Au gouvernement belge, les anciens Waffen-SS collent au doigt comme du sparadrap.
L’affaire a été révélée par Unionbelge. Le 11 décembre, sur sa page Facebook, Karlijn Deene, conseillère communale N-VA (principal parti de la coalition gouvernementale) à Gand, et rédactrice des discours du ministre-président flamand Geert Bourgeois (N-VA), a publié la photo d’une festivité à laquelle elle participait, dans une salle cossue de Gand. Le problème, c’est que les participant-e-s, très âgé-e-s rendaient hommage « aux camarades tombés et décédés », entendez, les collaborateurs qui se sont engagés dans la Waffen-SS et la Légion flamande dès 1941 pour « combattre le bolchévisme » en Russie.
Karlijn Deene a affiché sa fierté d’avoir accompagné son grand-père à cette toute dernière fête de l’Amicale Sneyssens, un club d’anciens du Front de l’Est, le pendant gantois du St-Maertensfonds. Il y a une bonne décennie, un ministre flamand (Sauwens) a dû démissionner pour avoir assisté à l’une des célébrations très martiales de cette dernière amicale d’ex-Waffen-SS, où la fanfare du Voorpost (milice néonazie du Vlaams Belang) menait tambour et brandissait ses fanions à la rune, tandis que l’on n’hésitait pas à y rendre hommage au plus sulfureux des collabos, Raymond Tollennaere, chaudissime partisan de la solution finale, et grand rédacteur de discours antisémites pour son boss, Staf De Clercq, le Laval flamand. Sulfureux.
Depuis, les temps ont changé : Jan Jambon (N-VA) n’a pas dû démissionner de son poste de ministre de l’Intérieur du gouvernement de Charles Michel après qu’on a révélé qu’il avait, lui, carrément discouru et salué ces « morts pour la Flandre » devant les anciens combattants Waffen-SS au Sint-Maertensfonds. Ces commémos étaient devenues tolérées jusqu’au sommet de l’État.
Rien d’étonnant, donc, à ce que le ministre-président flamand considère que la présence de Karlijn Deene à la réunion de l’Amicale Sneyssens soit une « affaire privée ». Il ne fait qu’adopter le nouveau seuil de tolérance établi par le Premier ministre Charles Michel (MR-libéral). Il faut dire que le poids lourd de son gouvernement est justement la N-VA, dont presque tous les grands formats ont, à un moment ou un autre, été mêlés à ce genre de nostalgie, son président Bart De Wever en tête. Karlijn Deene ne fait que suivre.
Les amicales de Waffen-SS avec pignon sur rue.
Des opposants au gouvernement hurleront que Karlijn Deene est une dégueulasse qui commémore les nazis. Ou même que c’est une nazie elle-même. Mais est-ce aussi simple ? Non. D’abord, parce que la N-VA baigne dans cet héritage, parfois de très bon gré, mais bien plus souvent par la seule force des choses. De nombreux membres éminents du parti descendent en droite ligne de collaborateurs, et ce, parce que dès l’après-guerre, ceux-ci se sont rapidement réorganisés politiquement. Ils ont pu faire valoir qu’ils avaient surtout été victimes d’une épuration (qu’ils ont réussi à requalifier en Flandre en répression) dirigée contre les tenants de l’autonomie flamande.
Cette fibre flamingante a eu un retentissement certain dans une Flandre qui a dû s’émanciper culturellement dans une Belgique qui s’était d’abord pensée francophone. Cela leur a permis de créer des associations d’anciens Waffen-SS avec pignon sur rue. Au sein de ces amicales, deux courants principaux coexistaient, celui des modérés — les volontaires partis défendre l’ordre nouveau à la flamande (peu antisémite, et déçus de l’ordre nouveau après-guerre) et celui des nazis convaincus.
