N-VA : quatre ministres belges et de fâcheux amis fachos.
Quel est le rapport entre le ministre belge des Finances Johan Van Overtveldt et les secrétaires d’État Theo Francken et Zuhal Demir ? Eh bien; ils ont tous trois récemment et complaisamment posé pour la photo avec un certain Kris Roman, ex(?)-facho pas piqué des vers. C’est le site d’info flamand Apache qui le révèle dans un article du 8 mars, photos à l’appui. Theo y lève le pouce en chœur avec Roman, et Zuhal Demir lui pose même le bras sur l’épaule. Copains comme cochons ?
Update : « on » m’informe que les photos avec Francken et Van Overtveldt datent du 16 décembre 2017 (fête de Noël de la N-VA Mechelen), celle avec Zuhal Demir, d’octobre 2017. Tous trois étaient donc membres du gouvernement fédéral à ce moment-là.
Outre son nom, qui siérait à un espion dans un roman de gare, Kris Roman est un ex-Vlaams Blok qui a quitté le parti en 1994 parce qu’il le trouvait trop tendre envers les immigrés. Si ça, c’est pas du pedigree ! Il s’est ensuite présenté aux élections communales à Ganshoren sous le drapeau du Front national belge de Daniel Féret, reconnu coupable d’incitation à la haine raciale en 2006.
Uit het netwerk Sint-Ignatius ‘school met heimee naar het Derde Rijk’. neonazi Kris Roman poseert met volautomatisch RPK-mitrailleur in Russische kazerne (links). Rechts poseert hij naast Theo Francken, Zuhal Demir en Johan Van Overtveldt. https://t.co/hxZpwB27fp pic.twitter.com/hwLu8173zi
— apache/ (@Apache_be) 8 mars 2018
Un facho qui Russie dans la vie
Puis, il a créé Euro-Rus, une structure qui glorifie la droite radicale de la Volga et s’acoquine avec les anti-immigration russkoffs les plus rugueux, comme le DPNI, déclaré illégal en 2011 par la Haute-Cour locale, oui, même chez Poutine ! Des cadors.
Il a aussi pas mal fricoté avec les nationaux-solidaristes (ersatz du VERDINASO mussolino-hitlérien d’avant-guerre) de Nation, dont il était membre en 2009, et de la NSA (Nieuw-Solidaristisch Alternatief, nouvelle alternative solidariste) — un « parti » qui a notamment accueilli Axel Reitz, un national-socialiste teuton convaincu qui, à seize ans, affirmait qu’Hitler avait été envoyé par une divinité céleste pour rendre l’Allemagne éternelle. Pfouh…
L’homme pour qui le Vlaams Belang n’était pas assez antisémite.
Sur le site de cette NSA, on trouve d’ailleurs un reportage sur le congrès du DPNI à Saint-Pétersbourg, en 2008. Selon le journaliste, Kris Roman s’y est plaint que le Vlaams Belang avait proposé qu’Israël soit un jour intégré à l’UE, devant un public « profondément choqué […] les Russes ne peuvent comprendre qu’on soit aussi lèche-cul avec Israël ». Roman aurait aussi expliqué que si ce Belang ne voulait pas de contacts avec les néonazis allemands du NPD (le plus radical des partis d’extrême droite allemands), c’était parce qu’ils sont « trop antisémites [aux yeux du VB] et que le Vlaams Belang veut rester bons amis avec la communauté juive ». Le « journaliste » conclut « la salle était consternée d’une telle trahison ».
Logiquement, on trouve sur le web des photos du monsieur avec des tas de personnalités führieuses, comme David Duke, l’ex-leader du Ku Klux Klan qui a notamment soutenu les néonazis de Charlottesville (et leurs chants antisémites, au passage). Mais voilà, Kris Roman, autrefois clairement néonazi, aurait changé — du moins, selon lui-même : l’étiquette « néonazi » ne lui convient plus, a-t-il écrit à la rédaction d’Apache.
Un (ex-?)néonazi copain avec des ministres fédéraux, en Belgique, on le tolère sans moufter.
De là à devenir tout de suite copain avec des ministres N-VA, il n’y a qu’un pas dangereux qu’en Belgique, tout le monde tolère apparemment sans moufter. Eh oui, car l’info que je vous donne n’est évidemment pas parue dans la presse mainstream.
Je ne dis évidemment pas que poser avec un (ex-?)néonazi fait de nos édiles des néonazis. J’ai bien posé avec Alain Destexhe, c’est vous dire (rires) ! Mais le minimum (en France, en Allemagne, au Royaume Uni) est de le révéler et de sommer les ministres et secrétaires d’État de s’expliquer. Ça permet de nous rassurer.
D’autant qu’on peut douter de la conversion de Kris Roman en graaand démocrate. Ou alors, elle est super-expresse. En janvier 2018, notre ami donnait encore une conférence à l’OHKA, une organisation espagnole qui, dans son manifeste, condamne à mort « les industries culturelles, l’art moderne et sa mercantilisation » et a promis d’expulser « les ennemis de l’identité ».
