Raymonde, thermomètre d’une société en perdition.
Raymonde Le Lepvrier a fait le buzz parce qu’elle tombait au bon moment. Le buzz est le résultat d’une espèce nouvelle de catharsis (achetez-vous un dictionnaire, bon sang !) où le spectateur se libère d’une série d’incertitudes en attribuant à une scène la qualité de vérité. Pour tous ceux à qui il manquait une « preuve » de « la violence » des syndicats, la courte vidéo de Raymonde au magasin résume et traduit en vécu les affirmations écrites, forcément moins crédibles. Ça permet aux antigrévistes de remplacer enfin des témoignages — toujours sujets à caution — par une démonstration visuelle. La preuve une fois obtenue, largement partagée, ils se libèrent de tout complexe (d’où une catharsis), en diffusant le numéro de téléphone de la coupable, jugée d’avance, et en créant une page Facebook pour exiger son licenciement.
Avouez que c’est très confortable, il suffit de cliquer de chez soi, bien au chaud, sur « je signe la pétition ». Et zou, on menace l’emploi ou la position de la dame. Un lynchage réseautique où les juges remplacent l’acte d’accusation par un clic.
Dans un monde normal, on se serait peut-être intéressé à Raymonde Le Lepvrier plus tôt. Par exemple, il y a un an, quand not’ Raymonde s’insurgeait en vidéo contre l’austérité du gouvernement Di Rupo (eh oui). Elle rappelait que sa grand-mère disait : « C’est toujours ceux qui gagnent le plus qui disent à ceux qui gagnent le moins qu’ils gagnent trop ». Une phrase extrêmement efficace et hélas terriblement vraie aujourd’hui que, par exemple, les pratiques de blanchiment fiscal au Luxembourg sont connues. Pourtant, cette vidéo-là, un peu statique il est vrai, n’a été vue que par 650 personnes. Un an plus tard, en pleine action de grève, la même Raymonde, excédée, entre dans un magasin de vêtements de la chaîne Lola & Liza, met le bazar en déplaçant quelques fringues, s’exclame « m’en fous » quand un de ses comparses se demande s’il n’y a pas de caméra, et tance la patronne de la boutique en lui disant qu’elle n’est pas solidaire. Résultat : 750.000 vues sur DailyMotion, et le compteur monte toujours.
Évidemment, choisir de mettre le souk dans un magasin qui s’appelle Lola et Liza, quand on s’appelle Raymonde, ça choque…
Raymonde, c’est le Bangladesh en pire !
Auparavant, elle avait jeté des vêtements sur le sol dans une boutique H&M. Sur le sol, rendez-vous compte ! Et il y a même une robe jaune piétinée ! De quoi pondre un article dans la pourtant vénérable Libre (Belgique). C’est une récidiviste ! Qu’on la pende à un kapstok !
Bon, ceux qui crient à l’horreur syndicale sur ce coup-là devraient tout de même se rappeler que cette même chaîne de magasins fait appel à des sweat shop (vous savez, de ceux qui s’écroulent parfois, faisant plus de mille morts, au Bangladesh), emploie des enfants et paye une misère (40 $ par mois pour plus de 12 heures par jour — non, franchement, cliquez sur le lien ci-devant pour voir quelle misère hallucinante vous permet, m’sieur dames, de vous vêtir pas cher dans ce superbe magasin honteusement saccagé par votre cible gauchiste du jour !)
Alors, oui, Raymonde y a été un peu fort. Non, elle n’a probablement même pas pensé aux travailleurs bangladais. De là à exiger son licenciement, il y a une marge.
Mais comme toujours, dans les buzz, les aveugles sont de sortie, en escadrille. Car au fond, cette vidéo n’a pas grand intérêt, si ce n’est de dévoiler le caractère bien trempé de la dame — qui manque du reste un peu de répartie. Raymonde n’a pas besoin d’être réellement violente pour impressionner. Elle entre, elle prend des cintres emplis de vêtements par dix et les plaque sur un autre rayon. Vlan. Elle n’élève même pas la voix. Elle ne blesse personne, sinon l’amour propre de la gérante. C’est vrai, elle parvient à obliger un magasin à fermer. Elle menace sans rougir. Elle a une vision désuète de la grève. On ne défend pas le droit de grève en s’en prenant à la liberté de travailler de ceux qui, le même jour, ont fait un autre choix.
