Siegfried Bracke et son conflit d’intérêts à 20.000 €. (Mise à jour)
Mise à jour en gras italique. L’affaire Publifin a des répercussions inattendues. Et en Flandre, où la comparaison de François Gemenne entre l’intercommunale et « la mafia » avait été répercutée sans excès dans la presse, mais brandie, comme d’hab, par des N-VA, toujours prêts à brocarder du Francophone. Le scandale a franchi la frontière linguistique via Publipart, une filiale de Publilec, dont Publifin possède 59% des parts et la ville de Gand — où le président de la Chambre Siegfried Bracke est conseiller communal — 12%. Au Conseil d’Administration de Publilec, on retrouve les sempiternels André Gilles (PS), Stéphane Moreau (PS), Georges Pire (MR) et Alain Mathot (PS). Comme beaucoup de filiales de Publifin, Publilec a plus d’administrateurs que d’employés : 2 équivalents temps plein en tout et pour tout !
Soit dit en passant, Siegfried a été commissaire rémunéré de Publilec dès mars 2013, un mandat qui devait s’achever le 18-06-2019 et n’a plus été reconduit dès 2014. Curieux. Toujours est-il que Siegfried ne pouvait probablement pas ignorer la hauteur des jetons dorés de présence dans la filiale Publipart. Mais les émoluments pour 5 commissaires étaient alors de 5.400 €, pas de quoi fouetter un socialiste liégeois.
Le premier citoyen en conflit contre les socialistes et les intérêts (de l’État).
Après qu’on a dévoilé leur rémunération un chouïa exagérée (et que Siegfried, qui ne savait évidemment rien, a écarquillé les yeux, tenè, tenè), deux administrateurs flamands de Publipart, notamment un SP.a (socialiste) se sont retrouvés en porte-à-faux. Le SP.a, en question, c’est Tom Balthazar, échevin à Gand et bourgmestre en devenir de la cité. Il a dû (voulu) démissionner. Parce que la rémunération moyenne des administrateurs chez Publipart était d’un bon 19.000 euros, que l’intercommunale avait perdu 2.000.000 dans le scandale Optima, et investissait notamment dans les armes. Et quand les socialistes gantois peuvent être pris à partie, il y en a un qui se rue, et c’est le président de la Chambre, le premier citoyen de la démocratie belge, Siegfried Bracke (N-VA).
Sauf qu’en examinant ses cumuls, on s’est rappelé qu’il avait lui-même un étrange mandat rémunéré chez Telenet, la société qui gère le câble en Flandre et partiellement à Bruxelles. Un mandat de conseiller qui était payé 12.000 euros par an simplement pour exister, puis 2.000 € par réunion. De quoi assurer quelque 20.000 euros pour quatre heures de meeting annuels. Mieux que Tom Balthazar ! Sauf que Telenet reconnaît que ces réunions sont devenues rarissimes et incidemment, que Siegfried, tel un mandataire liégeois publifiniste, était en fait payé à ne rien foutre.
12.000 € pour ne rien faire, à la N-VA on sait aussi se servir !
On peut se demander quel est l’intérêt de Telenet, entreprise privée même plus très belge, d’engager des conseillers actifs en politique. Outre Siegfried Bracke, Patrick Dewael (ex-président de la Chambre – OVLD) et le député Peter Vanvelthoven (SP.a) ont aussi fait partie de cette équipe étrange. Ce dernier a d’ailleurs démissionné, par souci de déontologie. Auparavant, des personnalités comme Yves Leterme avaient aussi « conseillé » l’entreprise. Un ex premier-ministre, un ex-président de la chambre… et le futur président de la même chambre. Chez Telenet, on a plutôt du flair. Si ces politiques n’ont pas réellement de valeur en tant que conseillers, on peut se demander s’ils ne sont pas payés pour leur influence. Il est remarquable que le câble ne souffre toujours d’aucune concurrence et que, par rapport aux pays voisins, tant les prix de la télévision câblée que de la téléphonie mobile restent artificiellement élevés — le décodeur est près de deux fois plus cher qu’en France selon Test Achats. Le tout, associé à des réglementations opportunes, contribue peut-être à permettre Telenet d’engranger la bagatelle de 1,12 milliard d’euros de bénéfice brut sur un chiffre d’affaires de seulement 2,43 milliards, soit la bagatelle ahurissante de 46 % de bénéfice brut, comme le note De Standaard ce weekend, lui aussi halluciné !
