Francken : non, messieurs les universitaires, on n’est pas en 1930, même pas en 1910 !
Quand 67 universitaires (et non pas « le milieu académique » comme l’a titré abusivement Le Soir) signent une lettre se référant au nazisme — « ce que nous vivons rappelle effectivement les pires heures de notre histoire (ou plutôt celles qui les ont immédiatement précédées) » —, un seul mot me vient à l’esprit : populisme ! Et un autre : hystérie. Comment, sans un effet de groupe furibard devenu incontrôlé, l’élite intellectuelle de notre société, y compris le doyen de la faculté de sciences politiques et sociales de l’ULB, aurait-elle pu tomber si bas, sinon ?
Et d’autant plus pour des pédagogues qui ont la charge d’enseigner la politique (et donc l’histoire politique) à nos jeunes ! Car, sous aucun aspect, on ne peut faire un parallèle entre « les heures qui ont immédiatement précédé les pires heures de notre histoire » et la (non-)gestion des migrations aujourd’hui. Voici d’abord quelques raisons historiques.
On n’est pas avant 1930
En 1918 se termine une guerre épouvantable qui a mis l’Allemagne à genoux. La Belgique n’a plus connu de guerre depuis 73 ans et n’est pas à genoux, mais plutôt l’un des pays les plus riches, et pas le moins égalitaire, du monde.
En 1919, la ligue spartakiste (communiste) lançait une insurrection à Berlin. Accusée de fomenter une révolution, elle fut réprimée, et deux de ses leaders, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht furent assassinés. Il n’y a plus eu d’assassinat politique en Belgique depuis Julien Lahaut, en 1950.
Dès 1919, Hitler parle de bannir les Juifs. En 2017, ni Bart De Wever ni Theo Francken n’ont évoqué le bannissement des musulmans, des Arabes, des Turcs ou de quelque population que ce soit. Et vu la présence de Zuhal Demir au gouvernement, il est douteux que ça arrive jamais. Le NSDAP n’a jamais eu le moindre candidat juif, et encore moins un-e ministre.
En 1923, Hitler tente un coup d’État militaire, le Putsch de Munich, qui fait 16 morts. Bart De Wever n’a pas encore tenté le sien. D’ailleurs, il n’a pas de milice pour ce faire.
Le 18 juillet 1925 sort Mein Kampf, qui prévoit déjà l’élimination des Juifs. Aucun livre publié par la N-VA n’a prévu l’élimination de qui que ce soit.
De 1921 à 1923, l’Allemagne connaît une inflation de 130 millions de pour cent. L’inflation en Belgique est d’un ou deux pour cent.
De même, en 1923, le taux de chômage atteint 29 % (sans le filet social que nous connaissons), et la maigreur des revenus, y compris des agriculteurs, provoque une famine. Il n’y a plus eu de famine en Belgique depuis… pfouh !
À peine six ans plus tard, en 1929, suite au krach le Wall Street, les capitaux étrangers fondent en Allemagne, le chômage touche 6 millions d’Allemands (33 %) en novembre 1932. En mars 1933, il frôle même les 44 % de la population active. Notez que ce ne sont pas les chômeurs qui portent le NSDAP au pouvoir (ils votent massivement communiste), mais la classe moyenne, face à la menace de se retrouver elle-même au chômage. Il n’y a pas 44 % de chômage en Belgique, mais en moyenne, sur le pays, un peu plus de 7 % selon nos critères actuels (incomplets, mais soit).
Parallèlement, se considérant en légitime défense mutuelle, les milices communistes et nazies s’affrontent régulièrement dans les rues. Il n’y a toujours pas de milice en Belgique. Encore moins d’affrontement. Dans ses discours électoraux de 1932, Hitler répond notamment aux critiques contre les SA en arguant de la violence communiste et en promettant que ses troupes vont rétablir l’ordre. Il n’y a toujours pas de SA en formation en Belgique.
En 1920, dans le « programme en 25 points » du NSDAP, Hitler exige des terres et des colonies, personne ne le demande en Belgique. Il refuse aux Juifs leur droit à la nationalité allemande. Rien de ce genre en Belgique (sauf peut-être, du bout des lèvres, au Vlaams Belang). Il veut la fin des « pratiques parlementaires ». La N-VA s’inscrit au contraire dans le parlementarisme. Il veut l’expulsion de tous les non-citoyens établis en Allemagne depuis 1914. Même Theo Francken n’y penserait même pas.