Mais violer ce principe n’en fait pas une criminelle.
Les grandes grèves deux, le retour.
Ceux qui la défendent toutes griffes dehors rappellent à juste titre que les grévistes ont aujourd’hui deux adversaires : le patronat et l’État. Et ça, c’est nouveau en Belgique. Du moins, on n’avait pas vu ça depuis des décennies. Les progrèves pourraient aussi souligner que nous sommes désormais dans un monde de chiffres. Les valeurs se sont fait la malle. Dès le lendemain de la grève, les organisations patronales et les ministres ad hoc ont sorti leurs statistiques pour démontrer qu’au fond, la grève a foiré. Rendez-vous compte : 77 % des gens ont tout de même travaillé, selon les chiffres officiels. Pourtant, les villes étaient vides et les magasins clos. Le visible contredit les chiffres claironnés. Du coup, on peut comprendre que les syndicats aient simplement anticipé cette mauvaise habitude en s’efforçant de faire chômer un maximum de gens pour avoir, eux aussi, des chiffres un tant soit peu crédibles. Toute cette mobilisation pour se voir ensuite attribuer un flop, c’est insupportable pour eux.
Si des gens ne croient pas aujourd’hui aux chiffres officiels, c’est parce qu’il y a eu des Raymonde. Je ne défends pas son action, je constate les données de la guérilla entre syndicats et gouvernement.
Les syndicats ont néanmoins failli. Tout comme les organisations patronales et le gouvernement. Ils sont tous restés sur des positions idéologiques anciennes et n’ont visiblement pas encore compris que les lignes ont bougé plus vite que les organisations. Elles sont toutes, gouvernement inclus, ancrées dans une lutte capitalisme-travailleur obsolète et n’ont pas compris que la mondialisation inconditionnelle (notamment les accords avec la Chine qui lui ont permis d’inonder notre marché de produits quasi gratuits, sans réelle contrepartie) et le consumérisme requérait une distribution cohérente de la richesse. Dans un capitalisme de consommation, toute réduction du pouvoir d’achat du consommateur entraîne un effondrement égal de l’ensemble de l’économie. Un certain nombre de patrons l’ont bien compris, qui analysent l’austérité imposée par le gouvernement Michel comme totalement naast de kwestie. La plupart des acteurs patronaux trouvent d’ailleurs que le saut d’index est une mesure sans intérêt.
Tout le monde a failli. Pas seulement les syndicats !
Or, alors que les acteurs sociaux et politiques devraient baser leurs slogans sur leurs intérêts mutuels (et on voit que la concertation patron-syndicats est plus fluide que celle qui oppose population et gouvernement), l’ensemble de la société dérive vers un malstrom d’une violence toujours croissante, où les insultes sont devenues la norme.
L’arrivée d’un syndicaliste pur jus à l’ancienne comme Marc Goblet à la tête de la FGTB est mauvais signe. Elle s’accompagne de slogans dignes du Front populaire. Si la grève est absolument justifiée par l’absurde austérité européenne et l’incurie gouvernementale, la direction qu’elle a prise (solidarité des travailleurs contre le patronat) est franchement improductive. La défection d’une grande partie des travailleurs, particulièrement dans les petites entreprises, a probablement moins à voir avec le manque d’adhésion de ceux-ci à la lutte pour une société plus juste, qu’avec le constat au quotidien que l’entreprise est tout aussi menacée par l’aveuglement merkélien de nos élites politiques que ne l’est l’emploi.
Quand les plus menacés sont les plus oubliés.
Du coup, les dirigeants de petites sociétés et les indépendants auraient pu ou dû accompagner le mouvement : de plus en plus d’indépendants employeurs constatent que leur salaire est passé sous la barre de celui de leurs salariés. Selon le SNI, ils ont vu leur propre revenu net fondre de 7,5 % en cinq ans. Si l’on compare leur net sur 13,85 mois à celui des employés, ils récoltaient en 2013 en moyenne 1.482 € par mois. Ceci, sans la couverture sociale des employés, et sans aucune protection : ni droit au chômage, ni congé maladie, ni préavis. Leurs horaires de travail datent d’avant le Front populaire : 58 heures par semaine (contre 38 heures pour les employés). Et 16 % d’entre eux ont un revenu net de moins de 850 euros. Mais revenons à la moyenne : sur la même période (2008 — 2013), l’index santé a crû de 11,3 %. La crise aurait ratiboisé le pouvoir d’achat des indépendants de… 18,8 % ! Enfin, sur la même période, 23 % des commerces ont tout simplement fermé !
