Le Pouvoir du Victimisme. Épisode 3 : harceler n’est pas jouer.
Myriam Leroy a demandé un droit de réponse à cet article, à lire ici en version fact-checkée et ici en version complète sans intercalation.
Florence Hainaut a demandé un droit de réponse à cet article, à lire ici.
Suite à ces droits de réponse, qui rendent en fait (eh oui) la version que je développe ci-dessous encore plus crédible, j’ai publié un article 3bis et j’ai légèrement édité quelques passages ci-dessous, en italique gras
Temps de lecture : 20 minutes Suite de l’épisode précédent
Le 26 avril 2018, un article paraît dans les journaux de SudPresse sous le titre « Florence Hainaut et Myriam Leroy en justice ». Sous-titre : « Elles se disent victimes de harcèlement. Un homme a été auditionné ». L’article relate la perquisition et les « heures d’interrogatoire » qu’a subies un « blogueur » accusé de harcèlement par Florence Hainaut et Myriam Leroy.
Celles-ci s’insurgent sur Twitter contre le papier qui, selon elles, serait trop favorable au prévenu. Mais il est factuel et donne bien les deux points de vue. D’ailleurs, le CDJ ne sera jamais saisi. Seulement voilà, la journaliste — qu’on appellera Charlotte Dupont — ne semble pas croire Myriam et Florence sur parole, et ça, c’est intolérable.
Le jeu des neuf erreurs Quelques heures plus tard, les deux plaignantes publient sur Twitter un relevé sarcastique des « neuf erreurs » de la journaliste de SudPresse. La première erreur : le prévenu a requis l’anonymat, alors que Myriam et Florence sont citées dans l’article. C’est pourtant normal, puisqu’il est accusé d’un délit correctionnel. S’il laissait publier son nom, il risquerait son job et l’opprobre public alors que rien ne démontre à ce moment-là qu’il soit coupable — on n’en est qu’à l’enquête. Myriam et Florence, en revanche, ne risquent rien. Ce sont, de surcroît, des personnages publics.
La seconde erreur : elles lui reprochent de nier qu’il ait envoyé des messages anonymes. Je ne le sais pas à ce moment-là, mais l’enquête démontrera qu’il dit vrai.
Elles protestent aussi contre le fait que, selon l’article, elles ont porté plainte « se sentant attaquées » et qu’elles « se disent victimes de cyberharcèlement ». Il eût fallu écrire qu’elles étaient attaquées et qu’elles étaient victimes. Autrement dit, elles auraient voulu que Charlotte Dupont laisse tomber la présomption d’innocence.
Erreurs ?
Les tweets scandalisés de Myriam et Florence sont néanmoins partagés par l’Association des Journalistes professionnels (AJP). Et pour cause : elle les soutient et a même mis son service juridique à leur service.
Assez rapidement, un twittos largue le nom de la journaliste — c’est un des témoins dans l’affaire judiciaire. Myriam Leroy la tague elle-même. Les critiques fusent. « Le niveau de ce torchon est quand même hallucinant ». « Je vais chercher mes clous pour la batte ». « Fouille merde ». « Charlotte Dupont dont le prénom est associé à… une patate. » « Le secret professionnel et la déontologie n’existent plus […] quelle honte ! » « Cela repousse toutes les limites de l’horreur. » « Tout dans cet article donne envie de gerber… et puis de tout casser ! »
I’m the one ! Détail au passage : Florence Hainaut a si bien dressé mon portrait en harceleur (voir épisode précédent) que plusieurs twittos pensent que je suis le harceleur dont parle l’article. Un policier bien connu sur les réseaux tweete : « Il y a un moment où il faut mettre le holà judiciaire, sa notoriété ne doit pas protéger ce harSeleur ! » Un autre twittos : « Par contre le blogueur en question à vraiment 30 piges ? […] Ou alors c’est pas du tout du sieur Sel qu’on parle ? » Ce à quoi Myriam Leroy répond : « Hahahaha. Non, on ne parle pas du tout de Marcel ». Ouf.