Malgré de profonds différents, ils reste qu’ils se sont battus ensemble et qu’après la guerre, ils se sont regroupés, en partie par camaraderie, mais surtout par nécessité : il s’agissait de s’entraider, beaucoup d’entre eux ayant atterri en prison, et le sort de certains rescapés étant extrêmement compliqué (des blessés en incapacité de travail ne pouvaient plus soutenir leur famille et ne pouvaient rien attendre de l’État belge, bien évidemment ; des familles se retrouvaient sans chef et sans ressources…)
Aujourd’hui, c’est toujours cette dualité qui caractérise l’héritage politique de la collaboration et monopolise le mouvement flamand politique, via la N-VA (qui tente de réussir une reconversion longue mais réelle du fascisme au (néo-)conservatisme nationaliste) et le Vlaams Belang (resté xénophobe et ultranationaliste, drainant des néonazis dissimulés derrière une façade de salon). Politiquement, les deux tendances sont incompatibles.
Qui étaient les membres du Sint-Maertensfonds ?
Mais les amicales d’anciens Waffen-SS se voulaient apolitiques. Ils n’ont donc pas connu ce schisme. Ils ont surtout marqué notre esprit par des épiphénomènes extérieurs (usage de symboles nazis, commémorations de nazis condamnés, etc.) Mais qu’en est-il de l’intérieur ? Vu qu’ils ont peiné à réunir deux milliers de membres, ils restent peu connus et n’intéressent les chercheurs que depuis une ou deux décennies. Pour comprendre la portée personnelle du geste de Karlijn Deene, il faut s’y intéresser.
Thomas Peeters, un étudiant de l’Université de Gand a pris comme sujet de maîtrise le Sint-Maartensfonds — c’est un des rares cas d’étude historique de cette amicale, basée sur les sources écrites. Il y note d’abord que d’après l’historienne Aline Sax (Voor Vlaanderen, Volk en Führer. De motivatie en het wereldbeeld van Vlaamse collaborateurs tijden de Tweede Wereldoorlog, Manteau, 2012), le principal motif de collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale était bien l’adhésion à l’ordre nouveau (première préoccupation idéologique pour 2/3 des collaborateurs), soit un ultranationalisme couplé à la xénophobie et parfois à l’antisémitisme, ainsi que le rejet de la démocratie parlementaire.
D’autres motivations, parfois très personnelles (échapper à la mainmise paternelle) ou opportunistes (échapper au travail obligatoire) cohabitaient avec ces motifs idéologiques ou, pour une minorité, était même le motif principal d’engagement. D’autres collabos étaient simplement sensibles aux thèses de l’ordre nouveau sans bien en mesurer la dimension. Rappelons-nous aussi que certains étaient très jeunes et que la Flandre campagnarde était encore engoncée dans une culture politique pratiquement nulle, où le curé du village expliquait qu’il fallait voter pour le candidat catholique, point.
Par la suite, pour excuser ces collaborateurs en bloc, l’historiographie nationaliste a créé de toutes pièces le personnage du jeune flamingant convaincu par son curé d’aller lutter contre le bolchévisme païen. En réalité, l’antibolchévisme n’était généralement pas motivé par le catholicisme, mais bien par l’adhésion à l’ordre nouveau fasciste, selon Aline Sax. Mais pas pour autant acquis à l’hitlérisme.
La rébellion contre le serment SS.
Il y eut ainsi un groupe d’environ 200 hommes (sur plusieurs milliers de Waffen-SS), qui refusèrent de prêter le serment SS, qui avait remplacé celui de la Légion flamande pendant leur formation. Ils lui reprochaient de ne pas préciser que leur engagement était antibolchévique — ce qui signifiait qu’ils pouvaient alors être engagés sur n’importe quel front — mais surtout, d’inclure un serment à Adolf Hitler, Führer de tous les Germains, ce qui contrariait leur combat pour une indépendance flamande ou thioise (Flandre + Pays-Bas).
