Le pouvoir du victimisme. Épisode 4 : Les yeux trop rouges.
Épisodes précédents : Épisode 1 : Florence, Denis et les Golden Corbeaux. Épisode 2 : Comment devenir un harceler en un tweet. Épisode 3 : Harceler n’est pas jouer. Épisode 3 bis: Des droits de réponse qui aggravent les soupçons sur Myriam Leroy dans l’affaire Hainaut.
Autres formats : Étant donné son temps de lecture de 40 à 45 minutes, l’histoire est divisée en 4 chapitres et cet article est aussi disponible en version intégrale (plus complète) en format PDF imprimable et en format eBook (à dézipper) pour lecture sur tablette.
Les Yeux trop rouges
2020. L’Association des Journalistes professionnels (AJP) se focalise sur le harcèlement en ligne de femmes journalistes. Le sujet prend une place de choix dans son avant-dernier bulletin. En photo de couverture : Myriam Leroy, qui a évoqué son cyberharcèlement présumé dans un roman, Les Yeux rouges (Le Seuil). Le livre est devenu le symbole du combat contre le harcèlement, réduit pourtant à celui des femmes journalistes féministes intersectionnelles cyberharcelées sur les réseaux, oubliant les autres formes, dans les rédactions, par exemple. Mais l’œuvre est aussi un outil d’accusation de « Pascal Lebrun » (nom fictif), le harceleur présumé de la chroniqueuse, désormais convoqué en correctionnelle.
Bien sûr, la justice fera son travail à charge et à décharge. Mais le journalisme, lui, n’a fonctionné qu’à charge. Et la frénésie de « la corporation » à vouloir faire déjà condamner l’alter ego du personnage central du roman (nommé Denis) par l’opinion publique, est de très mauvais augure.
À la lecture du dossier qui a inspiré ce roman, on est d’ailleurs en droit de s’interroger sur la qualification de harcèlement, qui consiste, au sens juridique, à adresser à une personne des commentaires abusifs en sachant que ceux-ci la perturberont gravement. Le juge devra donc estimer si Pascal Lebrun pouvait connaître l’effet de ses écrits sur Myriam Leroy.
De plus, le dossier judiciaire est plutôt mince. Il comporte d’une part des extraits de neuf articles de blog publiés principalement en 2013. Et d’autre part, quelques retweets et partages Facebook de commentaires insultants ou sexistes, en mode « privé » pour la plupart.
Le sujet est donc d’intérêt public. Les articles de blog incriminés posent des questions fondamentales en matière de liberté d’opinion. Combien de fois peut-on critiquer sévèrement une personnalité publique avant de se retrouver en correctionnelle pour harcèlement ? Peut-on partager et retweeter ce qu’on veut sans risque ? Est-ce que retweeter, c’est harceler ? dirait Ardisson.
Suspect usuel
Et puis, il y a le contexte. Tout a commencé en octobre 2012. Une époque où les clashes sur les jeunes réseaux sociaux étaient un véritable sport de combat. « Le contexte général était la vulgarité, l’outrance, le langage caillera », me rappelle-t-on.
Huit ans plus tard, la mode a changé. De simples « suiveurs » de la fameuse « Ligue du Lol » passent désormais pour des criminels irrécupérables pour avoir figuré sur une liste balancée par un compte Twitter anonyme. C’est la mort sociale. Sans même que la justice ait pu trancher.
« Pascal Lebrun » en est déjà à ce stade. Des copies d’écran de ses tweets envoyés à son employeur lui ont valu une mise à pied en janvier 2020. Le présumé a aussi sur le dos plusieurs « pouvoirs » : la presse, le syndicat des journalistes, ainsi que des politiques. Il faut dire qu’il est un coupable idéal. Il s’est construit une image radicale et provoc qui a le goût de l’extrême droite. Mais cette orientation, pour détestable qu’elle soit, ne devrait pas interférer dans l’analyse de ses exactions présumées : les Belges sont égaux devant la loi, nous dicte la Constitution.
Il n’est pas pour autant question de douter du ressenti de Myriam Leroy : les témoignages de ses proches établissent qu’elle a bel et bien « gravement » souffert. Angoissée à la seule idée d’ouvrir son ordinateur, elle aurait aussi limité ses activités publiques et refusé certains jobs. Mais le ressenti personnel n’est pas un critère juridique. Myriam Leroy est une personnalité publique, ce qui implique le droit de la critiquer, y compris sévèrement.
Aujourd’hui, quasi toute la communication de Myriam Leroy et de Florence Hainaut est centrée sur « Pascal Lebrun », leur harceleur présumé (pour l’une) et prétendu (pour l’autre — voir épisodes 3 et 3 bis).
La semaine dernière, l’humoriste Florence Mendez, très proche des deux accusatrices, l’a encore accusé sans preuve de lui avoir acheté des abonnés Instagram par milliers pour provoquer un blocage de son compte. Elle n’a présenté aucun élément dans ce sens. Cet été, « on » a aussi organisé le soupçon qu’il avait posté les adresses de femmes journalistes sur un site de rencontres coquin. Là encore, le coupable a été retrouvé. Et Lebrun n’y était pour rien.
En novembre, Florence Hainaut et Myriam Leroy ont insinué qu’il avait piraté le réseau de leur maison de production. Toujours sans le moindre élément factuel. Le soupçon systématique le vise depuis quatre ans. Mais chaque fois qu’on a trouvé l’auteur du délit qu’on lui « collait », ce n’était… pas lui.
Les écrits de Pascal Lebrun font déjà l’objet d’un roman, et bientôt d’une pièce de théâtre. Les deux journalistes tournent en ce moment un documentaire sur leur harcèlement (présumé) pour la RTBF et Arte Belgique, financé notamment par la Fédération Wallonie-Bruxelles (40 000 €) et le fonds du journalisme, géré par l’AJP. La profession ne s’est même pas interrogée sur le fait de confier à deux journalistes un documentaire accusatoire dans lequel elles sont elles-mêmes victimes déclarées, alors même que plusieurs pans de l’affaire se sont entretemps effondrés ! Et que penser du fait que ce documentaire pourrait être diffusé avant le procès ?
Le tribunal n’a pas encore fixé la date d’audience de Pascal Lebrun. Mais la condamnation est déjà entérinée par les médias. Or, la justice se rend dans les prétoires. Elle a pour vocation de réinsérer, pas de détruire. Bien sûr, on peut — on doit — débattre de l’affaire. Mais alors, au moins, il faut comprendre à quoi on a affaire.
Pour vous informer, voici donc…
I
LE DOSSIER LEBRUN
Hardisson
Octobre 2011. Pascal Lebrun est très fier de son nouveau blog (qu’on appellera Transcendances). Ce n’est pas un débutant : auparavant, il a notamment dirigé un webzine rock très critique qu’il a cofondé en 2002. Points communs : des provocations, des critiques au vitriol et une grosse foire d’empoigne dans les commentaires.
Si le succès de ces publications est underground, Lebrun a un talent certain pour faire parler de lui en épinglant les personnalités des médias belges avec cruauté. Immodeste congénital, il s’est créé un personnage qui s’inspire entre autres de Thierry Ardisson (que revoilà déjà) avec un solide sens de la répartie. Bien vite, il fait jaser. Rire. Râler. Il devient même une microcélébrité, connue d’un microcosme mêlant journalistes, animateurs radio, organisateurs de concerts…
On lui écrit des choses comme : « Perso, je trouve ton personnage hyper intéressant : DJ, banquier, père, punk de droite, blogueur influent, querelleur… Je ne suis effectivement pas toujours d’accord avec toi, je trouve que parfois tes posts sont bouffis d’orgueil, mais je te trouve à part, je sais qu’il y a de la construction de personnage là-dedans, ça m’amuse […] » L’auteur de ce message, envoyé en privé, serait Myriam Leroy.
Les chantiers de la gloire
En octobre 2012, Benjamin Schoos, personnalité très dynamique du milieu musical belge, lui propose d’animer un podcast rock sur sa nouvelle chaîne en ligne, Radio Rectangle : « [Pascal Lebrun] est une personnalité à part […] un peu détesté des journalistes car il tient parfois des propos provocants, comme peuvent en tenir les blogueurs […] il est dans l’esprit new wave, le rock un peu noir, etc. [il produit] un chouette podcast. »
Un peu détesté des journalistes ? Une source proche de Myriam Leroy m’explique qu’à l’époque, « certains lui sont tombés dessus sur Twitter et l’ont remis à sa place, à savoir que ça faisait des années qu’il passait de la musique de merde […] Comme c’est venu également de certains journalistes […], il l’a évidemment mal pris et a commencé à troller TRÈS méchamment sur tout ce qui touchait de près ou de loin la presse […] »
Orgueilleux, Lebrun ? Affirmatif. Il a repris des critiques et des éloges, dont celui de Myriam Leroy, comme autant de trophées dans la marge de son blog. Provocant, Lebrun ? Un peu mon neveu ! Exemple en août 2013. Sur Transcendances, dans « Le buzz formidable d’un artiste fort minable », le blogueur explique que Stromae « fait de la musique [pour] des personnes culturellement limitées qui suivent religieusement les frasques de Nabilla […] » Il se prend des commentaires à la hauteur de la provoc. Un commentateur : « Je résume ma pensée : va te faire enculer ».
Sur Twitter, l’écho du réseau répond aux provocs du personnage. Un journaliste qu’on va appeler @AmiDeMyriam, futur témoin de la partie civile : « oh tiens le gros naze de [Pascal Lebrun] va vous apprendre tout sur les goûts musicaux ». Un autre twittos : « Je lui pisse au cul […] qu’il arrête d’écrire ». @AmiDeMyriam réagit : « ah ah ! tu peux, je pense que La Banque doit en baver avec un pareil dans ses bureaux [@Pascal Lebrun] ».