Intrigué par cette violence twittoridienne, d’abord pour un article qui me semblait relativement neutre — même si je comprends l’émoi des plaignantes — ensuite, par la plainte elle-même, je décide d’explorer l’affaire, juste pour voir.
J’apprends rapidement que l’accusé — que la journaliste a prénommé « Pascal » — on l’appellera Pascal Lebrun (on l’a déjà vu passer dans l’épisode précédent) —, tenait un blog musical et satirique de 2012 à 2014. Provocation, méchanceté, sexisme, et un positionnement très à droite. Le blogueur se revendiquait sarkoziste. Il était quelquefois largement borderline, comme quand il expliquait que Dieudonné était un humoriste juste trop provoc envers les Juifs, mais pas antisémite pour autant — opinion encore assez répandue à l’époque, et pas qu’à droite. N’empêche, ça piquait les yeux.
Selon Pascal Lebrun, qui se réclame de Charlie Hebdo et d’Hara Kiri, il s’était volontairement donné une image plus radicale qu’il n’est en réalité. Rock’n’roll et provoc vont de pair, en gros.
De 2012 à 2014, Pascal a raillé, parfois étrillé, Myriam Leroy — personnage public, pour rappel — sur son blog, à huit reprises, et publié ou partagé ensuite quelques messages Facebook (en privé) ou Twitter, dont trois sont incontestablement sexistes. Elle-même a toutefois rendu les coups à plusieurs reprises (on le verra dans l’épisode suivant), y compris en public.
En décembre 2016, persuadée à tort qu’il est l’auteur de plusieurs messages dénigrants anonymes et sexistes qui lui ont été adressés pendant l’année, Myriam dépose plainte. Sans succès. Ce n’est en fait qu’un an plus tard qu’une troisième plainte entraîne enfin une enquête pour plusieurs charges, dont le harcèlement moral.
Ce qui aurait décidé le procureur à agir plus fermement, c’est l’apparition d’une deuxième plaignante : Florence Hainaut.
Florence vs Florance Celle-ci est persuadée que le même Pascal Lebrun a créé un compte Twitter qui la parodie. L’identifiant de son compte officiel est @floheyno. Celui du compte parodique est @floheynow, et son nom, « Florance Hainaut » avec un a peu élégant. La description est clairement humoristique : « Bobo ixello-st-gilloise, j’aime le vin nature hors de prix, les restos étoilés et sermonner la toile avec mes certitudes. Compte parodique et irrévérencieux. »
Il reste très peu de traces de ce compte sur la toile. Il a eu si peu de succès que je ne l’ai même pas vu passer. Un internaute m’explique que « ce n’était pas bien méchant ». Selon un autre, sa saillie la plus « violente » aurait été une photo de Florence assise sur un pouf à côté de Safia Kessas, avec en commentaire quelque chose du genre : « Safia Kessas et deux poufs. » Mais le compte était généralement plus modéré, juste critique. Ainsi, le 5 février 2017, @floheynow partage une chronique gastronomique de Florence dans So Soir, sur le restaurant de Maxime Colin. Elle se conclut par : « C’est cher ? 200 € tout rond, pour une maison qui assure une très belle gastronomie contemporaine avec de très belles envolées (ah, ce pigeon), c’est finalement raisonnable. » Heureusement pour nos maigres portefeuilles, la chronique de Florence s’appelle « C’est moi qui t’invite ».
Le compte parodique @floheynow critique le papier : « “200 €, c’est finalement raisonnable”. Sérieusement, vous vous adressez à qui ? »
Munie d’une panoplie de copies d’écran censées convaincre du harcèlement dont elle fait l’objet, Florence Hainaut porte donc plainte à son tour contre X en précisant que ses soupçons portent sur Pascal Lebrun (et lui seul) et, grâce notamment au soutien du service juridique de l’Association des Journalistes professionnels, l’affaire prend une direction judiciaire. Deux journalistes se plaignant de cyberharcèlement du chef de la même personne, avec un syndicat derrière, voilà quelque chose qu’un procureur prend au sérieux !
