Paniekvoetbal à la Suédoise. Ou quand Charles perd les pédales.
Paniekvoetbal, en néerlandais, décrit une équipe qui tire dans tous les sens pour éviter que la balle n’entre dans ses buts lorsque l’équipe d’en face a tellement pris le dessus que marquer semble impossible. Dans le paniekvoetbal, les joueurs ont perdu tout sens de l’organisation, la défense est désespérée, l’attaque inaccessible, et tout raisonnement un tant soit peu créatif, ou même simplement raisonnable est exclu. Et plus elle s’affole, plus l’équipe s’approche de l’inéluctable ratatinage.
Le mot paniekvoetbal a désormais un sens plus précis en français. Il décrit un parti qui, s’étant engagé dans une coalition contre nature dont il risque de faire tous les frais sans en recueillir le moindre bénéfice, se met à tirer à vue sur n’importe qui, aggravant encore la situation dans laquelle il se trouve. Ce parti, c’est le MR. Son paniekvoetbal a été révélé ce dimanche, par un twit du porte-parole du premier ministre, Frédéric Cauderlier, au politologue de l’ULB Pascal Delwit. Ce dernier avait eu le malheur de pépier auparavant :
Charles Michel : « Une non-indexation, c’est une non-augmentation des revenus ». Nouveaux manuels en vue.
La réponse n’a pas tardé, par la voix de Frédéric Cauderlier :
@pdelwit L’IEV aurait une autre analyse ?
Les non-initiés ne le percevront pas, mais c’est une véritable gifle : l’IEV dont parle Cauderlier, c’est l’Institut Émile Vandervelde, autrement dit, le centre d’études du… parti socialiste. En une toute petite phrase, le « monsieur presse » du premier ministre insinuait donc publiquement que, non seulement le politologue Delwit avait une vision partisane de la politique, mais en plus, qu’il violait les règles fondamentales de l’Académie en prenant ses sources au parti socialiste !
Le salaire réel, Charles n’en est pas revenu !
Le pire, c’est que dans cette histoire, Charles Michel a bien été pris en flagrant délit de démagogie. Posons sa question plus simplement, en ôtant la double négation. Une indexation est-elle une augmentation des revenus ? Oui, si l’on parle du revenu en termes absolus (le revenu nominal). Autrement dit, la somme exacte, en euros, qui vous est virée en fin de mois augmente effectivement. Mais Charles Michel ne précise pas qu’il parle du revenu nominal ! Il dit simplement « le revenu ». Et comme il est question d’index dans la phrase, autrement dit, de l’adaptation du salaire au coût de la vie, il va de soi que le mot revenu dans ce contexte ne peut être compris que comme le revenu réel, à savoir, le pouvoir d’achat. Or, une indexation ne représente pas une augmentation du revenu réel. L’index ne représente même pas une adaptation continue de celui-ci, mais un rééquilibrage postérieur à l’inflation. L’index corrige donc une baisse du revenu réel qui a déjà eu lieu et dont le salarié a déjà fait les frais. Ainsi, si l’indice pivot de 101,02 (par rapport à 100 en janvier 2013) était atteint en mai 2015 — ce que rien ne laisse présager —, le salarié aurait vu son salaire amputé d’une moyenne de 0,5 % (au pif) pendant plus de deux ans !
Dire alors que l’index augmente le revenu est parfaitement abusif. Charles Michel profite du peu d’ampleur de l’indice des prix actuel, qui peut donner cette impression. Mais voyons cela sur une plus longue période. Si on n’avait pas adapté les revenus depuis 1999, le salaire brut moyen des Belges au travail ne serait pas de 3.258 €, mais bien de… 2.238 €. Et votre pouvoir d’achat (ou votre revenu réel) ne vaudrait plus que les 2/3 de ce qu’il valait à l’époque — pas si lointaine ! Conclusion : l’index n’augmente pas le revenu et Charles Michel a joué d’un effet de pure rhétorique, digne de la 2e secondaire, et je suis encore gentil.
