Énergie. L’Europe va plonger. Et si c’était ça, la stratégie de Poutine ?
Les prix de l’énergie ont pris des proportions dantesques. Complètement dépassés par une société narcissique et wokisante, les médias distillent timidement les avertissements de quelques-uns (Damien Ernst, Bruno Colmant…) Pourtant, nous sommes dans un TGV lancé à toute berzingue contre une montagne de granit, et à un train d’enfer, on glose pour savoir s’il ne faut pas étourdir les crabes avant ébouillantage. Ou si un homme peut avoir un utérus.
Pourtant, on sait. En 2021, le prix du gaz pour livraison l’année suivante était de 20€/MwH. Il est aujourd’hui de 240€. La cause principale de cette inflation délirante : la guerre en Ukraine.
Si le gaz influe sur une partie sensible des coûts de l’électricité, la pénurie en vue (du fait de la fermeture d’un moitié du parc nucléaire français — en partie due à des problèmes de corrosion, en partie à des maintenances reportées à cause du Covid) donne à la crise des allures d’Allemagne en 1921. L’hyperinflation dans la république de Weimar a pile cent ans.
La fée électricité est devenue caviardesque. Les contrats d’achats de gros pour 2023 (CAL-23) se négociaient à 62 € le Mwh en juillet 2021. Le 12 août 2022, ils étaient à 617€. Cette semaine, ils dépassent les 800 €/Mwh. Le prix des contrats court terme pour octobre de cette année ont, eux, dépassé les 1500 € par Mwh.
Nuançons tant qu’on peut : les fournisseurs d’électricité achètent des contrats à long, moyen et court terme, et aussi au jour le jour. Ainsi, en 2023, vous consommerez de l’électricité qui aura été achetée à long terme (soit à 60 € par exemple) mais aussi à très court terme (soit à 1500 €, par exemple). Tout ne va pas être multiplié par un facteur 10, 20 ou même 30. Mais Damien Ernst prévoit tout de même un budget de 10.000 € par ménage belge pour la seule énergie. Il est temps d’en prendre la mesure.
Les conséquences dépassent de loin notre portefeuille ménager. L’énergie chère affecte absolument tous les aspects de l’économie. Parce que l’énergie, c’est l’économie. Lorsqu’elle est inabordable, on la remplace par l’huile de bras humaine. Pour construire des pyramides, ou puiser le caoutchouc. C’est là que l’esclavage devient une valeur économique. Lorsque l’énergie est abondante et bon marché, ça donne les 30 glorieuses. Où papy a troqué sa bicyclette pour une auto, sa radio pour une télé, et a même pu aller voir la mer. Lorsqu’elle devient très chère et/ou très rare, il n’est même plus question de décroissance, mais bien d’effondrement.
Des industries arrêtent déjà leur production en Europe parce que le prix de l’énergie additionné au coût du personnel industriel ne permet plus d’espérer le moindre bénéfice, mais plutôt des pertes colossales. Une usine à l’arrêt coûte beaucoup moins cher. Une délocalisation devient parfois la seule issue. Des industries à l’arrêt, c’est une hausse du taux de chômage. Si ça se généralise, c’est une descente abyssale aux enfers pour l’ensemble de la société. Ceux qui se réjouissent d’une telle situation en croyant qu’elle permettra de réduire les gaz à effets de serre, sont ceux qui, demain, hurleront au bain de sang social. Parce qu’il n’y a pas d’emploi sans entreprise.
Les plus pauvres seraient protégés, nous dit le gouvernement. Et même, en Belgique, un cinquième de la population aura des tarifs sociaux, strictement plafonnés. C’est évidemment indispensable. Mais ceux-ci seront payés par les quatre cinquièmes de la population, déjà soumis à des tarifs qui réduisent drastiquement leurs revenus. Quand un ménage paye son énergie aussi cher que son loyer, il reste peu de place pour le superflu. Pour un ménage moyen belge, où deux personnes gagnent 1900/mois environ, il n’en reste même plus du tout : l’un des deux devra consacrer la moitié de son salaire à payer ses factures d’énergie. Il va falloir réduire la voilure. Toute la voilure. Et pour les revenus moyens (1.900 euros par mois, donc, hein. Pas 6.000 !), découvrir le vrai sens du mot « austérité ».
Plus de vacances, plus de restaus, plus de loisirs, alors qu’on est à peine sortis de la crise du COVID. Il n’est pas difficile d’imaginer ce que cette rigueur indivisuelle donnera économiquement : des faillites en pagaille, en plus des autres. Encore moins d’emploi. Un État hyper-surendetté.
Ceux qui, à gauche, font la sourde oreille aujourd’hui hurleront vainement demain : « c’est la faute au capitalisme » (ou aux « riches », ou à la mondialisation, ou quoi ou qu’est-ce). Ils seront aussi coupables d’imprévoyance que leurs voisins de droite qui brandissent des solutions qu’ils ont eux-mêmes oblitérées il y a belle lurette, comme la relance du nucléaire.
L’énergie plus chère, c’est aussi tout plus cher. Fruits, légumes, viande, eau, vin, vacances, déplacements, vêtements. Inflation. Peut-être galopante. Et chute des achats.
Devant un tel tableau, que les médias semblent oublier de mettre à la une, que des partis de gauche radicale semblent presque espérer dans l’intérêt du climat, et que les autres gardent le plus longtemps possible sous leur pile d’autres problèmes urgents, comme l’interdiction des bocaux pour poissons rouges ou la taille du piétonnier bruxellois, quand ils ne se targuent pas d’avoir une solution nucléaire qu’ils n’ont plus, il ne faut pas beaucoup de pessimisme pour imaginer une véritable descente aux enfers à côté de laquelle la crise de 2008 en Europe du Nord aurait des airs de ballade à vélo électrique dans la forêt de Brocéliande.
Et c’est là que je me pose la question de la stratégie russe. Quand il a envahi l’Ukraine, Vladimir Poutine savait forcément qu’il allait provoquer des sanctions de ouf à l’égard de la Russie. Et notamment sur ses livraisons de gaz. Il savait que ça signifierait que l’énergie ferait la triplette, la quintuplette ou la décuplette en Europe, et que la crise économique qui s’ensuivrait serait colossale. Que la Chine ou l’Inde seraient plus tolérantes et continueraient à lui offrir des ressources. Qu’il vendrait beaucoup moins de gaz et de pétrole, mais aussi beaucoup, beaucoup plus cher.
Et là, je lance un pavé polémique. On se gausse sur les plateaux télé que la Russie va s’effondrer économiquement. Que l’Europe tiendra. Que c’est juste une question de temps. Et si l’idée de Vlad était plutôt de faire s’effondrer l’Europe de l’Ouest ? Plongeant avec elle jusqu’au plancher de la piscine. Certes, la Russie aura plongé aussi, mais au final, en comparaison à l’Europe écroulée, elle n’en serait pas moins redevenue un empire.
Tous les grands empires ne se sont-ils pas construits après l’effondrement d’un autre ?
Mais peut-être que je me trompe.
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16 Comments
Gino P.
août 27, 10:40Evgeni
août 27, 11:36marcel
août 27, 16:45janssen
août 27, 11:59Bison, la colle super-puissante
août 27, 14:22marcel
août 27, 16:40Philippe Conrardy
août 27, 16:04Delroeux
août 28, 09:24marcel
août 28, 09:56lievenm
août 29, 09:54marcel
août 29, 14:12gerdami (96) (@gerdami)
août 31, 13:47Eridan
septembre 09, 10:50Bernard Leduc
novembre 03, 10:10Lison
décembre 04, 10:26Lison
décembre 04, 19:54