Joëlle Milquet a-t-elle abusé de sa position ?
Selon plusieurs sources, la vice-première Ministre Joëlle Milquet se serait mêlée de façon abusive de l’affaire de la soirée libertine qui a valu à six élèves d’être exclus du Collège Saint-Michel. En soi, cette soirée ne nous intéresse pas : ce que des mineurs font ensemble de façon consentie ne peut regarder qu’eux, leurs parents et la direction du collège. Là où l’affaire prend corps — si j’ose dire —, c’est quand une ministre est soupçonnée d’avoir violé le principe de séparation des pouvoirs, et d’avoir infligé une forme particulièrement abjecte et hypocrite de torture psychologique à une mineure.
Selon Het Laatste Nieuws, «[la ministre] aurait donné une interview anonyme dans laquelle elle aurait exprimé de lourdes critiques à propos de la fille [qui a participé à la soirée libertine]», évoquant une «nymphomane» et une «dérangée» et laissant entendre que sa tenue légère montrait des intentions lubriques (c’est bien connu, si une jeune fille est en nuisette, c’est qu’elle a déjà dit oui d’avance… qu’en pensent les féministes ?) Si la ministre de l’Intérieur a réellement tenu de tels propos, l’affaire serait trop grave pour qu’on la laisse à la seule obscénité et au besoin de publicité d’un député populiste.
D’abord, parce que la ministre se serait alors sciemment attaquée à une mineure d’âge au travers d’un journaliste qui aurait recueilli et diffusé des propos abjects. Aujourd’hui, dans l’école, tout le monde sait évidemment qui est «la fille» en question. Les insultes (nymphomane, dérangée) publiées n’auront pas échappé à ses ami-e-s, à sa famille. Il est odieux d’imposer à une adolescente une telle torture. Il est même insensé de présenter une expérience dans l’univers complexe du plaisir et de la sexualité adolescente comme l’acte d’une «dérangée». La protection des mineurs ne peut se limiter à la mention de leur nom. Le journal qui a diffusé ces phrases a sciemment violé l’intimité et porté atteinte à l’honneur de cette jeune personne. Le Conseil de Déontologie journalistique me semble devoir intervenir. Et si une ministre est à l’origine de cet acte diffamatoire, cette atteinte à l’honneur et ce harcèlement envers une mineure, elle doit s’en expliquer et tirer les conclusions logiques d’un tel abus, soit démissionner.
Car Joëlle Milquet aurait alors abusé de son influence pour (faire) juger publiquement une jeune fille qui n’a enfreint aucune loi. Vu son âge, en tant que ministre de l’Intérieur, il fallait au contraire la protéger, la rassurer, et en aucun cas la juger. Du reste, il était inadmissible de faire porter le chapeau à un-e seul-e des protagonistes sous prétexte qu’elle était du sexe faible. Mais y-a-t-il même un chapeau à porter ? Dans une société où le cinéma a fait la part belle aux femmes qui se partagent, de Jules et Jim à Douche froide en passant par Vicky Cristina Barcelona, où le porno et ses «gangbangs» (visiblement, une presse prompte à l’accusation est néanmoins très au courant des termes à la mode dans le milieu du film cochon) est accessible à tout jeune un tant soit peu curieux-e ou débrouillard-e, comment peut-on tolérer qu’un-e adulte reproche publiquement à une ado d’avoir «expérimenté» des pratiques jetées à la face des jeunes par écran interposé, par des adultes soi-disant responsables ?
Troisième question brûlante : si Joëlle Milquet a bien tenu de tels propos, elle qui a voulu une loi contre le sexisme, son engagement féministe (mot que j’ai bien envie de mettre entre guillemets ici) serait-il encore crédible ? Pourrions-nous même accepter un tel mépris de la dignité des femmes de la part d’une vice-première ministre ? Notre société en serait-elle encore à qualifier de Don Juan, de playboy ou de sacré gaillard un adolescent qui serait parvenu à glisser cinq filles sous sa couette, quand une fille qui ferait de même serait une nympho chtarbée ? De l’utilité d’un ministère des droits de la femme : cette semaine, ils ont été réduits à une pistil de pissenlit. Peut-être même par une femme !
