Amazonie : comment semer la terreur sur le dos du toxique Bolsonaro.
Les articles sur les phénomènes émetteurs de gaz à effets de serre doivent permettre au public de se faire une idée précise du problème. Or, depuis plusieurs mois, les médias se sont laissés entraîner dans une spirale montante, alarmante. Les mots de Greta Thunberg, « je veux que vous paniquiez » sont devenus le modus vivendi de la couverture de la crise climatique.
Cette panique s’est brusquement « réalisée » lorsque les premières informations sur les feux de forêt en Amazonie ont atteint, d’abord, les réseaux sociaux (qui prompts à comploter se demandaient pourquoi les médias n’en parlaient pas). Le tout accompagné d’images datant de plusieurs années, quand elles ne provenaient pas carrément d’autres régions du monde. Et ensuite, les médias ont embrayé avec des informations terrorisantes, du moins, à première vue.
Avec des titres comme « Les flammes dévorent le poumon vert de la planète », on n’est pas étonné que des pétitions absurdes (« Stoppons les feux de forêt en Amazonie ») ou des manifestations subitement urgentes (Amazonie: des manifestations pour sauver «les poumons en feu» de la planète) se mettent à pulluler. Évidemment, il est bon de défendre la forêt amazonienne. Sauf que la subite panique et l’ambiance d’apocalypse n’est pas cohérente avec les faits. Et que des titres ou des affirmations fausses ont empoisonné la neutralité de l’info dès les début de la couverture. Or, on ne combat bien que ce qu’on diagnostique correctement.
Ainsi, quand la très respectable BBC annonce « un nombre record de feux de forêt », le lecteur comprend que la situation est inédite. Et ajoute cette information au paquet-climat, soit la « panique » indispensable selon Greta, surtout quand une étude de scientifiques individuels annonce qu’on n’a plus que 18 mois pour sauver la planète — c’est marrant qu’on promeuve de telles études dans la presse qui par ailleurs rejette les climato-interrogateurs les plus modérés justement parce qu’ils ne font pas consensus. Cette info, je l’ai vu traduite par les écologistes de bazar en : « la planète n’a plus que 18 mois à vivre ». Purée. Où sont les canots de sauvetage ? Les femmes et les enfants d’abord. Ça nous débarrasera déjà des mâles blancs de plus de cinquante ans.
Et tout à coup, dans ce maelström, un nom apparaît : Bolsonaro. Et avec lui, la convergence des luttes. Ce qu’on veut nous faire croire, c’est que le nouveau président brésilien est la cause des pires incendies jamais vu en Amazonie. C’est évidemment commode, parce que ça permet de lier la lutte contre l’extrême droite à la lutte pour l’environnement.
Certes, la déforestation a gravement augmenté depuis son arrivée au pouvoir, le 1e janvier 2019. Le 2 janvier, hop, hop, hop, ça commençait déjà. Et huit mois après, à cause de son action de Rasputine (version Disney) de la forêt, badaboum, l’Amazonie a disparu sous nos yeux !
Le doublé est évidemment savoureux pour une partie de la gauche (celle, radicale, qui a mis l’antifascisme tout en haut de ses priorités — une idée soviétique toujours alléchante) comme pour les verts. Convergence des luttes, convergence de ces deux gauches (il y en a d’autres, heureusement).
Mais, pour rappel, les partis — même écologistes — ont tous une priorité qui dépasse le climat : leur succès électoral. Et là, on passe de la préservation sérieuse du climat à l’intérêt politique de semer la terreur.
Car tout ça est faux. Ou du moins, partiellement faux.
Tout d’abord, selon la source qu’on consulte, la déforestation a fortement baissé sous les gouvernements de gauche de Lula et de Dilma Roussef, ou pas. Si l’on en croit les statistiques officielles brésiliennes — qui ne tiennent pas compte des incendies — le travail de ces deux-là a été magnifique : deux-tiers de déforestation en moins en dix ans. Formidable.
Si l’on en croit Global Forest Watch (qui inclut la déforestation par le feu), c’est l’inverse : elle a certes diminué sous Lula, mais elle est repartie en flèche sous Roussef. Quelque chose comme 250% de plus entre 2015 et 2016. Bizarre, on n’en a pas fait la une, même pas les manchettes.
