Coronavirus : les Pays-Bas choisissent une stratégie mortelle. Fermez les Pays-Bas !
Alors que le président Macron annonçait des mesures de confinement rigoureuses, alors que la Belgique tarde à imposer les siennes (1) et alors que Boris Johnson a au moins partiellement abandonné la stratégie du « laisser faire le virus » devant les projections horrifiques de celle-ci, le Premier ministre Mark Rutte a annoncé hier que les Pays-Bas optaient pour cette stratégie de « l’immunité de groupe », qui revient à laisser le virus se propager parmi la population saine, de manière « contrôlée » (sic, resic et beurk). Une telle stratégie, dans un pays européen aussi ouvert que les Pays-Bas, constitue un véritable sabotage des mesures mises en place en Belgique, en France et en Allemagne. Le discours de Mark Rutte devrait imposer une réaction européenne immédiate : le confinement des Pays-Bas. Soit la fermeture hermétique de ses frontières. Voici pourquoi.
Pays-Bas espagnols, le retour.
L’idée de l’immunité de groupe, d’abord prônée par Boris Johnson, part d’un constat scientifique, lui-même contesté. Selon le professeur Michael Worobey (et Jim Cox, Douglas Gill), chef du département Écologie et Biologie évolutive de l’Université d’Arizona, et publiées dans Oxford Academic, la grippe espagnole de 1918 aurait surtout atteint et tué des jeunes hommes parce que ceux-ci n’avaient pas été exposés à une grippe de la même famille (H1) survenue une vingtaine d’années plus tôt et n’auraient donc pas développé les mêmes défenses immunitaires que leurs aînés. D’où l’idée qu’une infection relativement bénigne et généralisée protège d’une infection plus grave ultérieure. Autrement dit, que ne rien faire permettrait de créer une immunité collective. Mais voilà, la thèse du professeur Worebey ne fait pas l’unanimité, déjà.
De plus, que pour que cela fonctionne, il faut qu’une telle immunité s’installe et perdure au sein des organismes, et le COVID-19 (qui est la maladie et non le virus, qui s’appelle en fait SARS-CoV-2, pour info) n’est pas connu depuis suffisamment longtemps pour qu’on sache si c’est possible. Il y a donc une part de pari dans ce choix. Aussi, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus (directeur général de l’OMS) a-t-il vivement critiqué l’idée britannique de laisser le virus se diffuser au sein de la population la plus résistante.
L’autre partie de la stratégie d’immunité de groupe consiste à isoler les personnes à risque. Sauf qu’on ne parle pas de quelques semaines, mais de mois voire d’années. Peut-on empêcher tout contact avec nos parents ou grands-parents à ce point ?
Valar Morghulis, et plus vite que ça !
Mais il y a pire : le Washington Post a démontré que l’isolement ne fonctionne pas (les animations sont éclairantes, allez les voir) : il se rompt en fait à très court terme. C’est facile à comprendre. Pour soigner ou simplement servir des personnes âgées, il faut des personnes plus jeunes, potentiellement porteuses saines du virus. Si on le laisse se disséminer au sein de la population à bas risque, la brèche devient vite un système de contamination automatique et généralisée. Dans Game of Thrones, on dirait Valar Morghulis (tous les humains doivent mourir). Sauf qu’ici, il s’agirait plutôt de Walking dead.
La stratégie de l’immunité de groupe provoquerait plus de morts que la Deuxième Guerre mondiale n’a tué de civils et de militaires britanniques !
Pour vous donner une petite idée du coût humain de cette stratégie, le Guardian a révélé dimanche quelques extraits d’un document de la Santé britannique (NHS), qui tiennent du film d’épouvante : les auteurs envisagent une contamination de quatre Britanniques sur cinq, ce qui causerait « un demi-million de décès » (chiffre correspondant à 1% de taux de mortalité ; le taux le plus bas estimé étant de 0,6%, donnant 318.660 morts). Soit plus que l’ensemble des Britanniques morts entre 1939 et 1945 des effets de la Deuxième Guerre mondiale ! Ils étaient alors 450.000 environ, dont un peu moins de 70.000 civils. Ici, on parle de sacrifier 500.000… civils. L’Imperial College prévoit par ailleurs 510.000 morts si aucune mesure n’est prise.
Quand un « libéral » vise un bilan stalinien
D’autres sources évoquent 250.000 morts pour une stratégie d’immunité de groupe. Mais ce chiffre ne permet pas d’imaginer le tableau apocalyptique du sort qui leur serait réservé. Des cinq millions de travailleurs de la santé anglais, 500.000 seraient en effet indisponibles à tout moment parce que malades. Le personnel médical, le plus exposé, serait évidemment le plus touché. Il n’est pas absurde d’imaginer des hôpitaux devant (re)mettre au travail des personnes infectées voire malades pour simplement réduire l’apocalypse.