Alors, quand on exige d’eux qu’ils ferment boutique ne fut-ce qu’un jour pour être solidaires de salariés qui vont peut-être perdre 1 % cette année (saut d’index moins les corrections fiscales), vous comprendrez que ça leur reste en travers de la gorge. Surtout s’ils emploient du personnel. Voyant leur pécule mensuel en euros fondre d’un petit 8 %, ils ont aussi vu, sur la même période, celui de leurs employés grimper d’un bon 10 %. Et c’est sans compter la rigueur actuelle du fisc qui leur octroie de plus en plus difficilement des délais, pratique des taux usuraires et impose des amendes de retard devenues meurtrières pour les TPE en difficultés, les entraînant quelquefois irrémédiablement vers la faillite. Or, si un entrepreneur failli n’a pas droit au chômage, il n’a pas non plus le droit de reprendre ses clients d’avant la faillite, si ce n’est en les rachetant ! En d’autres termes, c’est la mort économique qui menace les plus productifs d’entre nous, chaque trimestre !
Pour un indépendant qui subit la crise, Raymonde paraît être d’un égoïsme hallucinant !
Pour un indépendant qui subit de plein fouet une crise qui le lamine à sec, l’exigence des syndicats d’une solidarité inconditionnelle avec les salariés grévistes (en lui faisant fermer sa boutique, par exemple) paraît d’un égoïsme hallucinant. En réponse, il se demande ce que les syndicats feront pour lui.
Marc Goblet répète sans cesse qu’il inclut « les petits indépendants » dans « les travailleurs » et qu’il les défend aussi. Mais il n’y a pas une mesure dans son programme qui peut atténuer, même un tout petit peu, leurs angoisses. C’est même le contraire. À l’inverse, les organisations et syndicats patronaux sont restés coincés sur un combat de riches : ils rejettent l’imposition des plus-values et encouragent de ce fait l’imposition sur le revenu du travail. Pourtant, ce ne sont pas les indépendants en difficultés qui pâtiraient d’une telle imposition, mais les rares qui parviennent encore à vendre leur entreprise en faisant une réelle plus-value — ce qui suppose déjà qu’elle soit florissante ! Le transfert fiscal est indispensable aussi entre indépendants. Les plus pauvres paient proportionnellement nettement plus en charges sociales que les plus riches. Je ne lis cette analyse et ses corollaires nulle part !
Nous sommes tous dans le même bain économique.
Là où tous se plantent, c’est qu’aujourd’hui, les intérêts de la petite entreprise et du travailleur sont plus étroitement liés que jamais. Si ce dernier perd 1 % de son revenu, l’entreprise perdra au moins 1 % de son chiffre (et plus si le revenu disponible est bas par rapport au revenu net ; donc plus sur les classes les plus pauvres). C’est aussi simple que ça.
L’économie repose désormais presque exclusivement sur le consommateur (massivement travailleur) et sur les dépenses de l’État qui, elles aussi, sont massivement financées par ce même travailleur. L’exportation, lorsqu’on soustrait les achats, apporte peu au PIB belge. Alors, affirmer que le coût de l’emploi est fondamental pour la compétitivité et qu’il doit baisser drastiquement et se focaliser uniquement là-dessus est bêtement binaire. Bien sûr, il faut le réduire, ne serait-ce que pour gagner quelques parts de marchés ou pour assurer l’avenir du travail en Belgique. Mais la majeure partie de ce coût est fiscale. Et réduire uniquement le coût patronal sans augmenter le revenu-poche du salarié donne un peu d’air aux employeurs sans alimenter la consommation. C’est boiteux. Au minimum, il fallait d’emblée proposer un transfert fiscal. Il fallait d’emblée augmenter la quotité exemptée d’impôt (et non les frais forfaitaires qui créent une inégalité supplémentaire, notamment pour ceux qui déduisent leurs frais réels). Il fallait conditionner un saut d’index à un rattrapage futur.