Ce sont précisément ces « Rebelles » autoproclamés qui ont, après guerre, dirigé la première association importante d’entraide des « Frontistes de l’Est » (Oostfronters), le VVOOS. Ses statuts conditionnaient l’entrée dans l’organisation à l’aide aux anciens « volontaires », à l’engagement d’agir contre « l’expansion du danger bolchévique » (on était en pleine guerre froide) ainsi qu’ à la « fidélité à leurs motifs idéologiques honnêtes et inchangés », à la préservation « du bien culturel européen » et à la lutte pour l’avènement d’une nation thioise (Flandre + Pays-Bas). Une formulation vaguounette qui permettait de satisfaire aussi bien des nazis convaincus que des nationalistes-flamands très conservateurs, de droite pure, dure ou pire.
Naissance des amicales.
Né à l’aube des années cinquante, le VVOOS fut l’ancêtre du Sint-Maertensfonds et de l’Amicale Sneyssens. Comme eux deux, il a commencé par distribuer des vêtements aux familles de frontistes tombés ou prisonniers, et à tenter de retrouver les plus de 350 Flamands disparus sur le front russe. Il en retrouva notamment 8 vivants, et put déterminer le sort funeste de quelques dizaines d’autres. Ce travail a été partiellement contrôlé par la sûreté de l’État qui n’y a logiquement rien vu d’anormal. Mais un autre événement, plus politique, attira l’attention de l’organisme et le VVOOS (avec O comme Oostfronters) se divisa en factions aux noms plus passe-partout, dont le Sint-Maertensfonds — du nom du saint qui a partagé son manteau en deux pour aider un malheureux — et l’amicale Sneyssens — du nom du porte-drapeau gantois qui a tenu son étendard jusqu’à la mort, dans une bataille opposant des rebelles de la cité au duc bourguignon Philippe le Bon au XVe siècle (1)
Le Fonds Saint Martin et l’Amicale Sneyssens ont pris pour sigle la « Berkenkruis » (croix de bouleau), une variante de la rune de la vie qui, inversée, symbolise la mort et la guerre. Les runes, alphabet nordique très symbolique, ont été intensément utilisées par les nazis et donc les SS — ainsi, les deux S angulaires qu’ils portaient au col étaient en fait un double rune Sieg, dite de la victoire ou du soleil. La croix de bouleau avait en plus une barre horizontale qui permettait de tenir la fourche en place. C’était aussi la croix, runique et païenne, posée sur les tombes des Waffen-SS flamands.
Des apparences nazillardes.
Très vite, les deux organisations se distinguèrent par une nostalgie, comment dire… Jugez donc : dans les années 60, il arrivait à leur organe officiel commun (Periodiek Kontakt) de littéralement défendre le régime national-socialiste. En 1967, son remplaçant, qui s’appelait désormais Berkenkruis, n’hésita pas, selon le professeur néerlandais Fred Goedbloed, à nier le génocide des Juifs, après la diffusion de la série Holocauste qui ébranla ceux des membres qui étaient restés fidèles au nazisme. Dès la décennie suivante, Berkenkruis publiait aussi des articles de rexistes, en français : le périodique était également devenu l’organe de l’organisation d’ex-Waffen-SS wallons Les Bourguignons ASBL. Enfin, jusqu’en 1983, l’un de ses rédacteurs, Frans Vierendeels, incontestablement antisémite, put tranquillement et régulièrement y glisser ses élucubrations sur le « pouvoir juif mondial ».
Jusque là, le portrait est donc juste épouvantable. Mais il faut le nuancer. Car les rédacteurs étaient très autonomes, et d’autres, du même magazine, n’appréciaient pas du tout ce point de vue. Ce fut le cas, parmi d’autres, de Jef Desseyn, un ex-Rebelle qui ne comprenait pas cette obsession antijuive. Il écrivit qu’au cours de ses quatre ans sur le front russe, il n’avait jamais entendu ses « camarades » parler des juifs. Il affirma même que, selon lui, ceux-ci considéraient la littérature antisémite de l’ordre nouveau comme « réservée aux médecins, mais comme vomitifs ». Aline Sax confirme d’ailleurs que l’antisémitisme préoccupait très peu de collabos.
