Des réfugiés importent leurs haines. Le vrai défi laissé en friche.
Ce week-end, Welt am Sonntag (l’édition dominicale de Die Welt) publiait un long article sur les problèmes que des candidats réfugiés chrétiens rencontrent dans les centres allemands où ils attendent d’être reconnus réfugiés. Des problèmes ? Gros euphémisme pour insultes, violences et même menaces de mort.
La journaliste politique Freia Peters prend ainsi l’exemple de Saïd, un chrétien d’Iran, qui a dû quitter le refuge où il était logé après avoir fui son pays où, selon lui, son frère a été arrêté par les Gardiens de la Révolution, auxquels lui-même aurait échappé de justesse. Kickboxer de profession, Saïd aurait ensuite traversé la Turquie à pied. Et c’est en Allemagne que les problèmes ont « vraiment commencé pour lui », selon Die Welt. Plus exactement dans un centre pour réfugiés dans le sud du Land de Brandebourg. Il s’y est retrouvé entouré de Syriens sunnites extrêmement rigoureux. Réveillé avant l’aube pour le ramadan, obligé de manger avant le lever du soleil, traité de Kuffar (athée, mécréant), il explique qu’on lui a craché dessus, « traité comme un animal » et menacé de mort. Et quand il a alerté les gens du service de sécurité, son histoire ne les a pas intéressés. « Ce sont quand même tous des musulmans… [quelque part]» Il a fini par trouver refuge dans un temple luthérien, auprès du pasteur Gottfied Martens, à Berlin.
La charia dans des centres de réfugiés.
Celui-ci connaît bien le problème. Quand il tente de défendre des chrétiens ainsi maltraités dans des centres de réfugiés, certains responsables essaient d’aider, d’autres ne répondent même pas. Selon lui, les musulmans les plus rigides font la loi dans certains refuges. « Là où nous sommes, on applique la charia », disent-ils. On obligerait des chrétiens à prier vers La Mecque et les musulmans convertis au christianisme souffriraient plus que les autres.
Certains de ces candidats-réfugiés seraient des adeptes de l’organisation État islamique qui crieraient des versets du Coran « des mots que les membres de l’État islamique crient avant de décapiter quelqu’un », selon un réfugié chrétien.
Ah, je vous vois venir. Il y aurait donc des terroristes parmi les réfugiés ? Pas de panique. Il s’agit vraisemblablement de partisans de Daesh, ces gens qui fuient la guerre mais restent attachés à la lecture moyenâgeuse de l’islam prônée par l’organisation État islamique. En tout cas pas de terroristes à proprement parler ; ceux-là feraient au contraire tout pour passer inaperçus. Mais une présence et des attitudes inquiétantes que nous ne pouvons ignorer. Lâcher de telles gens dans nos villes et nos campagnes pose un vrai problème, surtout si des chrétiens, des yézidis ou des musulmans ne partageant pas leur abominable enthousiasme pour le fondamentalisme le plus bestial se retrouvent entourés de ces extrémistes.
J’ai passé une soirée très agréable avec 250 musulmans pratiquants, ils savaient que je suis athée, je n’ai eu que sourires et bienveillance. Qu’on ne me dise donc pas que l’islam est le problème. C’est l’extrémisme, le problème.
« Ils ont dit qu’ils allaient me tuer et boire mon sang ».
L’histoire la plus tragique est celle d’une famille chrétienne d’Irak qui s’est retrouvée assiégée dans le refuge que l’Allemagne lui avait attribué. Le père a témoigné à la télévision bavaroise avoir été victime de coups et de menaces de quelques islamistes syriens. « Ils ont hurlé sur ma femme et frappé mon enfant. Ils ont dit qu’ils allaient me tuer et boire mon sang », a-t-il déclaré à la chaîne. Écœurée, apeurée, la famille est retournée en Irak, d’abord à Mossoul, qui s’est avérée invivable pour des chrétiens. Puis, le couple est parti avec ses deux enfants à Erbil, dans le nord de l’Irak, où leur situation est toujours catastrophique.
Or, lorsqu’un réfugié demande d’être renvoyé dans son pays, il doit signer une déclaration dans laquelle il accepte de ne plus (jamais) revenir en Allemagne. Autant dire, en Union européenne. Ils sont donc bloqués là-bas, sans possibilité de retour. Pourtant, d’un islamiste qui joue son petit chef dans les refuges d’Europe ou d’une famille — quelle que soit sa religion — à ce point tourmentée qu’elle est retournée dans un pays en principe plus dangereux pour elle que l’Allemagne, le choix n’est pas très difficile à faire. Dans cette affaire, les « bons réfugiés » sont repartis, les « mauvais demandeurs » sont restés et auront peut-être bientôt un document attestant de leur droit de résider dans l’Union européenne. Ça doit nous préoccuper. Fort.