Déjà aujourd’hui, le NHS ne peut répondre à la demande de test des personnes symptomatiques et seules les personnes malades en hôpital (ainsi qu’en maisons de soin et dans les prisons) peuvent encore être testées. Or, on est au tout début de la contagion. À très court terme, même le personnel hospitalier ne pourra donc plus être testé.
De plus, le Royaume-Uni ne dispose pas d’assez de lits en soins intensifs, même pas pour le début de l’épidémie ! L’équipe de recherche COVID-19 de l’Imperial College a comparé les deux stratégies. L’un de ses graphiques, ci-contre, montre l’effet des stratégies d’immunité de groupe. Résultat. Le Royaume-Uni disposerait de 6,6 lits de soins intensifs par 100.000 habitants. Cela signifie que si rien n’est fait, dès le début du mois de mai, 95% des patients à très haut risque ne pourront plus être soignés, et qu’on frôlera les 98 % quinze jours plus tard. En fait, dès la mi-avril, le réseau d’urgence absolue serait déjà saturé. À moins de créer des lits à vitesse exponentielle. Même avec le paquet de mesures le plus efficace de la stratégie d’immunité de groupe (en bleu), dès le début du mois de juin, 95 % des malades ne pourront plus être traités.
Sur 100 patients, mi-juin, les médecins devront en abandonner… 95 !
On n’est pas rendus, et les Pays-Bas appuient sur l’accélérateur.
Le document de l’Imperial College conclut que la seule solution viable est de viser l’éradication du virus et d’appliquer les mesures requises immédiatement. Ce sont aussi les recommandations de l’OMS et pratiquement tous les pays ont choisi de retarder le plus possible l’apogée de la crise pour permettre au système médical de mieux résister. Le second graphique montre, en orange, la courbe qui correspond plus au moins aux mesures prises dans le reste de l’Europe. Vous noterez qu’un sursaut devrait intervenir à l’automne. Pour l’éviter, de nouvelles mesures de confinement devraient être prises — autant que vous soyez prévenu-e-s — dans les mois qui viennent, avec des conséquences économiques considérables qui, à leur tour, pourraient fragiliser nos systèmes de santé. Mais ça donne au moins le temps de se préparer, de trouver des remèdes efficaces et éventuellement, un vaccin. La stratégie de Mark Rutte, donnera plutôt du temps aux États européens de… compter leurs morts.
Votre prochaine opération est annulée
À ceux qui se croient protégés du coronavirus et qui haussent encore les épaules, je rappelle que si le système hospitalier est saturé, ils ne pourront plus y avoir accès non plus pour d’autres maladies, blessures ou traitements. Il vaudra mieux ne pas se casser une jambe au ski avant un an ou plus. Les parents qui se rendent deux ou trois fois par an aux urgences pour des bobos pas toujours bénins devront trouver d’autres solutions (et on manque de rebouteux par le temps qui courent). Si vous avez un-e proche qui souffre d’une maladie chronique relativement grave, vous vous rendrez très vite compte qu’on peut se moquer de tout, mais pas des mesures qui nous sont imposées. Espérons que vous n’en prendrez pas conscience devant son cercueil.
U turn ou Your turn.
C’est probablement suite à ces révélations que Boris Johnson a fait un virage à 180° hier, en recommandant la distanciation sociale généralisée, sans mesure très restrictive néanmoins. Mais pendant ce temps, Mark Rutte persistait dans un discours hallucinant prônant l’immunisation de groupe, annonçant qu’il va imposer un « contrôle maximal du virus. Ceci mène à une contamination contrôlée, dans les groupes qui courent le moins de risques ». Le tout pour « aplanir le pic du nombre de contaminations et l’étendre sur une plus longue période ». Les mesures qui en découlent : ne pas serrer des mains, les laver, et garder un mètre cinquante de distance, interdire les grands rassemblements, et fermer l’Horeca.
Hallucinant : le Premier ministre néerlandais prétend « contrôler » la propagation du virus !
On y trouve aussi cette phrase hallucinante : « Si nous pouvons diriger [sturen] la contamination du virus, les conséquences pour la santé publique seront finalement plus maîtrisables. » Avec un si, on met aussi Paris dans une bouteille. Avec ce si-là, on envoie plutôt des centaines de milliers de citoyens au cimetière. À l’échelle européenne, on parle en fait de millions.