Il y a deux semaines, selon la façon de calculer, on constatait une augmentation de la déforestation de 40% (sur 12 mois) à 278% (sur un mois, comparé à l’an dernier). En réalité, ces chiffres restent inférieurs voire très inférieurs à ceux de la première décennie du siècle (surtout 2004 et 2005). De cela, pas un mot.
Autre information fausse, ou du moins tronquée : les incendies ne sont pas, selon les infos disponibles aujourd’hui, les pires de l’histoire de l’Amazonie. Pas du tout, même. L’institut brésilien INPE, cité par à peu près toutes ces sources, parle des pires incendies « depuis les cinq dernières années ». Il fallait simplement lire jusqu’au bout (et comprendre le portugais). En ce moment, l’INPE a étendu aux dix dernières années, 2019 ayant dépassé 2016. Mais on est très loin du début de ce siècle.
Selon globalfiredata.org (page du GFED notamment financé par la NASA), si l’on tient compte de son outil de compte des feux, au 23 août, l’on comptait (cumulativement) 105.508 feux sur l’ensemble de l’Amazonie (neuf pays), pour 112.773 le même jour de 2016. Si l’on compare au 31 août (où nous avons les chiffres depuis 2003), 2019 serait toujours loin derrière 2003, 2004, 2005, 2007, 2010 et juste en-dessous de 2016. En 2005, on a compté 250.018 feux de forêt fin août, soit le double de la projection à la même date pour 2019 (ce n’est pas une certitude, mais une projection). Certes, l’augmentation de 84% par rapport à 2018 (données par plusieurs médias) est impressionnante, mais elle cache le fait que 2018 était une des années les plus calmes des deux dernières décennies — selon le GFED du moins. Il y aurait donc eu sept années où les médias, les politiciens, les activistes auraient dû être plus hystériques que cette fois. Où étiez-vous tous, bordel ?
Si l’on tient compte de l’outil de comptage VIIRS (tout en haut de la page), mis à jour hier, les données confirment en revanche l’importance particulière des feux de cette année, les plus intenses depuis la nuit des t… euh non : depuis que l’outil est utilisé, soit en 2012. Il y aurait, de ce point de vue, un tiers de feux en plus qu’en 2016. Mais nous savons que ce n’était pas une année record (130.000 à cette époque de l’année, pour 250.000 en 2005).
N’empêche. L’Express (UK) parlait déjà auparavant d’images « terrifiantes » de la NASA. Une dramatisation sans complexe d’un article de la NASA qui commente pourtant d’une manière nettement plus modérée : « Il n’est pas inhabituel de voir des incendies au Brésil à cette époque de l’année du fait de hautes températures et d’une humidité basse. Le temps dira si [2019] est une année record ou dans les limites normales ». Dont acte.
L’on accuse aussi Bolsonaro d’avoir pratiquement allumé tous ces feux lui-même, entrant dans la logique du populiste qui s’en targuerait bien si ce n’était aussi impopulaire. De toute évidence, sa politique est toxique pour la planète et les grands de ce monde doivent parvenir à le forcer à prendre une autre voie. Manifester, communiquer, voire pétitionner pour faire pression sur nos gouvernements, c’est une bonne pioche. Encore faut-il choisir une stratégie payante. Le seul moyen de calmer Bolsonaro est probablement de lui offrir une alternative financière capable de compenser les velléités économiques (des tout petits comme des plus grands) qui poussent à la déforestation. C’est déjà ce qui a été fait par le passé, mais dans quelle mesure ?
Mais lorsqu’on lit la dernière mise à jour du GFED, l’on découvre qu’une cause a été largement occultée, au profit de la cause politique : « Les températures de surface dans le Pacifique tropical et l’Atlantique nord pendant la première moitié de 2019 étaient plus hautes que les valeurs moyennes au cours des périodes 2010-2015 d’observation des incendies par satellite. En combinant les températures de surface dans les deux océans, nous avons projeté un haut risque d’incendies pour pratiquement toutes les régions […] d’Amazonie pendant la période sèche de 2019. » Dont acte, encore. À moins que Bolsonaro ait été réchauffer chaque goutte de l’océan lui-même…
Conclusion un : lier la politique effectivement toxique de Bolsonaro aux incendies en Amazonie (en oubliant, par exemple, que la pire croissance de la déforestation a lieu en Bolivie… avec un président bolivariste ; notons tout de même que ce pays ne comprend qu’une infime partie de l’Amazonie) est pour le moins prématuré, et partiellement incorrect. L’analyse du phénomène prendra des mois, sinon des années. Et les experts se contrediront, parce qu’il est compliqué de définir les raisons principales, entre l’orpaillage, des pratiques ancestrales et d’autres modernes, la division de la forêt par des routes, la déforestation pour raisons minières, agricoles, etc. C’est sympa de hurler « à bas Bolsonaro », mais ça ne sert strictement à rien. De plus, étant en poste depuis seulement huit mois, l’accusation peut être facilement retournée à l’envoyeur avec la mention « ridicule ».