Voilà pour la période « juste avant ». Aucune corrélation, donc. Ni le contexte, ni le programme du NSDAP, ni la situation économique, ni l’ambiance politique ne ressemble, même d’extrêmement loin à ce qui a précédé le nazisme. Nous ne sommes donc ni en 1930, ni même en 1920.
On est encore moins avant 1930
Pour la période qui suit, la comparaison devient épouvantable et revient même à minimiser le nazisme. Exemple : on décrit les hébergeurs comme des résistants. Risquent-ils la mort pour ce qu’ils font ? Non ! Ils ne risquent strictement rien de la part des autorités. Dans l’Allemagne nazie, ou en pays occupés, il suffisait de distribuer des tracts pour être exécuté. Une manifestation de 6500 personnes, ou une chaîne humaine auraient fini dans le sang. La presse n’aurait jamais publié le moindre papier hostile au gouvernement. Aucun député n’aurait osé le critiquer.
Quant à parler de rafles, la définition du Larousse le permet. Mais lorsqu’on parle de rafles qui « rappellent un sombre passé », l’on fait directement référence aux seules rafles connues du public : le Vel d’Hiv en France ou les rafles d’Anvers et éventuellement, de Bruxelles. Comparer des rafles qui menaient droit à la mort industrielle et systématique adultes, enfants et bébés à des arrestations qui, dans le pire des cas, amènent au retour d’un migrant dans son pays d’origine, où les seuls décès relevés datent du gouvernement d’Elio Di Rupo, c’est rabaisser la gravité des rafles nazies à une pratique courante dans toutes les démocraties européennes depuis des décennies. Autrement dit, c’est minimiser la Shoah, ce qui est un délit.
Un ex-collabo parmi tant d’autres.
Certains prétendent que la différence avec l’attitude en pratique similaire de Di Rupo ou De Block, qui leur permet de « penser (ouvertement) à Hitler » chez le secrétaire d’État actuel, est que que Theo Francken s’est rendu à l’anniversaire d’un « pro-nazi », comme l’écrit tragiquement Jean-Pierre Stroobants dans Le Monde. Rien n’est moins faux.
Il s’est rendu, tout comme Ben Weyts et Karl Vanlouwe, à l’anniversaire du président d’honneur de la N-VA Zaventem, ancien sénateur et personnalité respectée — eh oui — à la N-VA. Non pas pour avoir collaboré, mais pour avoir continuellement milité pour le nationalisme flamand. Au moment de l’anniversaire, où l’on a d’ailleurs aussi vu le bourgmestre Open VLD (libéral) de Zaventem, rien n’indiquait une quelconque référence à la collaboration, ni dans le décor ni dans les discours. Personne ne peut affirmer, sur cette base, que c’est l’ex-collabo (qui du reste a purgé sa peine), et non l’ex-sénateur, que Theo Francken et les autres sont allés féliciter.
Mieux. Bob Maes était sénateur de la Volksunie au moment où elle a formé un gouvernement avec, notamment, les prédécesseurs du CHD, du PS et de Défi. Certes, il s’était mis en réserve à ce moment-là, mais au moins deux autres ex-collaborateurs ont eu un poste de ministre dans ces gouvernements (Tindemans IV et Vanden Boeynants) ou sous Martens VIII (CDH-PS) : Hektor De Bruyne (ancien rédacteur de Volk & Staat, l’organe du VNV, condamné à 10 ans, malgré un soutien appuyé de nombreux anciens étudiants, qui a regretté que le VNV ait trompé les jeunes en 40-45 à la fin de sa vie), sous Tindemans et Vanden Boeynants, et Hugo Schiltz (ancien des Jeunesses hitlériennes qui a ensuite fait un magnifique parcours vers la démocratie) sous Martens VIII.
À cela s’ajoute la présence dans les deux premiers gouvernements d’Oswald Van Ooteghem, un ex-Waffen SS (de la collaboration un chouïa plus radicale que celle du jeune Bob Maes). Sans compter Johan Sauwens (CD&V), ex-VU, qui fut député de la majorité CD&V-PS de 1985 à 1995 et qu’on retrouva, en 2001, au jubilé du Sint-Maartensfonds, une amicale d’anciens Waffen-SS.
