui viennent, on ne croira pas toujours Anne-Laure sur parole. Et on ne sera pas moins critique qu’avant. Du reste, elle le dit elle-même : la N-VA ne change pas d’ADN. Mais après avoir échoué à charmer les Francophones dans son message vidéo pré-électoral, Bart De Wever nous a sorti un joker bien sympathique, qui confirme sa volonté de mieux communiquer avec les Wallons et les Bruxellois. Et ça, c’est vraiment nouveau.
*l’interview date du 30 juin.
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GuyF
juillet 28, 17:08lievenm
juillet 28, 19:28uit 't zuiltje
juillet 30, 22:13uit 't zuiltje
juillet 30, 22:31Willy
août 07, 15:53Pfff
juillet 28, 20:19uit 't zuiltje
juillet 30, 22:42Philippe
juillet 29, 12:35Tournaisien
juillet 28, 18:28Salade
juillet 30, 20:06Tournaisien
juillet 28, 19:09Marcel Sel
juillet 30, 15:56Tournaisien
juillet 30, 17:20uit 't zuiltje
juillet 30, 22:20uit 't zuiltje
juillet 28, 19:44Salade
juillet 28, 20:50uit 't zuiltje
juillet 30, 21:05Tournaisien
juillet 28, 22:12Pfff
juillet 30, 17:52uit 't zuiltje
juillet 30, 21:21uit 't zuiltje
août 04, 20:39Ergo
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juillet 29, 10:20Salade
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août 04, 21:18MUC
juillet 29, 10:39Philippe
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juillet 31, 14:29uit 't zuiltje
août 04, 21:57MUC
août 08, 13:57Tournaisien
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juillet 31, 16:26uit 't zuiltje
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août 06, 16:34Lachmoneky
juillet 29, 18:05Franck Pastor
juillet 30, 18:37francolatre
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juillet 30, 22:01Tournaisien
juillet 29, 22:54Salade
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juillet 30, 22:07Philippe
juillet 30, 09:35Jay
juillet 30, 09:39Salade
juillet 30, 21:27Tournaisien
juillet 30, 09:41uit 't zuiltje
juillet 31, 08:53Salade
août 01, 20:50Philippe
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août 04, 20:21Philippe
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août 05, 22:29Philippe
août 06, 17:35Philippe
août 10, 17:19uit 't zuiltje
août 13, 21:40Capucine
avril 27, 19:05utz
mai 11, 00:14