Comment deux opinions aussi opposées pouvaient-elles coexister au sein d’une même association, et pendant si longtemps ? Simplement parce que le Fonds Saint-Martin et consorts affirmait ne pas faire de politique. À plusieurs reprises, il s’est dit ouvert aux libéraux, aux chrétiens-démocrates et même aux socialistes. « Chacun vote comme il veut ». L’idéologie des uns et des autres n’était donc qu’un sujet de discussion presque accessoire dans une association avant tout d’entraide. Et donc, on ne peut pas affirmer qu’on ne trouvait que des nazis purs et durs dans ces deux associations.
Néanmoins, dès qu’une festivité se présentait, les fanions et les symboles ressortaient. Et les réunions privées du Fonds Saint-Martin se terminaient très souvent par la SS-Treuelied (chant de fidélité SS). Les modérés le voyaient comme un simple souvenir de leurs heures de (dure) gloire, et les nationaux-socialistes, comme la continuation de leur idéologie épouvantable.
On peut se demander comment des gens qui ne croient plus du tout (ou n’ont jamais cru) à l’idéal des SS peuvent tolérer de dîner avec des « vrais » 50 ans durant. Les épreuves, sur le front, et ensuite dans les prisons, les privations, la peur de ne jamais s’en sortir seul, et l’isolation par le monde démocrate expliquent ce genre d’attitude.
Sneyssens, enseigne gantoise
L’Amicale Sneyssens, celle où la conseillère communale Karlijn Deene s’est retrouvée le 10 décembre, est l’aile gantoise de ce Sint-Maertensfonds. Elle lui a survécu jusqu’à cette année, où elle a tenu son dernier déjeuner. Elle est certes radicale. Radicalement flamingante, surtout. Dans ses réunions, on se moque méchamment de la Belgique, des Francophones, des socialos, des riches, mais aussi de soi-même. Au concert de Nouvel An 2010, son boss historique, l’ex-Waffen-SS-Untersturmführer (sous-lieutenant) Oswald Van Ooteghem, raillait le cycliste « wallon » Frank Vandenbroucke qui avait terminé sa carrière « dans le lit d’une jeune pute africaine ». Mais on se moquait aussi du héros du mouvement flamand en devenir : « Malgré son surpoids et sa grosse panse, Bart De Wever a failli gagner [l’émission de jeu télé] L’Homme le plus intelligent. Grâce à ça, en ces temps troublés, il a pu séduire de nouveaux électeurs pour son parti. » Le politiquement incorrect est apprécié chez ces retraités. Surtout s’il est un peu gras et lourd.
Mais si le drapeau à la croix de bouleau est souvent fidèle au poste lors de ces festivités, ce n’est plus tant la fière rune SS brandie en triomphant, qu’un décor qu’on oublie sur un mur. Devenus très, très vieux, la plupart des membres présents à ces célébrations (deux ou trois dizaines, tout au plus) sont désormais des femmes, souvent membres aussi de la VVVG (Association Des Pensionnés Flamands) dont le Gauleiter (gouwvoorzitter en néerlandais) n’est autre que notre ex-Unterstroumpfmachin.
Tout ça peut faire frémir, mais ce ne sont plus que des breloques. On n’y crie pas Heil Hitler, on n’y chante plus la SS-Treuelied, on n’y parle même plus du nazisme et à peine de guerre. On y évoque peut-être encore de la « répression », ou untel qui a si bien aidé telle femme dont le mari était tombé au front, et qui se retrouvait sans ressource. Mais on y parle sûrement plus de rhumatismes, de bobos de vieux, de petite pension (venue parfois d’Allemagne), de mariages, d’enfants, de petits-enfants ou de la qualité du vin.
L’amicale, comme si vous y étiez.