De toute manière, ce n’est pas Theo Francken qui a inclus Maes — fondateur du premier VMO qui affectionnait les runes et fréquentait des néonazis allemands, des faits allègrement niés par la presse flamande et francophone, et qu’il a dissous il y a près de 50 ans —, dans la N-VA, mais bien Geert Bourgeois (ou Bart De Wever). Et même le CD&V Éric Van Rompuy, très antinationaliste depuis quelque temps, n’y a pas non plus vu un problème : c’est avec Bob Maes qu’il a négocié le maïorat de Zaventem pour l’Open VLD Francis Vermeiren qui, lui non plus, n’a vu aucun lézard à travailler avec l’ex-(petit)-collaborateur.
Une semaine après cet anniversaire, in tempore non suspecto donc, Bob Maes a affirmé qu’il ne se distanciait « en fait » pas du führer flamand violemment antisémite Staf De Clercq, précisant toutefois qu’il « n’était pas d’accord avec tout [dans la collaboration] ». On peut donc comprendre (mais on n’est pas obligé) qu’il était surtout d’accord avec la partie flamingante. En tout cas, au moment où Theo Francken a félicité Bob Maes pour ses nonante ans, rien ne montre qu’il connaissait la nostalgie du pépé, et encore moins qu’il était venu pour cette raison. L’affirmer est un pur procès d’intention. Ce n’est pas digne d’un journaliste.
Les réfugiés juifs seraient aujourd’hui protégés
Une autre comparaison entre la période nazie et notre époque se base sur un parallèle entre réfugiés juifs d’avant-guerre et migrants d’aujourd’hui. Or, la Convention de Genève nous oblige désormais à accueillir les réfugiés menacés dans leur pays, notamment par la guerre, selon un certain nombre de critères. Bart De Wever l’a critiquée, ce qui n’est pas d’un démocrate, mais au fédéral, elle n’est pas remise en question dans la pratique, au contraire.
Ainsi, pratiquement tous les Syriens qui fuient la guerre y ont droit. Il en va de même pour tous les Soudanais de certaines régions (soit plus de la moitié d’entre ceux qui arrivent ici), etc. Ceci signifie que si nous étions aujourd’hui en 1933, après les premières destructions de magasins et la campagne « Kauf nicht bei Juden » (n’achetez pas chez les Juifs) en Allemagne, ou en tout cas en 1938, après la nuit de cristal, il est pratiquement certain que tous les Juifs qui franchiraient la frontière obtiendraient le statut de réfugié, et auraient les mêmes droits que les citoyens belges.
Les migrants qui sont susceptibles d’être renvoyés aujourd’hui n’ont obtenu ou demandé ni droit d’asile ni protection subsidiaire. Ce ne sont donc pas « les Juifs » des années trente. Ce sont au contraire ceux qui, justement, ne sont pas menacés par une guerre ni persécutés, sauf erreur bien entendu. Et s’ils risquent effectivement la torture à leur retour au pays, c’est généralement parce que c’est ce que risquent tous les citoyens soudanais, érythréens, marocains, et de bien d’autres pays qui ont quitté leur patrie et y reviennent ou y sont renvoyés.
Un projet de loi qui tombe à pic
L’activisme contre Francken s’est aggravé avec la discussion du projet de loi sur les visites domiciliaires. Ce projet pose effectivement des questions constitutionnelles, pratiques et éthiques qui doivent faire l’objet d’une discussion. Ces questions sont bien apparues dans la presse, mais sous une épaisse couche d’autres opinions purement militantes (une partie de la Loge Droits Humains présentée comme « la Franc-Maçonnerie », les frères Dardenne brusquement devenus experts en article 3 de la CEDH, des universitaires qui voient des nazis partout…)
Les constitutionnalistes ont soulevé des arguments juridiques nécessaires (le fait que cette loi étendrait la violation du domicile à une faute administrative), Françoise Schepmans s’est très justement interrogée sur la présence d’enfants et sur la nécessité d’une fouille. Les juges d’instruction ont exprimé la peur d’être instrumentalisés. Tout cela est nécessaire. Mais parallèlement, on a aussi raconté à peu près n’importe quoi sur ce projet.