Au contraire, le gouvernement belge a pris des mesures purement idéologiques qui ne peuvent que précipiter la chute. Moins de consommation, moins de commerce, moins de revenus. Pour tout le monde, sauf pour les plus aisés.
Mais Raymonde révèle autre chose d’encore plus inquiétant. Les crises économiques font fleurir les extrémismes. Même en Allemagne, qui était pratiquement immunisée depuis la guerre, le mouvement PEGIDA (Patriotes Européens contre l’Islamisation de l’Occident) réunit quinze mille personnes à Dresde ! Le langage, c’est de l’ordre de « mangez du porc ou foutez le camp ». C’est dans ces moments-là que l’on devrait s’attendre à ce que les politiques cherchent par tous les moyens à apaiser les tensions. Or, ils font exactement le contraire.
L’entourage du premier ministre en plein bac à sable.
Aujourd’hui, le discours musclé des syndicats, des organisations patronales et des partis politiques font ressembler le débat sociétal à un ring de catch. Les politiciens des deux bords principaux en sont venus à présenter leurs opposants comme le mal absolu. Et les pratiques deviennent délirantes, haineuses, vengeresses, jusqu’au sommet de l’État. Hier, Frédéric Cauderlier, le « porte-parole du premier ministre de Belgique », selon son statut Twitter, alimentait la toile de plaisanteries sur Raymonde. Dans l’entourage immédiat du premier ministre, on ne comprend apparemment plus que cette fonction est censée représenter tous les Belges de façon égale. Cauderlier s’est laissé aller à diffuser des plaisanteries sur une citoyenne en particulier et prend « le peuple de droite » à témoin de ses vannes. Il ne faut pas s’étonner si, dans cette ambiance, certains pensent que foncer sur des grévistes n’est que de l’autodéfense — sans jeu de mots.
Auparavant, le même Cauderlier avait suggéré que le politologue Pascal Delwit prenait ses informations (et ses ordres) au PS. Une accusation grave envers un scientifique, souvent présent dans les médias. Une accusation qui fait écho au slogan des racistes de PEGIDA : la presse nous ment. Pendant ce temps, son homologue néerlandophone bloquait des membres du PS qui avaient eu le malheur d’émettre l’une ou l’autre critique. De mémoire de twittos, je n’avais vu une telle rage que dans le chef de Fadila Laanan, qui avait bloqué plusieurs journalistes. Mais elle n’était pas première ministre.
On crie haro sur Raymonde jusque dans le cabinet du premier ministre, censé représenter et défendre tous les Belges.
Charles Michel ne doit pas s’étonner que, dans ces conditions, une majorité de Belges et une plus grosse majorité encore de Francophones ne se sentent plus représentés par cette clique qui s’isole au point de confondre la prestigieuse fonction de porte-parole d’un premier ministre avec la gaudriole la plus basique et l’incitation à s’en prendre à une citoyenne ou à la gauche en général. Un porte-parole n’aurait pas osé ça avec Michèle Martin. Aujourd’hui, on crie haro sur Raymonde ! La direction gouvernementale s’est apparemment enfermée dans sa forteresse blindée, n’écoute plus qu’elle-même, tourne en boucle comme un logiciel bogué, et ne produit plus que de l’opposition.
C’est donc droite contre gauche et inversement, à fond la caisse. Les réseauteurs sociaux ne se contentent pas de suivre le mouvement, ils l’amplifient. Certains forums sont devenus des bacs à sable infréquentables. C’est à qui lancera le plus de « bobo gauchos » à l’autre et de « Néo-libéro-fachos » en face.
La raison a abandonné le navire. Le cénacle politique n’est plus un lieu de réflexion, mais de rixe, avec le citoyen pour spectateur, qui est prié de trouver sa catharsis quand l’un traite l’autre de collabo (CDH) ou de Pinocchio (PS), de soviétique (N-VA, en substance) ou de lâche (MR).
