Le Moustique transmet le mal aryen.
La couverture de Moustique cette semaine est une réponse infâme à une affirmation infâme. La seconde était de Bart De Wever. Selon lui, les débats sur les relations de Jan Jambon avec l’extrême droite et sur les écrits xénophobes de Theo Francken étaient de la « foutaise francophone ». Une déclaration francophobe : tout d’abord, ces inquiétudes, reproches ou cris d’effroi émis à la Chambre étaient partagés par la gauche néerlandophone et les présenter comme « francophone » revenait à faire peser « la faute » sur l’ennemi extérieur traditionnel de la N-VA : le Francophone. L’usage d’un ennemi extérieur est une des caractéristiques, soit du nationalisme identitaire, soit de l’extrême droite.
De plus, l’usage du mot « foutaise » est scandaleux lorsqu’il s’agit de caractériser des critiques qui portaient sur l’un des fondements de la construction de la démocratie européenne d’après-guerre — la collaboration et le nazisme — et sur l’un des prérequis de tout parti démocrate occidental pour pouvoir se déclarer tel (ou « démocratique », comme on dit) — le refus de toute haine xénophobe, du moins dans la dialectique du chef de parti. En prenant le parti de considérer la collaboration et le rejet de la xénophobie comme deux foutaises, Bart De Wever rangeait de facto son parti dans la catégorie des non-démocrates (et j’ai maintes fois crié qu’un parti nationaliste identitaire ne pouvait pas être démocrate), ce qu’on exprime en général dans la presse comme étant « non-démocratique ».
Pourquoi je rejette l’usage même de ce mot démocratique ? Parce qu’il n’a pas de sens, ne correspond à aucune définition universellement acceptée, tout comme ce « liberté », utilisé d’ailleurs par des partis d’extrême droite européens, dont le FPÖ autrichien fondé par Jörg Haider ou encore le PVV de Geert Wilders.
Outre par l’ex-RDA, le mot « Démocratique » est ainsi régulièrement utilisé par l’extrême droite en Europe : du NPD allemand, nouveau parti démocratique, à l’Alliance démocratique croate, en passant par Démocratie nationale en Espagne; les Démocrates suédois (tiens, tiens) ou encore le Parti libéral-démocrate en Russie. Le mot démocratie couvre à peu près tout et n’importe quoi, il est largement galvaudé. Même s’il est aussi largement utilisé par l’extrême droite, comme on le voit ci-dessus, le mot démocrate (ou eurodémocrate, mais c’est plus compliqué) est plus utile à mon avis, pour autant qu’il soit clairement défini.
Je le définis comme correspondant aux requis du Traité de Lisbonne en terme de respects des minorités, des libertés fondamentales, des droits de l’homme et de la femme. Je dois préciser qu’aucun parti n’est totalement démocrate. Mais il y a ceux qui, malgré de sacrés défauts parfois, tentent de respecter et de faire respecter ces pré-requis dans une certaine mesure (le CD&V est un bon exemple : il n’est pas du tout en ordre sur le droit des minorités, mais est capable de signer un accord sur BHV qui ne spolie pas tous les droits électoraux des Francophones de la périphérie). Et puis, il y a ceux qui abusent des droits européens pour défendre la population qu’ils représentent (la « Nation ») et la refusent aux autres. La N-VA est de ceux-là, ce qui n’est guère étonnant, c’est bien un parti nationaliste.
Suite aux interviews de Bart De Wever ce week-end, je l’ai classée parmi les partis d’extrême droite, dans le clan des nationalistes-néoconservateurs, en quelque sorte, des lepénistes à la flamande (au sens Marine, pas au sens Jean-Marie, rappelant que la N-VA n’a pas de « service d’ordre » militarisé, contrairement à l’extrême droite dure représentée en Flandre par le Vlaams Belang et qu’elle propose une lecture gay-friendly de la société, y compris quand ça lui permet de taper sur les petits cons de marocains).
J’ai classé la N-VA à l’extrême droite, c’est un fait. Certains diront que je suis mal placé pour critiquer cette couverture. Je pensais qu’on pouvait discuter en adultes. Qu’on était capables de faire la différence entre l’extrême droite conservatrice (très en vogue dans le Nord de l’Europe) et les néo-nazis (comme Aube Dorée, le Jobbik, Nation, le Voorpost et la NSA). La première est dangereuse parce qu’elle revête les habits de la Salonfähigkeit et qu’elle semble fréquentable à l’électeur. C’est un danger similaire à celui représenté par l’extrême gauche (Trotskistes déguisés en graaaaands démocrates). Mais elle n’a pas pour objectif de totalitariser notre société, mais d’introduire un ordre néoconservateur privilégiant ce qu’elle perçoit comme ses élites.