Dans Les Enfants de la Collaboration de Suzanne Lambert, un autre travail de maîtrise dont le promoteur n’est autre que Bruno De Wever, on retrouve le témoignage d’une membre de l’Amicale Sneyssens : « Après notre mariage, on s’est installés à Gand et mon mari a retrouvé des gens qu’il avait connus pendant et après la guerre. On est donc tous entrés dans l’Amicale Sneyssens. On s’y est sentis chez nous. Aussi parce que c’étaient des gens qui avaient subi la même chose que nous. C’était particulier […] on s’est tenus informés des naissances des enfants et petits enfants. On a été aux communions solennelles des enfants des uns et des autres […] à leurs mariages. C’est devenu une seule grande famille. Et de ce fait [l’Amicale Sneyssens] est aujourd’hui encore un cercle d’amis. Nos enfants et petits-enfants ne peuvent pas comprendre que nous ayons toujours les mêmes amis après plus de 55 ans. […] Ils ne peuvent pas le comprendre dans leur vécu. Je crois que c’est à cause du passé, un tel lien. Quelqu’un qui ne le vit pas ne peut pas comprendre les liens qui se nouent dans de telles conditions. »
Voilà donc l’épouvantable cercle « nazi » qui fait grand bruit aujourd’hui : un salon de thé pour des petits vieux plus ou moins nostalgiques, et peut-être plus nostalgiques d’une entraide d’après-guerre que de faits d’armes ou de chants walhalesques. Plus envieux d’un bon dessert que d’une révolution fasciste. Ils goûtent plus Lili Marlen que Hali-Halo-Hala. Et c’est un univers qui se meurt et qui se sent partir. Son baroud d’honneur sent la dentelle plus que la poudre, le bon waterzooi bien chaud plus que le rata infâme du front. Hormis le boss, l’Untersturmführer Oswald Van Ooteghem, toujours suspect à mes yeux, et toujours un symbole politique vivant, j’ai plus envie de les laisser siroter leur porto du soir que de crier au démon. Il y a bien plus dangereux et plus menaçant dans notre univers politique.
Rune pour tous, tous pour rune.
Mais le problème est, comme toujours, dans la symbolique. La rédactrice des discours de Geert Bourgeois s’est vantée de participer à une réunion d’un cercle d’ex-collabos. Elle n’y a vu qu’une réunion plutôt familiale, avec de vieux combattants du mouvement flamand. On peut la comprendre. Et c’est probablement pour ça que Geert Bourgeois n’y voit qu’une affaire privée. Mais le simple fait d’avoir effacé son message Facebook révèle la dimension de l’affaire et montre qu’une explication et un entretien sévère s’imposaient, même si ce n’était que pour la forme.
D’autant que, selon Karlijn Deene, le moment clé de la petite réunion était celui où l’ex-Waffen-SS-Untersturmführer Van Ooteghem (devenu ensuite sénateur, puis député flamand de la Volksunie) a « allumé la bougie de Yule ». Or, Yule est une fête païenne nordique. Les nazis appréciaient particulièrement ce genre de célébrations. La fête de Yule fut relancée par Heinrich Himmler himfelf pour remplacer la fête de Noël par quelque chose de plus germanique. Elle faisait partie du rituel SS, tout comme la bougie. Tout comme la Berkenkruis fait partie du système runique SS. Tout comme Oswald Van Ooteghem a probablement chanté la SS-Treuelied quand il rejoignait ses camarades du Sint-Maertensfonds. Tout comme il a fleuri la tombe de l’épouvantable SS Raymond Tollenaere. Tout comme des nazis convaincus ont probablement trouvé dans ces amicales une deuxième famille trop peu regardante.
Tout ça, la jeune Karlijn Deene peut ne pas le savoir, mais ces idéologies rances sont comme du sparadrap. Il y a toujours quelque chose qui reste collé. Il reste toujours bien une croix gammée sous un tapis.
Heureusement pour elle, et pour la N-VA, Karlijn Deene a juré sur Twitter qu’elle rejetait tous les totalitarismes. C’est certainement sincère. Mais un-e politique ne peut pas, aujourd’hui, après tout ce qu’on sait du nazisme, faire comme si un cercle d’anciens SS, instauré comme tel, n’était plus qu’un dîner familial, même 55 ans après. Des excuses seraient bienvenues.
La faute est politique.
Le ministre-président flamand, Geert Bourgeois, ne peut pas se contenter de parler de « vie privée ». Une prise de conscience du point de vue des victimes de la collaboration flamande serait un minimum. La majorité est, que je sache, flamande aussi.
