Le PTB abuse des résistants pour vendre l’antifascisme hérité de Staline.
On écrit volontiers — et à raison — que la N-VA est l’héritière d’un lourd passé collaboratif. C’est correct, tant qu’on n’oublie pas que ce parti a décidé que son action s’inscrivait dans la démocratie parlementaire, et donc pas dans une dictature de type fasciste, et que De Wever lui-même a reconnu que la collaboration avait été « une erreur grave à tous les égards. »
On écrit en revanche moins souvent que le PTB est lui aussi l’héritier d’un lourd passé, mais soviétique et stalinien, un autre totalitarisme qu’on sait aujourd’hui tout aussi épouvantable. Pourtant, au contraire de la N-VA, les communistes n’ont jamais annoncé qu’ils comptaient s’inscrire dans la démocratie parlementaire. Au contraire, selon le point 4.2 de ses statuts de 2008, toujours en vigueur (en plus de ceux de 2015), « Le PTB est pour une démocratie socialiste participative et un appareil d’État socialiste. » Exit, donc, la démocratie parlementaire.
Exit aussi la liberté d’entreprendre : « Le PTB est un parti communiste de notre temps. Son but final est une société qui abolit l’exploitation de l’homme par l’homme et où l’ensemble de la communauté dirige la société. »
Le PTB est par ailleurs un as de la dissimulation, et rien que ça mériterait des critiques plus acerbes : à peine ai-je fait paraître un article qui indiquait qu’on pouvait trouver les ouvrages de Michel Collon au PTB-Shop que ceux-ci ont disparu du catalogue ! Fabrice Grosfilley avait connu le même genre de mésaventure.
Or, c’est le parti qui monte côté francophone à un rythme comparable à celui de la N-VA côté flamand il y a quelques années. Dissimulations, manipulations, entrisme, culture antidémocrate, recrutement masqué dans les écoles et les universités… Les thèmes sont innombrables. Et puisque les travers du PTB ne semblent intéresser personne, je m’y colle.
Staline the mood
Rien ne permet de penser que les PTB d’aujourd’hui sont toujours des staliniens. Mais l’horrible dictateur laisse encore des traces dans le discours du parti. Ainsi, il y a deux semaines, sur BelRTL, Raoul Hedebouw, a affirmé « il faut quand même rappeler que c’est les tendances marxistes qui ont mené le combat contre l’envahisseur allemand […] le combat pour les droits démocratiques a été mené dans la guerre antifasciste notamment et je veux leur rendre hommage à tous ces résistants communistes qui ont mené ce combat-là ». Personne n’a relevé.
Pourtant, cette prétention est grossière, et même scandaleuse pour les résistants qui, dans leur majorité, n’étaient pas « marxistes » ! Et surtout, elle révèle l’intérêt du PTB pour la fascisation de la N-VA : dès lors qu’on parque la N-VA à l’extrême droite, comme le font énormément de personnalités de gauche en ce moment, on relance l’intérêt pour la bonne vieille récup de l’antifascisme par les… communistes.
Et donc, lorsqu’Ecolo ou le PS, dans un élan unanime, systématique, et pas forcément inepte, crient « facho » contre Francken ou De Wever, le PTB se frotte les papattes, attendant tapi dans les fourrés l’occasion de rappeler que le parangon de l’antifascisme, c’est évidemment lui, le « marxiste » et personne d’autre ! C’est le sens qu’on peut donner à la petite phrase de Raoul Hedebouw.
Laissez venir à moi les petits naïfs.
Or, comme le disait un jour Jean-Marie Le Pen, « l’électeur préfère le goût du vrai », en l’occurrence, ici, celui du PTB. Naïvement, les autres partis de gauche l’alimentent donc au goutte-à-goutte.
Récupérer ce combat légitime, le parti communiste français (alors aux ordres de Staline), avait fait exactement la même chose dans « les années trente » si souvent citées de nos jours, et la gauche traditionnelle avait réagi à peu près de la même façon qu’aujourd’hui. En revisitant la « résistance » de l’époque et le combat antifasciste de cette époque, Raoul a donc lui-même retissé le lien entre le PTB et le stalinisme.
