Destexhe, le voile, la kippa et l’islamophobie.
Mise à jour du 24/7 à 11H29 en bas d’article.
Sur sa page Facebook, Alain Destexhe s’est ému du fait qu’au journal de la RTBF, seule une femme voilée a été invitée à s’exprimer sur la fête. Il a plus tard précisé au Soir que c’était le voile en tant que signe religieux qui posait problème, affirmant qu’il aurait réagi de la même façon avec une kippa ou une « grosse croix ». Il a évoqué un problème de déontologie.
D’abord, il est faux de dire que seule une femme voilée s’est exprimée (pendant 13 secondes). Sur l’ensemble des reportages de la RTBF sur la fête nationale, le micro a effectivement été tendu à une femme voilée et à son mari (arrivés en Belgique voici 2 ans selon la dame). Se sont ensuite exprimé-e-s : au Te Deum (événement religieux s’il en est — ah mais là, ça ne compte pas, n’est-ce pas, Alain ?), une dame non voilée mais avec des cheveux blonds et des lunettes. Au 16 rue de la Loi qu’on pouvait visiter : un monsieur à lunettes, un monsieur sans lunettes avec un T-shirt rouge (ce qui pourrait évoquer le socialisme) et un enfant à lunettes aussi. Ensuite, la RTBF a demandé à des passants ce que signifiaient les couleurs du drapeau. Là, on a eu un homme en t-shirt noir-jaune-rouge, un monsieur avec un chapeau multicolore et une chemise jaune à gros poids (ce qui pourrait passer pour du prosélytisme circassien), un homme à lunettes en chemise à carreaux, un militaire à lunettes, un marin à lunettes, une dame à lunettes et un homme sans lunettes, vêtu d’une chemise.
Soit trois femmes, dont une voilée et deux à lunettes, et 10 hommes, dont 5 portaient également des lunettes, et dont un était coiffé d’un chapeau, un second d’un béret et un troisième d’une casquette. On notera la surreprésentation des hommes, d’une part, et des lunettes d’autre part, nettement plus nombreux que les voiles, kippas ou croix, à se demander si Lapeyre n’a pas sponsorisé le journal ! À moins que ce soit Jupiler, tant les hommes étaient plus à la fête que leurs homologues féminin-e-s.
Voilà pour le compte. Je remercie au passage la RTBF d’avoir fait la part belle aux hommes à lunettes, une catégorie de citoyens largement discriminée dès la cour d’école alors que les femmes à lunettes, hein, on n’en dit que du bien !
Bien sûr, on peut se demander si Ophélie Fontana ne s’est pas un peu plantée en tendant le micro à cette famille sympathique — ce qui nous a permis de découvrir qu’une femme qui porte le voile est autorisée par son mari à sourire, à s’exprimer librement et même à parler dans un micro ; si ça, c’est pas complètement dingue ! — parce qu’elle avait annoncé qu’elle interrogerait « des Belges » alors que cette maman et ce papa semblent plutôt être des immigrés récents (deux ans sur le territoire, donc). Aurait-elle dû poser plus de questions à ce couple avant de l’interviewer ? Ça, on peut le penser, il eût été intéressant qu’elle commence par « voici un couple en Belgique depuis deux ans et qui est aime déjà notre pays ». Voilà tout ce qu’on pourrait éventuellement reprocher à Ophélie ou à la RTBF.
Pour le choix d’une personne voilée, la journaliste a probablement voulu souligner l’un des aspects de la fête, celui de la diversité, qu’elle évoque juste avant. Où est le problème ? Dans le fait qu’elle a rappelé, en sélectionnant une famille musulmane dans la foule, que la population ciblée au quotidien aujourd’hui par des soupçons insensés de violence et de jihadisme était pacifique, sympathique, gaie, ouverte, comme vous et moi ? Quelle horreur ! Rendez-vous compte : la RTBF donne la parole à un couple d’immigrés qui nous félicite pour notre pays formidable ! Comment peut-on tolérer de tels compliments ?
Cette énième sortie du député ne révèle donc rien d’autre que son aversion pour le voile islamique qui n’était pas, ici, porté au sein d’une administration ni par une personne représentant l’État mais par une simple résidente. Le rôle des médias est de refléter les réalités de la société. Et la présence de personnes voilées, pacifiques, contentes de vivre en Belgique, fait partie de ces réalités. Ne pas l’accepter revient à ne pas accepter ces personnes et à poser des conditions discriminatoires à la réalisation d’un reportage. Dans sa défense au Soir, Destexhe affirme qu’il aurait eu la même réaction si la personne avait porté une kippa. Ceci signifie-t-il qu’on ne peut plus porter de kippa en rue ? Espérons que non, mais cela signifie à tout le moins que si on le fait, on ne peut plus être interviewé par la RTBF le 21 juillet.
Certains imagineront que si on avait interrogé un juif orthodoxe et qu’Alain Destexhe avait hurlé au scandale, les réactions se seraient entendues jusqu’à Jérusalem. Probablement pas, le personnage n’est pas suffisamment signifiant pour ça. Et surtout, bien sûr, il ne l’aurait jamais fait ! Cette kippa est en fait tout ce qu’Alain Destexhe a trouvé pour justifier sa position islamophobe. Car ses sorties régulières sur le voile créent un climat détestable. Il invite ses followers à percevoir le voile comme une anormalité en rue, et les musulmanes pratiquantes qui choisissent de le porter, comme des citoyennes à ne pas interviewer. Ce faisant, Alain Destexhe joue sur les peurs de citoyens effrayés par la présence (relativement nouvelle) de voiles en rue en insinuant qu’il y aurait donc des catégories de Belges moins fréquentables, moins montrables, moins dignes d’être belges !