Pascal Delwit, généralement zen comme un marabout digérant son déjeuner au soleil de la savane, répond à Cauderlier avec une virulence exceptionnelle qui témoigne de l’agression qui lui a été faite :
.@FredCauderlier [Je] ne sais pas [ce que pense l’IEV NDLA], demande-leur. Mais dans les milieux scientifiques, une indexation, c’est une adaptation au coût de la vie.
Delwit rappelle à Cauderlier qu’il est scientifique, qu’il n’a (évidemment) pas de lien avec l’Institut Émile Vandervelde, et rend la gifle en lui donnant la définition scientifique d’une indexation. Acculé dans les cordes, Fred Cauderlier donne l’ampleur de l’analyse « scientifique » libérale actuelle en ânonnant :
@PDelwit dans le portefeuille c’est un montant supplémentaire à la situation d’avant indexation. #soyonsconcrets.
Concret ? Mais avec une concrétude pareille, on peut aussi remplacer votre salaire en euro par le même montant en yens et affirmer que « dans le portefeuille, le montant est le même ».
Une Midden-Trabant au prix d’une Ford (de Genk)
C’est tout de même grave que, confronté à une telle approximation de son patron, le porte-parole du premier ministre ne redresse même pas l’image et cherche, comme lui, à nous vendre un TEE pour un TGV, une Lada Niva pour une VW Tiguan ou encore un camembert Monoprix pour un brie de Meaux. Car au mieux, dans le portefeuille, c’est peut-être un montant de 2 % « supplémentaire », mais c’est aussi un portefeuille qui se vide 2 % plus rapidement. Et dire l’un sans dire l’autre, c’est de la pure propagande. Du mensonge. Du blabla.
Tout cela n’a rien d’étonnant. La veille de ce coup d’éclat dominical, c’est Charles Michel lui-même qui s’en prenait aux « politologues » dans SudPresse : « On n’a pas forcément côté francophone des politologues qui ont un avis favorable à notre égard. Beaucoup de commentateurs sont connotés. Certains sont même ‘engagés’ ». Et lundi matin, La Libre reprenait cette citation hallucinante en précisant que ces propos visaient Michel Henrion, Alain Raviart ou encore Pascal Delwit. D’autres sources rapportent que des articles parus dans de grands quotidiens n’ont pas plu non plus.
Or, en Belgique, critiquer la presse n’est pas nouveau dans le chef d’un premier ministre. Yves Leterme avait même atteint le point Godwin en comparant la RTBF à la radio rwandaise qui avait appelé au génocide. Il n’est même pas déraisonnable de penser que Michel Henrion a plutôt un point de vue de gauche et que Raviart est parfois plus catholique que la papesse Milquet. Mais c’est maladroit parce que leur opinion n’est certainement pas un calque de celle d’un parti, loin de là. Autant appeler la presse et les chroniqueurs à taper encore plus fort sur vous !
Mais cibler les politologues (des scientifiques), et un d’entre eux en particulier en le faisant passer pour partisan parce qu’il relève une information volontairement erronée dans le chef du patron du pays, ça, c’est tout à fait nouveau ! Et cela montre que le MR commence à sentir ses fesses chauffer. Paniekvoetbal.
Ducarme désuet
Côté francophone, les libéraux sont seuls à la barre (du pays), mais sont en forte minorité dans toutes les assemblées, y compris à la Chambre (dans le rôle francophone, du moins). Ce qui nous a valu un beau vaudeville ce dimanche, à la RTBF, où Denis Ducarme (MR) s’est retrouvé tout seul face à quatre autres partis francophones de l’opposition qui l’ont strontché avec une facilité déconcertante. D’abord parce qu’ils étaient en surnombre. Et ensuite parce que leur discours était plus cohérent, et plus en phase avec les inquiétudes de la population, sinon avec ses colères après le LuxLeaks, notamment. Bien sûr, quand le PS calcule le montant exact que les mesures gouvernementales vont coûter au travailleur, il exagère le résultat. Mais quand le MR explique que ça ne va rien coûter, non seulement, il ment, mais en sus, il prend des risques : quand ses électeurs vont se retrouver avec une moins-value dans leur portefeuille, ils se sentiront trahis par le programme, le parti, et par la parole donnée. Pourtant, un politicien de la carrure de Charles Michel doit savoir que quand on impose des restrictions à sa population, lui envoyer de la poudre aux yeux ne le convaincra pas, au contraire. Tout ça se soldera dans quatre ans et quelques mois.
