Bruxellois-e-s francophones, pour éviter la cata N-VA, votez flamand (MàJ)!
Mise à jour du 17 mai 2019, avec le dernier Grand Baromètre (en italique gras)
Il y a des moments où il faut passer outre ses désirs politiques. Passer outre ses réticences communautaires — pour ceux qui en ont encore. Il y a des moments où il faut oublier, aussi, les grands principes. À Bruxelles, ce moment est peut-être arrivé. La N-VA pourrait « gagner » l’élection régionale côté flamand. Et si c’est le cas, nous le saurons trop tard. Il faut agir avant.
Si le Grand Baromètre RTL/Le Soir du 15 février, ou le dernier baromètre de ce 17 mai se vérifiait le 26 mai, il serait impossible de former un gouvernement bruxellois sans la N-VA. En effet, même si elle n’obtenait « que » 41 % des voix néerlandophones dans la capitale, les 12 % du Vlaams Belang empêcheraient toute coalition sans elle (depuis ce soir, le Vlaams Belang a encore pris plus de couleurs…). Le cauchemar absolu étant qu’avec des scores pareils, la N-VA pourrait même imposer une majorité flamande avec… le Vlaams Belang — pour autant qu’elle le veuille, ce que je ne pense pas.
Suite au Baromètre politique de la RTBF/La Libre du 24 avril, on nous annonçait que, ouf !, le risque était écarté : la N-VA ne faisant « que » 31 % environ des votes flamands. Cet optimisme est pour le moins naïf.
D’abord, rien ne dit que les urnes seront aussi défavorables au parti de Bart, bien évidemment. Ensuite, le nombre de personnes sondées à Bruxelles sur les partis flamands est trop bas pour qu’on puisse considérer ces sondages comme fiables. Ainsi, entre un baromètre et l’autre, le SP.a double son score et le CD&V le réduit de moitié. Mais en principe, la fiabilité augmente au fur et à mesure qu’on monte dans les pourcentages. Autrement dit, il serait plus fiable pour les résultats de la N-VA (de 4,2 ou 31 % des voix flamandes à plus de 6 %, ou 41 %) que pour ceux, par exemple, du SP.a (1,1 % ou 2,1 %).
Mais c’est justement parce que l’on considère les intentions pour l’ensemble des partis flamands comme très vogelpik (hypothétiques) que nous restons dans l’inconnu quant au score réel des nationalistes flamands. Nous avons une simple indication : il y a beaucoup de chances pour qu’ils « cartonnent ». Et si leur score les rend incontournables, cela peut avoir des effets catastrophiques.
La majorité, c’est un député sur dix
Pour rappel, à Bruxelles, les partis flamands disposent au parlement régional d’un nombre fixe de 17 sièges sur 89, soit 19 % des sièges. Or, les estimations du nombre de Néerlandophones à Bruxelles oscillent, selon les méthodes, entre 7 et 12 %. Ils bénéficient donc d’une surreprésentation parlementaire de 60 à 170 % (en gros, près du triple dans le second cas). Ceci, pour préserver les droits de la minorité flamande.
Mais il y a mieux (ou pire) : chaque projet ou proposition d’ordonnance (les lois bruxelloises, on va dire) doit obtenir une majorité dans les deux rôles linguistiques. Autrement dit, il suffit que la moitié des élus « néerlandophones » s’opposent à une ordonnance — soit neuf députés sur 89 —, pour qu’elle soit rejetée.
Il suffit de neuf députés flamands pour bloquer n’importe quel projet bruxellois.
Ceci signifie aussi que la protection de la minorité flamande ne porte pas uniquement sur ses droits culturels et linguistiques, mais bien sur absolument tous les sujets ! Une N-VA forte, même hors gouvernement, militera activement pour présenter les projets qui ne lui plaisent pas comme antiflamands et présenter les partis néerlandophones qui les voteront comme, plus ou moins, « traîtres » à la flamanditude. Et vu le « buikgevoel » flamand (ce mélange de patriotisme, de frustration, de belgitude et de nationalisme), ça peut fonctionner épisodiquement. C’est donc un risque parlementaire à ne pas négliger.
Bien sûr, si la N-VA avait la majorité côté flamand, elle pourrait purement et simplement tout bloquer au Parlement !