Un exemple radical de ce à quoi il peut servir m’est revenu en mémoire. Un Polonais condamné à dix ans de prison pour vol avec violence et séquestration a reçu une injonction de quitter le territoire français après sa peine. Quelque temps plus tard, il était de retour sur le territoire français, violait et tuait une fillette de neuf ans. Imaginons qu’il arrive en Belgique alors qu’il y serait interdit de résidence. Il n’est plus condamné ni suspect, simplement interdit d’entrée. On lui donne donc un ordre de quitter le territoire. Il n’obtempère pas. Quand la police vient le chercher à sa résidence (il n’a forcément pas de domicile, puisqu’il n’a pas de droit de séjour), il leur refuse l’entrée, et ils rentrent bredouilles. Ils n’ont aucun recours. De même, s’il est hébergé chez un ami qui affirme qu’il n’est pas dans la maison alors que la police l’y a bien repéré. Frustrant ? Oui. Dangereux ? Aussi. C’est un cas extrême, mais il pose la question : que doit faire le législateur ?
Lisons un peu avant de hurler
Selon l’exposé du projet de loi signé par Jan Jambon (N-VA), Koen Geens (CD&V) et Theo Francken (N-VA), sa raison d’être est donc que, même lorsqu’on repère une personne à qui l’on a ordonné de quitter le territoire, lorsque la police se rend à son lieu de résidence pour l’arrêter, il suffit qu’elle refuse de décliner son identité, qu’elle ne réponde pas, et même si elle ouvre la porte, qu’elle interdise aux policiers d’entrer, pour empêcher son identification, son éventuelle interpellation, et son expulsion.
Sur près de 2 000 personnes dans cette situation en 2016, seuls 31 % ont pu être arrêtées. Cela signifie que quelque 1 400 enquêtes et déplacement de policiers n’ont servi à rien. Et contrairement à ce qu’a affirmé Alexis De Swaef à la VRT, le gouvernement n’a pas écrit que la Loi permettrait d’arrêter les 5 % de personnes visées par une OQT qui interdisent l’entrée aux policiers (soit une centaine de personnes), mais bien une proportion plus ou moins importante des 69 % qui n’ont pas ouvert, n’ont pas pu être identifiés ou ont refusé l’entrée. Les hurlements contre la loi sont donc absurdes et improductifs. La vraie question est de savoir si l’enjeu vaut une loi, et une extension des visites domiciliaires, voire une fouille.
Contrairement aussi à ce qu’on répand encore, les hébergeurs du parc Maximilien ne risquent pratiquement jamais une telle visite. D’abord, parce que la loi vise des personnes ayant reçu un ordre de quitter le territoire (OQT). S’il peut effectivement s’agir de migrants, les raisons d’un tel ordre sont très diverses, et peuvent impliquer la sécurité. Il peut s’agir de personnes séjournant en Belgique sans visa ou sans passeport, de personnes interdites de séjour dans le SIS (système d’information Schengen ; il y en avait 2379 inscrites en Belgique en 2016), de personnes expulsées ou interdites d’entrée, de gens considérés comme dangereux par la sûreté, ou qui peuvent compromettre les relations diplomatiques de la Belgique ou d’un autre état Schengen, de travailleurs non autorisés, de personnes remises à la Belgique en vue d’éloignement, en vertu d’accords internationaux que notre pays est tenu de respecter.
Les hébergeurs « Maximilien » gardent généralement les migrants qu’ils hébergent une ou deux nuits (il y a des exceptions, certains les gardant plusieurs mois). Soit beaucoup trop peu pour permettre une enquête et l’obtention d’un mandat de visite domiciliaire (sur lequel le juge d’instruction a trois jours pour statuer). Ceux-là ne risquent absolument rien.
Le pont aux ânes
La troisième ânerie est le soi-disant « délit de solidarité » brandi notamment par l’extrême gauche. Celui-ci n’existe pas en Belgique, qui a institué l’exception humanitaire (alors qu’en France, on peut être poursuivi-e pour avoir simplement hébergé un migrant). Autrement dit, si vous hébergez une personne pour des raisons humanitaires, vous ne risquez pas d’être poursuivi-e. Il en va évidemment autrement si vous le mettez en contact avec des passeurs ; dans ce cas, vous participez à un trafic d’êtres humains en bande organisée. Les trafiquants font payer les passages horriblement cher, poussant certains candidats à des actes délictueux ; ils leur font aussi prendre des risques mortels. Il y en a très peu qui parviennent à traverser. On peut donc franchement s’interroger sur le caractère humanitaire de telles complicités.