Alors que chaque parti de droite y va de son petit refrain pour impressionner les électeurs par des mesures inapplicables, que chaque parti de gauche passe son temps à crier tout haut « il faut les accueillir » en niant que des problèmes colossaux vont devoir être résolus, les véritables défis sont laissés en friche. La question n’est pas de savoir combien de gens on peut accueillir au maximum, mais bien comment assurer un accueil qui, à terme, règle d’emblée les problèmes qui vont survenir. L’opposition gauche droite polluée par les sous-entendus des uns et des autres est un obstacle phénoménal à la bonne gestion du refuge.
Des situations malheureusement inévitables vu l’afflux de réfugiés.
Vu le nombre de réfugiés accueillis cette année en Allemagne (218.000 de janvier à juin, le chiffre pourrait monter à 800.000 pour 2015), les situations décrites par Die Welt sont évidemment inévitables. Les réfugiés emportent avec eux leurs conflits intérieurs. Ici, des décennies de violences locales, de conflits religieux et la montée du fondamentalisme soutenu, volontairement ou non, par des influences extérieures (Iran, Arabie saoudite, interventions occidentales, etc.) sont des facteurs aggravants. Mais le simple fait que les réfugiés appartiennent à tous les camps qui, sur le terrain, sont toujours en guerre, et l’incitation par les islamistes à retourner aux traditions les plus barbares, rendent ces oppositions d’autant plus dangereuses, cruelles, et mènent à des injustices inacceptables, sous nos yeux, avec notre complicité passive.
Comme le souligne Max Klingberg, un expert en matière de réfugiés du Comité international pour les Droits de l’Homme, « Nous devons nous libérer de l’illusion que tous ceux qui arrivent ici sont des activistes des droits de l’homme ». Sa phrase a été mise en exergue dans l’article de Welt am Sonntag — ce n’est pas un hasard.
L’accueil des réfugiés est une obligation morale.
Bien sûr, l’extrême droite, les opposants à l’accueil, tous ceux qui ne supportent pas que la race blanche, comme le dit Nadine Morano, se voie concurrencée par d’autres sur le sol européen, vont promptement s’emparer du sujet et l’ajouter au paquet d’arguments, souvent fallacieux voire fabriqués, destinés à convertir une masse de naïfs à la détestation d’autrui et au monopole judéo-christiano-blanco. Ceux-là ne règlent aucun problème, ils les accumulent au contraire.
Car l’accueil des réfugiés est une obligation morale avant d’être légale. Elle correspond à la civilisation humaniste et démocrate (et non pas « judéo-chrétienne ») que nous défendons comme étant le fondement des valeurs de l’Union européenne. Faillir dans cet accueil revient à crier à ceux qui nous ont pris pour modèle, et plus encore à ceux qui veulent l’annihilation de la civilisation et des principes issus des Lumières, ici ou ailleurs, que nous sommes prétentieux, menteurs, arrogants, lâches et vains.
Nous perdons du temps à nous disputer pour 1/10e de pour cent de gens à accueillir en plus ou en moins, sur chacun de nos territoires nationaux, à imaginer la possibilité de « repousser » les bateaux (vous savez ce que ça représente concrètement ? — sans compter que c’est une entorse au droit européen) ou de lancer une guerre contre les passeurs libyens, ce qui pourrait relancer une guerre contre les jihadistes libyens sur leur propre terrain. Pendant ce temps, les vrais problèmes, ceux qui accompagnent ces réfugiés, passent à la trappe.
D’autre part, le rejet par principe de mesures qui apparaissent désormais indispensables n’est pas beaucoup plus malin.
Le principe fondamental de la tolérance, c’est de ne pas tolérer l’intolérance.
Oui, il faut que dès l’arrivée de candidats-réfugiés, on mette les choses au point. Toute agression à caractère raciste ou religieux compromet l’approbation de votre dossier, monsieur le fanatique de Daesh ! Ici, les homosexuels ont le droit de se marier, et tout agression, y compris verbale, envers eux, est proscrite et/ou punissable, cher fondamentaliste. Ici, la femme a les mêmes droits que l’homme, et on la respecte même lorsqu’elle est totalement dénudée, cher candidat à notre vivre ensemble. Si vous ne respectez pas ces règles fondamentales, notre société n’est pas pour vous ! Point.
Et si vous pensez que l’État islamique est le mode de vie idéal, vous n’êtes pas réellement un réfugié. Allez vivre là-bas.
Comment mettre ça en pratique ? On ne le pourra peut-être pas dans beaucoup de cas. Mais c’est une raison supplémentaire pour lancer la réflexion sur un mode plus consensuel que ce qu’on a vu jusqu’ici. Aux démocrates de se réunir et de lancer ce gigantesque chantier absolument urgent.