Le nom de l’employeur de Lebrun circulait déjà depuis un petit temps. Mais là, on vient de le tweeter sur un compte public, ainsi que son identité. Selon Lebrun, vers cette même époque, un dossier complet arrive sur le bureau de son supérieur à La Banque, avec des copies d’écran de ses publications. Fausse alerte : la direction considère qu’il n’implique pas La Banque sur ses réseaux et que ses commentaires relèvent du droit à la liberté d’expression.
Séparer l’homme de son œuvre
Il faut dire que Lebrun se veut à contre-courant, provoc, too much, il se réclame de Charlie Hebdo et d’Hara Kiri. Il a écrit deux phrases jugées antisémites sur son blog précédent, consacré au rock ? Elles ne l’étaient pas plus, dit-il, que certaines couvertures de Charlie Hebdo. Les faits : Lebrun a imaginé une interview trash d’une de ses cibles — le chanteur des Vismet, qui tourne au pugilat verbal. Il y a qualifié le chanteur de circoncis et, en note de bas de page, il a ajouté : « Le mot “juif”, bien que ni insultant ni péjoratif, a été supprimé de l’article pour éviter de nouveaux ennuis avec le Mossad. » Explications de l’auteur : « C’était une fausse interview ironique, il n’y avait rien de sérieux là-dedans ». Il s’y qualifiait d’ailleurs lui-même d’enfoiré, ducon, webzineux. L’avocat des Vismets a envoyé une lettre. L’article a été viré par le webmaster.
Sexisme ? Aussi ! Le 22 février 2014, à une responsable de médias sociaux de la RTBF qui vient de remettre en question son objectivité, il largue « T’es une pute de la RTBF dont (sic) ne me donne pas des leçons d’objectivité pouffiasse ». Est-ce sérieux ? Ou du quinzième degré trashissime ? La femme visée ne se démonte pas et republie son tweet en le commentant : « Devrais-je mettre ma bio à jour ? Merci Pascal Lebrun pour ces bons mots ! »
Deux ans plus tôt, la même tweetait à l’égard de celui qui était déjà un soudard de l’insulte : « Di dju, je découvre un nouveau troll en puissance : [@Pascal Lebrun] ! Il me fait bien sourire ! »
En 2019 et 2020, quand on parlera de son affaire, Lebrun sera présenté comme facho, macho, ultracatho, antisémite et par-dessus tout, misogyne. Pourtant, à l’époque des faits, ses cibles sont presque toutes masculines. Et son ex-femme, même après un « divorce difficile » s’esclaffe : « Misogyne ? Non, pas du tout ! Dans la vie, c’est vraiment pas “le macho italien” ! C’est pas non plus le mec avec qui c’est 50/50 pour les tâches ménagères, mais par exemple, il a pris un congé parental [à la naissance de son premier enfant]… » Au boulot à La Banque, il est bien noté. « Et le soir, il s’amusait sur les réseaux sociaux. Il aime provoquer… »
Extrême droite ? « Ah ! Ses idées, ça… Très, très à droite ! Mais en même temps, il a énormément d’amis de toutes les origines, des gays, des gens de gauche… Alors… » Serait-ce un rôle de composition ? Une de ses anciennes collègues semble le penser : « c’est mon éternelle interrogation ». En tout cas, tout le monde s’accorde à dire qu’il est « vantard ! Ah ça oui ! Vantard ! ».
Ainsi, ses adversaires lui reprocheront en 2020 d’être lié à la Fraternité Saint-Pie X. Certes, le rigorisme des ultracathos a un temps éveillé sa curiosité parce que les messes en latin, ça le fait. Et il s’en est vanté sur les réseaux. Mais provoc, là encore. Car pour son adhésion à cette fraternité sectaire, c’est très mal barré, s’amuse-t-il : il est divorcé et il a un enfant d’une Tunisienne de culture musulmane, avec laquelle il vit.
***
II
LES FAITS
Panier de crades
Le 25 avril 2012. Sur Transcendances, Lebrun s’astique le nombril : « Mes articles fielleux consacrés à certains groupes rock […] me valent […] un abondant courrier. A côté des râleurs, des frustrés, des pince-sans-rire et autres victimes de misère sexuelle, il y a aussi beaucoup de gens qui m’encouragent à verser encore davantage d’eau bouillante sur cet écœurant panier de crabes. »
Eau bouillante sur panier de crabes, c’est le slogan de son blog, contre une « presse complaisante ». Mais il voit de rares exceptions. Et l’une d’elles n’est autre que Myriam Leroy : ses chroniques sur Pure FM (RTBF) sont elles aussi écrites au cocktail Molotov.
Pour la chroniqueuse de J’aime pas, la voix de Bono fait penser au « cacardement désespéré d’une oie qu’on gave avant Noël ». Celle de Bowie rappelle une « vieille bique tondue à vif ». Saga Africa, de Yannick Noah, aurait été « écrit par un disciple de Michel Leeb sous influence Y’a bon Banania ». The Artist est un film qui, « comme OSS 117 », cherche à « réconcilier les Juifs et les nazis ». Quand elle lit « les hommes écrivent des livres, les femmes, des blogs », elle a envie « de planter [un grand ciseau] dans le bidou de Josiane. » Je serais Balasko, je me méfierais quand même.
C’est d’ailleurs envers les femmes qu’elle est le plus cruel, sur leur physique, leur âge ou leur sexualité… Scarlett Johansson est « une arnaque », qui « construit son mythe sur des courbes qu’elle n’a pas. Ou plutôt qu’elle n’a plus […] cela fait quelques années quand même qu’elle ressemble à toutes les autres, à un cintre ». Carla Bruni, est une « Marie-Madeleine des temps modernes », qui « rappelons-le, est passée de prostituée à sainte ». Comme Angelina Jolie, elle a, selon Myriam Leroy, une « tronche de robot », « une silhouette de haricot princesse » et « un passé sexuel déluré ».
Elle raille aussi sans complexe les cinquante balais de Madonna, sa « chorégraphie sèche comme ses mollets, visiblement trop violente pour ses articulations […] » Si Helen Mirren a « encore de beaux restes », le corps de Ciccone n’est « plus un objet de désir mais une performance contre nature ». Mylène Farmer a, elle aussi, forcément, des problèmes d’articulation et de circulation. La présentatrice des Miss Belgique, Véronique De Kock, est « une publicité vivante pour le cancer de la peau ».
Quant aux enfants… comment dire ? Les scouts lui donnent « une furieuse envie d’une vasectomie au couteau suisse et à vif ». Elle en fustige « le bruit et l’odeur [de] cinquante sueurs différentes, parfumées à l’aïoli ou au curry d’agneau ». Les Pakis, on peut.
De toutes façons, Leroy n’aime pas les mômes, ces détritus : « Bon, je n’irai sans doute pas jusqu’à dire, comme Didier Super, qu’il faut les brûler comme au Brésil, tout simplement parce que je suis contre l’incinération des déchets ». Gloups.
À ras qui risque
Scandaleux ? À voir. Ces phrases sont toutes extraites de chroniques dont le contexte général est satirique. Harakiresque, même. Et c’est exactement ce que Lebrun revendique, lui aussi.
Sur sa page Facebook (aujourd’hui disparue), la chroniqueuse frappe tout aussi fort. Au sujet de la soirée RTBF DJ Experience de 2011, elle publie : « Vu à la foire agricole de Tour et Taxis […] Un journaliste vedette qui roule une pelle à une jeune grue de 30 ans et de 30 kg sa cadette. Des boss de la RTBF bourrés et débiles. Des starlettes de la télé […] Et partout : des cons. »
Dans le blog du 10 septembre 2011 où il reprend ce statut Facebook, Lebrun la défend : « Qu’une journaliste de la chaîne publique ose parler ainsi de la grosse sauterie annuelle de son employeur peut laisser perplexe mais Myriam Leroy a habitué ses lecteurs et auditeurs à son ton incisif […] Et c’est très bien ainsi. »
Le 27 juillet 2012, dans un autre papier où il ratiboise Pure FM, il défend à nouveau Myriam Leroy, affirme qu’elle est — avec Jérôme Colin —, l’une des seules qui pourrait sauver la chaîne. « Elle a le mérite de dire ce qu’elle pense (même si c’est souvent pour enfoncer des portes ouvertes). » Une « petite touche d’insolence » dont Lebrun regrette la disparition annoncée.
Gagnon la guerre
Tout bascule en octobre 2012. Pascal prend pour cible Dan Gagnon, dans un tweet. « neuneu, consensuel, pas drôle. Enlevez-lui l’accent québecois (sic), c’est une coquille vide, inodore, insipide. Pâte molle ».
À cette époque, Dan est le compagnon de Myriam Leroy. Et Myriam Leroy n’apprécie pas qu’on s’en prenne à son mec. Elle l’assène sur Facebook.
Le 12 octobre 2012, Pascal Lebrun publie une chronique sur la shitstorm qui a suivi : « Dans le quart d’heure, Myriam Leroy, […] postait un statut vengeur sur Facebook. S’en suivait une fight internet carrément virulente durant laquelle la Leroy irait jusqu’à me qualifier de « type malsain » […] spécialiste incontestée du clashage sanglant [elle] n’accepte pas les critiques similaires visant des personnes qui lui sont proches. […] tout le réseau du couple Gagnon-Leroy (dont plusieurs fonctionnaires RTBF […]) se déchaînait littéralement sur Facebook, pas toujours avec beaucoup d’élégance ([un journaliste] : « Mais tu vas fermer ta gueule, connard ! »).
Car Myriam Leroy a du répondant. Et des alliés. Ses outils : un compte Twitter de près de 10 000 abonnés et un profil Facebook fréquenté par le gratin du métier qui n’hésite pas à insulter le blogueur.