Pendant le débat, surréaliste, de la RTBF, Denis Ducarme s’est plaint à au moins trois reprises de sa position minoritaire. C’est pourtant bien son parti qui a choisi de monter seul dans le gouvernement de la N-VA ! Ducarme a aussi tenté de s’en prendre aux médias, mais Baudouin Remy l’a rapidement remis à sa place : « vous êtes dans un média », lui a-t-il dit en souriant. Le pire, peut-être, c’est que Ducarme, chantre de la déflamandisation de l’armée, ennemi naturel de la N-VA, évincé d’un poste de ministre par cette même N-VA (alors que personne n’a pensé mettre le hola à l’arrivée des très sulfureux Jambon et Francken… ça dit déjà tout le déséquilibre du gouvernement), en était réduit à défendre bec et ongles le programme… de la N-VA !
Mais au fond, pourquoi était-il seul, Denis ? La RTBF aurait-elle omis d’inviter d’autres partis — flamands — de la majorité ? Apparemment non. Dans les couloirs de la chaîne, on murmure que d’autres partis gouvernementaux auraient bien été invités, dont la N-VA, mais que tous ont décliné l’invitation, laissant Denis Ducarme tout seul dans ce qu’il est convenu d’appeler la fosse aux lions tant l’exercice revenait à se faire dépecer et bouffer tout cru par la surpuissante opposition. Extraordinaire solidarité gouvernementale, vous ne trouvez pas ? Du coup, l‘opposition francophone n’a même pas besoin d’être unie (Ecolo tapant volontiers sur l’ancienne majorité, en particulier sur le PS) pour l’emporter haut la main sur le seul représentant du gouvernement ! Ah oui, le sujet : la taxation des plus-values.
Au théâtre ce soir avec Bart à la barre.
Là aussi, on a assisté à un beau vaudeville. En fin de semaine passée, poussé aux fesses par les LuxLeaks et le somptueux bonus du patron d’Omega Pharma (annoncé dans la presse à 1,45 milliard d’euros, totalement exonéré d’impôts…), le CD&V a fait mine de vouloir un impôt sur les plus-values. Prudent autant que réaliste, Kris Peeters a précisé, sur ATV (la chaîne locale anversoise, que je vous recommande), que c’était son souhait de taxer un peu le capital, mais qu’il se rendait bien compte que ce n’était pas très en phase avec l’accord du gouvernement. Kris Peeters privilégie, dit-il, la loyauté fédérale. Autrement dit : « je demande à tout hasard parce que je sais que ça fait plaisir à mon électorat, mais je sais aussi que ça n’aboutira pas. » D’autres voix au CD&V se sont faites plus revendicatrices. Probablement bousculé par l’actualité, le ministre du Budget, le MR Hervé Jamar, a même entrouvert une petite porte dans la presse avant de vite la refermer, le lendemain, dès potron-minet.
Et qui a mis fin aux atermoiements ? Le premier ministre ? Que non : c’est un duo N-VA qui s’en est chargé, à la Chambre en nous offrant une saynète joliment surréaliste. Les acteurs : le chef de groupe de la N-VA Hendrik Vuye — le fameux professeur flamingant de l’Université de Namur —, et le ministre des Finances, N-VA aussi, Johan Van Overtveldt. Vuye a posé une question parlementaire à son coreligionnaire Van Overtveldt pour lui permettre d’expliquer qu’on pouvait toujours discuter. Son ton ne laissait toutefois planer aucun doute sur le résultat potentiel d’une telle discussion. Et Vuye a ensuite remercié « son » ministre et repris la parole pour dire particulièrement sèchement que si certains voulaient vraiment en discuter, la N-VA aurait, elle aussi, ses exigences.