Ces mandataires conseillers servent-ils à garantir que ce marché juteux, aux frais du contribuable-utilisateur, le reste le plus longtemps possible ? Jusqu’au sommet de la Chambre ?
Toujours est-il que, comme Voo, son homologue wallon, Telenet a étendu ses bras vers la téléphonie mobile, notamment en rachetant Base, le troisième opérateur mobile belge, en février 2016. Comme Voo, Telenet a aussi investi dans la production télévisuelle. Et c’est là que le bât blesse : parce que Telenet Holding Group (possédé à près de 60% par l’Américain Liberty Global) possède 50% de De Vijver Media qui, elle-même, possède 99,98% des chaînes flamandes privées Vier et Vijf.
Un président de la Chambre qui met la vie de policiers en danger.
Pourquoi c’est important ? Parce que Siegfried Bracke tire régulièrement à boulets rouges sur la VRT, la chaîne publique flamande, donnant au passage de bons points à VTM, la chaîne privée. Mais cela revient aussi à défendre Vier et Vijf sans le dire. Les attaques contre la VRT par son ancien journaliste Siegfried Bracke, et de surcroît par un président de la Chambre censé rester plus neutre que possible, sont évidemment étonnantes. Elles sont aussi parfois scandaleuses. Ainsi, lors de l’arrestation de Salah Abdeslam à Molenbeek, Bracke avait chaleureusement félicité VTM qui avait pratiquement retransmis l’arrestation en direct, au contraire de la VRT qui avait préféré suivre les consignes de la police.
Si Peter De Waele, porte-parole de la police fédérale, reconnaît qu’il n’y avait pas d’interdiction de rapporter en direct — considérant que la police ne peut pas l’imposer à chaque événement grave et qu’elle venait de le faire lors du Lockdown de Bruxelles — il disait néanmoins au Morgen que VTM avait, par son attitude, mis la vie de policiers en danger en émettant en direct. « Dans une maison comme celle-là, il y a des gens qui n’ont absolument pas peur pour leur propre vie. Que se passerait-il s’ils voyaient sur leur smartphone des images d’agents sur leur toit ? Ils tireraient tout simplement à travers le toit. Est-ce qu’un scoop vaut une vie ? » Réponse de VTM (en court) : de toute façon, ces gens ne nous regardent pas…
Le président de la chambre, payé 305.000 euros par an pour féliciter des journalistes qui ont mis la vie de policiers en danger.
Mais vous avez bien lu, en incitant VTM à diffuser l’arrestation de terroristes en direct, le président de la Chambre mettait la vie de policiers en danger. Rien que là, une démission s’imposait. L’affaire n’a pourtant pas atteint la presse francophone.
Un champion du bashing sur Twitter
Siegfried Bracke a aussi oublié de mentionner un mandat à l’Université de Gand, lui permettant de gagner jusqu’à 3.000 euros par an (pour autant qu’il se présente aux 15 réunions à 200 euros de jetons de présence). Dommage.
Il n’hésite pas non plus à sortir de sa réserve de premier citoyen en s’en prenant presque quotidiennement à la majorité SP.a (socialistes) — Groen (écologistes) sur Twitter. Sans compter des attaques contre le PTB dignes d’un blogueur salé (« le [porte-parole du PTB] est-il malade, ou devait-il se rendre en Corée du Nord ? »), ou encore, contre Guy Verhofstadt, le PS et la Wallonie, où il n’hésite pas à comparer Donald Trump et Paul Magnette (« Une ressemblance étonnante ? Les signaux lumineux de Paul Magnette et les Toyota de Donald Trump : un même combat ? #tousensemble ») non sans militer pour que le Vlaams Belang reçoive la même place dans les médias que le PVDA (PTB flamand).