Car même si les partisans communistes ont joué un rôle important dans la résistance qu’il serait immoral de leur dénier (voir ci-contre), il faut se rappeler que la revendication que les marxistes aient « mené [au sens de ‘dirigé’] le combat contre l’envahisseur allemand », très osée, date du stalinisme. Et elle remonte même bien avant l’invasion nazie : le petit père des peuples ayant eu l’idée, vers 1932, de présenter le communisme comme seul rempart contre le fascisme et de récupérer ainsi un maximum d’antifascistes, tout en noyautant cette « résistance ». Aujourd’hui encore, c’est probablement l’une des raisons pour lesquelles le soviétisme (et le communisme en général) n’a toujours pas le même statut que le nazisme, l’autre étant le fait qu’il fut « notre » allié pendant un peu moins de quatre ans.
L’historienne Nicole Racine relève par exemple, dans les années trente, « l’occultation […] dans les milieux de l’antifascisme intellectuel [parisien] des réalités qui contrevenaient au ’mythe de l’URSS’, celles de l’établissement de la dictature d’un parti aux ordres de Staline ». Autrement dit : en réunissant autour de lui des démocrates naïfs, le stalinisme s’offrait un cache-sexe magistral : amener la gauche traditionnelle à lorgner avec lui les infamies franquistes, mussoliniennes et nazies, les amenant ainsi non seulement à oublier les horreurs soviétiques, mais aussi à les convertir en idéal salvateur ! Et ça a super bien marché jusqu’à la déstalinisation.
Pourvu que ça Maduro
Aujourd’hui, le PTB n’a évidemment pas le sang stalinien sur les mains. Mais les divers partis de gauche n’hésitent pas à s’afficher et à manifester avec lui, alors que ce parti « frère », qu’ils pourraient associer dans des coalitions communales ou régionales, défend toujours Bachar Al-Assad (plus de 300 000 morts), Maduro (plus de 2 millions de réfugiés) et, dans une moindre mesure, l’Iran (champion du monde des exécutions capitales), et qui reste assez proche d’un Michel Collon, dont le site n’hésite pas à affirmer que Staline aurait été « diabolisé ». Mais surtout, le PTB se réclame toujours de Lénine, inventeur de la terreur et du goulag, dictateur implacable qui s’est hissé au pouvoir par un coup d’État absolument antidémocratique, et sanguinaire. Mais toujours perçu comme un libérateur par beaucoup trop de monde à gauche.
L’impression de retrouver un copier-coller de la stratégie stalinienne de récupération de l’antifascisme est pourtant insistante quand on relit attentivement Nicole Racine « Dans cette gauche intellectuelle se retrouvaient, significativement minoritaires et isolés, ceux qui, dans le mouvement ouvrier […] se déclaraient ‘antistaliniens’ […] dénonçant inlassablement, mais sans rencontrer un réel écho, la répression sanglante en URSS ». Remplacez URSS par Syrie, Venezuela, Cuba, Iran ou Lénine, et vous obtenez un calque très convainquant de la situation actuelle en Belgique !
Professionnel de la récupération, le PTB continue effectivement à concentrer les mérites de ce soi-disant « antifascisme » qui n’est, sous cette forme, qu’un attrape-nigaud dans lequel une bonne partie de la gauche belge semble être tombée dans la fascistisation de Theo Francken, qui pourrait ne servir que Francken, d’une part (cf mon pénultième article), et les communistes, d’autre part, qui n’hésitent plus à prétendre être le nec plus ultra de la lutte pour la « démocratie » — un concept absolument incompatible avec le léninisme revendiqué par le parti de Peter Mertens, mais bon, on a le droit d’y croire…
Gide bio
Mais faut les excuser, ces écolos et socialistes qui n’auraient donc toujours pas compris les épouvantes qu’ils valident. Dans les années trente, la récupération de l’antifascisme par les communistes français a mené des intellectuels de très haut niveau à se retrouver emberlificotés dans le stoemp stalinien : Nicole Racine montre ainsi qu’il a fallu plusieurs années à des esprits aussi éclairés que ceux de Gide ou de Malraux pour se distancier définitivement et ouvertement du stalinisme.