En clair, elle demanderait du lourd en échange : la limitation du droit au chômage à deux ans, par exemple. Cette pièce de théâtre entre deux ténors d’un même parti jouant l’un, le ministre des Finances et l’autre, un chef de groupe énervé, fut de toute évidence savamment orchestrée, et plus que probablement téléguidée par le big boss, Bart De Wever qui vient d’être réélu président du parti à une stalinienne majorité de 91 % — faisant pratiquement jeu égal avec Lutgen et ses 90,5 %, mais toujours loin de Di Rupo qui avait encore plus singé le petit père des peuples avec quasi 97 % en 2011.
Bart Vader, petit père du peuple de droite.
Curieusement, alors que Bart De Wever se situe terriblement à droite, il est parvenu à transformer la présidence de son parti en présidence de facto du pays, un peu à la façon soviétique. Même le roi n’a plus le moindre millimètre de marge de manœuvre quand Bart a décidé quelque chose. Sa méthode est d’une habileté absolue : son idéologie se situe à ce point à la droite de tout le monde qu’elle fonctionne comme un simple ballon : Bart lâche du lest quand il le veut bien, mais prévient que le ballon peut aussi remonter si on ne respecte pas la doxa minimale qu’il maintient. La perspective d’une chute du gouvernement faisant tellement peur à tout le monde — elle serait forcément au profit des nationalistes — qu’il ne viendrait pas à l’idée de couper le fil qui retient la N-VA captive des autres formations.
Pendant cinq ans, tous les Belges se verront donc imposer le programme d’un parti qui représente un cinquième de la population. Et en Wallonie, ils se verront imposer le programme du gouvernement très flamand par un parti qui représente un quart de la population francophone. Ce n’est pas seulement la rupture d’une certaine vision de la Belgique, c’est carrément la rupture de la démocratie à la belge. Quoi que disent les autres partis, Vuye et Van Overtveldt viennent de nous démontrer que le Schoon Verdiep (le bureau de De Wever à l’Hôtel de Ville d’Anvers) est le vrai lieu du pouvoir belge. Enfin… belge… je me comprends. Et je l’ai dit bien avant que ce gouvernement ne se forme : il est extrêmement dangereux de ne pas confier ses rênes officiellement à son poids lourd, Bart. Parce que d’une manière ou d’une autre, c’est lui qui dirige. Sans prendre le moindre risque, puisqu’il n’a pas officiellement de responsabilité. Confier la chancellerie à Charles Michel revenait donc à mettre à la tête de notre gouvernement une demie-autorité qui passe pour téléguidée — une marionnette francophone de surcroît. Et qu’est-ce que la politique sans l’autorité ?
La rapide clôture du débat sur le révisionnisme de Jan Jambon, sur ses fréquentations insupportables, sur son adhésion à un club — le VVB — dont le président a encore encensé cette année un nazi antisémite qui a envoyé la jeunesse flamande dans la SS ; l’absence de débat sur le négationnisme de Bob Maes, qui a refusé de se distancier du Führer flamand chasseur de Juifs Staf De Clerck ; le silence hallucinant de la communauté juive montrent à quel point la N-VA a non seulement imposé sa politique à l’État, mais aussi imposé aux Francophones une version flamingante du révisionnisme institué de façon indolore et à doses homéopathiques dans les milieux politiques en Flandre depuis 1946, avec la complicité de certains organes de presse, vite satisfaits de vagues excuses ou d’explications fumeuses.
Charles Michel, le courage de se faire hara-kiri.