L’article ci-dessus sera versé au dossier pénal pour cyberharcèlement, en 2017. Il se conclut pourtant de façon conciliante : “[…] ce cyber-clash ne m’empêche pas de reconnaître que Dan Gagnon est probablement un garçon très sympathique […] S’il pouvait juste prendre un peu de recul par rapport aux critiques, ce serait bien…”
En réalité, Dan Gagnon ne “[s’est] pas spécialement formalisé pour ces commentaires”. Il s’est dit que s’il réagissait, il allait « déclencher quelque chose » et s’est donc limité “à répondre avec [son] humour.” Et au final, Lebrun ne citera Dan Gagnon que trois fois sur son blog. Le 16 avril 2013, il tweete : “@DanJGagnon Seulement 20 places vendues pour le [palais des Beaux-Arts] ?! C’est quand que tu retournes vendre du caribou sur les foires, dis ? #tabernacle”.
Cette tempête dans un verre d’eau va pourtant se transformer en ouragan Myriam. Fort du fait qu’elle est une personne publique, et qu’étriller une étrilleuse est son bon droit, Pascal se met à l’égratigner sur son blog. « Comme elle ramasse, la nouvelle tête de Turc !!!!! Lol !!!!! », s’exclame un commentateur. Mais dans les faits, Lebrun ne sera pas si obsessionnel : il la citera en tout et pour tout dans huit chroniques sur les 90 qu’il publiera entre octobre 2012 et décembre 2013. Et il explique d’emblée sa férocité par le fait que, quelques mois plus tôt, elle a tenté de l’attirer dans un reportage type Strip Tease, dans la seule intention — selon lui — de le ridiculiser, ainsi que sa femme et son premier enfant.
Tout ça ne nous rendra pas le Condroz
Selon l’ex-épouse de Lebrun, c’est même là que le clash a véritablement commencé. Myriam Leroy tenait beaucoup à ce documentaire. « Un jour, dans une soirée, Myriam était avec Dan Gagnon et elle est venue vers nous d’elle-même. Elle nous a fait la bise… » Elle se souvient aussi qu’ils ont pas mal parlé de la proposition de Leroy de tourner un documentaire sur leur couple. Mais comprenant que leur vie privée en serait raillée à jamais, ils ont décliné. « Et ça, elle ne l’a pas du tout apprécié » confie l’ex-femme de Lebrun. « Elle a insisté et encore insisté. Je crois qu’elle ne l’a pas digéré. Et après, ça a dégénéré. »
Le billet de blog dans laquelle Lebrun révèle cette proposition de reportage constituera quatre ans plus tard une pièce à sa charge dans un procès correctionnel.
Ce second article incriminé date de février 2013, soit quatre mois après le clash Facebook. Il s’y interroge en fait sur la prolongation de son blog : « Dans quelques années, ma fille saura lire. Ai-je envie d’un jour la compter parmi mes lectrices ? Si j’ai refusé la proposition de Myriam Leroy de la laisser tourner un film sur ma vie pour Tout ça ne nous rendra pas le Congo, c’était avant tout pour protéger ma famille de cette image publique que je m’amuse à cultiver ».
C’est aussi dans cet article qu’il fustige un reportage sur l’IVG que Myriam Leroy aurait tourné sans l’accord de toutes les personnes filmées, « pour se faire du fric ». Ce que Myriam nie : selon elle, tout le monde était au contraire d’accord. Elle a d’ailleurs pu avoir accès aux locaux pendant un an, affirme-t-elle. Mais pour Lebrun, catholique engagé, opposé à l’IVG « sauf pour raisons médicales », ça doit faire « un drôle de souvenir » pour les jeunes filles dont l’avortement a été « filmé ».
Notons au passage que se sera le seul billet de blog où il la critiquera spontanément. Dans tous les autres, il réagira à une actualité. Ainsi, le mois suivant, il fustige une nouvelle émission de Myriam Leroy, une web-TV, qu’il qualifie de « vautrage total ». Description de l’autrice : « la nunuche-en-chef Myriam Leroy, grande prêtresse de la bien-pensance niaise, staliniste du bon goût et arbitre des élégances de l’espace médiatique en Région Socialiste Wallonie-Bruxelles. »
Il lui reproche particulièrement une chronique malingre sur l’album The Next Day, de Bowie, acclamé par la critique rock : “Plus efficace qu’un Valium […] le Myriam Leroy Show est […] carrément ridicule lorsque la fausse-brune de service ose parler de David Bowie […] Au lieu de se focuser sur des sujets à sa portée (au hasard : les fringues de chez H&M, le régime Weight Watcher ou les bars de la place Flagey), et ainsi laisser s’exprimer ses talents journalistiques connus de tous (elle filme un avortement comme personne !), voilà t’y pas qu’elle ose jacasser au sujet d’un musicien dont elle n’a jamais écouté un album en entier de sa vie… “Allô ? T’es journaliste qui parle de musique et tu connais pas David Bowie ?! Non mais allô, quoi…””
L’article sera versé au dossier.
Copie d’écran
Trois semaines après ce billet, c’est au tour de Myriam de tacler Lebrun. Sur Facebook, elle propose un « sondage express » pour la quatrième de couverture de son recueil de chroniques Myriam n’aime pas. Elle y demande quelle citation virer, et en propose trois :
« Si ceux qui disent du mal de Myriam Leroy savaient exactement ce qu’elle pense d’eux, ils en diraient bien davantage » (Sacha Guitry)
« Une jolie fleur dans une peau de vache, une jolie vache déguisée en fleur » (Georges Brassens)
“Myriam Leroy est une personne perfide, calculatrice, cupide, manipulatrice et menteuse (quelqu’un qui la connaît bien me disait récemment qu’elle concentrait “toutes les caractéristiques négatives que l’on prête généralement au genre féminin”)” (P.L., employé de banque).
Myriam n’hésite pas à donner publiquement les initiales du blogueur, mais aussi sa profession. Or, le nom de son employeur et son identité complète circulent déjà sur les réseaux. P.L. est donc reconnaissable.
La citation est néanmoins un extrait authentique d’un commentaire au picrate de Pascal Lebrun, publié le 12 février 2013 sous l’article qui évoque la proposition de reportage de Myriam Leroy, comme le montre une copie d’écran d’époque mise au dossier. Mais six jours plus tard, il avait déjà effacé cette phrase !
Le 15 avril, Pascal Lebrun republie à son tour ce statut Facebook de Myriam Leroy et vitupère : « la journaliste-diva Myriam Leroy s’apprête à sortir un nouvel ouvrage. Il s’agira cette fois d’un florilège de ses chroniques pour Pure FM […] qui consistaient à critiquer méchamment tout et n’importe quoi […]. » Il ajoute qu’elle ne risque aucune critique négative, et que si « un blogueur non-domestiqué par le système s’aventure à émettre des doutes sur la supériorité de Madame, il recevra immédiatement en retour mesquineries, bassesse et injures publiques (peut-être même des menaces, si elle a ses règles) […] Le tout sous les applaudissements d’une petite cour de courtisans, fonctionnaires RTBF, pigistes crevards, artistes bohèmes, humoristes ratés et autres pseudo-people médiocres ».
La pièce sera versée au dossier.
En commentaire, certains le félicitent, d’autres le clashent. Et violemment. Selon un de ses lecteurs, « 2013, c’est l’époque où il devient vraiment trash et hargneux. C’est l’époque où les réactions à ses conneries deviennent elles aussi trash et hargneuses. Ça ne rigole plus du tout. Ça devient glauque. »
Le recueil ment
Le recueil de chroniques de Myriam Leroy arrive à la fin du printemps 2013 en librairie et aura « un succès d’estime ». Le titre : Myriam n’aime pas. Les trois citations évoquées sur Facebook paraissent en quatrième de couverture, avec les initiales de Pascal Lebrun et son activité professionnelle. Un tacle.
Mais la chroniqueuse est allée plus loin : dans les dernières pages de son recueil, elle a publié six fausses critiques attribuées à « P.L. » où elle raille le blogueur en lui attribuant une orthographe catastrophique, ainsi que des insultes et des menaces qui n’apparaissent pourtant nulle part sur son blog.
« PL : Kan tora vendu 320 million d’album vien parlé !!!!!!!! connasse !! »
« PL : povre salope sans interé arrette ton metier tu es nul !!!!!! »
« PL : povre connasse on insulte pas la reinde de la pop apré tout se kelle a fait !!!!! ren toi utile va te suisidé salope !!!!!!! »
Pour l’audience proche de Myriam, il n’y a pas de doute : c’est bien de Pascal Lebrun qu’elle se moque. Sept ans plus tard, Myriam Leroy affirmera : « PL me harcèle depuis octobre 2012, à base d’insultes sexistes et sexuelles. Je n’ai fait que l’ignorer. Car en l’ignorant, j’espérais qu’il me lâche. » Le problème c’est que, manifestement, elle n’a pas « fait que l’ignorer ».
Faut pas sharia
Le 27 avril, une chronique de Leroy sur Sharia4Belgium réveille Lebrun : “dans une de ses chroniques radios ridicules sur La Une (sic), Leroy prend implicitement la défense de Shariah4belgium en présentant les détracteurs de cette organisation terroriste comme des paranos, […] racistes de surcroît […] que cette baba cool prétentieuse des beaux quartiers aille donc expliquer cela aux parents des jeunes que ces barbus ont envoyés se faire sauter le caisson en Syrie !” Pièce versée au dossier. Le terme « baba cool prétentieuse des beaux quartiers » réduirait la chroniqueuse à une « caricature sexiste ».