Enfin, l’entreprise de Siegfried Bracke (dont il partage la gérance avec son épouse Marina Nuyts) a distribué 18.000 € de dividendes en 2015 et 31.360 en 2014. Il a présenté son mandat de cogérant comme non rémunéré. C’est probablement légal, des dividendes n’étant hélas pas considérés comme une rémunération en Belgique. Mais la transparence attendra.
Son couple aurait touché 18.000 € de dividendes, mais ce n’est pas de la rémunération.
Bref, voilà un président de la chambre incapable de respecter un minimum de neutralité, incapable de twitter au moins une fois sur cent en français, incapable de se concentrer sur son éminent emploi public, qui quitte Telenet par déontologie, alors que depuis déjà deux ans, il a violé cette même déontologie en tant que président de la chambre. Son départ de Telenet est un véritable aveu, mais comme tout bon cumulard wallon, il quitte en fanfare le mandat le moins rémunéré pour continuer à profiter de ceux qui l’engraissent le mieux. Ses mandats publics lui rapporteraient 305.000 euros par an, plus que le revenu d’Angela Merkel. La Belgique, ça paye.
À la N-VA, il est juste bon à diriger la Chambre
Voilà en plus un homme qui est aujourd’hui présenté comme « pas indispensable » par des élites de son propre parti (dans Het Laatste Nieuws), à la limite de l’incompétence pour certains, mais dont le même parti refuse de remettre en question la présence au perchoir, car, après tout, la démocratie belge reste bien le cadet de ses soucis. Ça ne sert donc à rien d’exiger sa démission : il restera tant que Bart De Wever le voudra. Ce qui montre une fois encore dans quel piège le MR s’est laissé enfermer.
Quand la Wallonie donne un meilleur exemple.
Ce même MR dont la présidente du Sénat, Christine Defraigne, a quelques leçons à donner à son collègue de la chambre : hormis un mandat de conseillère communale à Liège (je trouve qu’un-e présidente d’assemblée ne devrait pas siéger, en plus, dans une commune, même si un conseiller communal ne gagne quasi rien), elle n’a que les mandats rémunérés strictement nécessaires à sa fonction. Les trois mandats d’office liés au Parlement wallon (députée, députée de la FWB et sénatrice), et celui de présidente du Sénat. À cela s’ajoute un mandat de gérance de son cabinet d’avocats (qui emploie deux secrétaires et fait travailler 3 avocates) et de la société immobilière qui gère ses bureaux. Le reste est interne au MR, ou à Liège (la SDLG, qui promeut l’urbanisme de Liège-Guillemins et Liège Les Orgues, qui promotionne le patrimoine organistique de la cité ardente). Christine Defraigne n’hésite pas à répondre aux questions sur son entreprise sur son compte Twitter, contrairement à la plupart des mandataires. Bref, même si elle a probablement trop de boulot, son souci de transparence redore le blason liégeois, voire le blason wallon. Et par les temps qui courent, ça fait quand même du bien de rappeler que, parfois, des Francophones donnent un meilleur exemple qu’un fieffé nationaliste flamand.
12 Comments
Tournaisien
février 16, 19:07marcel
février 16, 19:37wallimero
février 17, 19:23marcel
février 19, 12:00wallimero
février 19, 21:25u'tz
février 20, 01:10lievenm
février 18, 12:34Capucine
février 18, 18:43Capucine
février 18, 19:44MUC
février 18, 20:53mélanippe
février 21, 17:24Blog à part » Le couple diabolique élu/électeur
mars 06, 11:39