Il y disait qu’en 1975, sa rue bruxelloise était 100% européenne, et qu’en 1985, elle ne l’était plus, qu’il y avait beaucoup de criminalité et que les criminels n’étaient généralement pas « de type européen ». Ah ben voilà. « Alors, j’ai compris que la maffia de Wall Street était en train d’organiser une guerre entre l’est et l’ouest de l’Europe. » Ou encore : « à Bruxelles, nous avons eu des problèmes avec les Arabes. La police a été battue et on lui a interdit de faire quoi que ce soit. »
Flemish Vaticancan
Ce couplet sur sa rue devenue étrangère est intéressant parce qu’il le tenait déjà dans une interview de geopolitika.ru, précisant que le fait d’être la dernière famille « native » dans sa rue lui avait permis de comprendre « que la gestion de la classe politique européenne était extrêmement nocive pour nous, les Européens natifs ». En France, on dit « de souche ». C’était en 2015. Conversion expresse, je vous disais…
Dans la même interview, il critiquait Vatican II, qui a amené, selon lui, un clergé très à gauche dans l’Église belge (si Mgr Léonard entendait ça !) Il expliquait aussi que les USA allaient imploser, dans ces termes : « Obama sait qu’il n’y a pas d’avenir aux États-Unis pour les Euro-Américains, ou ‘blancs’ ». Yolo ! Et il expliquait que l’Europe était au bord de la destruction : « Crise économique après crise économique, immigration de masse depuis des pays non européens, avec simultanément une croissance des avortements, de l’immoralité et de l’athéisme. » Ça pue bien l’intégrisme, non ? Oui. Ça pue bien l’extrême droite aussi.
Non à l’immigration, non aux réfugiés, non à la culture pop…
Et au final, il expliquait, sans le savoir pourquoi la Russie fascine autant les groupes d’extrême droite : elle est devenue l’alibi idéal pour ne pas trop (souvent) révéler sa politique. Mais là, au détour de l’interview, elle s’éclaircit : « notre organisation, Euro-Rus, a la clé de la survie [de l’Europe]. Nous disons non […] à l’immigration de masse et aux réfugiés venant d’autres continents ; non à la culture pop décadente venue d’Hollywood ; oui aux valeurs familiales et aux traditions, oui à la culture européenne saine (!) ; oui au droit à la vie […] » Bref, de la belle extrême droite anti-immigration et du bel intégrisme ultracatho. Mais restez là, parce qu’à ce moment de l’article, on retrouve le fils d’un quatrième membre N-VA du gouvernement…
On ne prête qu’au Reich
Dans le même article, Apache montrait en effet les relations du fils cadet de Jan Jambon avec des « nostalgiques du Reich », tout aussi intégristes. Je rappelle immédiatement que dans un article du Morgen de 2016, Jan Jambon s’était déjà lui-même inquiété de la radicalisation possible de son fils cadet Wouter. Apparemment, il avait raison de s’inquiéter : le petit Wouter a visiblement été plus influencé par le Jan Jambon qui fondait le Vlaams Belang de Brasschaat dans les années 90 que par celui qui assure aujourd’hui être devenu parfaitement démocrate.
Car Apache a retrouvé ce cadet de notre ministre de l’Intérieur dans un groupe privé Facebook ultraréac où l’allemand se prononce avec un accent autrichien, où l’on se lâche gaiement sur les Juifs (appelés « les gros nez » dans un commentaire ; ou sous un article de la VRT sur le salon de l’émigration vers Israël : « les rats (sic) quittent le navire »). On y trouve aussi une phrase d’un chant nazi écrit par Goebbels lui-même : « Freiheit das Ziel, Sieg das Panier » (la liberté pour but, la victoire pour bannière), auquel le fils Jambon réagit par un commentaire très structuré, mais néanmoins inquiétant : « hahaha ».
Ce Wouter Jambon, ex-trésorier de l’école catholique intégriste Sint-Ignatius d’Overijse (qu’il a codirigé avec, justement, le sbire qui cite des chants nazis sur Facebook et qu’Apache a repéré faisant un salut nazi par ailleurs), traîne régulièrement dans l’environnement de la Fraternité Saint-Pie-X de « monseigneur » Lefebvre, proche par certains de ses membres du Front national en France.