Lebrun est perquisitionné à 6 h 50, le 13 mars 2018, en présence de sa femme. Son ordinateur est emporté pour analyse. Il sera interrogé au commissariat le mois suivant, sur les deux affaires, pendant « plusieurs heures », dit-il. Il affirme n’être pour rien dans le compte satirique qui vise Florence Hainaut. Selon les PV d’audition, il a le lui aurait même dit en message privé.
Charlotte Dupont découvre l’affaire, enquête, recoupe, et publie.
L’IP habitait au 21 Au moment où, via l’article de Sudpresse, je découvre l’affaire, je n’ai aucun a priori. Je suis prêt à croire la version de Myriam et Florence. Je sais toutefois que Florence a déjà accusé au moins cinq twittos de harcèlement, parfois pour un ou deux tweets. Il faut donc qu’on me présente quelque chose de solide.
Je me demande aussi pourquoi Twitter s’affole pour un papier qui n’a pas l’air si tendancieux, et surtout, pourquoi ce monsieur sur qui l’enquête vient à peine de débuter semble déjà condamné, non pas seulement par les deux journalistes, mais aussi par l’AJP, un responsable policier, des membres d’Ecolo et les amis de Florence et de Myriam.
J’obtiens quelques documents et, tout de suite, un truc m’interpelle : pour convaincre la police que Pascal Lebrun était bien à l’origine du faux compte @floheyno, cette dernière a affirmé détenir la preuve que l’IP avec laquelle Pascal Lebrun se connectait à son compte officiel Facebook et Twitter était la même que celle avec laquelle « on » s’était connecté à ce compte Twitter parodique.
L’IP est l’adresse unique de votre ordinateur à un moment donné. Elle change régulièrement si vous n’avez pas une IP fixe (rare). Les numéros IP brandis par Florence démontraient donc que c’était bien Pascal qui alimentait le compte @floheynow.
Mais là, je tombe de ma chaise (je ne vous dis pas le bleu à la fesse droite) : comment Florence Hainaut a-t-elle pu obtenir une telle information ?
Les Expertes Saint-Gilles Je consulte des spécialistes. Il y a deux moyens de le faire. Le premier est légal tant qu’on n’utilise pas les informations obtenues, mais il est hasardeux et tarabiscoté : il s’agit d’envoyer un lien web en message privé à la cible de ses investigations. Le lien doit mener vers une page web dont on a la maîtrise. Au moment où la personne qui reçoit le lien clique dessus et se rend donc sur la page, le numéro IP apparaît dans les rapports de connexion de la page web qu’on a créée. À ce moment-là, on a donc son adresse IP. Mais on ne peut pas en faire grand-chose.
Là où ça devient utile, c’est pour comparer deux ou trois adresses IP. Ça permet de savoir si la personne qui gère telle page (par exemple, la page Facebook de Pascal Lebrun) est aussi celle qui se cache derrière telle autre (par exemple, le compte Twitter parodique @floheynow).
Et c’est là que ça se complique : d’abord, il faut faire la même opération au même moment sur Twitter et Facebook, puisque les adresses IP changent régulièrement. Il faut donc envoyer un message privé aux deux comptes (et ici, il y en a trois) avec un lien dedans. Il faut aussi que la personne visée clique effectivement sur les deux (ou trois) liens reçus en message privé, et de préférence simultanément, avant que son adresse IP ne change.