La seconde catégorie est dangereuse parce que violente et totalitariste, mais ses chances de parvenir au pouvoir dans l’Europe actuelle sont pratiquement nulles. Autant dire que si je classe la N-VA dans le catalogue des nouvelles (extrême-) droite, cela ne signifie pas qu’il s’agit de « nazis », comme la couverture de Moustique le suggère. Cela étant, cette licence-là reste acceptable car ni Jan Jambon, ni Bart De Wever, et encore moins Bob Maes n’ont été en mesure de criminaliser la collaboration et de rejeter rigoureusement et indubitablement le passé nazi du mouvement flamand, dont Bart De Wever a même eu le culot de se décrire comme… l’héritier ! Ces faits entraînent le droit, pour un magazine, de « montrer » ce que la banalisation par les têtes de la N-VA suggère : un SS-N-VA. Pour autant qu’il soit clair qu’on soit dans la satire et qu’on ne dit pas sérieusement que N-VA = SS, parce que dans ce cas, j’aimerais qu’on me présente d’abord les massacres commis par Bart De Wever et ses hordes aryennes. Oups. Il n’y en a pas. Même les taureaux n’ont pas à se plaindre, puisque la N-VA vient de voter contre la tauromachie au Parlement européen !
En revanche, ce qui est inacceptable, c’est d’entrer dans le jeu du Petit Père des Peuples tel que joué par Bart, lorsqu’il répond à une « insulte » francophone en affirmant qu’elle atteint la N-VA, son président, et [donc] tous les Flamands. Quoique radote Bart, seuls 32,5% des Flamands ont voté pour la N-VA. Moins d’un pourcent d’entre eux sont membres de la N-VA. Aux prochaines élections, un ou deux tiers des électeurs pourraient parfaitement changer de camp. Par ailleurs, les Flamands, même lorsqu’ils votent N-VA ou Vlaams Belang, ne font qu’exercer un droit fondamental : voter pour un parti légal. Profiter de la propension de Bart à (faire) croire qu’il représente tous les Flamands pour s’en prendre à tous ceux qui se perçoivent comme flamands, c’est tomber dans son jeu.
Et c’est là que la couverture de Moustique est infâme. Parce qu’à la question « foutaises francophones », elle appose une autre lecture : « ou faute flamande? », le tout, sous le titre « collaboration ». Bien sûr, le lecteur francophone aura tendance à donner spontanément sa propre réponse : « ben, faute flamande, évidemment », les plus mal informés ajoutant « tout le monde sait que les Flamands étaient tous des collabos ». Ben tiens…
En y adjoignant la photo d’un « SS-NVA », le magazine joint l’image choc au surpoids des mots. L’association « collaboration », « faute », « flamande », « SS » et « N-VA » forme un tout qui ne peut que donner l’impression à l’habitant de Flandre qu’on est en train de suggérer, sinon carrément de dire, qu’il est un facho, un nazi invétéré, à la limite, mettons même que ça doit être génétique. Quant à ceux des Francophones qui passent leur temps à plaisanter de façons graveleuse sur la laideur du « flamin », le « racisme » des Flamoutches ou encore à penser que les néerlandophones ont, de naissance, une tendance à avoir des tendinites au bras, cette couverture les comblera d’aise et confortera leurs absurdes convictions qui relèvent du racisme.
J’ai protesté sur Twitter. Le compte Twitter de Moustique m’a répondu qu’il fallait lire le contenu avant de critiquer la couverture. Je ne suis pas d’accord. Le contenu, c’est ce que ceux qui achètent le magazine liront. La couverture, c’est ce que tout le monde voit ! Mettons que la cible atteinte par la page incriminée vaut quelque chose comme 5 fois le lectorat de l’intérieur. C’est bien la couverture qui vend, raison de plus pour être attentif à ce qu’elle ne devienne pas sulfureuse.