Un mois plus tard, le 27 mai 2013, dans un article intitulé Me vs The World, Lebrun semble jeter le gant dans sa lutte contre ce qu’il voit comme les excès de son époque, des aigris à « des gens tellement de gauche qu’ils sont déçus que leurs enfants ne soient pas gays (sic) ». Et conclut : « Je pourrais leur tailler des costumes taille XXL (celle de Myriam Leroy) mais c’est une lutte perdue d’avance ». Référence à la taille supposée des costumes de Myriam versée au dossier.
Quatre mois plus tard, en septembre, paraît sa chronique de blog sur Stromae — pour rappel —, qui anime des amis de Myriam Leroy. Il se fait traiter de connard, on lui pisse au cul…
Entretemps, depuis mai, il n’a plus rien écrit sur elle, et ça dure jusqu’au 16 novembre. Ce jour-là, sur son compte Twitter à petite audience (quelques dizaines d’abonnés, selon lui) et mis en privé, Pascal partage un article de stylistic.fr intitulé « Les femmes aux grosses fesses sont plus intelligentes », en commentant : « Myriam Leroy, prix Nobel ? » sur sa page Facebook. Là, un internaute : « il se passe des choses tristes dans ta tête, quand même. » Une femme s’amuse « me voilà rassurée ». Un homme : « hé ! Je sors avec un prix Nobel ! » La pièce, capturée dans la journée et fournie à Myriam Leroy en copie d’écran, sera versée au dossier.
Classe et X
Entretemps, Myriam Leroy est devenue chroniqueuse sur Canal +. Dès sa première, un mois plus tôt, elle a fait un doigt d’honneur à son pays d’accueil. Sous les huées du public, elle a clamé « Je déteste la France ». En interview, elle a expliqué qu’elle n’avait : « aucune envie de conquérir la France […] C’est plus pour acquérir de la crédibilité ici, dans mon pays, que j’ai accepté. » L’Avenir la qualifie de « tueuse belge en France ».
Parallèlement, l’ex-star du X Sasha Grey vient de sortir un roman qui est, selon la jeune autrice, un véritable « Fight Club de la baise ». Dans une interview, elle cite Bret Easton Ellis, le marquis de Sade, Hunther S. Thompson, Bukowski, Bowie et Joy Division.
Le 22 novembre 2013, après six mois sans mentionner Leroy, Lebrun publie un billet de blog où il étale son admiration pour Sasha Grey, dont il partage les références. Il regrette au passage que « les personnes que je rêverais de convier à co-animer [un de mes podcasts] sont décédées », de Céline à Warhol en passant par Dennis Hopper. « On me suggère de couvrir les chroniqueurs belges qui montent à Paris… Mouais. Si un jour j’invitais Myriam Leroy, hormis peut-être des récits de threesomes sous coke avec Éric & Ramzy, que pourrait-elle avoir de fun à raconter ? » La saillie fait allusion au fait que, quelques jours plus tôt, Leroy s’est affichée avec les deux humoristes. Le papier s’intitule Sex. Violence. Whatever. Il parle d’une actrice de X. Et notons ce « hormis peut-être ». On peut en conclure que Pascal Lebrun doute en fait que Myriam Leroy puisse atteindre le niveau de transgression qu’on trouve chez les auteurs auquel il se réfère dans ce billet, dont Sasha Grey. Et qu’il s’en moque.
Quoi qu’on en pense, la phrase sera versée au dossier.
Dieu donné ? On n’est pas rendus !
Et puis, patatras ! Le 29 novembre, sur Canal+, Myriam s’attaque à Dieudonné. Dès l’introduction de son billet, la chroniqueuse propose « de trancher et même de décapiter » le sujet. La suite ressemble à un tir de katiouchas. « Dieudonné […], tu nous les brises menu […] tu n’es plus qu’une curiosité dont on a fait le tour en se demandant à quoi ça pouvait servir […] on dit de toi “à l’époque, ce type m’a fait mourir de rire”, comme on dit de Brigitte Bardot qu’elle a été séduisante un jour. »
Elle le qualifie de « mystique de salle de bains sous Lexomyl qui fait des prouts avec sa bouche pour faire marrer ses copains conspirationnistes. » Ou encore « une sorte de Nabila de l’éveil des consciences » et un « monstre de foire ». Et conclut en fanfare : « ton avis sur la Shoah, sur la démocratie et les médias et le fameux complot judéomaçonnique mondial, je te propose de le rouler en petite boule bien serrée, de l’humecter légèrement [on entend une des invitées faire un “quoi ? haa…” sidéré, NDLA] et de te l’insérer délicatement dans le rectum d’où il n’aurait jamais dû sortir ».
Les fans de Dieudonné attaquent alors la chroniqueuse, en masse, sur Facebook et Twitter. Au milieu d’hommages appuyés et de critiques légales, la merde dégouline. « Tu n’est (sic) qu’une pute de TV, trop grosse pour faire du porno » « je te cague dessus » « retourne avec ton grand père le deportee (sic) », « sale pute sioniste creve (sic) », « on va pas te rater ». Myriam Leroy met ses comptes en privé pour arrêter le déchaînement d’insultes et de menaces.
Hors de ce bourbier pestilentiel, sa chronique ne fait pas l’unanimité pour autant. RTL titre « Myriam Leroy s’en prend à Dieudonné et se tire une balle dans le pied ». Dans Le Vif, un papier d’Yves-Marie Vilain-Lepage nous rappellera le contexte de l’époque. Manuel Valls vient de déclarer la guerre des salles à « Dieudo » et elle fait rage depuis des semaines. Et là, « Myriam Leroy balance quelques gouttelettes d’huiles innocentes et maladroites sur l’incendie. Attaquant là où ça fait mal, la jeune femme affirme que Dieudo ne fait plus rire personne. Outch. »
Car l’humoriste n’est pas encore infréquentable pour tout le monde : « Depuis la rentrée, l’étendue du réseau Dieudonné dépasse tout entendement : personnalité sportive ou politique, militaires, pompiers […] Les fans pullulent à travers la toile, prêts à tout pour défendre leur idole. […] Oui, Dieudonné fait vendre. »
Même l’humoriste ertébéen Jérôme de Warzée écrit sur Facebook : « Myriam Leroy qui tente désespérément de se payer Dieudonné pour faire croire qu’elle existe, c’est Lorie qui donne des cours d’humour noir à Gaspard Proust, persuadée qu’elle va vendre plus de disques… »
Sur le même réseau, un chanteur belge publie le lien vers la chronique de Myriam Leroy et commente : « tu connais cette pute ». Pascal Lebrun répond « Tu débarques, toi… Regarde plus bas sur le mur, ou tape son nom dans le moteur de recherche de mon blog ». L’artiste, qui revient d’un concert en Allemagne, répond « Je viens juste de voir cette connasse hier ». La copie d’écran sera prise le lendemain. La pièce sera mise à charge de… Pascal Lebrun. Tout comme, d’une certaine manière, les insultes des fans de Dieudonné.
Quenelle sur chaude nana
De son côté, Dieudonné savoure l’occasion qui lui est donnée de répondre à la chroniqueuse, dans une vidéo d’un sexisme abyssal. Il lui reproche d’emblée d’avoir annoncé qu’elle allait le décapiter. Et finit en feu d’artifesse : « à Canal, ils sont méchants, les jeunes filles comme toi, je sais par quoi t’es passée. Quand tu t’es retournée et que t’es partie en coulisses, t’as essayé de marcher, on a vu… tu boîtes, ça couine, tout le bas de caisse est à refaire. On sent que ton fion en a pris un coup. Ils ont dû taper dans la culasse comme des salauds, c’est ça ? Mais tu l’as cherché aussi, […] va faire un boulot net, je sais pas moi, fais coiffeuse, si tu aimes parler aux gens. »
La vidéo est partagée par toutes sortes de gens, y compris une journaliste tout ce qu’il y a de respectable, qui fera belle carrière par la suite, et qui s’amuse ouvertement de la dernière phrase. Le blog de Morandini la publie sans même relever sa salacerie pourtant himalayenne, précisant que Myriam Leroy a découvert la réponse de Dieudonné alors qu’elle était invitée chez Ardisson.
La chroniqueuse, elle, ne poursuit apparemment pas Dieudonné. Ni aucun des internautes qui lui ont envoyé le pire du pire, des menaces de mort, de viol, des insultes à n’en plus finir — elle affirmera plus tard que ce sont surtout les menaces qui lui ont causé un grave tort psychologique. Elle bénéficie d’une protection policière. L’épisode l’a sonnée. Elle se réfugie. Le contrecoup est douloureux, il y aura des séquelles.
Pascal Lebrun tente alors de l’appeler pour avoir « ses impressions » suite au « tsunami d’injures ». Elle ne répond pas. Il laisse un message sur son répondeur. Cet unique coup de téléphone à Myriam Leroy, courtois et informatif, sera présenté en 2020 dans un article du Vif, comme « du harcèlement téléphonique ».
Sans atteindre les sommets immondes de Dieudonné et de ses fans, Lebrun s’autorise une grossière péroraison. Il intitule son billet Avalanche de quenelles sur chaude nana, un jeu de mots sur Shoah Nana, comme le note un commentateur. Il y défend d’abord le droit à la libre expression de Myriam Leroy qui, « a parfaitement le droit de ne pas aimer Dieudonné […] même si ça peut sembler facile et gratuit, surtout sur Canal+, la chaîne de la gauche caviar et de la bien-pensance niaise. »
Il lui attribue ensuite « trois erreurs », classées et titrées. Le premier titre parodie le ton de Dieudonné : « Tu ne parles pas à Dieudo comme à ton chien ! Non mais hé, ho, elle se prend pour qui c’te journalope ?! » L’accusation retiendra « journalope » sans noter la parodie. La suite est pourtant plus pesée : « Il est tout simplement déplacé de s’adresser de façon aussi condescendante et vulgaire à quelqu’un, fût-il antisémite, ce qui reste à prouver ».