Des élections à qui perd gagne (ou qui gagne perd)
Au niveau de l’exécutif, c’est encore plus « juteux ». Le gouvernement bruxellois est issu des négociations parallèles entre les partis victorieux des deux « communautés ». Autrement dit, si la N-VA apparaît incontournable côté flamand (qu’elle soit majoritaire ou que son score soit suffisamment impressionnant pour que les autres refusent de monter sans elle – c’est ce qui a causé la crise des 500 jours, pour rappel), les partis francophones n’auront d’autre choix que de gouverner avec la N-VA.
Ça peut être cocasse. Imaginez Zakia Khattabi au bord de la ministre-présidence bruxelloise, découvrant qu’elle devra accueillir un ou deux ministres N-VA dans son gouvernement… ou comment perdre en gagnant ! Car, soyons clairs, selon Alain Maron (Ecolo), qui me répond parfois sérieusement sur Twitter, Ecolo ne montera pas dans un gouvernement bruxellois avec la N-VA. Nous avons donc une hypothèse où Ecolo serait grand vainqueur à Bruxelles, mais condamné à l’opposition à cause d’un parti qui aurait obtenu 5 ou 6 % des voix. Ce serait évidemment déficitaire démocratiquement parlant.
Rappelons aussi que, sur toutes les matières, la minorité administrativement flamande a autant à dire à Bruxelles que la majorité administrativement francophone. C’est pourquoi un ministre élu par quelques centaines de personnes issues de la minorité a autant de pouvoir sur les décisions infrastructurelles (par exemple, le pavage ou l’asphaltage des voiries) qu’un ministre élu par des dizaines de milliers de personnes issues de la majorité. C’est une hérésie, bien sûr (autant, j’ai toujours milité pour une protection culturelle et linguistique forte et performante pour les minorités où qu’elles soient, autant je considère légitime que les décisions infrastructurelles doivent refléter les souhaits de la majorité, toutes communautés confondues).
Le virus dans le système
Imaginez un ou deux ministres N-VA à Bruxelles… Cela reviendrait à donner une partie importante du pouvoir bruxellois à un parti qui, non seulement, est très minoritaire (mais ça, on a l’habitude), mais qui, en plus, exige le transfert du pouvoir bruxellois entre des mains flamandes, un bilinguisme parfait dans l’administration (impossible à réaliser, mais soit), la fusion des communes ou leur disparition, et un confédéralisme dans lequel il pourrait codiriger Bruxelles « contre » ses habitants, depuis Anvers. Tout parti francophone qui l’intègrerait à la donne bruxelloise lui offrirait donc un pouvoir de nuisance assez colossal sur un plateau. Là aussi, l’opposition parlerait volontiers de « trahison ».
Même si je pense que la N-VA au gouvernement bruxellois pourrait contribuer à régler certaines choses (par exemple sur l’accueil des néerlandophones à Bruxelles, qui n’est pas toujours à la hauteur, alors qu’ils représentent, de jour, un tiers des « clients » des boutiques et entreprises), et même si le parti a démontré, au fédéral, qu’il était plus soucieux de se montrer bon gestionnaire que de détruire le pays de l’intérieur, certains dossiers ont bel et bien été « flamandisés » (nominations, musées…) Et il y a bien assez de partis flamands soucieux du respect de leur culture pour militer pour plus et mieux de néerlandais à Bruxelles.
La perspective de devoir gouverner avec la N-VA à Bruxelles peut provoquer une crise gouvernementale majeure.
L’obsession de la reflamandisation de Bruxelles est suffisamment historique pour qu’on ne se berce pas trop d’illusions et qu’on parte du principe que la N-VA au gouvernement bruxellois serait le loup chez Monsieur Seguin. Une inquiétude suffisante pour penser que la perspective de devoir gouverner avec la N-VA glacerait les partis francophones et provoquerait une crise gouvernementale dans une région confrontée à un nombre de défis qui, justement, requiert une attention de tous les instants. Bruxelles n ne peut pas se permettre une crise gouvernementale de 100, 200, 500 ou 1000 jours.
Ce qui nous rassure nous rend plus faibles
Même dans le sondage « rassurant » d’avril 2019, Groen arrive en deuxième, avec un très joli 22 % derrière la N-VA « évitable » (31 %). Ensemble, ils dépassent les 50 %. Ce qui signifie que les partis flamands de la Région bruxelloise devront se coaliser au moins avec l’un (N-VA) ou l’autre (Groen). Si l’on en reste aux pourcentages, les coalitions minimales pour atteindre une majorité (sans préjuger du rapport en sièges qui peut changer la donne en tous sens) sont : N-VA + Groen (très improbable) ; N-VA + CD&V + Open VLD (suédoise) ; Groen + CD&V + Open VLD. Vous l’avez compris, le risque d’une crise n’est pas écarté si, par exemple, les autres partis de droite et centre droit rechignent à écarter le premier de classe.