La suggestion incontournable de cette couverture est que les Flamands sont nazis. Elle fait l’amalgame et stigmatise 6,5 millions de gens, parmi lesquels on trouve une immense majorité de démocrates. Elle fait totalement l’impasse sur la résistance flamande et à l’inverse, sur la gravité de la collaboration militaire dans toute la Belgique (8.000 en France pour 50.000.000 d’habitants, plus de 2 fois plus en Belgique pour seulement 8.000.000 d’habitants). Elle oublie une grosse centaine de policiers de la région d’Anvers déportés pour avoir refusé de participer, notamment, à la déportation des Juifs. Du reste, la collaboration ne fut ni flamande, ni francophone, elle fut le fait des seuls collaborateurs.
Lorsque Bart De Wever qualifie ces « foutaises » de « francophones », il ne se pose pas en flamand, mais en nationaliste. Les nationalistes ne défendent pas leur « peuple », ils utilisent celui-ci pour mener leur basse besogne. Répondre à un nationalisme par un autre nationalisme (« Bart a humilié les Francophones, humilions les Flamands ») est la réponse la plus stupide qu’on puisse imaginer. Elle revient à utiliser l’idéologie que l’on veut fustiger, pour la battre. Et donc, à entrer dans sa logique. Ce faisant, on ne l’abat pas, on la renforce, et on la propage de l’autre côté de la soi-disant « frontière linguistique ». Je ne doute pas que les articles sont d’une autre nature, plus modérée. Ou plutôt : j’espère vivement que…
Enfin, à ceux qui vont m’accuser d’être peu confraternel (comme si la confraternité consistait à préserver ses confrères de toute critique) : il y a deux semaines, j’ai sévèrement fustigé la couverture de M Belgique sur l’islam. La rédaction m’a autorisé à le faire dans les pages débat du magazine. Alain Raviart m’a répondu. J’espère que Moustique mènera le même débat interne. Ce serait une démonstration de sa capacité à se remettre en question. Nous qui sommes journalistes ou qui faisons du journalisme, nous mettons tant de choses, de faits et de personnes en cause chaque semaine. Le minimum est que nous acceptions aussi de nous remettre en cause nous-mêmes, personnellement ou mutuellement, lorsque nous dépassons les bornes. Sans animosité, mais avec la vigueur, l’ironie ou le sarcasme qui sied à la critique.
Info via @ksavje
Titre sur un idée de @Yves_Grecourt
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nancybaran
octobre 22, 16:41Marcel Sel
octobre 23, 23:36Pfff
octobre 22, 17:11uit't zuiltje
octobre 22, 17:32thomas
octobre 22, 17:45Marcel Sel
octobre 23, 23:35thomas
octobre 23, 23:46Marcel Sel
octobre 23, 23:50uit 't zuiltje
octobre 25, 00:32Shanan Khairi
octobre 25, 17:48Marcel Sel
octobre 25, 22:00Pfff
octobre 25, 23:27MUC
octobre 27, 10:23thomas
octobre 22, 18:04Hansen
octobre 22, 18:39Hansen
octobre 22, 18:49GeBonet
octobre 22, 19:08wallimero
octobre 22, 22:21uit't zuiltje
novembre 04, 13:01Alain
octobre 23, 09:42Marcel Sel
octobre 23, 23:21Alain
octobre 23, 23:32Tournaisien
octobre 23, 18:52Marcel Sel
octobre 23, 23:11keymeulen
octobre 24, 15:10Marcel Sel
octobre 24, 18:16uit 't zuiltje
octobre 25, 00:42uit 't zuiltje
octobre 25, 00:48Bernard (Rouen)
octobre 28, 20:33Marcel Sel
octobre 29, 17:00Bernard (Rouen)
octobre 29, 20:42Marcel Sel
octobre 30, 12:27Pfff
octobre 30, 13:41Pfff
octobre 30, 13:43Pfff
octobre 30, 13:44Willy
octobre 30, 16:09MUC
octobre 29, 19:39uit 't zuiltje
octobre 30, 23:07uit 't zuiltje
novembre 02, 16:54uit 't zuiltje
octobre 30, 00:26Pfff
octobre 30, 08:54schoonaarde
octobre 30, 20:08Marcel Sel
octobre 31, 18:32schoonaarde
octobre 31, 20:22schoonaarde
novembre 01, 10:57Pfff
novembre 04, 16:39Pfff
novembre 05, 13:32Willy
octobre 30, 16:57Marcel Sel
octobre 31, 18:44Pfff
octobre 31, 21:12willy
novembre 04, 18:00uit 't zuiltje
novembre 01, 20:05willy
novembre 05, 14:48