Charles Michel est donc devenu une parodie de premier ministre par ambition personnelle ou par naïveté, peu importe : le prix qu’il aura à payer sera probablement aussi extrême que le radicalisme de son choix. Non pas « courageux » comme tout le MR le crie en cœur (quand on a besoin de crier, c’est que son message n’est pas crédible), mais suicidaire. Pour lui, pour nous, pour le pays. Suicidaire, parce que la N-VA ne fait absolument rien pour le soutenir dans sa région électorale et que les mesures sont à la fois si dures et si absconses qu’on voit mal qui pourrait encore vouloir d’une droite aussi maladroite en 2019. Suicidaire, parce que gouverner un État sous la direction d’un parti qui en veut la fin, ce n’est pas laisser entrer un cheval de Troie, non : c’est ouvrir grand les portes aux sapeurs d’en face et leur donner les clés de l’armurerie par-dessus le marché ! Suicidaire, parce que le socio-économique à la sauce N-VA est une chimère.
Probablement aveuglé par la perspective de coiffer son crâne glabre d’une couronne trop grande pour lui, Charles Michel n’a même pas pu empêcher la N-VA de s’emparer des portefeuilles de la répression, ceux où la rigueur d’action et la démonstration de force peuvent rendre particulièrement populaire, comme l’a montré Maggie De Block. Théo Francken est en train de suivre le même chemin avec une habileté remarquable en saupoudrant une politique radicale de renvoi des demandeurs d’asile par des annonces d’un humanisme digne d’un CDH les jours de Carème : voyez, il va aider les mineurs arrivés seuls sur notre territoire en leur proposant un « plan de vie ». Quelle générosité ! C’est exactement l’objectif d’une directive européenne datant de… 2003 ! Ah tiens, non, zut, aucun journal n’a pensé à le signaler…
Ce genre d’annonce populiste qui ne change rien d’autre que l’image du ministre qui la fait, vous allez en entendre encore pendant cinq ans dans ce parti. Du moins si le gouvernement tient cinq ans. Car la N-VA s’est donné (et a reçu) toutes les chances d’être encore plus populaire en 2019. Et simultanément, elle coupe l’herbe sous le pied de son partenaire MR qui risque bien de devenir le troisième, voire le quatrième parti francophone — à moins d’un miracle économique. Car ce qui intéresse Bart, ce n’est pas de se retrouver au fédéral dans cinq ans, mais de ne pas trop affaiblir son « meilleur ennemi », le PS, voire de lui rendre de belles couleurs qui trahiront l’indécrottable propension du minable Francophone à voter pour des bolchéviques. Cela revient à laisser le MR s’embourber. Plus il s’enfonce, plus Bart avance vers l’indépendance.
Le refus de Magnette d’inviter Jan Jambon à l’inauguration du commissariat de Charleroi montre que la Wallonie se détache déjà, et sans complexes.
L’on comprend dès lors que le MR, isolé, naïf, coincé, harcelé de toute part, perde les pédales au point de s’en prendre aux politologues : cela montre simplement qu’il n’a déjà plus rien en main, que tout lui glisse des paluches.
Les sept MR-cenaires.
Car ses ministres n’ont pas brillé — faute d’être les plus brillants du parti, absents pour la plupart. L’une n’est pas arrivée à donner un chiffre correct sur les économies demandées à la SNCB et en arrive déjà aux effets d’annonce bartiennes, comme le fait de punir financièrement le patron du chemin de fer pour chaque retard. On rirait bien à gorge déployée si ce n’était aussi pathétique. L’autre est arrivée avec des déclarations sur le nucléaire qui ont fait hurler de l’opposition au gouvernement. Didier Reynders semble bien être le seul des sept MR-cenaires (de la N-VA) à tirer son épingle du jeu. Un peu comme si, côté francophone, il n’y avait qu’un ministre digne de ce nom, qui regarde le jeu de quilles tout en ménageant sa propre réputation.
Le seul dossier qu’il ait touché s’est déjà transformé en or électoral : en deux jours, il a « sauvé » la culture bruxelloise, excusez du peu ! Le reste du temps, il fait un tourisme qui lui fait le plus grand bien, et soigne son image d’homme d’État. On n’a même plus envie de rappeler que Reynders est le César Borgia libéral tant son intelligence politique fait plaisir à voir. Il se promène, il sourit, il compte les points que Charles Michel lui met de côté, bien involontairement. Il a réussi un tour de force : entrer dans un gouvernement N-VA sans se brûler même le bout des ailes. Il sortira seul gagnant du maelström. Comme quoi l’opportunisme n’est pas une tare en politique, pourvu qu’on ait aussi le talent, et un minimum de clairvoyance.