En Belgique et en France, en Italie comme en Espagne, en Allemagne, tout l’effort est porté sur des mesures contraignantes pour venir à bout du virus, sur les conseils avisés de l’OMS. Et le vrai souci n’est pas le nombre de personnes infectées et asymptomatiques ou peu malades, mais bien la gestion hospitalière, déjà saturée en de nombreux endroits.
Lockdown party chez les Bataves
Ainsi, à Maastricht, alors qu’on n’est qu’au stade embryonnaire, dès samedi, un hôpital a dû consacrer 26 de ses 30 lits en soins intensifs aux malades graves du coronavirus. Au même moment, les Belges de la région (frontalière) affluaient, un peu plus qu’à leur habitude bien installée — Maastricht est à l’Est du Limbourg belge ce que Bruxelles est au Béwé — dans la ville néerlandaise pour profiter des cafés, restaurants et commerces toujours ouverts, après leur fermeture chez nous. Au grand dam des Néerlandais, choqués par un tel manque de « solidarité ». Alors que, d’un point de vue politique, il était surtout ahurissant que deux pays aussi interconnectés que les Pays-Bas et la Belgique n’eussent pris les mêmes mesures en même temps ! Gouverner, c’est prévoir, et les afflux de dernière minute, tant à Bruxelles vendredi qu’à Maastricht ou Paris samedi n’étaient pas tant le fait de citoyens inconscients (« si c’est autorisé, c’est bien que ce n’est pas si grave ») que la faute de gouvernants imprévoyants.
Aujourd’hui, la Belgique est donc confrontée à un voisin qui joue à l’apprenti sorcier, un docteur Folamour en chair et en os. Ceci va, dès les heures à venir, et plus encore dans les jours qui viennent, réduire à peau de chagrin les résultats des efforts demandés aux Belges, alors que ceux-ci ne sont eux-mêmes pas encore suffisants ! (2) Le tout, au bénéfice de l’économie néerlandaise.
Or, sachant que, pour les cas graves, le délai entre l’infection et le décès serait de 14 à 21 jours, chaque jour de retard dans la mise en branle d’une isolation efficace et totale provoque des décès prématurés. Et on ne parle pas là d’un vague chiffre, de gens inconnus, mais de vos parents et/ou grands-parents.
Il n’y a donc qu’une seule solution devant un tel sabotage — je n’ai pas d’autre mot en stock: fermer hermétiquement la frontière néerlandaise jusqu’à ce que les Pays-Bas appliquent les mêmes mesures que nous. Et la fermer tant pour les personnes que pour les produits : le virus peut vivre jusqu’à 3 jours sur certaines surfaces inertes.
Et la diplomatie ? Eh bien, un médecin spécialisé dans la lutte contre Ebola a expliqué cette semaine qu’il n’y avait qu’une seule façon de battre un virus : la vitesse. Dans ce contexte, la diplomatie n’a plus aucun intérêt humain. So shut the fucking border. Now.
- Pour un taux de mortalité de 5% par rapport aux malades dépistés, chaque jour de retard dans la prise de mesure à environ 200 nouveaux cas causera d’ici deux à trois semaines 10 nouveaux décès et participera à la saturation des hôpitaux qui, elle-même, en causera à son tour. Chaque jour est donc vital. Par ailleurs, les mesures doivent être prises rapidement et coordonnées au niveau européen.
- Sachant par exemple que le virus peut survivre plusieurs jours sur certaines surfaces — notamment le carton et le plastique (même s’il ne reste pas pour autant virulent) — il est insensé qu’on n’impose pas encore des gants dans les grandes surfaces et que celles-ci se contentent de demander que les clients se lavent les mains avant d’entrer, sans en offrir la possibilité.
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29 Comments
Salade
mars 17, 20:51u'tz
mars 17, 23:28u'tz
mars 17, 23:31Salade
mars 18, 08:38Franck Pastor
mars 18, 10:25Salade
mars 18, 21:42Salade
mars 18, 22:05Salade
mars 19, 11:13Salade
mars 19, 17:01lievenm
mars 19, 19:04Salade
mars 19, 19:21Salade
mars 21, 16:00Salade
mars 22, 20:07marcel
mars 25, 18:58miyovo
mars 26, 10:32Edalas
mars 25, 12:15Eridan
mars 29, 17:05Edalas
avril 06, 16:35Edalas
avril 06, 17:04Edalas
avril 06, 19:47Achille Aristide
avril 07, 21:22marcel
avril 08, 19:59Eridan
avril 17, 15:45marcel
avril 26, 10:08Eridan
avril 29, 14:21marcel
avril 30, 19:51Eridan
mai 24, 15:39marcel
mai 26, 12:13Eridan
mai 29, 09:38