La quatrième question touche aux fonctions même de Joëlle Milquet. D’après le journaliste juridique du Laatste Nieuws, si l’ex-présidente du Centre Démocrate Humaniste (sic) a bien tenu ces propos, et que l’affaire a des suites judiciaires, «l’interview donnée par la ministre peut être considérée comme une tentative d’influer sur le cours de la justice et constituerait une infraction à la séparation des pouvoirs.» Pour rappel, Joëlle Milquet est ministre de l’Intérieur, responsable de la police, proche, dans la pratique, du pouvoir judiciaire.
Il y a enfin la cinquième question qui porte sur la presse, le quatrième pouvoir, censé subvertir et surveiller les trois autres : la ministre aurait fait pression sur certains journalistes pour que son nom ne soit pas cité. Ce ne serait pas la première fois qu’un-e ministre tente d’empêcher la diffusion de quelque chose, très loin de là. Presque chaque info un tant soit peu détonnante que les médias «sortent» a fait l’objet de pressions. Mais dans ce cas-ci, les rédacteurs en chef pensaient être pieds et poings liés par la loi sur la protection des mineurs. Ils n’ont pas eu peur, ils n’ont été empêchés par personne et ils n’ont pas voulu soustraire les faits à l’opinion publique. Toutes mes conversations d’hier et d’aujourd’hui avec des journalistes allaient dans le même sens : ils ne voyaient pas comment passer outre une loi qui les clouaient au sol et c’est tout à leur honneur. La solution n’était pas immédiate : il fallait n’évoquer que les reproches portant sur la ministre elle-même et faire abstraction du reste.
Mais plus important peut-être : nous ne pouvons en aucun cas laisser un député abonné à l’abjection brandir une pseudo-omerta, confisquant ainsi le débat public à son propre avantage et à celui de ses théories de complot. La question n’est pas de savoir si on peut parler de l’affaire, mais comment faire pour en parler légalement. Peu importent les raisons pour lesquelles Joëlle Milquet aurait éventuellement abusé de son pouvoir. Seuls comptent les abus dont elle se serait, ou non, rendue coupable. À la ministre de se défendre et de nous rassurer. Aux journalistes de poser les questions qui fâchent. Le principe étant qu’on ne peut impunément briser la vie, l’honneur et la réputation d’une innocente. Il y a probablement une leçon à tirer de ceci : si l’on ne cherche pas rapidement une façon légale de présenter une info qui nous brûle les doigts, ou si nous hésitons, les complottistes s’en emparent, l’utilisent au bénéfice de leurs théories fumeuses et la diffusent à la vitesse grand v sur les médias. Il vaut alors mieux prendre le risque de mettre une ministre sur la sellette injustement (elle est majeure vaccinée et en état de défendre son point de vue) que de laisser la démocratie à l’abandon. Les loups, les rapaces et les hyènes n’attendent que ça pour lui faire son affaire.
Joëlle Milquet doit, comme tout-e ministre sur lequel (laquelle) pèse des soupçons graves, être confrontée aux questions que se posent un nombre croissant de citoyen — à en juger par les remous sur les réseaux. Le cas échéant, cela lui permettra de réfuter les accusations portées contre elle par diverses sources (dont Het Laatste Nieuws, Brusselnieuws, Clint.be, VTM, Sud Presse).
À deux semaines des élections, l’électeur est en droit de savoir à qui il a affaire avant de se rendre aux urnes.
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Philippe
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mai 09, 14:50Milquetgate : vendetta contre une jeune fille, avec SudPresse pour dragon. « UN BLOG DE SEL
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août 30, 19:44Schtroumpfs à lunettes, l’air de « rien … Les fourmis de feux, avec SnowZillA | «Là, Guenon unique
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