L’école Sint-Ignatius est hébergée dans le cloître de Maleizen (Overijse) où l’on croise un méli-mélo de pro-vie, proRusses et intégristes chrétiens, ainsi que le nouveau mouvement d’extrême droite nationaliste flamand Schild & Vrienden. Ce mouvement, né sur Facebook, recrute, selon Apache, chez les militants du Vlaams Belang autant que chez ceux de la N-VA. Radical, présent aux commémos « dures » (la Veillée de l’Yser, par exemple), le mouvement Schild & Vriend se plaint en ce moment que son service de paiement en ligne l’ait obligé à apposer un bandeau « censuré » sur deux des stickers qu’il vend, dont un est marqué « stop à l’islamisation ». D’autres autocollants vendus par ces petits fâcheux ne le mériteraient pas moins, comme « White lives matter » (« les vies blanches comptent » — un slogan très apprécié chez les anciens du Ku Klux Klan, les suprémacistes blancs et les néonazis ricains), ainsi que « Pas de rat de gauche dans notre ville » ou encore « Mieux vaut être mort que rouge ».
Bref, ils adulent la démocratie, mais uniquement s’il n’y a que de la droite extrême dedans.
Vous me direz que Wouter n’est pas Jan et qu’un père n’est pas responsable de ce que fait son fils adulte. Seulement voilà, via Schild & Vrienden, on retrouve un lien avec le parti du paternel, puisque ces nouveaux « fachos » se sont récemment chargés d’assurer la sécurité de conférences données par… Theo Francken, pour contrer, selon eux, des actions de gauchistes qui ont à plusieurs reprises tenté de les empêcher (c’est un fait, cela dit). Et la boucle se boucle toute seule.
Ah oui, à ceux qui voudraient faire porter le chapeau du « fusil (nazi) au missel » aux Flamands, voici un gag révélé par Apache : le webjournal publie l’affiche d’une conférence de Pro-vita (devinez ce que cette organisation pense de l’avortement…) en 2015, où l’on recommandait de rester vierge (ou puceau) jusqu’au mariage. La conférence avait pour invités un prêtre bien réac, un doctorant de la KUL — qui s’avèrent tous deux avoir soutenu la fondation de cette école extrémiste Sint-Ignatius — et… Monseigneur Léonard ! Ah ben non, tout le clergé belge n’est pas franchement de gauche…
Press, bitte !
Que conclure de tout ça ? Nan, nan. Ne venez pas me chanter « ah, tu vois que la N-VA est néonazie d’extrême droite ultrafasciste ». Ce serait idiot. Le parti a effectivement montré qu’il cherchait à se nettoyer. Notamment, en dénonçant la collaboration (« une erreur à tous points de vue », selon Bart De Wever), en s’absentant presque systématiquement des célébrations sulführeuses (excepté la fête du chant flamand, perçue comme plus folklorique, où l’on a encore vu le président de la Chambre Siegfried Bracke cette année) et en pratiquant une politique certes de droite dure conservatrice, mais ni raciste, ni même anti-immigrants — pas plus du moins que la France de François Hollande, par exemple. Sauf, bien sûr, dans le discours.
Car oui, tout de même, il y a le discours, qui passe parfois la ligne de l’extrême droite (« nettoyer », « des musulmans ont dansé après les attentats de Bruxelles », etc.) Il se peut qu’il ne serve qu’à racoler des électeurs du Vlaams Belang. Et tant mieux si ça réduit la puissance de ce parti néonazi. Mais il nous invite au moins autant à nous interroger constamment sur la nature de la N-VA. Parce que le parti n’est du coup toujours pas clair dans sa volonté exprimée de devenir vraiment démocrate. Pas à nos yeux suspicieux. Et des relations avec ces sbires prorusses ou intégristes antiavortement doivent nous inquiéter.
Puisque la N-VA est devenue le moteur du gouvernement, et pourrait un jour même codiriger Bruxelles, nous devons impérativement obtenir d’elle qu’elle soit transparente, qu’elle refuse les compromis et les photos compromettantes, qu’elle rejette tout extrémisme et toute relation avec des extrémistes, même (prétendument) repentis. La N-VA ne doit pas être diabolisée, mais ses actes ne doivent pas moins être analysés systématiquement, et ses relations dérangeantes doivent être questionnées sans hésitation. Comme me disait un pote pizzaïolo albanais d’origine sénégalaise : « cent fois sur le grill, remets ton nationaliste. »
Je serais donc rassuré si les grands journaux s’intéressaient sérieusement à ces affaires, et commençaient pas interroger Theo Francken, Zuhal Demir et Johan Van Overtveldt à propos de ces photos avec Kris Roman, qui valent bien celle de Bart De Wever avec Jean-Marie Le Pen (désormais antédiluvienne). Ainsi que sur les liens précis entre Schild en Vrienden et Theo Francken : sont-ils vraiment devenus le service d’ordre officiel de ses conférences ? Si oui, la réponse est simple : ça doit s’arrêter, et immédiatement ! S’il nous jure que non, et que l’on constate sur le terrain qu’ils n’y sont effectivement plus, on sera un peu rassurés.
Jusqu’à la prochaine compromission…
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5 Comments
Arnaud de la Croix
mars 14, 21:18Tournaisien
mars 16, 07:22u'tz
mars 20, 00:56u'tz
mars 16, 15:26Wallimero
mars 16, 22:49