Wallonie. Le patrimoine est laissé à l’abandon. Virgil le photographie pour alerter. Interview.

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J’ai rencontré Virgil dans une école de Huy dans le cadre du prix des Lycéens. C’est un explorateur urbain, et un amoureux du patrimoine. Il sillonne la Wallonie à la recherche de sites menacés. Ses photos m’ont beaucoup plu (« bluffé » serait plus juste). Elles rappellent au spectateur l’importance du patrimoine wallon. La plupart de celles qui illustrent cet article sont prises dans des sites… classés. Interview.
(cliquez sur les photos pour voir les détails de l’abandon)

 

MS : On n’a pas beaucoup entendu parler du patrimoine pendant ces élections. Pas du tout serait plus juste. Quel est votre constat ?
V : Catastrophique : en plusieurs années, le nombre de biens classés/non classés qui ont été abandonnés a plus que doublé. Châteaux, églises, palais… des bâtiments historiques d’une grande valeur sont laissés à l’usure du temps et des pilleurs. 

MS : Mais il y a des règles, des plans, non ?
V : Eh bien, on vous assure un suivi à l’Awap (Agence du Patrimoine wallon) et au cabinet du ministre Collin, mais il suffit de les appeler pour comprendre qu’ils sont complètement impuissants à empêcher une perte cruciale du patrimoine.

MS : Mais pourquoi ?
V : Eh bien, parce que, le patrimoine, c’est surtout du bien privé et si une ville décide de laisser ses biens classés à l’abandon, c’est son droit tant que cela ne menace pas la sécurité publique. Ils ont cherché des solutions autour des thèmes « on ne saurait pas tout garder » et « il faut regarder vers l’avenir » : une grande procédure de déclassement est en cours dans le pays, et on abat des biens classés en passant par dessus des mesures de déclassement ou en abattant carrément sous prétexte de sécurité publique. C’est toujours plus facile de faire du tri que de s’en occuper !

MS : Et vous, à quel titre intervenez-vous ?
V : Eh bien, d’abord, je suis « explorateur urbain » dans mon temps libre. Je visite ces lieux oubliés qu’on finit par démolir. Mais je suis également président d’une communauté de défense du patrimoine et j’essaye de défendre ces sites. 

« À force de ne voir que l’avenir, on oublie le fondement de nos leçons : préserver le passé ! »

MS : Des exemples ?
V : Par exemple, l’église de Flémalle-Grande. On a dépensé plus de 800 000 euros dans le vide, parce que l’architecte a contribué à déstabiliser encore plus le bâtiment ! Ça me fait ch… C’est de l’argent public dépensé pour rien.

MS : Donc, il y a des subsides…
V : Oui, mais cette perte patrimoniale n’est pas due à un manque de subsides, mais bien à un manque de gestion et à un désintérêt qu’on a propagé. À force de ne voir que l’avenir, on oublie le fondement de nos leçons : préserver le passé ! 

MS : Oui, mais les moyens sont forcément limités. Que feriez-vous, à leur place ?
V : Si j’avais ce pouvoir, je pense que j’aménagerais des lieux pour entreposer les plus beaux éléments des sites qu’on ne peut pas garder, pour éviter une perte historique complète. Comme des châssis, des cheminées, des vitraux… Ils pourraient aussi être replacés dans de nouveaux bâtiments… on pourrait même les vendre à condition de respecter certaines conditions (de visibilité, par exemple). Les bénéfices pourraient dans ce cas faciliter l’entretien de bâtiments historiques. 

« Le scandale, c’est que la plupart des gens pensent que le classement permet une protection du bâtiment. »

MS : Ça me paraît une idée intéressante !
V : Oui, mais en réalité, je n’invente rien, l’humanité l’a toujours fait ! Aujourd’hui, j’ai l’impression que la période industrielle nous a fait perdre beaucoup plus qu’on ne le pense ! J’ai l’impression qu’on découvre le tri, le recyclage… Alors qu’on fait ça depuis la nuit des temps ! Le scandale, c’est que la plupart des gens pensent que le classement permet une protection du bâtiment. En réalité, il permet seulement « parfois » de trouver des subsides et de montrer que le bâtiment a de l’intérêt. 

MS : Et l’article 192 du Code de l’Aménagement du Territoire ?
V : C’est un classement, mais sans garantie de subsides. Il ne sert qu’à « décorer » un code très peu suivi à la lettre dans nos régions.

Photos © Virgil 2019

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5 réponses

  1. Article et rencontre importants. Il est impératif de soutenir Virgil et tous ceux (il y en a beaucoup) qui sont convaincus, à juste titre, que préserver le passé est aussi important en Wallonie ou à Bruxelles que préparer l’avenir. Et c’est aussi songer à l’avenir. Une fois de plus Marcel Sel (et Virgil) a vu juste.

  2. le patrimoine s’il appartient à tous ou non… le choix des photos ne m’inspire aucun mot, lieux de culte en ruine…
    la Wallonie à payer en son temps le patrimoine flamand

    1. Bonjour.

      Virgil ne souhaite pas qu’on légende les photos pour éviter d’attirer des pilleurs sur les lieux qu’il a photographiés et je pense qu’il a raison, hélas !

  3. tout est laissé à l’abandon en Wallonie. En particulier les infrastructures. Le but est de ne plus dépenser un centime pour le citoyen. Sauf des fêtes.

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Marcel Sel est auteur, romancier, journaliste, chroniqueur et satiriste. 

 

 

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