C’est dans cet esprit de fer de lance de l’antifascisme utilitaire (pour le recrutement qu’il favorise, notamment chez les étudiants), que la revendication de Raoul Hedebouw que les marxistes (staliniens à l’époque) auraient « mené le combat contre l’envahisseur allemand » s’inscrit toujours aujourd’hui. Mais il faut être d’une mauvaise foi éblouissante pour oublier que c’est justement Staline qui a, sinon permis, du moins facilité l’invasion de la Pologne par Hitler, et surtout celle des pays d’Europe occidentale, dont le nôtre, en signant le pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop en août 1939.
Quand marxisme et nazisme étaient chou rouge et rouge chou.
Car, pour rappel, ce marxisme-là n’a pas levé le premier poil de la première phalange de sont plus petit doigt quand les nazis ont envahi la Belgique, la France, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Danemark, la Norvège, la Roumanie, la Yougoslavie ou la Grèce ! Aucune réaction de Moscou ! Au-cu-ne ! Et au cours de la première année de l’occupation, les communistes belges étaient si peu inquiétés par les occupants fascistes que leur leader Julien Lahaut a pu organiser (ou plutôt récupérer) les grèves sociales dite « des 100.000 » de mai 1941, à Liège, en toute impunité.
Ces grèves immobilisaient les hauts-fourneaux qui livraient l’Allemagne nazie en métaux indispensables à ses diverses guerres (et notamment à la préparation de l’offensive contre… Staline, arroseur arrosé). Face à la perspective d’une réduction de l’afflux d’acier, Hitler aurait même personnellement insisté pour que les grévistes aient rapidement gain de cause : ils obtinrent ainsi une hausse de 8 % de salaire ! La FGTB en rêve encore… Le mouvement a cessé dès que les avancées sociales demandées ont été obtenues.
À aucun moment dans ce combat syndical, ni le parti communiste (toujours toléré) ni ses organes (Le Drapeau rouge notamment) n’ont remis en cause ces productions liégeoise et boraine qui servaient l’effort de guerre germain. Ce n’était donc pas un « premier » fait de résistance, comme certains le prétendent encore, mais une lutte sociale pure et dure — c’est d’ailleurs ce que montrent les tracts de l’époque —, dans le cadre d’une réelle collaboration industrielle avec les nazis !
Quant à Julien Lahaut, il a bien été arrêté avec d’autres leaders communistes, mais seulement le 21 juin 1941, à la veille de l’invasion de l’URSS par les troupes d’Hitler, qui mettaient ainsi fin de facto au pacte Molotov-Ribbentrop.
La résistance in-pactée
On peut dès lors se demander ce qui se serait passé si Hitler n’avait pas envahi l’URSS. Les communistes auraient-ils résisté ? En tout cas, en 1941, l’establishment communiste ne l’envisageait pas, au contraire.
Ainsi, en janvier de cette année-là, le Drapeau rouge titrait « seule l’URSS pratique une véritable politique de paix ». Le contenu de cet article est édifiant : « L’Angleterre, bien qu’isolée en Europe, reçoit un appui de plus en plus considérable des États-Unis […] qui désirent s’arroger leur part dans un nouveau partage des colonies et des zones d’influence ». Voilà donc le vrai méchant, aussi pire qu’Hitler, chers amis ! Les USA. Et de conclure que « les peuples de la Belgique [n’ont] aucun intérêt à verser leur sang pour l’un ou l’autre des deux camps impérialistes en guerre [Allemagne nazie ou Alliés occidentaux] ». Sauf, bien sûr, que les USA ne prévoyaient pas à l’époque d’assassiner les Juifs industriellement et n’avaient pas, au contraire de Hitler, de programme de liquidation systématique des handicapés mentaux.
Il faut néanmoins rappeler qu’au sein même du parti, la déchirure était réelle entre ceux qui commençaient déjà à préparer la résistance autrement que de manière syndicale (les sincères), et les fidèles de Moscou qui n’hésitaient pas à négocier avec l’administration sous tutelle nazie (les apparatchiks).
Enfin, contrairement à ce qu’affirmait Raoul au micro de Martin Buxant, il n’était donc pas question pour les communistes de l’époque de lutter « pour la démocratie », mais bien pour un État soviétique. C’est d’ailleurs toujours le cas.