Il faut être vigilant quant aux comportements des fondamentalistes, extrémistes, et autres tordus en tout genre. Il faut investir suffisamment pour que les centres de réfugiés ne soient pas la reproduction de la situation syrienne, ni un lieu sans foi ni loi où des femmes subissent la barbarie d’hommes frustrés. Il faut discuter sans oeillères des moyens de combattre ces fléaux.
Il faut que dès leur arrivée, on commence le travail d’adaptation des réfugiés à nos sociétés, qu’on les prépare à l’idée que pour nous, comme pour eux, l’idéal est qu’un jour, ils rentrent — parce que leur pays aura besoin de leur potentiel, même si beaucoup resteront parce qu’un grand déplacement dans une vie, c’est déjà beaucoup. Nous ne devons pas nous demander comment les décourager de rester mais bien comment les accompagner le mieux possible, quel que soit leur choix.
Le parcours d’intégration ne doit pas être un tabou mais un service.
Pour tous ceux — et c’est certainement la majorité — qui ne demandent qu’à s’enrichir de nos principes fondamentaux qui leur permettent en principe de vivre leur identité et leur religion dans un environnement pacifique et tolérant, et qui veulent nous enrichir de leur présence active et bienveillante, nous devons être à la hauteur de ce défi qui s’adresse d’abord à notre intelligence : nous devons cesser de distinguer les bruns des blancs pour distinguer les braves gens, ceux qui paient toujours le prix de l’oppression, et avertir les extrémistes — les oppresseurs — qu’ici, les règles pourraient ne pas leur plaire, mais que nous attendons d’eux qu’ils les appliquent scrupuleusement. Quitte à ce qu’ils aillent se faire voir ailleurs.
Cela signifie, chers francophones, qu’un parcours d’intégration est indispensable. Qu’il faut lever ce tabou de toute urgence ! Il ne s’agit pas d’imposer aux arrivants de s’intégrer à une société blanche et chrétienne, mais bien d’intégrer les principes fondateurs de nos sociétés, les règles de vivre ensemble, une des langues nationales, sinon les deux. Autrement dit, de leur offrir les éléments indispensables leur permettant de progresser, de travailler et d’enrichir la société de leur différence plutôt que de la polluer par l’intolérance. Nous avons déjà suffisamment d’intolérants sur notre sol. À bon entendeur, salut à tous !
(*) J’avais d’abord écrit « église romaine ». C’est une faute de frappe. Merci aux chasse-coquilles qui me l’ont fait remarquer.
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59 Comments
guypimi
septembre 28, 18:09olivierfinn
septembre 28, 18:11olivierfinn
septembre 29, 18:31Ergo
septembre 28, 19:54Laurent Leemans
septembre 30, 11:44alainvdk
septembre 28, 22:07Marcel Sel
septembre 29, 12:11Hugues CREPIN
septembre 29, 16:05Eridan
septembre 30, 03:31Marcel Sel
octobre 01, 11:39Eridan
octobre 01, 18:21MUC
septembre 30, 22:18u'tz
octobre 04, 21:35poupilavraie
janvier 09, 05:31alainvdk
octobre 01, 08:32Marcx
septembre 28, 23:10Salade
septembre 28, 23:26u'tz
septembre 29, 02:38Tournaisien
septembre 29, 07:06Marcel Sel
septembre 29, 12:12Tournaisien
septembre 29, 17:39Marcel Sel
octobre 01, 11:37Stavros Eliaki
octobre 02, 11:05u'tz
octobre 06, 22:36MasterOfMisrule
septembre 30, 01:59Gaspard Deloncle
septembre 30, 10:35Marcel Sel
octobre 01, 11:43Mélusine (la vraie ;) )
octobre 01, 02:22Marcel Sel
octobre 01, 11:45Tournaisien
septembre 29, 07:07Marcel Sel
septembre 29, 12:13Bison, la colle super-puissante
septembre 29, 13:23Tournaisien
octobre 01, 13:17u'tz
octobre 06, 22:56Eridan
septembre 29, 20:50Hugues CREPIN
septembre 29, 08:33Wallon
septembre 29, 12:04Bison, la colle super-puissante
septembre 29, 13:30moinsqueparfait'
septembre 29, 15:23Salade
septembre 29, 19:27u'tz
octobre 06, 23:27Eridan
septembre 29, 20:37alainvdk
octobre 01, 13:31Salade
septembre 29, 22:49Hansen
septembre 30, 08:32u'tz
octobre 06, 23:08Hansen
septembre 30, 08:41Eridan
septembre 30, 10:57Mélanippe
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septembre 30, 15:50serge
septembre 30, 16:26Lachmoneky
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octobre 01, 10:22lievenm
octobre 01, 22:59Stavros Eliaki
octobre 02, 11:10Jester
octobre 02, 14:57LilAngel
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octobre 04, 20:08poupilavraie
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