Celle qui a manqué à Charles Michel quand il a vraiment cru que la N-VA allait tenir sa promesse de ne pas aborder le communautaire. Au contraire, depuis un mois, il est omniprésent. Ça tient à la nature de la Belgique. Déjà, il l’est dans tous les dossiers qui touchent à Bruxelles ou qui portent sur les différences financières entre peuple du Nord et peuple du Sud. Il est présent dans chaque suppression de ligne SNCB en Wallonie. Dans le dossier RER à Bruxelles. Dans les mesures sociales qui toucheront évidemment d’abord les régions les plus pauvres (suivez mon regard).
Con comme communautaire
Mais pire : la N-VA saisit toutes les occasions qui se présentent pour jouer son petit nationaliste. Ainsi, quand Jan Jambon, ministre de la Sécurité intérieure (la S.I., à ne pas confondre avec la S.A. — pardon, ça m’a échappé) félicite les policiers bruxellois sur Twitter pour leur résistance face aux dockers anversois (ah non, zut, c’est vrai, ils n’étaient même pas là… c’étaient des dockers carolos ou de Libramont…), il le fait exclusivement en néerlandais. Un comble pour la police d’une ville à 85 % francophone (au moins) ! Un comble aussi pour un vice-premier ministre ! Quand il annonce une enquête contre le bourgmestre PS bruxellois Yvan Mayeur, il le fait uniquement devant son public flamand, et uniquement en néerlandais à nouveau. Un comble, encore. Jambon va jusqu’à répondre exclusivement en néerlandais à une question parlementaire d’un-e député-e francophone. Qu’on se le dise : il est bien le ministre de l’Intérieur des Flamands exclusivement. De quoi faire enrager les Francophones. C’est le but.
Quand Johan Van Overtveldt décide, au Parlement, d’en finir avec les velléités de taxation des plus-values, il dit les trois premières phrases en français et, ce service minimum achevé, donne tout le reste de son speech en néerlandais. Et de tous ces ministres, vous n’en avez pas encore vu l’ombre d’un-e sur les chaînes francophones : ils refusent toutes les invitations. Une fois encore, les N-VA du gouvernement « Michel » (avec guillemets bien sûr) « nous » disent que nous ne sommes pas invités au grand bal de la citoyenneté. Ajoutez à cela que le parti de Charles Michel a hérité de portefeuilles soit problématiques, soit soumis aux portefeuilles de la N-VA : eh oui, on ne peut rien faire sans l’accord du ministre des Finances, mes petits amis bleus ! Et le ministère des Finances N-VA ne privilégiera jamais la Wallonie ou Bruxelles, ce serait carrément contre sa nature. Il a le pouvoir, et le rapide rétropédalage d’Hervé Jamar sur la taxation sur les plus-values l’a bien montré.
Voilà donc un cocktail explosif qui ne peut qu’envoyer les libéraux francophones dans une fuite en avant qui ne s’arrêtera que si des résultats concrets récompensent le « courage » du MR. On savait que ce serait hard, mais on ne s’attendait pas à ce que le premier ministre et son chargé de com dérapent aussi vite — le gouvernement n’a qu’un gros mois d’existence. Ni à ce que le ton monte aussi rapidement au sein même de la coalition bosnienne (rapport au drapeau bosnien, jaune et bleu, avec un V dedans). Car oui, Hendrik Vuye a été excessivement sec envers son partenaire CD&V.
On a dit que ce gouvernement était celui de la rupture ? Il faudra peu de choses pour que cette rupture ne se transforme en crash. On a cinq ans pour en mesurer les conséquences.
ANNEXE
Quelques mots sur l’index.