Pour s’assurer que les trois adresses (deux comptes Twitter, dont @floheynow et un compte Facebook) appartenaient bien à Pascal Lebrun, Florence (ou un-e comparse) aurait donc dû envoyer trois liens : un premier en message privé Facebook et deux en messages privés Twitter. Et Pascal aurait dû cliquer sur les trois liens assez rapidement. Mais il eût aussi fallu qu’il fût le seul à le faire ! Parce que toute autre personne accédant à la page web en question (soi-même par exemple) laisserait aussi son numéro IP dans les logs. Hasardeux, tarabiscoté, incertain.
Hacker n’est pas jouer L’autre moyen est le hacking pur et simple. Il faut alors soit entrer dans l’ordinateur de Pascal Lebrun (et donc, être capable de le repérer), soit — le plus efficace —, hacker à la fois les serveurs de Twitter et de Facebook. Dans ces deux cas, on commet une infraction punissable d’une peine d’emprisonnement de trois mois à un an, pouvant monter à deux ans en cas d’intention frauduleuse.
Autrement dit, au moment où Florence Hainaut porte plainte, on peut la suspecter d’avoir commis une infraction grave, ou du moins, d’être en position de recel d’informations obtenues frauduleusement. Il est donc étonnant qu’un officier de police judiciaire demande à Pascal Lebrun lors de son audition : « Florence Hainaut a déclaré qu’elle a pu constater que les comptes Twitter et Facebook de “Pascal Lebrun” et le compte Twitter “@floheynow” ont eu la même IP adresse (le 11.02.2017). Avez-vous une explication ? »
La date a son importance. Le compte @floheynow a été créé le 7 février 2017. Soit seulement quatre jours avant que Florence Hainaut ne « repère » (ou ne croit repérer) son adresse IP. Étonnante réactivité contre un compte qui, au 7 mai 2017, n’avait toujours que… 40 abonnés ! Mais passons.
Intrigué par cette histoire, je décide de contacter le service juridique de l’AJP (Association des Journalistes Professionnels) qui soutient officiellement les deux harcelées présumées, au minimum par ses conseils, et a donc dû voir que des IP obtenues bizarrement étaient à la base de la plainte.
Florence Hainaut a expliqué, dans son droit de réponse, qu’elle avait dit à la police comment elle avait obtenu les adresses IP. En proposant de demander à… Pascal Lebrun ce que la police lui avait expliqué (selon ce dernier, elle aurait utilisé la technique de l’envoi de documents cliquables).
Une pression bien fraîche siouplait Pensant que c’est cette affirmation qui a finalement entraîné la perquisition — qui n’a rien d’un acte banal surtout quand sa famille la subit aussi — j’entends savoir si l’Association des Journalistes professionnels avait des informations sur la méthode utilisée pour obtenir les numéros IP. Et là, on me sert une drôle de rengaine. D’abord, la personne me pose des questions étranges dès que j’explique que j’appelle pour l’affaire Hainaut/Leroy (en substance et de mémoire 🙂
— M’appelez-vous pour un article ou pour une interview ? — Écoutez, je ne sais pas encore. — Ah mais vous devez me dire, sinon je ne vous réponds pas. — J’appelle pour des informations. Je ne sais même pas si je vais publier quelque chose ! — Ce ne sont pas des méthodes… — Ah bon ? Un journaliste ne peut plus explorer un sujet avant de décider s’il y a matière à publier ? — Je ne réponds à rien tant que vous ne me dites pas si c’est pour un article ou si c’est pour une interview. — Bon, ben disons que c’est pour un article. — D’accord.
Je pose alors la question de l’IP et la réponse qui m’est servie est que c’est un dossier pénal en cours et qu’on ne peut rien me dire. Je raccroche ébahi. À quoi servait la question « article ou interview » si la personne n’allait de toute façon rien me répondre ?
Quelques heures plus tard, alors que je m’apprête à prendre ma douche et que je zigzague dans mon peignoir troué entre la cuisine et le living, une personnalité bien plantée à droite m’appelle. Son but : me décourager de publier un article sur Florence Hainaut, qu’il aime bien, me dit-il ! Or, personne ne sait encore que je me renseigne sur l’affaire, sauf… le service juridique de l’AJP !