Les syndicats ne font pas beaucoup mieux, incapables d’analyser la situation en tenant compte des intérêts d’autrui, obsédés, les uns, par le maintien du salaire sans condition, et les autres, par le maintien du tabou sur la taxation des très hauts revenus.
Violence syndicale contre violence sociale.
Raymonde est victime de cette situation plus que coupable de quoi que ce soit. Elle se situe tout en bas de l’échelle de ce que l’on appelle « la violence syndicale ». Ses défenseurs diront vivement qu’en face, il y a la violence sociale. C’est absolument vrai. Il est insensé dans un pays qui se veut civilisé, de constater que nous avons 20 % de pauvres, ou de voir des jeunes dormir dans le froid, à même la rue, par zéro degré dehors. C’est encore plus vrai quand on justifie des LuxLeaks ou des gains d’un milliard non fiscalisés. Que Marc Coucke (Omega Pharma), si fier de sa réussite, aille leur dire en face, à ces gens qui n’ont plus rien, qu’il est normal qu’on ne lui demande aucune solidarité sociale (comme à tous ceux qui perçoivent un revenu du capital). Qu’il aille le lui dire en face, bordel de merde, et pas sur un plateau de télé, pour justifier, juste après, que l’on rabote les salaires de base.
Oui, ça, c’est un bel exemple de violence sociale. Mais à ma connaissance, on ne guérit pas la violence par la violence.
La Le Lepvrier a été violente, dans une certaine mesure. Mais elle n’a pas agi pour son intérêt personnel, au contraire. Elle a agi par conviction. Pour les autres. Pour tout le monde. On ne devient pas secrétaire régionale d’un syndicat si on ne pense qu’à soi. C’est tellement plus simple de rentrer à la maison le soir et de savourer tout ce que les syndicats ont obtenu pour nous tous depuis que la lutte ouvrière existe.
La gréviste a dit la vérité, elle doit être exécutée.
Alors, autant je ne suis pas d’accord avec ce que Raymonde a commis lundi, autant je suis sidéré quand j’entends certains réclamer qu’on la foute à la porte, qu’on la jette, qu’on la goudronne et — tant qu’on y est — qu’on la brûle, la satanique syndicaliste ! Dans les années soixante, Guy Béart aurait peut-être chanté « La gréviste a dit / la vérité / elle doit être / exécutée. »
Pendant ce temps, des automobilistes ont foncé sur des barrages et blessé des grévistes, d’autres syndicalistes ont pillé une aile de l’Université de Liège, menacé une employée de la violer. D’autres encore ont coursé des jeunes N-VA à Gand et des coups se seraient perdus. De la violence, il y en a eu dans les deux camps. Mais Raymonde était loin d’emporter la coupe. Très loin.
Contre les dérives, la raison.
Ce que le cas Raymonde nous montre donc, c’est que la société est en train de dériver. Et nous sommes coresponsables, nous, les gens des médias, parce que nous n’avons pas su calmer les ardeurs des maîtres à penser de la gauche et de la droite qui sont passés en mode agressif, en mode primitif, même. Le refus de discuter du gouvernement est oppressif. Imposer une grève à tous est oppressif.
Pour leur part, les syndicats ont raté une occasion de sortir la tête haute d’une grève nationale. À cause de quelques excès injustifiables. Du coup, au lieu de ratisser large, de tenter de rallier les indépendants à leur combat sans exiger qu’ils ferment (mais en proposant des affiches qui parlent aussi de leurs problèmes), leur attitude dégoûte bien des gens qui sont en fait leurs alliés objectifs, parce qu’ils sont encore plus inquiets pour l’avenir : les indépendants.
Et une telle union serait utile. Par nature, ceux-ci ne se mettent pas volontiers en grève. Déjà, ils sont pour la plupart incapables de militer. Trop fiers de leur indépendance. Trop inquiets de ce que la concurrence pourrait leur faire s’ils fermaient pour un jour.
Les syndicats ouvriers et employés devraient s’intéresser aux TPE parce qu’elles n’ont jamais su s’organiser. Les grandes entreprises leur imposent une pression délirante sur les prix et ils ne réagissent pas.
Indépendant cherche psychanalyste (le comptable ne peut plus rien pour lui).
