La Belgique mauvaise en langues étrangères : l’info qui ne veut rien dire. On est juste moyens.
Vous l’avez certainement lu dans la presse : la Belgique ferait mauvaise figure en matière d’apprentissage des langues étrangères à l’école primaire. Exemple ici avec Le Soir, qui titre Écoles primaires, la Belgique, mauvaise élève en langues étrangères. Il n’est pas en reste, L’Avenir affirme que « moins de la moitié des élèves de primaire étudient une langue étrangère », L’Écho conclut que notre pays est « à la traîne » dans l’apprentissage des langues étrangères. Étrange conclusion d’un rapport où le champion serait — selon l’infographie du Soir — le Luxembourg (100 %) et la lanterne rouge, la Belgique (37 %) ou pire encore, la communauté flamande (29 %). Encore pire : les chiffres sont en baisse, puisqu’en 2012, on était encore à 39 %. Catastrophe !
En fait, catastrophe pour les journaux qui publient ce genre d’information sans fouiller juste un chouïa plus loin. C’est exactement le genre de choses qui mine la confiance dans la presse (en ligne, du moins) chez les citoyens qui se rendent bien compte qu’il y a un problème dans l’énoncé. Il faudrait purement et simplement s’interdire de diffuser des communiqués de presse vite emballés, mais sans intérêt.
Parce que dans ce rapport, les dés sont joliment pipés. Ainsi, le Luxembourg fait en réalité bien pire que la Belgique ! Dans ce pays, zéro (oui, vous avez bien lu : zéro) pour cent des élèves apprennent une langue étrangère au sens où il est entendu pour nous, soit une langue non officielle dans le pays d’enseignement.
Le Luxembourg, cancre toutes catégories en langues « étrangères » ?
Car oui, les Belges apprennent en fait beaucoup de langues. S’ils ne sont pas les champions toutes catégories, ils sont en tout cas dans le milieu du classement. Les petits Flamands du secondaire général apprennent tous deux langues, ce qui n’est vrai que dans 5 autres pays européens. Même les Francophones ne déméritent pas, avec 80 % d’élèves apprenant 2 langues dans le 2e cycle du secondaire général, soit plus et quelquefois beaucoup plus que dans 14 autres pays !
Seulement voilà, dans ce rapport si flippant pour nous, Eurostat considère comme « langues étrangères » celles qui sont qualifiées comme telles dans le pays lui-même. Ainsi, en Belgique, le néerlandais, le français et l’allemand ne sont pas, dans l’enseignement, considérés comme des langues étrangères. Et donc pas non plus pour Eurostat. En revanche, au Luxembourg, le français et l’allemand, tous deux obligatoires dès la primaire, et tous deux langues officielles, sont considérés comme des langues étrangères. Et donc, aussi pour Eurostat.
Mais dès le départ, les dés sont pipés. Car ce rapport ne tient pas compte du fait que certains pays ont plusieurs langues nationales. Sont ainsi désavantagés des pays comme l’Irlande, où l’on apprend le gaélique en primaire, et surtout la Belgique, la seule avec le Luxembourg à avoir trois langues nationales, dont deux sont des langues de travail de l’Union européenne — mais les deux pays ont eu un traitement statistique opposé ! Alors, où en sommes-nous réellement ?
Pour un élève francophone, le néerlandais n’est pas une langue étrangère, selon Eurostar.
Pour avoir des chiffres complets et donc comparables, je me suis basé sur le rapport Key Data on Teaching Languages at School in Europe 2012, paru en 2013 et disponible sur le site d’Eurostat. Il a en plus l’avantage de prendre l’Europe au sens large, avec la Turquie, l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein, du moins pour certaines statistiques. Et là, grosse surprise, le champion d’Europe de l’enseignement précoce des langues est… tatataaam : la Belgique. Oui, enfin, ne nous réjouissons pas trop, ça ne concerne que très peu de Belges, puisqu’il s’agit de la Communauté germanophone, où les élèves ont des activités ludiques en langues étrangères dès l’enseignement maternel, à 3 ans !
Hormis ce bel exemple, la Belgique ne se situe en fait que dans la moyenne — ce qui est tout de même mieux que lanterne rouge. Si l’on se base sur les langues autres (celles qui diffèrent de la langue d’enseignement, par exemple le néerlandais dans l’enseignement francophone), quinze pays en imposent une plus tôt que la Région bruxelloise (à partir de 8 ans d’âge). Pour les régions flamande et wallonne, c’est encore bien pire : seul le Royaume-Uni en impose une plus tard que ces deux-là. Peut mieux faire, donc ! À noter que les Pays-Bas n’imposent aucune langue étrangère dans le primaire, selon le rapport.
Pour l’apprentissage obligatoire d’une 2e langue autre, 8 pays font mieux que la Communauté flamande (12 ans), 13 font mieux que la germanophone (13 ans), et la bagatelle de 22 font mieux que la communauté française, qui n’imposerait pas de 2e langue autre en Wallonie dans l’ensemble de l’enseignement secondaire.
Les Francophones apprennent l’anglais plus tôt, mais se font dépasser plus tard.