J’imagine le parcours de l’info : l’AJP a rapidement averti Florence Hainaut que je m’intéressais au sujet, et celle-ci a alerté une ou plusieurs personnes pour s’en plaindre. Renseignements pris, Florence s’est effectivement plainte de son mal-être, insinuant que j’en étais la cause, qu’un article sur elle la détruirait, et le téléphone arabe a fait le reste : une personnalité libérale en a appelé une autre, qui me connaît un peu, qui m’a appelé à son tour pour me demander de ne pas publier d’article.
Je m’étonne, un peu énervé, de faire l’objet d’une telle pression. Je me demande si elle n’est pas le signe que l’affaire mérite plus ample examen. Mais j’ai d’autres préoccupations, et je rassure finalement la personne qui m’a contactée : je ne considère pas (encore) que Florence soit un sujet, sinon à lui rappeler épisodiquement sur les réseaux sociaux qu’une personne publique doit accepter la critique.
Finalement, l’IP n’habitait pas au 21 Pendant ce temps, la Computer Crime Unit est déjà à l’œuvre. L’examen de l’ordinateur de Pascal Lebrun fait chou blanc. Hormis un texte satirique sur Myriam Leroy (qui reste donc du domaine privé), et une copie d’écran d’une attaque de Leroy envers Lebrun sur Facebook en 2013, il n’y a rien. Aucune trace du compte satirique @floheynow. Et aucune IP ne correspond.
Et en mai 2019, une nouvelle incroyable me parvient. Le blogueur est blanchi de tout ce dont Florence Hainaut l’accuse. Pour une raison assez remarquable : la seule IP exploitable avec laquelle quelqu’un s’est connecté au compte satirique @floheynow mène à… l’adresse IP de la société de Myriam Leroy !
En clair, cela signifie que la personne qui aurait « harcelé » Florence Hainaut est soit Myriam Leroy, soit a accès à son ordinateur professionnel. Et ceci prouve, pour les condés, que Florence Hainaut n’a pas été harcelée par Pascal Lebrun (pour peu que le compte @Floheynow ait jamais eu un contenu harcelant).
Pour se défendre de cette incroyable révélation, Myriam Leroy affirme alors que le blogueur en question a « piraté » son ordinateur pour envoyer les tweets satiriques de @floheynow via son IP à elle. Elle rappelle d’ailleurs, via son avocate, que son harceleur présumé travaille dans un service informatique bancaire, sous-entendant qu’il serait capable de pirater son modem pour envoyer les tweets du compte @floheynow par ce biais. Sauf que le poste qu’occupe Pascal Lebrun ne requiert pas de telles compétences, qu’il n’a d’ailleurs pas. Toute la presse gobe néanmoins la version de Myriam et personne ne va chercher plus loin. Pascal Lebrun est coupable. Point.
Le Vif écrit même : « L’enquête fera apparaître que l’une des adresses IP utilisées pour ce compte est… celle de la société de Myriam Leroy. Selon les informations récoltées par Le Vif/L’Express, il est évident que, pour la justice et les enquêteurs, même si la preuve ne peut en être apportée, l’adresse de l’auteure a été piratée. Par qui ? Mystère. »
Dans le roman où Myriam relate l’affaire, le policier lui dit pourtant qu’il est obligé de lui demander si elle est derrière le compte @floheynow, ce dont elle se défend. Quant à s’assurer que l’ordinateur a bien été piraté, c’est une autre affaire… Le Vif écrit bien que « la preuve ne peut en être apportée ». C’est donc non-factuel.
Mission impossible Et pourtant, si on examine toutes les implications de la version de Leroy (et du Vif), elle tient d’un bon James Bond. Car elle signifierait que « Pascal » aurait pu localiser l’ordinateur de Myriam à distance sur Internet, et qu’il serait entré dedans, juste pour faire croire que c’était Myriam qui « harcelait » Florence.