De tous ces problèmes, et ils sont innombrables, les indépendants ne peuvent parler à personne. Les organisations patronales ne s’intéressent pas des masses aux TPE et quand elles le font, ce sont les indépendants aux gros revenus qui imposent leurs idées ; les autres n’ont franchement pas le temps de s’occuper de ça ! Les syndicats disent aujourd’hui parler pour eux, mais j’observe qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils endurent vraiment. Ils sont d’autant moins capables de concevoir des solutions un tant soit peu crédibles. Charles Michel non plus. Isolés entre un gouvernement aveuglé par le bling-bling et des mouvements ouvriers sourds à leurs appels, les indés n’en sont que plus amers. Il faut que ça s’arrête avant que tout ne dérape !
Et vite ! Parce que les clivages actuels deviennent violents. Ceux qui clouent Raymonde au pilori haussent les épaules quand on leur dit qu’une Porsche a foncé sur des grévistes, qu’il y a eu des blessés. Comme si c’était normal, quand on est « bosseur », de casser du syndicaliste. Et les autres, qui crient à juste titre au crime à propos de ces quatre ou cinq fous du volant, ferment les yeux quand on leur dit qu’une petite dame s’est vue menacer d’un pillage de magasin et de pierres dans sa vitrine si elle osait ouvrir. Ou que des syndicalistes ivres ont saccagé des bureaux sans raison ! C’est camp contre camp, et tout le monde hurle.
Avant que tout ça ne dérape définitivement, salariés, fonctionnaires, indépendants et patrons de bonne volonté — il y en a plus qu’on ne le murmure — devraient commencer par s’écouter. Et affronter le gouvernement ensemble. Car chaque euro en moins dans le circuit est soustrait à tout le monde. Quand les protections des salariés provoquent des faillites qui les entraînent avec eux dans le monde infernal du chômage, si le gouvernement n’est pas capable de réfléchir à des solutions, c’est aux partenaires sociaux de les imaginer, sans tabous et sans manipulation.
Ça vaut la peine d’essayer d’abord de s’entendre entre nous, les forces du travail, non ? Parce que nos gouvernants, et l’Europe austère, n’entendent plus qu’eux-mêmes. La meilleure façon de les réveiller, c’est peut-être de montrer que le monde des industrieux, de la petite main au patron de PME, sait dépasser les clivages que les partis ne cessent d’amplifier, et que les réseaux sociaux rendent insoutenables. Allez, Raymonde : chiche ?
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André Bourlakoff
décembre 18, 16:14Joha de Vivre
décembre 23, 22:00Marcel Sel
décembre 24, 01:41uit 't zuiltje
décembre 30, 16:17Jean louis de coen
décembre 18, 16:19dufourbarbara
décembre 18, 16:40Marcel Sel
décembre 18, 20:23Navatteur
décembre 19, 09:00Andre Brunelle
décembre 21, 21:36beau1thiere
décembre 18, 16:44Dimitri
décembre 18, 21:49Marcel Sel
décembre 18, 22:35sIMdLR
décembre 18, 17:05Marcel Sel
décembre 18, 20:20Juliette
décembre 18, 21:24Pfff
décembre 18, 17:21guypimi
décembre 19, 19:42Pfff
décembre 18, 17:24Pfff
décembre 18, 17:26Pfff
décembre 18, 17:29Marcel Sel
décembre 18, 20:20Pfff
décembre 18, 22:26pmf
décembre 19, 00:36Sciron
décembre 19, 01:28Mélusine
décembre 19, 03:17Pfff
décembre 19, 16:14pmf
décembre 19, 22:27Xavier
décembre 18, 18:06Juliette
décembre 18, 21:30Pfff