En 2013, douter de l’antisémitisme de Dieudonné est hélas encore une opinion courante. Inquiet d’être régulièrement confronté à des fans pas « fachos » qui me tiennent ce discours, je publie une série de billets à ce sujet début 2014.
Le lendemain, sur Facebook, Pascal Lebrun fait preuve d’une élégance de pachyderme en attribuant à Myriam « tellement de cojones qu’elle a fermé sa page Facebook une heure après sa chronique ». Pièce versée au dossier.
So râle
Le 8 décembre 2013, sur Égalité et Réconciliation, (le site de l’antisémite Alain Soral, alors compère de Dieudonné), paraît un photoshoppage d’un cliché de Myriam Leroy présentant son récent recueil Myriam n’aime pas. Le dessinateur Bizz’Art, du sérail soralien, a retouché son visage. Il apparaît tuméfié, avec un liquide blanchâtre au bord des lèvres. Derrière elle, Yann Barthès (j’avais d’abord écrit Fabien, nul n’est parfait NDLA) est affublé d’une cagoule sadomaso. Souriante malgré l’affront, Myriam tient son recueil de chroniques, rebaptisé « Comment se faire démonter la culasse chez Anal + ». La page fera plus de 50 000 vues, et la photo elle-même sera partagée des centaines de fois sur Facebook.
Et guess what ? Le 31 décembre 2020, elle sera toujours en ligne ! Bizz’Art ne sera apparemment pas inquiété. Soral non plus. Pourtant, sur sa même page web, sous la rediffusion de la chronique de Myriam Leroy, des messages immondes pullulent, qui ne seront jamais effacés. On y propose d’organiser des tournantes avec la journaliste dans une cave, de la tondre, de l’éliminer du PAF « avant que ses seins ne tombent », ou de l’attaquer « par le sphincter », « cette gourgandine », cette « prostituée ».
De son côté, depuis « l’affaire Dieudo », Pascal Lebrun a temporairement affiché une photo de Dieudonné et de Soral faisant la quenelle sur son profil Facebook. Preuve de son adhésion à l’extrême droite pour Myriam Leroy, pure provoc selon Lebrun.
Et surtout, il partage à son tour la photo retouchée de Myriam Leroy. Mais en mode privé (« friends »), pour ses quelques centaines d’abonnés, qu’il connaît tous personnellement, et dont Myriam Leroy ne fait pas partie — elle l’a bloqué un an auparavant. Il rédige ensuite un commentaire laconique « Le nouveau livre de Myriam Leroy ». Il récolte… deux likes. L’outrage est pris en copie d’écran dans la journée. Quelqu’un la fait parvenir à la chroniqueuse.
Ce sharing de la photo made in Soralie deviendra le point d’orgue de l’accusation de « harcèlement » envers le blogueur. Celui qu’on brandira ensuite pour justifier une sorte de chasse à l’homme virtuelle et publique. Il n’en est pourtant pas l’auteur. Il l’a partagée en comité restreint. Il ne l’a pas adressé à Myriam Leroy. Et, pour dégueulasse qu’elle soit, personne ne semble demander le retrait de ce cliché du site d’Alain Soral : il continuera à y figurer ensuite pendant au moins… sept ans !
En fait, ce partage pourrait tomber sous le coup de la loi sur le sexisme mais elle ne sera votée qu’en mai. Ombrageux mais pas téméraire, Lebrun ne la partagerait plus en 2020 : « la loi a changé », dira-t-il.
Last but not last
Janvier 2014. C’est là que Lebrun situe la fin de ses critiques (ou abus, selon les points de vue) envers la chroniqueuse. Le 18 janvier, sur Twitter — où son compte en mode privé est si insignifiant que les robots ne le repèrent même pas —, il retweete encore un commentaire d’un autre internaute adressé à Myriam : « petite pute suceuse de bites sionistes, ferme ton trou à pipes ».
Dans le même fil, avec sa plume d’un chic digne d’un slip léopard dans un camping de Ploucland, il recommande aussi à Myriam une opération d’otoplastie pour ses oreilles, qu’il trouve décollées.
Mais c’est là qu’un épisode nous rappelle l’importance du contexte. Dans le dossier, dans le roman, dans les articles, on nous invite à juger une liste d’insultes agglomérée. Soit un an et quelques de houle ramenée à son écume, pour partie venue d’une mer étrangère. Mais quand on reconstruit les discussions de l’époque, elles racontent une histoire un peu différente.
Ainsi, le 9 février 2014, un fan de Dan Gagnon — qu’on va appeler @FanDeDan — poste sur Twitter un lien vers un article de Moustique et commente : « C’est donc Myriam Leroy (la pute sataniste de Canal +) qui a fait venir Dan Gagnon en Belgique. » Le 13 février, Pascal Lebrun le retweete, et publie aussi une copie d’écran du tweet sur Facebook (en mode public), en commentant : « ça, c’est du tweet ! » avec un smiley.
Cinq jours plus tard, l’ami de Myriam Leroy qui avait déjà lié Lebrun à La Banque sur Twitter, et qu’on appelle @AmiDeMyriam, prend ça en copie d’écran et tweete le tout en taguant la chroniqueuse : « Y’a ça aussi qui est pas mal, retweeté par tu sais qui ». En réponse à un autre, @AmiDeMyriam ajoute que [Pascal Lebrun] est dans une autre dimension, « en N/B avec des croix gammées partout. » Un nazi, donc. @FanDeDan réapparaît, et répond : « ah merde, ce tweet ne doit pas être pris premier degré =/ pas du tout dans le sens voulu par ce monsieur ». @AmiDeMyriam rétorque : « toujours faire gaffe à ce qu’on dit et surtout par qui on est [retweeté]. »
Quelques heures plus tard, Pascal Lebrun découvre le tweet et répond en mode cadenassé : « @AmiDeMyriam : Tu tiens ton zizi en main quand tu réponds à [Myriam Leroy] ? » Le lendemain, @FanDeDan se plaint auprès d’@AmiDeMyriam que Lebrun refuse d’effacer la copie de son tweet sur sa page Facebook. Mais @FanDeDan lui-même n’effacera jamais son tweet, et personne ne le lui reprochera ! Pascal Lebrun sera donc accusé d’avoir partagé un tweet dont l’auteur lui-même ne sera jamais inquiété ! Et à ce dernier, il n’est pas tant reproché d’avoir rédigé ce tweet, que d’avoir été retweeté par Pascal Lebrun, présenté comme nazi.
On reconnaît donc ici à l’auteur original un droit à l’ironie d’apparence sexiste qu’on ne reconnaît pas à celui qui le partage, parce qu’il serait « nazi ». Et quand on accusera à Lebrun d’avoir suggéré qu’@AmiDeMyriam « tient son zizi » quand il lui parle, on oubliera que ce dernier l’aura littéralement qualifié de nazi auparavant et qu’on est donc dans un « clash » où le but est de casser le précédent.
Ce ne sont toutefois pas les seuls retweets de Lebrun. En témoigne un message posté deux mois plus tôt, en novembre 2013, où une abonnée lui a fait remarquer : « coucou, @pascallebrun, on a compris je crois, tu n’aimes pas [Myriam Leroy]. Pas la peine de RT tous les tweets des gens qui l’insultent #mercibisous ».
Lebrun justifiera ces retweets en expliquant qu’ils rendent compte de ce qui se dit par ailleurs sur Myriam Leroy. Cela confirme aussi qu’en 2014, le blogueur est loin d’être le seul à s’en prendre à elle, et que d’autres sont bien plus violents, ou violemment satiriques, que lui.
Ces deux retweets du début de 2014 signent néanmoins la fin de ce que l’un considère comme un clash, et l’autre, comme du cyberharcèlement sexiste pouvant valoir à l’auteur jusqu’à un an de prison. Après ça, le dossier judiciaire ne contient pratiquement plus rien. Alors que Myriam Leroy affirmera par la suite que ça n’a « jamais arrêté », l’un de ses témoins confirmera en décembre 2017 : « les derniers messages insultants de [Pascal Lebrun] dont j’ai pu prendre connaissance remontent à deux ou trois ans ».
Canal + de Willebroek
Le 21 juillet, Myriam Leroy annonce sur Twitter qu’elle quitte Canal+ : « choisir, c’est renoncer. J’ai décidé de laisser Paris aux Parisiens cette année. Bons amis ? Kusjes. @LNEcanal c’était tof chez toi. » Elle chronique alors déjà à la RTBF (Café Serré de l’été) et y revient durablement en septembre. En 2020, elle affirmera que Pascal Lebrun était la cause de ce départ. Mais en ce mois de juillet 2014 où elle l’annonce, le blogueur n’a plus publié d’article sur elle depuis sept mois, et aucun tweet n’est signalé depuis cinq mois. Et ce qu’il y a réellement à Paris, qui pourrait avoir atteint Myriam Leroy, c’est au contraire la violence des Dieudonistes.
Ce n’est que le 28 août 2014, soit un mois après l’annonce du départ de Canal + que Pascal Lebrun reparle brièvement d’elle sur son blog. Myriam Leroy a annoncé qu’elle ferait un set lors de la RTBF DJ Experience. Lebrun reposte alors l’article de 2011 où il relevait qu’elle canardait l’événement sur Facebook. Il ajoute une simple ligne informative : « Update 2014 : il est à noter que Mademoiselle Leroy Myriam a apparemment changé d’avis au sujet de cet événement puisqu’il est officiellement confirmé qu’elle réalisera un “DJ set” lors de la RTBF DJ Experience de ce vendredi 29 août ». La phrase est versée au dossier comme constitutive de harcèlement sexiste.
Six mois passent.
Le 28 janvier 2015, suite à une interview de Myriam Leroy dans un podcast, Lebrun lui envoie un simple message Whatsapp, aimable : « super, ton podcast ». La pièce est versée au dossier pour du « harcèlement » via WhatsApp.