Concrètement, s’il n’y avait pas d’index en Belgique et que votre salaire n’avait pas augmenté depuis 2004, votre revenu réel serait aujourd’hui amputé d’un bon 20 % par rapport à cette année-là. Autrement dit, vous pourriez acheter un cinquième de moins que ce que vous achetiez à l’époque ! Si vous êtes au salaire minimal de l’époque, vous ne seriez franchement pas loin du seuil de pauvreté aujourd’hui…
Mais que se passe-t-il dans les pays où il n’y a pas d’index ? Eh bien, la concertation sociale les relève progressivement, mais sans automatisme. Et parfois nettement plus qu’en Belgique. Ainsi, de 2005 à 2013, le salaire moyen (qui n’est qu’une indication imparfaite) a augmenté de 25,6 % chez nous. En France, il a grimpé de 36,3 % sur la même période. En Finlande, de 32,6 %. Plus raisonnables, les Autrichiens et les Allemands ont vu leur salaire moyen croître de 23 %, les Néerlandais, de 22,3 %. Les Anglais ont progressé d’un maigre 18 % (en livres) tandis qu’en Suède, il grimpait de… 41 % (en couronnes) ! Et que voit-on dans le PIB/habitants (en euros) ? Eh bien, qu’il n’y a aucune corrélation particulière entre croissance du PIB par habitant et croissance des salaires ! Hormis peut-être pour le Royaume-Uni qui reste dans le bas du tableau.
En 2012, la Banque Nationale notait : « Entre 1996 et 2011, les salaires nominaux en Belgique ont augmenté à un rythme un peu moins rapide que ceux de la France, et considérablement moins qu’aux Pays-Bas. Par contre, en Allemagne ils sont restés contenus, surtout depuis 2002 par une politique de modération salariale […]. Vue sur l’ensemble de la période, la présence en Belgique d’un système d’indexation formel n’a donc pas nécessairement causé une augmentation des salaires nominaux plus élevée par rapport aux pays qui l’entourent. La BNB en conclut que le système de l’index automatique n’est donc pas nécessaire. C’est vrai, mais c’est tout de même une garantie appréciable.
Quant au taux de chômage, on retrouve effectivement plusieurs des pays où les salaires ont le moins crû dans le bas du tableau. Mais avec des nuances : s’il a considérablement baissé en Allemagne (mais au prix de minijobs et d’une inégalité croissante), il n’a pratiquement pas bougé en Autriche, où il était historiquement bas. Et aux Pays-Bas, il a retrouvé une pente descendante après avoir tout de même fait une inquiétante grimpette, et là non plus, la corrélation avec la hausse des salaires n’est pas claire du tout. Autrement dit, la croissance des salaires n’est pas un facteur qui peut déterminer à lui seul la croissance du PIB, ni le taux de chômage. Quant aux inégalités, elles ont donc crû en Allemagne (l’indice de GINI y a pris trois points, de 0,26 à 0,29…), tandis que les meilleurs élèves du peloton restaient l’Autriche, la Finlande, la Belgique, les Pays-Bas et… la Suède !
Sur le plan de la compétitivité, en réduisant les “cotisations patronales”, le gouvernement devrait permettre de la retrouver, mais hélas sans lâcher la pression sur le salaire net. Car les salaires belges nets restent toujours très bas par rapport à tout le Nord de l’Europe. C’est la pression fiscale sur ceux-ci qui nous rendent si chers à l’étranger. Même en Allemagne, le soi-disant exemple de Bart De Wever (en fait, c’est plutôt le Royaume-Uni de Cameron, voire de Thatcher), il y a un impôt sur les plus-values.
Enfin, le plus caustique : si l’économie continue à stagner comme elle le fait aujourd’hui, il n’y aura de toute façon pas d’index (ni de saut d’index) avant fin 2015, voire fin 2016. Si la décroissance s’accélère, il pourrait même ne pas intervenir avant… 2019. D’ici là, on aura eu le temps de penser à l’infini !