Un policier aurait même expliqué à Lebrun que Myriam aurait suggéré qu’il se serait posté devant chez elle, la nuit, pour se connecter à sa borne wifi. Ceci n’est pas recoupé et le policier a probablement mal compris, ou alors, c’est Lebrun qui se trompe. Parce que là, on passe de James Bond à Mission impossible : il fallait déjà que Pascal Lebrun connût son adresse, que le wifi couvrît l’extérieur — Myriam habitait alors un immeuble à six appartements —, que Lebrun en connût le nom et le mot de passe et qu’il se tape 3 km, de nuit, rien que pour envoyer un tweet parodique pour… enquiquiner Florence !
Mais admettons qu’il soit donc bien un clone de Julian Assange et puisse faire une chose aussi sophistiquée (là, j’ai l’impression d’être dans un sketch sur les chauves-souris chez Bigard). Le problème supplémentaire est alors chronologique : au moment où @floheynow publiait ses satires, Pascal Lebrun ne savait évidemment pas que Florence allait un jour porter plainte contre lui. Il ne savait même pas que Myriam Leroy l’avait fait (il ne le saura que le 24 mai 2017, lorsqu’il sera convoqué une première fois).
Question : à supposer qu’il en fût capable, pourquoi aurait-il commis des délits aussi graves pour « pirater » une IP dont rien n’indiquait qu’elle atterrirait un jour sur un bureau de police ?
Car si l’on suit le raisonnement de Myriam Leroy, Pascal Lebrun aurait donc deviné à l’avance que Florence Hainaut porterait plainte pour le compte satirique, qu’un procureur prendrait sa plainte au sérieux et lance une enquête, et il aurait de ce fait décidé d’aller pirater l’ordinateur de Myriam à distance (ou en se rendant devant chez elle, de nuit, habillé d’un imper et d’un borsalino déformé, et muni bien sûr d’un accent soviétique) pour le cas où, un jour, on chercherait l’adresse IP de @floheynow !
Ce n’est plus d’un employé de banque qu’on parle ici, c’est carrément du MI6 !
Hackeur perdu Ce qui est en fait tout à fait remarquable dans cette histoire, c’est que personne — aucun-e journaliste (hormis Aurore Van Opstal qui fait depuis l’objet d’une double plainte au CDJ et d’un courrier d’avocat la « menaçant » de poursuites pour calomnie et diffamation, sans compter une lourde campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux) — ne se soit demandé si la chose la plus logique n’était pas, tout simplement, que les tweets fussent bel et bien envoyés depuis le bureau de Myriam Leroy, par elle-même, ou par un-e de ses proches. Parce que ce que dit l’enquête, c’est précisément ça !
On peut évidemment croire la version Leroy/Hainaut et imaginer que le petit employé de banque eût des moyens qui clouassent la Computer Crime Unit au sol. Et continuer à penser que Pascal Lebrun était bien derrière ce compte satirique, alors que rien de factuel ne l’y relie. Mais on n’a plus le droit de le publier ou de le laisser entendre si l’on est journaliste et qu’on se respecte.
Parce que pour la police et la justice, dont le pouvoir d’enquête est tout de même assez impressionnant, Pascal Lebrun n’a pas harcelé Florence Hainaut. Point. Le dossier est classé. Et si les tweets de @floheynow étaient de nature à constituer un harcèlement, ce dernier aurait presque certainement été le fait de quelqu’un qui a accès à l’ordinateur de Myriam Leroy.
Ce n’est pas tout ! Cela signifie aussi que les IP récoltées par Florence Hainaut tout au début de l’affaire n’étaient pas les bonnes. Car si Pascal Lebrun avait été aussi fort qu’Assange et Nostradamus réunis, il aurait pris soin de ne pas publier sur sa page personnelle Facebook via l’ordinateur de Myriam Leroy, et de ne faire usage de cette voie improbable que pour les tweets parodiques !