Une année passe.
En janvier 2016, sous un statut d’un de ses amis Facebook qui fait la promotion d’une interview par Myriam Leroy, Lebrun pérore : « Une inculte doublée d’une peste. Le tout avec des oreilles décollées ». Un internaute lui répond « par contre elle connaît le jeu du dictionnaire ». Lebrun s’esclaffe : « Et le goût du zizi de Dan Gagnon, tabernacle ! » Quelqu’un transmet la phrase scabreuse à Leroy. Copie d’écran versée au dossier.
Après cette ultime grossièreté, Pascal Lebrun « oublie » Myriam Leroy. Il ne la cite plus. Ce n’est pourtant que le début de l’histoire !
***
III
LE COUPABLE UNIVERSEL
Mail à partir
Car le 29 décembre 2016, un même commentaire visant la chroniqueuse est publié sur le site de La Première et de la SACD. Le style fait penser aux pro-Dieudonné de 2013-2014. Il est question de ses performances sexuelles pour « grimper les échelons à la RTBF », dans des termes salaces. Leroy décide alors que c’est Lebrun, puisqu’il est question de ses oreilles décollées ! Elle est de plus persuadée qu’il est « derrière » de fausses réservations de places pour les spectacles de Dan Gagnon.
Le 16 février 2017, sa première plainte contre Pascal Lebrun arrive au parquet, pour « injures, calomnies, diffamation à caractère sexuel et sexiste. »
Le 3 mai 2017, Lebrun est auditionné une première fois. Il nie être l’auteur des deux nouveaux commentaires. Le 24 mai, il envoie un mail poli à Myriam Leroy pour s’étonner de sa plainte : « Si tu subis du harcèlement ou des commentaires déplaisants sur le net, cela ne vient pas de moi. » Il indique aussi qu’il n’a plus été en contact avec elle d’aucune manière depuis plusieurs années (deux ans et 4 mois en réalité, si l’on considère qu’un message WhatsApp est un contact) et conclut en lui proposant un bref appel téléphonique, sûr « qu’une brève conversation suffira à [la] convaincre de [sa] bonne foi. » Il lui donne son numéro.
Myriam considère que ce mail est à son tour constitutif de harcèlement, mais par courrier électronique cette fois. Elle est auditionnée par la police le 30 mai. Elle y accuse Pascal Lebrun de la harceler depuis cinq ans « sur Facebook, Twitter, via son blog, par téléphone (pour 1 appel NDLA) et via Whatsapp (pour 1 message NDLA). » Elle ajoute au dossier le courriel d’explications de Lebrun, ainsi que le fait qu’il se soit abonné à son compte Instagram public, ce qui serait, selon elle, également constitutif de cyberharcèlement.
Elle affirme aussi que lors d’un concert au Botanique, elle l’aurait croisé et que son pan de manteau l’aurait frôlée, qu’elle se serait alors retournée, et que Lebrun lui aurait « envoyé un baiser de la main avec un air obscène pour [la] provoquer. » Lebrun dit tomber des nues. Il affirme pour sa part qu’ils se seraient vus de loin et qu’il ne l’aurait pas approchée.
Ciel Seraing
Myriam déclare encore à la police qu’elle a peur parce qu’elle le sait violent, surtout « quand il a bu ». J’ai cherché à vérifier l’origine de cette affirmation. Une source m’a raconté que, quelques années plus tôt, ivre comme la Pologne, il aurait fait un pataquès lors d’un spectacle, perturbant le début de la représentation avant d’être viré de la salle manu militari. Une autre source m’a parlé d’un de ses articles où il se serait vanté d’avoir bousculé une dame âgée qui serait tombée, lors d’un set DJ, mais après recherche, le seul article correspondant à cette description n’a jamais fait mention d’une telle « bousculade ». Lebrun affirme n’avoir jamais bousculé personne.
En tout cas, son casier judiciaire ne comporte aucun fait de violence. Et contrairement à ce qu’insinuera plus tard Myriam Leroy en parlant de « multiples plaintes pour harcèlement », il est vierge aussi en la matière.
Toutefois, une femme a reconnu que la chroniqueuse l’avait poussée à porter plainte contre Lebrun. Ne s’étant pas sentie harcelée, elle a décliné. Dans Les Yeux rouges, l’héroïne contacte d’ailleurs elle aussi une femme pour tenter de l’inciter à porter plainte contre « Denis » pour harcèlement, et enrage de son refus.
Lebrun est lui aussi convoqué à la police le même 30 mai. Il se disculpe une fois encore des deux commentaires sexistes de décembre 2016. Lors de l’enquête qui suivra, l’adresse IP ne pourra plus être retracée par Proximus (délai dépassé). Un localiseur d’IP (ils sont peu fiables, mais c’est la seule indication qu’on ait) la situe toutefois à… Seraing. Or, Lebrun habite Ixelles.
Mais l’auteur des injures a laissé une adresse hotmail sur l’un des sites où il a commis son forfait. Microsoft révèle que l’adresse a été créée en 1999 et est liée à une adresse postale au Canada. Lebrun, qui affirme n’être jamais allé au Canada, confond alors adresse physique de création et adresse IP de connexion — une erreur qu’un informaticien n’aurait jamais commise — et laisse publiquement entendre que ça pourrait venir de l’ex de Myriam Leroy, Dan Gagnon. Qui porte plainte à son tour pour diffamation. En réalité, rien ne dit que l’auteur des deux messages a laissé sa véritable adresse sur le site de la RTBF. Aucun indice ne permet de soupçonner Lebrun non plus. Les deux commentaires ne lui seront d’ailleurs pas imputés par la justice. Ni la fausse réservation de places, pour les mêmes raisons.
Le facteur sonne toujours deux fois et demi
Suite à cette seconde convocation du 30 mai 2017 et à ces accusations additionnelles, Lebrun renvoie un mail (et demi) courtois à Myriam Leroy en l’assurant à nouveau qu’il n’est pas l’auteur de ces messages. Lebrun ne peut pas encore savoir que Myriam a considéré son premier mail comme « du harcèlement », parce que leurs deux auditions ont eu lieu en même temps, dans deux commissariats différents. Mais il se méfie. Dans ce nouveau mail, qui sera le dernier, écrit-il (et il tiendra parole), « parce que je ne veux en aucun cas te “harceler” », Lebrun se déclare déçu qu’elle puisse le croire auteur de ces commentaires « ultra-injurieux […] surtout si longtemps après nos derniers contacts, alors que mon blog est en sommeil prolongé et que je ne sais même pas précisément ce que tu deviens. »
Il se dit aussi déçu qu’elle puisse le penser capable de s’en prendre à elle physiquement, accusation qu’il considère à son tour injurieuse « et je ne fréquente aucune “mouvance fasciste” comme tu l’as écrit : cette accusation est totalement ridicule et même carrément insultante pour moi. » Il complète ce mail par un second envoyé tout de suite après (ce que j’appelle un demi-mail) où — manifestement fâché — il conclut : « J’ai oublié de préciser que l’analyse de l’adresse I.P. fournie prouvera évidemment que ce n’est pas moi. J’imagine qu’à ce moment, tu envisageras de me présenter des excuses pour cette plainte vexatoire. »
Myriam Leroy fait verser ce nouveau mail au dossier de harcèlement, considérant que la demande d’excuses est un comble. Mais rien ne contredira l’affirmation de Lebrun.
La fin n’est que le début
Le 31 août 2017, tout semble enfin s’apaiser. Après avoir promis de ne plus jamais la contacter, Pascal Lebrun obtient un classement provisoire avec avertissement sévère. Il pense que l’affaire est terminée. Il ne contacte plus Myriam Leroy. Ne parle plus d’elle. La journaliste peut dormir tranquille.
Pourtant, deux mois plus tard, le 31 octobre 2017, sans aucun nouveau développement, elle porte à nouveau plainte contre Pascal Lebrun, avec constitution de partie civile, et l’Association des Journalistes professionnels (AJP) en soutien. Florence Hainaut fait de même. Celle-ci est persuadée que Lebrun a créé un compte Twitter parodique qui s’est moquée d’elle de février à mai 2017. Pour le parquet, l’arrivée d’une deuxième plaignante change le profil de Lebrun. Il serait donc récidiviste. L’enquête est prise plus au sérieux.
Ce nouveau pan de l’affaire se dégonflera rapidement : l’adresse IP du « harceleur » de Florence Hainaut s’avèrera être celle… de Myriam Leroy (voir épisodes 3 et 3 bis) ! Qui accusera alors Lebrun, sans l’ombre du début d’une preuve, de l’avoir « hackée ».
À plusieurs reprises, au cours de l’enquête qui suivra, la chroniqueuse rajoutera de nouvelles accusations qui, toutes, mèneront à des impasses. Ainsi, le 14 décembre 2017, elle se plaindra d’une « erreur 403 » apparue en tentant de se connecter au vieux blog de critique rock cofondé par Lebrun, en sommeil depuis… mai 2011, où il ne l’a pourtant jamais citée. Elle voulait le consulter à partir du wifi de son nouveau compagnon. Pour elle, c’est évident : Pascal Lebrun a réussi par un moyen frauduleux et informatique à obtenir le numéro IP de ce dernier, pour le bloquer, pour l’empêcher de voir un blog qui a cessé d’être alimenté six ans auparavant, qu’on peut examiner depuis n’importe quel autre ordinateur (ou via la 4G), et dont on peut aisément retrouver tout le contenu sur Wayback Machine, un site d’archivage du web.
Là encore, la CCU relèvera qu’une erreur 403 peut avoir une vingtaine de causes. Case closed.
Un fort mathicien
Leroy réaffirme encore à la police que Lebrun est informaticien, qu’elle a un compte dans la banque où il travaille et qu’elle craint qu’il n’y ait accès (aucun risque, les banques ont des protocoles sûrs.)
