Olivier Vandecasteele : la liberté au prix de l’écœurement.
Dans écœurement, il y a cœur. Et dans l’affaire Vandecasteele, toute la communication tourne autour de cet organe. Le cœur de le voir libre. Le cœur de voir sa famille réjouie, rassurée. Jusqu’au cœur factice d’un chœur politique et médiatique qui déploie les superlatifs les plus enjaillés pour porter l’excellentissime nouvelle : Olivier Vandecasteele est libre. Libre ! Rendez-vous compte ! Li-bre !
Cœur avec les doigts !
Que sa famille se réjouisse n’est que justice. Comme toutes les familles iraniennes se réjouissent quand enfin, leur jeunot ou jeunotte sort de prison après y avoir été jeté(e), dès seize ou dix-sept ans, pour une rédaction scolaire un tant soit peu critique du régime.
Que les médias sortent leurs unes barnumesques, avec des reportages sur l’homme, sa famille, ses soutiens, sa descente de l’avion, sa souffrance en prison, c’est encore de bonne guerre. Ça nous rappelle les journalistes français (H/F/X) libérés autrefois de factions libanaises souvent proches, d’ailleurs, de la Syrie ou de l’Iran. Tous avaient été libérés au prix d’une contrepartie. Mais au moins, celle-ci se négociait en toute discrétion, et généralement, la contrepartie était secrète.
Une liberté au goût amer.
Et donc, les partis de la majorité auraient mieux fait de rester humbles. Car ici, nous avons un gouvernement qui a officialisé le principe de « libération » d’un terroriste condamné contre celle d’un innocent, en pondant une loi permettant de transférer un condamné vers son pays d’origine, prétendument pour qu’il y purge le reste de sa peine. Bien sûr, personne n’a jamais pensé qu’il la purgerait réellement.
Cette loi enterrinait un traité qui devait permettre des échanges de condamnés avec l’un des régimes les plus barbares de la planète. Et si ce traité ne visait pas, au départ, la libération de Vandecasteele, il fut très vite pris comme le cas particulier qui justifiait l’accord. À la Cour Constitutionnelle, les opposants iraniens se sont retrouvés opposés au Conseil des Ministres et à Olivier Vandecasteele. Rien que ça est déjà bien triste.
Le traité n’a finalement pas servi, notamment parce que la Cour Constitutionnelle a imposé d’informer les victimes du terroriste transférable. Ça aurait provoqué des appels qui auraient retardé voire annulé sa libération. Et donc, celle d’Olivier Vandecasteele. Ah, ce droit des victimes !
Mais en plus, ce traité impose que les deux personnes échangées, soit Olivier Vandecasteele et Assaddollah Assadi, purgent le reste de leur peine dans leur pays d’origine. En principe, la Belgique, aurait donc dû envoyer Vandecasteele à Haren dès son arrivée. De ça, il n’a jamais été question, au contraire. Toute la communication gouvernementale a porté sur une libération.
La morale à géométrie variable
Dans l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, les victimes ont, parmi d’autres moyens, expliqué qu’Assadi serait lui aussi libéré dès son arrivée en Iran. L’avocat de Vandecasteele a alors contesté cet argument qui ne reposait, selon lui, sur rien. Un moyen de défense bien sûr légitime, mais qui révèle l’hypocrisie de tels traités : pourquoi l’Iran respecterait-il un accord que l’autre partie ne comptait, dès le départ, pas respecter ?
Bien sûr, les mollahs ne reconnaîtront jamais que leur système judiciaire est pourri jusqu’à l’os. Mais quelle joie pour eux de prouver à leurs citoyens que les Occidentaux font à leur régime la leçon d’une morale qu’eux même annoncent par avance ne pas respecter !
Pour que le transfèrement ait lieu, il fallait aussi que chacun des deux pays reconnaissent la sentence infligée par l’autre. En d’autres termes, la Belgique aurait dû accepter d’humilier la Justice en reconnaissant qu’Olivier Vandecasteele avait été condamné à juste titre ! Heureusement, l’Iran n’accepta pas une telle reconnaissance. Le transfèrement était dès lors impossible. Exit donc le traité et la loi du 30 juillet 2022 qui va avec. Tout ça pour ça !