La quatrième ânerie n’en est pas une si vous ou « l’illégal-e » résistez, refusez de reconnaître sa présence, ou s’il refuse de décliner son identité. Dans ce cas, la police pourra effectivement fouiller votre domicile (après le vote éventuel d’une telle loi), mais uniquement pour chercher et emporter des documents prouvant son identité. Si, lorsque la police se présente, la personne visée par un OQT donne son identité, toute fouille est interdite. On peut néanmoins imaginer toutes sortes de situations traumatisantes, par exemple, si la personne tente de fuir. En revanche — et ça, on n’en a pas vraiment parlé non plus —, vous assisterez certainement à ce moment pénible où votre hébergé de quelques semaines ou de quelques mois, que vous trouvez forcément sympathique, devra faire son bagage, et présenter tout objet de valeur aux policiers pour inventaire.
On peut au passage se poser des questions sur l’attitude de ce que j’ai appelé « la gauche Maximilien » : en prétendant qu’il existerait un délit de solidarité et en faisant croire aux hébergeurs qu’ils risquent des perquisitions, ils effraient ces derniers presque toujours inutilement. Agissent-ils vraiment dans l’intérêt de ceux des migrants qui ont absolument besoin de cet élan citoyen ? Où sont-ils aveuglés par leur haine envers Theo Francken ? Notons aussi qu’ils sont les premiers à reprocher à Francken d’utiliser les peurs… Ce qu’ils font eux-mêmes.
En revanche, on doit en effet discuter sereinement des exceptions à l’inviolabilité du domicile, jusqu’ici réservées, selon les constitutionnalistes, à des crimes et délits. Il faudra tout de même leur rappeler que parmi ces exceptions, il y a aussi la visite domiciliaire des chômeurs (une loi d’abord instituée en 1999 par le dernier gouvernement De Haene CVP-PS — encore des nazis ? —, annulée par le gouvernement VLD-PS de Verhofstadt, et réintroduit par la suédoise), ou lorsque vous avez oublié de payer votre électricité (bonjour, monsieur l’huissier).
En réalité, le domicile est aujourd’hui plus violable si on n’a pas les moyens de payer quelqu’un (un avocat, par exemple) que si on héberge une personne considérée dangereuse par la Sûreté de l’État. Faut-il légiférer ? La question est bien plus complexe et les enjeux, bien plus étendus que ce qu’on laisse entendre à droite, où l’on aime trop la mathématique de l’expulsion, comme à gauche, où on mélange tout, avec un goût prononcé pour les années trente.
La citoyenneté en jeu
Au-delà du projet de loi et des gesticulations maximiliennes se pose enfin une question fondamentale qui n’a pas été évoquée : celle de la citoyenneté. Ma position « philosophique » est que tout humain a le droit de tenter sa chance en Europe. Mais je partage avec tous les partis gouvernementaux précédents — y compris ceux qui, lorsqu’ils sont dans l’opposition, font semblant de l’oublier (coucou le PS) — la certitude qu’une telle perspective est irréalisable. C’est non seulement une question d’ordre public, mais aussi un aspect fondamental de notre démocratie.
Car si tout le monde peut se promener en Belgique, avec ou sans papiers, avec ou sans autorisation, et sans le moindre contrôle, quel est encore le sens de la citoyenneté qu’on enseigne désormais à l’école ? Si toutes les personnes qui, de leur propre chef, ont décidé d’émigrer en Europe doivent être de surcroît accueillies, logées et nourries (ce qui ne coûte pas forcément très cher, et peut même « rapporter », à condition que ces migrants trouvent majoritairement un emploi réel — alors que selon l’OCDE, à peine un quart des réfugiés reconnus en Belgique ont un emploi après cinq ans —, et qu’il n’y ait pas un afflux d’aubaine : pourquoi des migrants se trouvant dans d’autres pays se refuseraient une telle protection ?), comment les citoyens qui ont lourdement contribué à la sécu et aux impôts vont-ils le prendre ? Vous allez leur injecter l’humanisme à la seringue ? Le leur administrer en suppositoire ? Les gaver d’humanité ?