Elle lui attribue aussi un troisième message arrivé entretemps sur le site de la SACD : « Myriam son humour pute de vieille moule dans tout (sic) ses états est emmerdant ». Elle les relie aux deux commentaires de 2016, parce que l’un d’entre eux était arrivé par le même biais : le site de la sa société d’auteurs. C’est donc forcément Lebrun.
Mais l’auteur véritable sera, lui, trahi par son adresse IP — il s’agit d’un internaute hennuyer déjà connu de la police pour cyberharcèlement.
Leroy insistera tant — y compris dans son roman — sur le fait que Lebrun est informaticien, et donc capable de la hacker, ainsi que son compagnon, que les journalistes reprendront sa thèse, sans vérifier. Son argument massue : un journaliste lui a dit que Lebrun se serait un jour vanté de pouvoir repérer une adresse IP. Conversation rapportée, et on sait Lebrun vantard. Car, on l’a vu, il n’a pas ces capacités. Déjà, de son propre aveu in tempore non suspecto (en 2012), Pascal Lebrun est « une brêle » en informatique. Ensuite, sa fonction à La Banque n’impliquait pas de connaissance de ce type. Cela m’a été confirmé par trois ancien-ne-s collègues de travail, unanimes : « son job n’était pas d’encoder quoi que ce soit, mais de gérer l’organisation de l’équipe en cas d’alerte de sécurité ou de bug ». Les logiciels qu’il devait utiliser à cet effet se limitaient « à Word, Excel et PowerPoint ». On a vu aussi qu’il confondait adresse mail et adresse physique. En réalité, tout indique que Pascal Lebrun n’est pas, et n’a jamais été informaticien ! Et encore moins hacker (voir épisode précédent).
Avril 2018. Suite aux plaintes de Florence Hainaut et Myriam Leroy, Pascal Lebrun est perquisitionné. Son ordinateur est emporté. On n’y trouve rien de nouveau.
La compagne de Lebrun — on va l’appeler « Latifa » — se souvient très bien de « ce fameux jour où la Police judiciaire a débarqué chez moi et où [son] cauchemar a commencé. » Réveillée au petit matin par les condés, elle ne comprend pas. « Des tweets ? La PJ débarque chez moi pour ça ? » Et le déroulement la scandalise : « “visite” de chaque pièce de la maison, fouille dans les tiroirs, de mes affaires intimes, comme on fouille la cellule d’un détenu […] fouille de ma propre tablette, mon GSM personnel… » Latifa n’en revient pas. Elle a vécu 20 ans « dans une dictature policière » et n’a jamais eu la police chez elle. « Jamais je n’aurais cru qu’en Belgique, en 2018, la PJ pourrait débarquer dans mon salon pour des commentaires sur Internet ! »
Les dents de l’amer
D’autant que la deuxième plaignante, Florence Hainaut, n’est pas une inconnue pour elle. Latifa a appris qu’un jour, la chroniqueuse avait « passé son temps à nous prendre en photo et nous filmer à notre insu, un dimanche après-midi, où nous faisions la fête sur la place Flagey. » Ces vidéos et photos ont été envoyées à autrui pour se moquer d’eux : ils étaient un peu éméchés. Un de leurs amis s’était levé à un moment pour imiter un singe. Hainaut s’est même vantée d’avoir appelé la police pour filmer leur arrestation — qui n’a pas eu lieu.
Suite à la perquisition, un article paraît dans Sud Presse. Il donne les deux versions de l’affaire et n’incrimine pas assez Pascal Lebrun au goût de l’AJP, de Florence Hainaut et de Myriam Leroy. C’est au tour de la journaliste qui l’a rédigé de se prendre une shitstorm sur les réseaux : sur Twitter, Hainaut, Leroy, ainsi qu’un de ses amis proches, font grand bruit, et lâchent l’identifiant Twitter de son autrice, précisant que c’est, en plus, écrit par « une meuf ». Les critiques et insultes pleuvent sur la journaliste jusque chez des journalistes internationaux.
Le 14 août 2019, quelques jours après l’accouchement de Latifa, sort Les Yeux rouges. « [Pascal] a tout fait pour détourner mon attention », dit-elle. Et elle s’étonne : la sortie du livre « correspondait pile au passage de [Pascal] à la chambre du Conseil ». S’ensuivent un nouveau dévoilement du nom de Pascal Lebrun, une avalanche d’insultes, et l’angoisse à la maison.
Janvier 2020. Lebrun est mis à pied sans préavis pour faute grave, suite au dépôt d’une demande d’enquête auprès de La Banque, pour des tweets jugés « racistes », ce qu’il conteste. Après plus de vingt ans de carrière. Latifa ne peut s’empêcher de supposer que « les personnes ayant fait pression pour son renvoi sont [les plaignantes] ». À cela, Myriam Leroy répondra laconiquement dans un des droits de réponse qu’elle m’enverra : « [PL] semble m’attribuer cette déconvenue. », sans nier, tout en précisant « [PL] me harcèle depuis octobre 2012, à base d’insultes sexistes et sexuelles. Je n’ai fait que l’ignorer. Car en l’ignorant, j’espérais qu’il me lâche. »
Dans le dossier qui lui a été présenté par La Banque pour justifier son renvoi immédiat, Lebrun affirme qu’il y avait notamment un tweet parlant de Myriam Leroy, mais surtout, une copie d’écran datant de 2013 ! Le tout est invérifiable : La Banque ne peut commenter (une procédure au tribunal du travail est en cours). Mais une source interne m’explique qu’il ne s’agit pas d’une « simple dénonciation » (comme en 2013), mais bien d’une enquête spéciale vraisemblablement requise par une personne externe à la banque.
***
IV
UNE HISTOIRE DE ROMAN
Août 2019. Les Yeux rouges sont à peine sortis que le livre fait grand bruit. Un roman, absolument ! Bien écrit. Imaginatif. Haletant. Sa réception est unanime. Pourtant, l’œuvre pose question. Et personne, dans la presse, ne se demande s’il est « normal » qu’une journaliste publie un tel texte juste avant que l’affaire ne passe en Chambre du Conseil.
Personne ne se pose de question sur le rapport de ce roman à la réalité.
Personne ne se demande s’il est vrai que Pascal Lebrun a régulièrement interpelé Myriam Leroy en message privé avec des insinuations sexuelles, et tenté d’obtenir une rencontre galante. Dans la première partie du roman, c’est pourtant cela qui fait monter la tension et construit le malaise. L’ex-épouse de Lebrun affirme au contraire qu’avant le début de l’affaire, « Myriam et Pascal » échangeaient des messages à l’initiative de l’un et de l’autre et se croisaient, copains, dans la vraie vie. Un article du Vif pourtant peu favorable à Lebrun le confirme.
Personne ne semble interpelé par le fait que, si elle a besoin de s’inspirer de « plusieurs harceleurs » pour « justifier » l’enfer qu’elle vit, c’est peut-être que sa vraie histoire ne serait pas suffisamment choquante pour expliquer au lecteur ce désarroi qui, lui, apparaît bien réel. Jusqu’à sa constitution de partie civile, et l’arrivée de Florence Hainaut dans l’affaire, le parquet n’avait d’ailleurs pas jugé qu’il y avait lieu de poursuivre.
Et faute d’avoir eu accès au dossier pénal, peu de journalistes savent que les rapports avec la police et la justice que Myriam Leroy évoque dans Les Yeux rouges sont, au contraire de tout le reste, extrêmement proches de ceux de l’affaire Lebrun. Parfois même identiques.
Kriss et malaises
Personne ne trouve étonnant qu’elle décrive le meurtre de Denis — le « harceleur » central du roman — avec un kriss malais : « […] une longue dague ondulée […] La planter dans son abdomen, oui. Profondément, d’accord. Et puis tourner. Enrouler ses intestins autour de la lame. Doucement. Tourner, tourner, tourner. Oui. Encore […] regarder l’homme dans les yeux. Lui sourire si je voulais. Calmement. Poursuivre, allez […] Voilà. L’évider de ses entrailles, les regarder dégringoler à mes pieds. Quel bruit faisaient-elles ? Un bruit mouillé, c’était bien ça […] Tout était sorti, alors encore. Bien. »
Les pages qui précèdent ce meurtre fantasmé ne laissent pourtant aucun doute à Pascal Lebrun sur le fait que Myriam Leroy parle de lui : plusieurs événements sont un calque — hypergonflé — de l’affaire. On y retrouve ainsi une parodie manifeste d’au moins deux articles de blog de Lebrun, et ses mails de protestation après ses auditions, ainsi que le compliment par WhatsApp, et son appel téléphonique après le flux d’insultes de Dieudonné, sans oublier la présence de Florence Hainaut dans l’affaire, et un regret qui sonne comme un aveu : « C’était vraiment rageant que la plainte de Judith Sauvage [avatar de Florence Hainaut] ait été classée sans suite parce qu’avec la mienne, elle aurait déjà pu constituer un faisceau attirant pour l’œil des magistrats ».
Il y a aussi, dans le livre, un projet de nouvelle impliquant le kidnapping de Denis et sa mise à mort. Myriam Leroy répète bien en interview que Denis n’est pas Lebrun. Mais ils ont précisément le même environnement familial, et une femme dont le nom est très proche, avec la même initiale.
Lebrun se sent donc visé par ces meurtres factices, mais aussi par une scène où « Denis » se fait pisser dessus et sodomiser par des chiens, ainsi que par une liste de vengeances établies par Myriam Leroy et Florence Hainaut avant d’être « rapatriée » vers les deux tiers du livre.