0 Comments
Myckilem
novembre 18, 15:04Léo
novembre 18, 15:14Cedric lemaire
novembre 19, 00:14Marcel Sel
novembre 19, 23:46uit 't zuiltje
novembre 20, 02:06Roger, un blanc sec
novembre 18, 15:24Léo
novembre 19, 10:36Marcel Sel
novembre 19, 23:45uit 't zuiltje
novembre 20, 02:35uit 't zuiltje
novembre 21, 00:10Pfff
novembre 20, 14:23Pfff
novembre 20, 14:26Willy
novembre 19, 12:36Roger, un blanc sec
novembre 20, 18:16Marcel Sel
novembre 20, 23:00uit 't zuiltje
novembre 21, 00:49leyn
novembre 18, 15:30leyn
novembre 18, 16:05uit 't zuiltje
novembre 21, 23:42francolatre
novembre 18, 16:31Michel
novembre 18, 18:21thomas
novembre 18, 19:00uit 't zuiltje
novembre 19, 20:30thomas
novembre 20, 02:32uit 't zuiltje
novembre 20, 21:21Rivière
novembre 18, 19:17Marcel Sel
novembre 18, 23:09Willy
novembre 19, 13:08Pfff
novembre 18, 19:59uit't zuiltje
novembre 19, 10:27salade
novembre 18, 20:06uit 't zuiltje
novembre 18, 20:09uit 't zuiltje
novembre 18, 20:28Pfff
novembre 18, 20:11uit't zuiltje
novembre 19, 10:19Pfff
novembre 20, 16:53uit 't zuiltje
novembre 21, 01:27Descamps J-M
novembre 18, 20:12salade
novembre 19, 00:36uit 't zuiltje
novembre 20, 01:51MUC
novembre 19, 00:11Marcel Sel
novembre 19, 23:47MUC
novembre 20, 00:58uit 't zuiltje
novembre 21, 01:49MUC
novembre 24, 12:40leyn
novembre 19, 09:16Boris Dessy
novembre 19, 11:35Marcel Sel
novembre 19, 23:39Marcel Sel
novembre 19, 23:43Pfff
novembre 19, 12:09Pfff
novembre 19, 12:15uit 't zuiltje
novembre 21, 23:47Maurice
novembre 19, 13:55Marcel Sel
novembre 19, 23:20salade
novembre 20, 00:00Pfff
novembre 20, 16:06thomas
novembre 20, 02:48Pfff
novembre 20, 13:02Pfff
novembre 20, 13:10Marcel Sel
novembre 20, 13:18Pfff
novembre 20, 13:31Pfff
novembre 20, 13:38Pfff
novembre 20, 15:39Pfff
novembre 20, 15:42Pfff
novembre 20, 15:57Pfff
novembre 20, 16:46Pfff
novembre 20, 13:16Didier
novembre 19, 14:45Marcel Sel
novembre 19, 23:08Didier
novembre 20, 10:12Marcel Sel
novembre 20, 13:22francolatre
novembre 19, 18:13Marcel Sel
novembre 19, 23:01uit 't zuiltje
novembre 20, 01:58MUC
novembre 20, 19:12Pfff
novembre 21, 12:03uit 't zuiltje
novembre 21, 14:42thomas
novembre 20, 02:59Marcel Sel
novembre 20, 13:23Pfff
novembre 20, 15:04uit 't zuiltje
novembre 20, 21:52uit 't zuiltje
novembre 21, 23:59Manu Kodeck (@kodeckmanu)
novembre 19, 18:28Capucine
novembre 19, 18:33MUC
novembre 20, 01:01xavier castille
novembre 19, 19:00leyn
novembre 20, 01:09Capucine
novembre 20, 11:58Pfff
novembre 20, 16:17uit 't zuiltje
novembre 20, 22:04uit 't zuiltje
novembre 22, 00:05Pfff
novembre 20, 12:46leyn
novembre 20, 13:12Pfff
novembre 20, 14:12Pfff
novembre 20, 15:12Pfff
novembre 20, 15:49leyn
novembre 20, 14:27