C’est précisément là que le mot islamophobe prend tout son sens et que ce terme, rejeté par Destexhe et quelques autres xénophobes (mais aussi des progressistes égarés) montre son utilité : il ne porte pas sur la critique de l’islam (ce qui porte un nom : « la critique de l’islam ») mais bien sur la stigmatisation de ceux et celles qui le pratiquent. L’islamophobie est à son apogée lorsqu’on présente les musulmans en rue, ou à la fête nationale, comme une anomalie à ne pas présenter à la télévision.
En rejetant ce terme, les islamophobes empêchent ceux qui les surveillent et les critiquent de coller un nom à cette forme particulièrement pernicieuse de xénophobie, à travers laquelle toute la population d’origine nord-africaine et turque est visée — je pense notamment à Wilders ou à Dewinter. En désactivant le terme islamophobie, ils font passer des diatribes haineuses contre une religion pour « de la critique ».
La critique de l’islam ? Je ne m’en prive pas. Je n’aime pas le voile islamique. Voilà, je le dis. Je n’aime pas les gens qui cherchent à l’imposer aux femmes pour mieux les soumettre. Je n’aime pas que des femmes se sentent obligées de le porter dans certains quartiers pour ne pas se faire insulter. Je n’admets même pas l’idée qu’un dieu ait créé des êtres de beauté pour exiger ensuite qu’ils cachent leurs corps. Ça c’est mon opinion personnelle et j’exige qu’on me permette de l’exprimer librement.
Mais j’ai le respect le plus absolu pour celles qui choisissent de cacher leurs cheveux parce qu’elles considèrent que c’est ce que leur dieu attend d’elles. Et j’exige qu’il leur soit permis de le faire aussi librement qu’il m’est permis de critiquer l’idée qui les amène à le faire. Une société libérale, c’est ça : un échange de libres procédés.
Lorsque, comme Destexhe, on fustige à juste titre les imams étrangers qui viennent dans notre pays prêcher une vision moyenâgeuse de la religion musulmane, on s’efforce à tout le moins de ne pas être aussi moyenâgeux dans ses propres comportements, de nous épargner le spectacle d’un Torquemada de pacotille de l’intolérance laïque.
Cet épisode anecdotique illustre que, probablement, Alain n’est pas réellement en guerre contre les plus radicaux des islamistes, comme il le prétend, mais contre les musulmans pratiquants tout court. Une guerre que le Mouvement réformateur continue à tolérer du bout des lèvres (Olivier Chastel a appelé Alain Destexhe pour le recadrer) et qui lui donne un petit air de Parti populaire, celui-là même où monsieur Destexhe devrait émigrer…
À moins bien sûr que le Vlaams Belang ne soit plus indiqué !
Màj du 23/7 Selon une personne qui déclare connaître la dame interviewée par Ophélie Fontana, celle-ci ne serait pas d’immigration récente, elle serait née en Belgique et partie plus tard en Syrie, dont elle serait revenu il y a deux ans. Ce serait alors une citoyenne belge. Je mettrai à jour si j’obtiens une confirmation de cette déclaration.
MaJ du 24/7 : Sur son nouveau blog bruxellois, que je vous recommande chaudement, Karim Fadoul donne la parole à Sawsan et Omar, les deux personnes interviewées. Des gens. Des êtres. Avec des prénoms.
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Gilles-Bxl
juillet 22, 20:10Shanan Khairi
juillet 23, 02:59Shanan Khairi
juillet 22, 20:20Salade
juillet 22, 20:45Hansen
juillet 22, 20:56José Delfosse
juillet 22, 22:20Bison, la colle super-puissante
juillet 22, 22:40guypimi
juillet 22, 22:57MasterOfMisrule
juillet 22, 23:24Marcel Sel
juillet 23, 00:51MasterOfMisrule
juillet 23, 02:15Marcel Sel
juillet 23, 13:07Sandra
juillet 23, 13:46MasterOfMisrule
juillet 23, 17:22Marcel Sel
juillet 24, 15:19MasterOfMisrule
juillet 25, 03:49denis DINSART
juillet 27, 07:49Sandra
juillet 27, 19:44Potomac
juillet 24, 14:03L'enfoiré
juillet 28, 14:25Shanan Khairi
juillet 23, 03:22MasterOfMisrule
juillet 24, 04:31Potomac
juillet 25, 00:56MasterOfMisrule
juillet 28, 05:03Pfff
juillet 31, 19:32u'tz
juillet 23, 00:37Francoise Smet
juillet 23, 00:50Pierre
juillet 23, 09:21serge
juillet 23, 10:39u'tz
juillet 23, 17:13Tournaisien
juillet 23, 12:00Marcel Sel
juillet 23, 13:11Tournaisien
juillet 23, 15:22Francoise Smet
juillet 23, 17:18Pfff
juillet 31, 16:45Pfff
juillet 31, 17:13u'tz
juillet 23, 15:35u'tz
juillet 23, 17:02Njeng
juillet 23, 16:00Pfff
juillet 31, 19:37Jester
juillet 27, 16:54Marcel Sel
juillet 27, 16:55cathy catowl
novembre 14, 14:56