Elles y imaginent plusieurs moyens de dénoncer ses infidélités présumées à sa compagne : « faire connaissance avec sa femme, s’en faire aimer, et débarquer un soir au dîner ». Ou « pirater » ses échanges mail avec ses « maîtresses », les poster partout sur les réseaux en taguant sa femme. Ou faire glisser des photos scabreuses de Lebrun avec d’autres dames dans le tiroir de sous-vêtements de sa femme, par une babysitteuse.
Quelque mois plus tôt, l’employeur de Latifa (un musulman très pieux, précise-t-elle, ce qui a rendu l’épisode d’autant plus traumatique) a reçu une lettre anonyme qui lui était adressée, et qui dénonçait une prétendue infidélité de Pascal Lebrun avec les détails scabreux les plus intimes et sexistes pour humilier Latifa. Dès la première phrase : « Alors, c’est toi l’esthétichienne qui est grosse mais qui suce bien ? » Le reste est à l’avenant. Affreux.
L’analyse du document donne quelques informations. On note que l’auteur ou l’autrice maîtrise les règles d’orthographe et de typographie. Selon Lebrun, l’une des deux chroniqueuses pouvait avoir eu accès à une information sur une de ses anciennes relations dont on retrouve le prénom dans le texte.
Comme dans la liste du roman, le corbeau semble obsédé par l’infidélité présumée de Lebrun, mais aussi pas ses « dents pourries ». Dans Les Yeux rouges, Leroy évoque en effet la dentition de Denis à trois reprises, et imagine les lui faire arracher une à une par un dentiste amateur. Le corbeau et la romancière auraient-ils des obsessions communes ? Rappelez-vous. C’est sur une base similaire que Leroy a accusé Lebrun d’avoir envoyé les deux messages de décembre 2016 à la RTBF et à la SACD. Ici comme là, cela ne prouve rien. Lebrun s’est d’ailleurs fait pas mal d’ennemis. N’empêche, pour Latifa, déjà sonnée par plusieurs scènes du roman, c’est troublant.
Sonnée ? Oui, car leur enfant apparaît aussi dans Les Yeux rouges, bien qu’à une seule reprise. La violence est également au rendez-vous de la liste publiée : organisation d’une expédition punitive d’un crash d’avion, ou encore « lui trancher la bite avec un couteau à beurre et la manger en salade. »
Enfin, la liste revient plusieurs fois sur l’emploi de Denis (ou Pascal Lebrun). Les deux journalistes se proposent notamment « [d’]imprimer toute sa page Facebook et [de] la faire parvenir à son employeur ». Ce qui fut pratiquement fait par on ne sait qui, à deux reprises, dont celle qui a provoqué son licenciement pour faute grave.
Aucune preuve ici non plus, mais bien de quoi entretenir une certaine paranoïa chez les Lebrun. Et se poser des questions.
La réalité est une friction
Si en interview, Myriam Leroy clame que Les Yeux rouges est « de la fiction » et que le « harceleur » prénommé Denis, est « un composite de beaucoup de types rencontrés, vus et détestés » — elle affirme tout autant que le roman est très « soft » par rapport à la réalité, et beaucoup en concluent qu’elle parle de celle qui lui aurait été imposée par Pascal Lebrun — n’est-il pas le seul connu qu’elle poursuit en justice ? Très vite, le Denis du roman va cesser d’être « un personnage composite » pour les soutiens proches de Myriam Leroy (et Florence Hainaut) qui crient justice.
Le secrétaire général de la Fédération Européenne des Journalistes Ricardo Guttiérez en utilisera même la couverture pour exiger de la chambre du conseil qu’elle renvoie le « harceleur » (qui ne sera même plus présumé) en correctionnelle ! Même phénomène à l’Association des Journalistes professionnels, qui connaît pourtant bien le dossier et a pu le comparer au roman. Un tollé qui découragera toute velléité de critique. Depuis l’article de Sud Presse en 2018 et le tollé pavlovien qui a suivi, plus aucun média généraliste n’a mis quoi que ce soit en doute dans cette affaire, ni contextualisé.
En 2020, le seul fait qu’il fût interviewé dans Causeur et qu’il eût ainsi l’occasion de se défendre au moins une fois contre ce procès à charge sur les réseaux et dans la presse, soulèvera une tempête d’indignation de sa victime présumée et de son amie, de leurs soutiens, de nombreux journalistes et de l’AJP.
Le dépeindre en facho antisémite finira d’abolir ses droits à une défense médiatisée dans ce procès médiatique.
La femme est l’égale d’hélium
Les différences entre le dossier et le roman sont pourtant plus qu’interpellantes. Dans Les Yeux rouges, l’affaire que je vous ai racontée s’étale tout au plus sur 20 pages du roman, et de manière éparse. Et les faits y sont gonflés à l’hélium. Ainsi, je n’ai pas trouvé trace dans le dossier des insultes que l’autrice prête aux commentateurs du blog de Lebrun. Aucun n’a écrit qu’elle était « une vieille pute ». Je n’ai pas trouvé non plus où il aurait qualifié le compagnon de Myriam Leroy de « fiotte misérable ». Et ce ne sont que deux exemples tirés d’une très longue liste d’exagérations manifestes.
Rien, dans le dossier, n’évoque le « pays réel », comme elle l’affirme — un concept rexiste, autant dire nazi. Je n’ai rien trouvé non plus sur un complot « judéo-maçonnique » qui ressemble plutôt à du Soral.
Il n’a pas non plus publié un article en 2013 reprochant à Myriam Leroy de critiquer un groupuscule qui ressemble à s’y méprendre à Génération identitaire déployant sa banderole anti-immigrants dans la neige à la frontière alpine parce que cette action a eu lieu en… avril 2018 ! Elle semble en fait faire allusion à sa critique d’une chronique sur Sharia4Belgium, décrite plus haute.
Et les deux mails de protestation polie de Pascal Lebrun après sa convocation deviennent tout à coup des courriels humiliants. Au milieu de phrases reprises littéralement des mails de Lebrun, la romancière brode hardiment : « Avais-je perdu tout sens des réalités (sic) ? […] Il y avait de dangereux terroristes en liberté parce que la police [était] débordée (sic) […] et moi je n’avais aucun scrupule à la noyer de plaintes fantaisistes contre un petit critique inoffensif (sic) ? Que n’avais-je pas honte d’alourdir encore davantage les arriérés de nos institutions avec mes pleurnicheries (sic et resic) ? »
Absolument rien de tout ça ne transparaît dans les mails de Pascal Lebrun !
Je vous épargne le reste — les dissemblances sont flagrantes, nombreuses, et gravement incriminantes.
Myriam Leroy se défendra en disant que c’est de la fiction. Mais si c’était aussi simple, pourquoi même les syndicats de journalistes lient-ils donc le roman à Lebrun ? Et pourquoi la romancière dresse-t-elle le même portrait de Lebrun dans les droits de réponse qu’elle m’a adressés, que celui de Denis dans le roman ?
La poudre
Depuis, le livre a fait des (projets de) petits. Une pièce de théâtre, un documentaire, des conférences, des interviews à la chaîne. Comme celle du 16 juillet 2020, où la romancière défend son roman dans le podcast féministe La Poudre, au micro de Lauren Bastide. Elle y évoque la scène où elle imagine assassiner son harceleur présumé : « Ouais, ça m’est arrivé d’avoir envie de buter quelqu’un […] et de jouir de cette agonie. Quand t’as à ce point peu d’écoute des médias, des institutions de la police, de la justice, qu’est-ce qu’il te reste à faire à part fantasmer une mise à mort la plus gore possible ? »
Peu d’écoute ? La romancière a été invitée sur tous les plateaux, en Belgique et en France. Des devoirs d’enquête sérieux ont été assurés dès 2017 et son harceleur présumé est aujourd’hui renvoyé en correctionnelle.
Quant à l’Association des Journalistes professionnels, elle la soutient depuis au moins trois ans, au point de financer des poursuites à mon égard (ou plutôt, de financer mon acquittement) pour avoir osé publier un point de vue critique, différent du sien, mais factuel, et pour avoir montré que plusieurs de ses accusations ne tenaient pas la route.
C’est aussi dans cette interview pour La Poudre que Myriam Leroy évoque à nouveau la liste de sévices à infliger à Denis dans le roman. « Avec une copine [Florence Hainaut, manifestement NDLA], on s’est dit “qu’est-ce qu’on lui ferait bien ?” et on s’est marrées comme des folles, et puis j’ai un peu rapatrié cette liste à la fin du bouquin, et puis […] le service juridique [des éditions du Seuil] m’a demandé de modifier bien des choses. C’est hyper édulcoré par rapport à la version originale. Il y avait des meurtres sur des enfants […] ».
En studio, c’est la grosse hilarité. Des meurtres sur des enfants. Haha ! Comme c’est drôle !
Des enfants, Lebrun en a deux, de deux mères différentes. Elles entendent le podcast, l’évocation du meurtre de leur progéniture, les rires. Elles sont révulsées. L’une doit se retenir de vomir. Son enfant, adolescent, demande à sa maman si on veut le tuer. Elle doit le rassurer. Les deux mères portent plainte. Contre Myriam Leroy.
« Mais qui sommes-nous après tout ? », se désespère Latifa. « Nous ne sommes pas célèbres, nous n’écrivons pas de livres, nous ne sommes pas journalistes et n’avons pas de contact important dans notre réseau. »
Comme pour lui donner raison, de ça, le journalisme, replié sur lui-même, ne rendra pas compte. La corporation a jugé. La sentence est tombée. Lebrun doit payer.
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©Marcel Sel 2019. Distribution libre à la condition expresse de citer l’auteur (Marcel Sel) et d’établir un lien avec cette page.
5 Comments
Salade
janvier 12, 20:29Nicolas
janvier 12, 20:58marcel
janvier 13, 00:37Lecteur Neutre
janvier 13, 09:44u'tz
janvier 13, 23:17