Autrement dit : soit, il a hacké Leroy — contre toute vraisemblance —, et dans ce cas, l’IP de @floheynow ne pouvait pas correspondre à celle de sa page Facebook. Soit, il n’a pas hacké Leroy et dans ce cas, les IP ne pouvaient pas correspondre non plus, dès lors qu’il ne serait pour rien dans l’alimentation du compte satirique. Autrement dit, les informations données par Florence Hainaut pour lancer une enquête de police approfondie, celles-là mêmes qui ont entraîné aussi l’enquête pour harcèlement de Myriam Leroy, étaient fausses.
No country for old bullies Or, Florence Hainaut continue à affirmer qu’elle a été harcelée par Pascal Lebrun. C’est même un des sujets d’un documentaire qu’elle va tourner avec Myriam Leroy. Dans le rapport de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur les projets qu’elle soutient, première session de 2020, apparaît une aide de 40 000 € du ministère de la Culture pour un film au budget de 211 655 €.
Le descriptif : « Nous, Florence Hainaut et Myriam Leroy, journalistes, avons été harcelées via Internet durant plusieurs années, et le sommes encore. Ce film s’articule autour de notre histoire personnelle. En partant de nos démêlés judiciaires, de notre procès à venir contre notre harceleur le plus violent [qui d’autre que Pascal Lebrun correspond à ce descriptif NDLA], nous emmenons le spectateur dans une enquête internationale, à la fois intime et politique, sur le cyber-harcèlement. De la Finlande au Québec, ce film veut dresser un état des lieux de la problématique mais aussi explorer les éventuelles réponses juridiques et sociales à cette gangrène en roue libre qu’est la haine misogyne sur le Net. »
Elles ont donc reçu un subside de la Fédération Wallonie-Bruxelles de 40 000 euros. Pour parler de leur harcèlement. En tant que journalistes. Mais de façon unilatérale. Sans recoupement. Sans l’opinion adverse. Déjà, c’est étonnant. Mais dans le cas de Florence, ce « harceleur le plus violent » n’existe tout simplement plus. Et « notre procès à venir », non plus.
Heureusement, Florence Hainaut a d’autres « harceleurs » en vue. Hier, sur Instagram, elle m’accusait ainsi de la harceler moralement depuis trois ans, provoquant une avalanche de commentaires violents à mon égard. Quelques heures plus tard, un compte Twitter très bien informé à son sujet balançait des données privées sur mon entourage.
Que voulez-vous ? On ne se refait pas.
***
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©Marcel Sel 2019. Distribution libre à la condition expresse de citer l’auteur (Marcel Sel) et d’établir un lien avec cette page.
17 Comments
Salade
septembre 13, 17:04marcel
septembre 17, 19:26dejeneve
septembre 13, 18:29marcel
septembre 17, 19:27u'tz
septembre 13, 22:51marcel
septembre 17, 19:27Salade
septembre 14, 14:48marcel
septembre 17, 19:27hens
septembre 17, 15:04marcel
septembre 17, 19:34Arnaud
septembre 19, 05:09Nicolas
septembre 23, 07:33Salade
octobre 16, 21:03Le pouvoir du victimisme 3 bis : appel au crowdfunding de votre serviteur cité en correctionnelle pour refus de publier des droits de réponse qui… aggravent les soupçons sur Myriam Leroy. | Un Blog de Sel
octobre 18, 12:44Droit de réponse de Myriam Leroy au billet « Le Pouvoir du Victimisme. Épisode 3 : harceler n’est pas jouer. » | Un Blog de Sel
décembre 12, 22:07Le pouvoir du victimisme. Épisode 4 : Les yeux trop rouges. | Un Blog de Sel
janvier 12, 18:36Comme un polar : Myriam Leroy a menti, Florence Hainaut a menti. Et l’Association des Journalistes les a couvertes. | Un Blog de Sel
juillet 01, 11:31