Le petit commentaire du jour : il n’y a pas deux démocraties, mais cinquante.

Le premier parti, par arrondissement, élections européennes. Source : VRT.

On connaît désormais l’idée par cœur tant elle est devenue le pivot de la réflexion structurelle en Belgique. Il y aurait, selon Bart De Wever, deux démocraties. C’est sur cette déclaration que s’appuie, par exemple, Vincent De Coorebyter pour affirmer que cette dualité porte en fait sur « les cartes politiques ». Le problème, c’est que l’idée même qu’il y aurait deux démocraties  (ou deux cartes politiques) découle de la structure de notre pays, voulue par les régionalistes et les séparatistes, qui a elle-même suivi un chemin binaire : on est flamand ou wallon. Un fédéralisme par provinces aurait évité ça.

La devise de De Wever révèle en réalité sa vision du pays : divisé entre deux « nations », la francophone et la flamande. Or, politiquement, c’est une (di)vision artificielle. Si culturellement, la langue est bien une frontière (qui s’effondre toutefois pour le foot, les stars nationales, Magritte ou Brel), le Belge du Nord et du Sud ont des idées politiques assez similaires, et des habitudes de consommation plus proches entre eux deux qu’elle ne l’est, pour l’un, des Français et pour l’autre, des Néerlandais. Les grandes familles politiques sont toujours les mêmes, à l’exception des nationalistes au Nord. Quelque 18.000 Wallons ont voté Vlaams Belang et 150.000, pour des populistes de droite francophones. Cette vision duelle est donc une base de présentation comme une autre, qu’on n’est pas obligé de respecter. En répondant à De Wever qu’il n’y a pas deux démocraties mais deux cartes politiques, on reste dans sa volonté de division binaire et quelque part, on la conforte. Parce qu’en réalité, selon le point de vue qu’on adoptera, on pourra distinguer dix, cinquante, quatre-vingt, ou cinq-cent démocraties.

On ne vote en effet pas à Anvers comme on vote à Lanaken. À Lubbeek, la commune de Theo Francken, le Vlaams Belang est absent. Les commentateurs flamands ont été surpris cette année de voir que « la démocratie ouest-flamande », d’habitude si sage, se soit ruée sur la case néofasciste. Elle est donc bien différente de la démocratie de ces quartiers anversois où le Belang connaissait ses premiers gros succès, alors que le reste de la Flandre l’ignorait ! Ou de ces villages restés CD&V ou de cette banane libérale à l’ouest de la Flandre orientale.

Il y a en Flandre, comme en Wallonie, des communes très vertes, il y a un vote urbain et un vote campagnard, il y a un vote post-industriel et un vote libéral. Le Brabant wallon, si bleu, n’est pas la même « démocratie » que Charleroi, si rouge, que Liège, rouge-bleue, ou que le Luxembourg orange. Et tout cela évolue sans cesse. Anvers a connu un nombre affriolant de bourgmestres socialistes.

Sur la carte des premiers partis par arrondissement aux élections européennes, on distingue donc au moins six démocraties, et certains arrondissements flamands ont une même première préférence que certains arrondissements francophones voisins !

Les fédéralistes et les unitaristes flamands comme francophones se sont donc bien laissé attraper par la légende urbaine des deux démocraties, qui sert le nationalisme flamand comme le régionalisme wallon. Ce faisant, ils ont alimenté les diviseurs au lieu de se demander, simplement, si le chiffre était bien deux. Pourtant, la soirée électorale, avec sa floraison de résultats tous différents commune par commune, province par province, aurait dû leur rappeler que cette dualité n’est qu’un choix délibéré qui part de l’idée d’une division duale de la Belgique pour lui donner une justification a posteriori.

Nous devrions nous séparer parce que nous votons différemment ? Mais si c’est le cas, la Flandre, pas plus que la Wallonie ou Bruxelles, n’aurait vocation à exister, tant les différences sont colossales d’une province à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un quartier à l’autre ! Il n’y a pas deux démocraties en Belgique. Il y en a des dizaines. Et vous savez quoi ? C’est pareil partout !

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5 Comments

  1. Keyzer
    juin 05, 10:11 Reply
    Tout a fait d'accord avec vous. De plus il faut rajouter que le nord à voté VB principalement à cause d'une mauvaise gestion de la crise migratoire (à cause des réfugiés) et pas par un souhait de séparation nord-sud. Et en Wallonie, aucun parti valable (suffisamment grand) (l'extrême droite est inexistante) ne propose un programme "dur" sur l'immigration. L'offre n'etant donc pas présente, l'électeur a donc voté pour d'autre raison (économie, écologie, ...) On se retrouve donc en Wallonie avec de nombreux électeurs ayant voté PTB mais ayant pourtant un point de vue diamétralement opposé au PTB concernant l'immigration (un point de vue plus proche du VB que du PTB). Donc contrairement à ce que beaucoup disent, la fracture politique nord-sud n'est pas si grande. Et n'est pas spécialement polarisée Socialisme-Libéralisme. La droite et la gauche sont des notions abstraites qui ne sont pas qu’économique ; mais aussi sociale, .... Et si l'électeur vote pour une économie de gauche cela ne veut pas dire qu'il souhaite une politique migratoire "de gauche". Nuance ! La popularité de Theo Franken au nord comme au sud en est une preuve. Le problème est donc plus lié à l’offre politique qui est différente au Nord et au Sud du pays. Et pas à l’électeur qui pense différement.
  2. Salade
    juin 05, 21:10 Reply
    Mais il n'y a qu'un seul Dieu AVV VVK
  3. ut'z
    juin 06, 23:23 Reply
    "Le petit commentaire du jour : il n’y a pas deux démocraties, mais cinquante" pas d'accord y en a qu'une où effectivement les eux sont cons et les nous autres sont contre... qu'il y ait une dispersion spatiale homogéne dans les délires n'augmente pas le nombre de démocratie
  4. Salade
    juin 11, 18:19 Reply
    https://www.lalibre.be/economie/libre-entreprise/si-le-ptb-est-au-pouvoir-les-flamands-n-investiront-pas-en-wallonie-5cffa7127b50a62b5be5d428 Mr de Wasseige, si le Vlaams Belang est au pouvoir, vous n'investirez plus en Flandre? Et en Russie? Qui n'investit pas? Et en Arabie Saoudite? (Et au RU après le Brexit de Farage?) Tout ce petit jeu débile comme quand il y avait eu deux ministres communistes sous Mitterand, la droite avait prédit la fin du monde et un exil total! Cette période d'après-élection est vraiment digne d'une politique de bisounours, Parlez, il en restera toujours rien. Et vous le savez! Les écrits dans les médias actuels s'envolent. La connerie, elle, reste...omniprésente. Coupez!
    • Salade
      juin 12, 08:24 Reply
      La Flandre a d'ailleurs arrêté tous ses contrats avec la Chine depuis qu'elle a appris qu'elle était communiste. L'Europe s'échine également... à trouver un bypass avec l'iran Ne soyez pas ridicule Mr de Wasseige: l'argent (aussi Wallon) n'a pas d'odeur

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