À cela, l’on devrait évidemment ajouter le PVDA mais, dans les sondages, il est globalisé avec le PTB, ce qui ne permet pas de mesurer son « poids flamand » à Bruxelles. De toute manière, il n’a pas vocation à gérer, n’aime pas trop les coalitions (cf. Molenbeek), sans parler de son projet marxiste-léniniste aux accents farfelus, comme la taxe des millionnaires qui rapporterait deux fois plus, selon le parti, que l’ISF en France, pour une population six fois moindre. Excusez du peu.
Pour maintenir Bruxelles, votez flamand !
Contre le succès potentiel de la N-VA, les Francophones bruxellois qui ont un tant soit peu le sens de la préservation devraient donc soutenir les non-nationalistes néerlandophones et voter pour des partis flamands à Bruxelles. Ça tombe bien, il y a là tous les choix traditionnels : Groen, SP.a, Open VLD, CD&V… Et beaucoup de candidats flamands sont sympathiquement toniques.
On me dira que c’est une façon peu catholique de contourner la séparation communautaire du pouvoir de décision à Bruxelles. Voter pour l’autre communauté dans le but de modifier le poids électoral de « ses » partis est en effet peu éthique, surtout lorsqu’on le fait à partir de la majorité.
Électeurs-trices francophones prudents, commencez à vous intéresser aux candidats néerlandophones.
Mais l’excès de pouvoir qui est donné à cette minorité sur tous les sujets n’est pas plus éthique ou démocratique. De plus, l’on subodore que pas mal d’électeurs N-VA sont en fait des Francophones en mal d’un projet néoconservateur, fût-il nationaliste flamand, tout comme on pense que le succès du Vlaams Belang à dans la Capitale est en partie dû aux Fransquillons trop führibards pour comprendre que voter VB, c’est voter contre eux-mêmes (et, bien sûr, contre tout le monde, en fait). Mais le blocage potentiel de Bruxelles à l’arrivée potentielle d’une N-VA serait bel et bien dû à cette structure en usine à gaz — les deux communautés ayant chacune leurs responsabilités dans ce bazar — et l’électeur a le droit de s’opposer aux effets pervers d’une telle organisation.
Voter pour la Flandre, mais en français
On ne saura pas à l’avance si la N-VA aura la majorité à Bruxelles ni comment les autres partis réagiront si elle s’impose par un score trop rutilant. Mais si cela arrivait, il serait trop tard pour agir. Il est donc indispensable qu’un maximum de Francophones de Bruxelles s’intéressent dès à présent aux candidats néerlandophones, apprennent à les connaître, et cliquent consciencieusement sur « nederlands » quand ils iront contribuer à élire notre futur gouvernement. En plus, si vous prévoyiez de voter Ecolo, il paraît que Groen, c’est le même parti !
Ceci ne vous empêchera pas de voter pour un candidat francophone aux élections européennes ou fédérales (où toutes les listes sont accessibles aux deux communautés, un truc qui sert apparemment à rendre la N-VA plus facile d’accès aux électeurs francophones qui trouvent Destexhe trop amateur et Modrikamen trop excessif…) Cerise sur le gâteau : si vous choisissez le rôle néerlandophone pour l’élection régionale bruxelloise, vous pourrez aussi choisir un candidat néerlandophone bruxellois pour le parlement… flamand ! De plus, le système électronique vous permet de choisir d’abord la langue d’utilisation, indépendante des choix communautaires. Autrement dit, vous pourrez faire tout ça… en français.
Elle est pas belle, la Belgique ?
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15 Comments
Wallimero
mai 12, 17:15ut'z
mai 12, 19:40ut'z
mai 12, 22:45Salade
mai 15, 07:29ut'z
mai 16, 23:30Salade
mai 16, 09:14Thierry
mai 16, 18:03Salade
mai 19, 15:17ut'z
mai 19, 23:14ut'z
mai 19, 16:28Salade
mai 20, 20:29Temmerman
mai 22, 18:22marcel
mai 23, 21:59ut'z
mai 24, 22:52ut'z
juin 04, 23:58