Certaines causes seraient même réputées eco-friendly. Le Mouvement Mondial pour les Forêts tropicales écrit par exemple (dans un article engagé) : « Selon un de ses chercheurs, la cause fondamentale de l’extension si rapide des incendies n’est pas le ’brûlis ‘ que pratiquent les Autochtones et que l’on blâme souvent, ni les sécheresses — qui de fait sont de plus en plus fréquentes et longues —, mais la soi-disant ‘coupe sélective ‘ ou ‘ exploitation à faible impact’. Ce type de coupe est devenu populaire partout sur la planète à partir des années 1990, car elle promettait l’extraction de bois sans causer les effets dévastateurs de la coupe à blanc ou du défrichement. Sous cette pratique, appelée également ’gestion forestière durable,’ les exploitants forestiers récoltent seulement le bois de grande valeur commerciale. »
Autrement dit, une pratique présentée comme positive par bien des environnementalistes aurait des effets destructeurs ? Le jugement n’est pas argumenté scientifiquement, mais rappelons que les biocarburants présentés comme si positifs avaient eux aussi eu des effets ratiboisants.
Conclusion deux : nous savons depuis ce matin que 2019 est une année relativement exceptionnelle (par rapport à la période 2012-2018, assez calme en termes d’incendies). Mais il est pour le moins prématuré de parler de record historique, et tout autant de lancer des vagues de panique par médias interposés. On peut même s’interroger sur l’agenda des boutefeux. Mais rappelez-vous, Greta est en route pour tancer l’ONU. Gageons que les incendies en Amazonie auront une place privilégiée dans son discours.
De tels engouements estivaux pour la panique sont en réalité nocifs pour la lutte contre le réchauffement. Parce qu’ils discréditent les lanceurs d’alertes et leurs cris de frayeurs qui ne sont pas dénués de bonnes raisons, mais négligent justement la raison pour privilégier la politique, la chevaleresque lutte qui les rends si beaux, et tous les autres si moches.
Parce qu’à force de se voir servir des informations qui terrorisent, le citoyen se détournera de la cause, résigné à voir la planète s’enflammer sans qu’il n’y puisse mais. Tandis que quelques âmes sincères mais naïves continueront à penser « sauver la planète » en rugissant, en clamant, en signant des pétitions, en manifestant, pour ensuite — dans certains cas — l’été venu, se remettre de toute cette activité en décollant pour une destination ensoleillée.
Le contexte, toujours le contexte, encore le contexte. Ne l’oublions pas. Please. Il paraît que l’humanité en dépend.
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34 Comments
mélanippe
août 24, 14:28Léo (@Leo_leau)
août 24, 15:41marcel
août 25, 19:51Rudy Deblieck
août 24, 15:59marcel
août 25, 19:50Danielle Evraud
août 24, 18:27marcel
août 25, 19:49Salade
août 24, 21:01Pierre Van den Durpel
août 25, 17:07marcel
août 25, 19:52marcel
août 29, 18:44Didier
août 26, 11:30Ludovic NYS
août 26, 12:14marcel
août 29, 18:43ut'z
septembre 03, 20:48Maxime
août 26, 15:09marcel
août 29, 18:43Cel
août 26, 20:09marcel
août 29, 18:42Didier
septembre 04, 10:17Eridan
août 27, 09:03Salade
août 30, 19:35Salade
août 31, 14:38u'tz
septembre 01, 13:33Salade
septembre 03, 15:36Salade
septembre 04, 14:08miyovo
septembre 09, 10:32Julien Armijo
septembre 12, 17:10marcel
octobre 01, 09:00Salade
septembre 16, 09:09Salade
septembre 23, 13:56Salade
septembre 24, 08:52Salade
septembre 25, 13:30Salade
septembre 25, 13:34