décembre 19, 15:42Orban Jean-Louis
décembre 21, 13:07MIESSE P-J
décembre 21, 18:31willy stein
décembre 19, 19:30Xavier
décembre 20, 12:26Capucine
décembre 18, 18:29Juliette
décembre 18, 21:31Hansen
décembre 18, 18:46willy stein
décembre 19, 19:36N Jacobs
décembre 18, 19:11Marcel Sel
décembre 18, 20:16N Jacobs
décembre 18, 22:18Marcel Sel
décembre 18, 22:34thomas
décembre 19, 02:29guypimi
décembre 19, 19:48Rivière
décembre 20, 20:22christian
décembre 19, 19:42Rinus
décembre 18, 19:41pmf
décembre 19, 00:41Ernest M
décembre 19, 12:14willy stein
décembre 19, 19:44Pfff
décembre 21, 06:12Lhermitte Jean-Marie
décembre 19, 22:08Marcel Sel
décembre 20, 00:22pmf
décembre 21, 04:15MUC
décembre 22, 10:22Rivière
décembre 20, 20:24uit 't zuiltje
décembre 22, 22:22diedens
décembre 18, 19:58Marcel Sel
décembre 18, 20:13lamoureuxt
décembre 18, 20:25Pfff
décembre 19, 16:43Rivière
décembre 20, 20:35Rivière
décembre 20, 21:14Hansen
décembre 18, 21:04Marcel Sel
décembre 18, 22:37pmf
décembre 19, 00:46Capucine
décembre 18, 21:09Hansen
décembre 18, 21:24salade
décembre 18, 21:37JM
décembre 19, 00:31salade
décembre 19, 22:23moinsqueparfait'
décembre 18, 21:56Ernest M
décembre 19, 12:22moinsqueparfait'
décembre 19, 13:53SIMON Jean
décembre 18, 22:24pmf
décembre 19, 00:52werynice
décembre 19, 19:29Xavier
décembre 19, 01:29lievenm
décembre 18, 23:30Hellriel
décembre 18, 23:49louis
décembre 18, 23:54uit 't zuiltje
décembre 19, 00:05uit 't zuiltje
décembre 19, 00:10JM
décembre 19, 00:19Marcel Sel
décembre 19, 13:14thomas
décembre 19, 01:33bocodojunior
décembre 19, 16:57pmf
décembre 21, 04:20thomas
décembre 21, 22:57Hansen
décembre 19, 01:39thomas
décembre 19, 02:07Marcel Sel
décembre 19, 13:16thomas
décembre 19, 15:13Pfff
décembre 19, 15:45pmf
décembre 21, 04:22Pfff
décembre 21, 23:49thomas
décembre 19, 22:26Marcel Sel
décembre 20, 00:20Marcel Sel
décembre 20, 00:21thomas
décembre 21, 22:59wallimero
décembre 20, 15:32DUPONT Léopold
décembre 19, 02:49Marcel Sel
décembre 19, 13:25Pfff
décembre 19, 18:28Gaëtan
décembre 19, 07:43Marcel Sel
décembre 19, 13:25Hansen
décembre 19, 08:57Solcom
décembre 19, 08:59Octave Poivre
décembre 19, 09:12Hugues CREPINhcrepin
décembre 19, 10:55Vincent
décembre 19, 10:59serge
décembre 19, 11:26Marcel Sel
décembre 19, 13:28JF
décembre 19, 11:36Pfff
décembre 19, 18:36Lily
décembre 19, 12:03Pfff
décembre 19, 17:15pmf
décembre 19, 22:47Onckelinx
décembre 19, 15:05Pfff
décembre 20, 22:47Lemmi
décembre 19, 15:14miyovo
décembre 19, 15:29galagod
décembre 19, 17:11moinsqueparfait'
décembre 20, 23:25Hervé Bourgeois
décembre 19, 17:30Jonathan Elias
décembre 19, 18:42wallimero
décembre 20, 15:42moinsqueparfait'
décembre 20, 23:32Lachmoneky
décembre 21, 06:50moinsqueparfait'
décembre 22, 00:19uit 't zuiltje
décembre 30, 16:32L'enfoiré
décembre 19, 19:42guypimi
décembre 19, 20:01Arnaud
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décembre 20, 02:121/2KL
décembre 20, 16:41henry
décembre 20, 17:56Capucine
décembre 20, 20:13Rege
décembre 20, 21:48Roland
décembre 20, 22:09Véronique
décembre 20, 23:14salade
décembre 20, 23:21Christophe
décembre 21, 10:35thomas
décembre 21, 23:37Tournaisien
décembre 21, 11:59Libion
décembre 21, 12:50Philippe
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décembre 23, 14:14Anne Godart
décembre 28, 18:45