Le député fédéral Peter Dedecker (N-VA), qui a défendu Karlijn Deene sur Twitter en expliquant qu’il avait « du respect pour ceux qui, à 16 ans, ont pris une décision [même si elle était mauvaise] », ne peut pas faire comme si ce respect-là était différent de celui que d’autres ont pour les terroristes de Daech qui ont fait un choix horrible à 16 ans aussi. Le temps n’efface pas la culpabilité.
Et s’être engagé dans le pire régime que l’Europe ait connu ne peut être excusé si facilement. Il faut que ça reste une faute. Non pas pour nous venger de ces gens aujourd’hui âgés et inoffensifs — ce serait inique —, mais pour préserver les générations futures. Personne ne peut faire comme si tous les membres de l’Amicale Sneyssens étaient ou avaient été de simples flamingants. Personne ne peut affirmer qu’il n’y en a pas quelques-uns qui sont restés nazis dans l’âme. Et l’on peut se demander si ces braves petits vieux et petites vieilles n’auraient pas pu, une fois au moins, demander publiquement pardon plutôt que de continuer à seriner qu’on les a injustement traités.
Enfin, au Premier ministre Charles Michel, il ne peut plus cacher qu’en s’associant à la N-VA sans exiger d’abord qu’elle range ses vieilles marottes nostalgiques une fois pour toutes, il a pris le risque que la Belgique se voie imposer, petit dîner par petit dîner, une relecture intolérable, limite révisionniste, de son passé le plus sombre (avec la colonisation), par le plus grand parti au gouvernement.
Quant à Karlijn Deene, on lui rappellera simplement que le nazisme a exterminé industriellement autant de Juifs et de Rroms qu’il y a de Flamands en Flandre. On lui demandera d’imaginer toute sa chère Flandre assassinée, du plus petit bébé à sa plus chère grand-mère par des fanatiques des célébrations nordiques. Et ensuite, on lui demandera ce qu’elle ressentirait si, deux générations plus tard, ayant perdu tous les siens, elle voyait un-e politicien-ne afficher fièrement sa participation à une petite commémoration familiale. Et se réjouir en public d’avoir voir un ancien complice d’un pouvoir aussi horrible allumer la même bougie que celle qu’allumait les pires assassins de sa famille, de son village, de tout son peuple.
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(1) J’avais d’abord écrit Philippe le Bel, suite à quoi un internaute m’a fait remarquer qu’il n’était pas bourguignon et que les Flamands avaient plutôt bataillé avec la France. Mais c’est bien de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qu’il s’agit, probablement à la bataille de Gavere, en 1452. J’avais aussi écrit Flamands pour ne pas répéter Gantois mais cela pouvait faire croire que toute la Flandre était engagée dans la bataille. Merci à Marc Baudry, lecteur attentif.
48 Comments
u'tz
janvier 10, 02:29marcel
janvier 10, 17:45u'tz
janvier 10, 18:35MUC
janvier 11, 14:38Brolskoff
janvier 14, 12:05MUC
janvier 20, 14:02u'tz
janvier 25, 01:38Salade
janvier 11, 20:08François
janvier 10, 04:51marcel
janvier 10, 17:47u'tz
janvier 10, 20:06marcel
janvier 13, 19:52u't z
janvier 14, 18:14François
janvier 14, 02:17Salade
janvier 10, 19:28u'tz
janvier 18, 04:01marcel
janvier 19, 11:31u'tz
janvier 19, 23:04Salade
janvier 20, 11:51Bruno Yammine
janvier 10, 19:47marcel
janvier 13, 19:51MUC
janvier 17, 14:55Tournaisien
janvier 10, 22:45u'tz
janvier 18, 04:07Tournaisien
janvier 19, 14:19Capucine
janvier 11, 18:45Salade
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janvier 13, 19:17François
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janvier 21, 17:04Capucine
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janvier 20, 22:39marcel
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janvier 26, 11:52Capucine
janvier 26, 14:24