Et la criminalité collatérale (extrêmement élevée chez les migrants non réfugiés et non reconnus, comme l’a récemment montré une étude allemande en Basse-Saxe — mais pas chez les réfugiés) ne va-t-elle pas provoquer le contraire de ce qu’on recherche, à savoir une montée de l’extrême droite, et un recul violent du droit d’entrée ? Pour rappel, en Allemagne, Angela Merkel est en train de reculer sur ce dossier après la traumatisante arrivée massive de l’extrême droite au Bundestag.
Nos pays sont fondés sur la citoyenneté et l’Europe elle-même consacre cette petite différence invisible, la nationalité d’un État membre. Elle différencie les citoyens d’un État membre et les citoyens de pays tiers. Autoriser l’entrée et la résidence illimitée des migrants sans visa revient à saper les fondements mêmes de notre organisation en nations. Et résister contre toute expulsion est un leurre : même si on régularise massivement, il y en aura encore. Penser que le fédéral peut organiser l’accueil de tous en est un aussi : si c’est si simple, pourquoi la région bruxelloise le fait-elle si peu ?
Le concours du plus populiste
Si le gouvernement (ou certains de ses membres) a effectivement des discours populistes — notamment quand il prétend que les migrants n’ont qu’à demander l’asile, sachant que dans la plupart des cas, cela les renverrait vers des pays qui l’accordent moins souvent que la Belgique, et probablement vers leur pays d’origine —, c’est bien la dernière raison de faire comme lui. Or, comparer notre époque à l’occupation ou au nazisme est, comme je viens de le montrer, aussi du populisme qui — circonstance aggravante — brouille les repères fondamentaux de notre société.
Et c’est la preuve que, même dans l’élite intellectuelle, même au sommet de l’ULB, et dans bien des partis, on a aujourd’hui complètement perdu les pédales. Or, quand le populisme est devenu le discours majoritaire tant à droite qu’à gauche, les spécialistes en la matière ont une longueur d’avance. Autrement dit, tomber dans ce panneau, et massivement, revient à soutenir les pires populistes. Il est confondant que ce soient des personnalités « de droite », comme Richard Miller ou Christine Defraigne, qui ont ramené le débat à ses justes et nécessaires proportions. Sans exagération, sans recours au nazisme, sans hargne et sans haine. Avis à une certaine gauche.
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67 Comments
Antoine Dellieu
février 01, 13:34guypimi
février 01, 14:37marcel
février 01, 16:27u'tz
février 01, 21:21marcel
février 02, 13:50u'tz
février 23, 22:34miyovo
février 01, 14:48marcel
février 01, 16:22miyovo
février 01, 17:57marcel
février 02, 14:25Antoine Dellieu
février 01, 19:24marcel
février 02, 13:58PH
février 01, 22:53Salade
février 01, 19:40marcel
février 02, 13:52Salade
février 02, 17:03marcel
février 03, 13:15Salade
février 03, 14:46Salade
février 01, 19:44u'tz
février 01, 21:58Eridan
février 02, 21:56u'tz
février 23, 22:48Bernard Lambeau
février 01, 22:40marcel
février 02, 13:50Eridan
février 02, 22:03marcel
février 03, 13:10Eridan
février 03, 19:53Antoine Dellieu
février 03, 13:02u'tz
février 02, 00:25Gabriel
février 02, 00:57marcel
février 02, 13:49Marc Lemaitre
février 02, 03:30marcel
février 02, 13:48u'tz
février 04, 21:16Cédric Boitte
février 02, 11:30Serge
février 02, 11:31Duck Henri
février 02, 12:26Salade
février 02, 13:04Salade
février 02, 17:22Salade
février 02, 18:37Eridan
février 02, 21:39marcel
février 03, 13:13Neufcour
février 03, 12:02marcel
février 03, 13:05Luc Lefebvre
février 03, 12:21marcel
février 03, 13:04u'tz
février 04, 20:54Salade
février 03, 17:11Salade
février 03, 17:48Tournaisien
février 03, 17:51Eric Lesage
février 03, 20:46Eridan
février 05, 12:15Salade
février 05, 12:37Guillaume van Steenberghe
février 05, 14:31marcel
février 05, 15:26Salade
février 05, 18:11Salade
février 09, 11:29Salade
février 06, 15:51Salade
février 06, 22:20Salade
février 07, 10:54Salade
février 09, 17:58Salade
février 09, 18:01Salade
février 09, 22:07Salade
février 09, 22:09Tournaisien
février 10, 18:40Bernard Lambeau
février 11, 21:25marcel
février 14, 00:59