Un terroriste acclamé à Téhéran
Le gouvernement a alors choisi d’utiliser sa capacité constitutionnelle en matière d’affaires étrangères, nichée dans l’article 167 — le fait du prince. Ça permettait de ne plus poser la question de la sentence à purger au pays pour Assaddollah Assadi. Ni celle de sa libération : il a été accueilli à Téhéran comme Olivier Vandecasteele l’a été en Belgique : en héros, en diplomate victime d’une injustice des affreux Occidentaux, provoquée par ces saletés d’opposants qui feraient bien de pourrir en enfer. Et devraient, eux aussi, être livrés à l’Iran, mais pour y périr lentement, par pendaison au bout d’un câble d’acier hissé par une grue devant un public hurlant sa haine des droits humains.
Dès son arrivée, Assadi est apparu à la télévision entre deux officiels, le cou orné d’un collier de fleurs et le regard noir de l’assassin.
Pendant qu’un Belge jouit enfin de sa juste liberté longtemps espérée dans son pays et ailleurs, des milliers d’opposants iraniens, très jeunes notamment, pourrissent toujours dans les geôles du pays. Des dizaines voire des centaines d’entre eux sont exécutés pour des peccadilles. L’Iran islamiste continue même très probablement à imaginer et à mettre sur pied des actions visant à assassiner ses opposants en Europe. Et il pourra récupérer ensuite les exécutants condamnés pour terrorisme.
Les opposants iraniens continueront à être enfermés et rêveront d’avoir la nationalité belge. Celle qui permet d’espérer une délivrance autre que celle administrée par la corde.
L’émocratie libérée.
Certes, le terroriste libéré ne pourra jamais revenir en Europe. Mais l’expérience d’Assaddollah Assadi pourra servir les nouvelles équipes que les mollahs nous enverront. Ou alors, on l’utilisera pour d’autres basses besognes. Mais rassurons-nous : seuls des innocents et innocentes iranien(ne)s en paieront le prix, de leur peau, de leur sang, de leur vie.
Si tout gouvernement a la légitimité de se réjouir de la libération d’un innocent, il la perd s’il ne respecte pas, en même temps, les autres victimes qui continuent à subir les affres d’un des pires totalitarismes concentrationnaires (sans parler des jeunes filles gazées dans leurs écoles). Il en est déchu s’il ne reconnaît pas qu’il a, par cet échange de prisonniers, alimenté la propagande de l’effroyable république islamiste. Qu’il y a certes une « victoire », mais aussi un échec cuisant. S’il oublie les résistants iraniens, qui prennent ces réjouissances comme une gifle. S’il laisse penser que l’humanité se limite à abolir les souffrances d’un homme, sans regard pour celles de millions d’autres.
Mais le pire, le pire du pire, c’est la joie exprimée en tintamarre par les partis politiques qui ont participé à cette « libération » si sélective. Ces cris de victoire minables signent la seule victoire de l’émocratie, ce populisme du cœur qui abat la pédagogie politique au profit de la propagande facile. Regardez, nous avons libéré Vandecasteele ! Qu’est-ce qu’on a du cœur hein, les gens ! Votez pour nous !
Avec, à nouveau, une mention spéciale pour Ecolo qui, sur Facebook, n’a pas hésité à apposer son logo sous la photo d’Olivier Vandecasteele. La récupération politique doit être une forme d’économie circulaire. Pathétique !
Entretemps, la raison, l’humilité, la réserve sont écrasés sous ces vivats faciles qui en appellent au cœur. Jusqu’à l’écœurement. Cette fois, il fut immédiat.
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© Marcel Sel, 2023. Reproduction interdite sans accord de l’auteur.
7 Comments
alainreisenfeld
mai 27, 13:46Simon J.
mai 27, 14:20Flandre Pierre
mai 27, 19:26VH
mai 27, 20:02Pascal Deb
mai 28, 15:43marcel
mai 29, 08:31Uit ´t Zuitje
juin 18, 18:19