On découvre parfois des résultats curieux. Ainsi, en primaire, l’anglais est plus courant en Wallonie (10 %) qu’en Flandre (0,2 %). Mais dans le secondaire inférieur, la situation s’inverse : avec un peu moins de 50 %, la Flandre redépasse la Wallonie (un peu moins de 40 %). Mais surtout, les deux communautés font figure de cancres absolus qui feraient bien d’être sévèrement punis par sa gracieuse majesté : ils sont tout simplement lanterne rouge de l’apprentissage de l’anglais en Europe ! Ils l’enseignent même deux fois moins que dans seize pays d’Europe ! Un comble pour un État qui héberge les institutions européennes et les lobbies où l’anglais native est si souvent requis…
Et puis, bizarrerie bien belge, quand on observe tout ça depuis le niveau européen, on découvre que, dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, la Communauté française est championne d’Europe de l’apprentissage d’une langue « autre que l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le français ou le russe », avec près de 60 % ! Cette langue, c’est bien évidemment le néerlandais. Dans cette catégorie, la Wallonie obtient la médaille d’or, d’une bonne tête devant l’Islande (48 %), la Finlande (45 %) et Malte. Tous les autres pays sont dans un peloton éloigné, sous les 10 %, la plupart sont même sous les 5 % !
Pour revenir à l’anglais, on remarque un paradoxe curieux entre nos deux grandes communautés : malgré un succès notoire de l’anglais première langue en Wallonie, les francophones ne sont que 65 % à avoir bénéficié de cours d’anglais dans l’enseignement obligatoire, contre 82 % de néerlandophones ! Sans compter qu’à Bruxelles, cette langue aussi fondamentale pour les échanges économiques ne commence à être enseignée qu’en troisième secondaire ! Soit beaucoup trop tard pour fabriquer des fluent speakers.
Pas si mal, la Belgique, mais peut mieux faire. Beaucoup mieux.
La Belgique fait aussi figure d’élève assez moyen quand on constate que les Francophones sont 60 % à apprendre la langue la plus enseignée (le néerlandais) et seulement 40 % à apprendre la seconde (l’anglais). À comparer à la Flandre où 93 % apprennent le français et 46 % l’anglais. Mais même elle fait piètre figure face au Danemark, où 100 % des élèves apprennent l’anglais, et 75 % l’allemand. Sans parler des luxembourgophones (100 % français et 100 % allemand).
Si les deux communautés ne s’en tirent finalement pas trop mal en langues — en tout cas beaucoup moins mal que ce qu’on raconte — il y a donc encore beaucoup à faire pour rendre les francophones (mais aussi, dans une moindre mesure, les néerlandophones) plus polyglottes et s’aligner sur les meilleurs. Alors que tous les Flamands apprennent deux langues ou plus dans le secondaire supérieur général, 20 % des Francophones n’en apprennent qu’une !
Le professionnel est aussi très mal traité en Wallonie, où seuls 50 % des élèves apprennent une langue étrangère (non nationale). Les difficultés à trouver des enseignants sont un autre problème typique : 85 % des élèves francophones fréquentent des écoles qui ont du mal à trouver ou remplacer des profs de langues. Ils ne sont que 70 % en Flandre, et 58 % au Pays bas.
L’enseignement, c’est d’abord enseigner aux enseignants.
La Communauté germanophone est aussi la championne d’Europe des mesures d’urgence permettant d’engager (temporairement ou non) des enseignants non pleinement qualifiés (39 %) devant l’Estonie, et la Communauté française (26 %). Hormis ceux-ci et la Slovénie, tous les autres pays emploient plus de 80 % d’enseignants pleinement qualifiés.
Autre paradoxe : si les trois quarts des enseignants francophones sont qualifiés pour 2 langues étrangères, ils ne sont que 50 % en Flandre, et moins de 10 % en France. Par ailleurs, on peut se demander s’il est normal que seule la Belgique les forme en 3 ans (pour l’enseignement secondaire inférieur), contre 4 ou 5 dans la plupart des autres pays — toujours selon le rapport.
Enfin, la petite perle pour la fin : l’un des champions du nombre de langues enseignées dans le secondaire inférieur est l’Italie, où 100 % des élèves apprennent l’anglais, 72,3 le français, 18,8 l’Espagnol et 8,7 l’allemand. Pas mal pour un pays dont les habitants sont capables de se faire comprendre par n’importe quel habitant de la planète, rien qu’avec leurs mains. Du coup, on les excusera pour leur légendaire Brrittttishé acceeeeento !
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15 Comments
moinsqueparfait'
septembre 27, 14:02Hansen
septembre 27, 14:53marcel
septembre 27, 15:23Tournaisien
septembre 27, 15:49Salade
septembre 27, 18:30hilarion lefuneste
septembre 28, 16:45Pfff
septembre 28, 18:54Rivière
septembre 28, 19:29Capucine
septembre 29, 07:30LilAngel
octobre 01, 23:31Pfff
octobre 03, 14:05Salade
octobre 03, 16:01Pfff
octobre 06, 14:45Pfff
octobre 05, 12:54Capucine
janvier 26, 11:49