Le gros mensonge fait de la résistance
Comme si cet oubli grossier ne suffisait pas, Hedebouw sous-entend aussi qu’il y a eu un leadership marxiste dans la résistance, que les « cocos » auraient donc « menée ». Là aussi, Raoul fait le fafoul : le réseau principal labellisé « communiste » de la résistance, le Front de l’Indépendance (FI), ne représentait qu’un cinquième des effectifs de la résistance belge, et lança les hostilités plus tard que d’autres qui ont rejoint Londres dès juin 1940. Il n’eut lui-même pas plus de 40 % d’effectifs communistes « mais ils occupèrent des postes importants », nous disent les historiens. La force dominante était l’Armée secrète, constituée de mouvements d’obédiences très diverses (chrétienne-démocrate, socialiste, libérale, libre-exaministe, nationaliste, y compris d’extrême droite « patriotique »).
Pour se prévaloir d’une lutte continue contre le fascisme, certes avérée, mais qui ne sert que l’installation d’une dictature communiste, Hedebouw a donc grossièrement enterré les résistants non communistes, largement majoritaires, dont il a effacé les actes héroïques d’un trait de langue rouge marquée à la faucille et au marteau ! De quoi fâcher Manu , moi je dis !
Mais Raoul fait au fond ce qu’on peut attendre d’un communiste old school. En fait, le plus gros dans l’histoire, c’est donc que ça passe, que personne ne relève, ne s’inquiète, ne se scandalise de l’outrage fait à la résistance. Apparemment, tant qu’on crie N-VA facho tout azimut, tout le monde est content. Et le PTB compte ses points « antifas » gagnants.
Enfin, quant à cette autre revendication, très courante aussi chez les communistes, mais aussi chez de plus en plus de gauchistes moins orientés, qui voudrait que ce soit Staline qui nous aurait libérés d’Hitler, je rappelle aux distraits que l’Europe occidentale n’a pas été tant libérée par des « marxistes » que par les forces combinées américaines, anglaises, et des armées en exil des pays envahis, ainsi que par les fronts de résistance locaux. Il est évident que la pression soviétique à l’Est a largement « facilité » les choses. Mais l’URSS a aussi bénéficié d’aides alliées dès le début de l’invasion (le Völkische Beobachter nazi révélait dès les premières semaines de l’invasion de la Russie que l’armée rouge disposait de munitions américaines). Et les débarquements alliés en Italie et en Normandie ont précédé l’entrée de l’URSS en Pologne, facilitant sa progression.
Et pour finir, rien ne dit que l’Europe occidentale n’aurait pas été libérée (plus lentement) sans l’Armée rouge. Ni que l’Allemagne aurait pu être vaincue par les seules troupes soviétiques. Et il est peu probable que si Staline eût atteint l’Atlantique, nous eussions retrouvé ensuite une quelconque forme de liberté. Parce qu’en ce qui concerne les pays que l’Union soviétique a directement « libérés » en 1945, je rappelle quand même, à toutes fins utiles, qu’en guise de « libération », ils sont simplement passés de cinq ans de joug nazi à quarante-cinq ans de joug soviétique ! Et là, les marxistes n’étaient plus des résistants, mais bien des agresseurs qui défendaient une autre forme de « fascisme », avec les mêmes pratiques, et les mêmes résultats, comme en témoigne la plaque commémorative d’Attila Gerecz. Celui-ci rejoint le résistant communiste José Duerto Mendoza au paradis des vrais résistants, toutes obédiences confondues, qui ont choisi le camp des peuples et de la liberté. Mais ce n’est pour bien des gauchistes d’aujourd’hui qu’une sorte de… détail de l’histoire !
Si cet article impérialiste vous a intéressé, n’hésitez pas à contribuer à mon travail par une contribution capitaliste d’un minimum syndical de 2€.
11 Comments
Tournaisien
juin 20, 16:12Salade
juin 21, 13:09Eridan
juin 21, 14:36Gabriel
juin 20, 20:25u'tz
juin 20, 22:12Salade
juin 21, 09:40antoine dellieu
juin 21, 14:11Eridan
juin 21, 14:30Eridan
juin 21, 16:03Eridan
juin 22, 17:16Démocrate
juillet 29, 23:44