Accord Engie : le pollueur, c’est vous !

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Comment va-t-on payer la remise à niveau des réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3 pour qu’elles puissent produire de l’électricité en 2026 ?

L’idée de faire régler la facture par « le pollueur-payeur » est au cœur du dispositif selon Georges Gilkinet, vice-premier ministre Ecolo : « il était temps que les travaux commencent en vue de la prolongation des deux réacteurs. Mais il était nécessaire aussi de préserver l’intérêt financier des citoyens belges, en maintenant le principe du pollueur-payeur, qui est confirmé dans le texte ». Sauf que voilà, le pollueur, eh bien, c’est nous. Et donc, cet intérêt financier n’est absolument pas préservé, mais bien dilué.

Car oui, c’est nous qui utilisons l’électricité. Toujours nous ? Oui, toujours nous, le consommateur. Vous me direz qu’il y a l’entreprise, l’industrie, l’agriculture. Et en effet, selon Mega, la consommation de l’électricité se répartit de la manière suivante : 45.2% pour l’industrie,  25.3% pour les services , 23% pour le résidentiel et 6,5% pour les transports, l’agriculture, etc. Le citoyen ne consommerait donc qu’un tiers de l’électricité ?

Tout ce qui est produit sur terre l’est in fine pour le consommateur.

Eh non. Parce que tout ce qui est produit l’est in fine pour le citoyen. L’agriculture, c’est facile à démontrer : elle produit la nourriture que nous mangeons. Et les services aux entreprises ? OK. Prenons la facture d’électricité d’une société de service juridique qui travaillerait pour un fournisseur de carton qui, lui-même, travaillerait pour un producteur de lait. Eh bien, la première assure la bonne gestion juridique de la seconde pour lui éviter des surcoûts, la seconde vend du carton à la troisième pour qu’elle puisse emballer son lait qui va ensuite au consommateur, car, contrairement à une légende tenace, une entreprise ne boit pas de lait. Et la hausse du prix de l’électricité facturé à la société de service juridique sera intégrée dans son prix, qui influencera le prix du fournisseur de carton qui l’imputera au producteur de lait, qui nous la transmettra. Certes, ce coût sera très dilué dans ce lait-là, mais comme il sera par ailleurs intégré à tout ce que nous consommons par ailleurs, payé, il sera. Par nous.

Car tout ce qui est produit sur terre, absolument tout, a pour finalité ultime de servir les citoyens consommateurs. Le béton du bâtiment du SPF finance permet de récolter nos taxes qui, ensuite, permettront de payer les écoles où nous envoyons nos enfants, la police qui maintient l’ordre dont nous bénéficions, les routes sur lesquelles nous roulons et même les barres auxquelles nous attachons nos vélos pour ne pas nous les faire piquer tout de suite.

Et donc, toute augmentation de n’importe quel coût d’une fourniture quelque part influe sur le prix final payé par le citoyen consommateur. Il en va évidemment de même pour le coût de toute malgestion. Je pense notamment au coût final de deux ans de tergiversations sur la prolongation du nucléaire. Ça aussi, c’est nous qu’on le paye.

Mais il ne faut pas que ça se voie trop. D’où la fabrication de ce prétendu « pollueur payeur ».

Et donc, pour financer la réactivation des deux réacteurs Tihange 3 et Doel 4, notre gouvernement avait trois solutions : soit il laissait Engie définir le prix de l’électricité et on voyait clairement ce que ça nous coûtait (aille aille aille) ; soit il imposait un prix à Engie, et finançait lui-même la différence entre le coût et le prix (parce qu’il faut bien qu’Engie survive) — coût qu’il nous retransmettrait ensuite au moyen d’une taxe. Soit il dissimulait le plus possible. Et apparemment, il a préféré la troisième solution. Le principe retenu serait schématiquement le suivant : Engie nous vendra l’électricité nucléaire à un prix régulé. Quand l’entreprise y gagnera, les gains iront à l’État. Quand elle y perdra, c’est l’État qui compensera. 

Ça évite une augmentation trop importante sur la facture, ou une taxe trop visible. Et reconnaissons que c’est bon pour le moral de l’électeur.

Mais en fait, ça ne réduit rien. Car, tout comme le pollueur, l’État, in fine c’est aussi le citoyen ! C’est nous qui le finançons, et c’est nous qui bénéficions de ses services. Le coût spécifique de la remise en état et de la gestion des déchets sera donc bien inclus dans le total de nos factures quand Engie y gagnera, mais il n’apparaîtra que dans nos feuilles d’impôts quand l’entreprise y perdra. Et comme le Belge ne veut pas d’impôts supplémentaires, tout ça risque bien de se traduire plutôt par des économies dans les dépenses des prochains gouvernements. Et là, nous payerons en lits d’hôpitaux, en qualité de l’enseignement ou des services sociaux, etc.

Il n’y a qu’un pollueur-payeur : c’est toi !

Eh oui, chers lecteurs. Nous sommes les pollueurs. Logiquement, nous sommes donc les payeurs. Mais nos gouvernants n’ont pas envie de nous le faire savoir. Les uns, parce qu’il est plus facile de prétendre faire payer leurs errements coupables au prétendu « pollueur-payeur » qui serait une sorte d’entité diabolique externe qu’on brandit pour se faire aimer. Les autres, parce qu’il est risqué au plan électoral de reconnaître qu’ils ont quelque chose à voir avec le montant probablement très élevé de nos futures factures. 

Ce qui me rappelle que nous votons l’an prochain. Alors, rappelez-vous qu’en l’occurrence, tout est politique. Que la seule façon d’économiser, c’est d’obtenir une bonne gestion des affaires publiques. Et que l’idéologie, tout comme le populisme, sont probablement ses principales ennemies.

Je sais, ça ne vous aide pas. Mais rassurez-vous, moi non plus !

 


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2 Comments

  1. Bonjour Marcel, une petite coquille (je pense) dans la toute première ligne : "Comment va-t-on payer la remise à niveau des réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3 pour qu’ILS puissent produire de l’électricité en 2026 ?". J'ai mis le problème en majuscule ("ils" au lieu de "elles"). Très bon article, comme d'habitude.
  2. Uit’tZuit
    janvier 17, 19:09 Reply
    Pour moi no problèmo tout ce qui est nucléaire est crime contre l’humanité (et la planète accessoirement) merci Marcel de plutôt vous intéresser aux diamants russes dans le fric flamand…

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