Brunir la N-VA, c’est blanchir l’extrême droite. Exemples avec Peter Sweden et Schild en Vrienden.
La gauche politique surtout francophone — les élections approchent — a acquis et diffusé l’opinion que Theo Francken était, au fond, un nazi. Elle se base notamment sur deux faits récents : la présence de membres de Schild en Vrienden à la N-VA et le fait que le secrétaire d’État ait retwitté « un négationniste ». Comme pour sa présence à l’anniversaire de l’ex-collabo Bob Maes, il y a là un procès d’intention qui sied à la propagande politique, mais dont le journaliste (et le politicien sérieux) devrait pieusement s’abstenir. On combat mal un adversaire qu’on interprète mal. Et il est patent que les gesticulations récurrentes de la gauche surmilitante a jusqu’ici eu pour quasi seul résultat de contribuer à rendre sa cible obsessionnelle encore plus populaire côté flamand. Car chaque fois qu’on l’attaque à mauvais escient, il se victimise de façon très crédible, et fait le plein de voix. Exemple dans le cas du journaliste « négationniste » et dans l’affaire Schild en Vrienden.
Nee-gationnisme
Ce dimanche, sur la taïmelaïne Twitter de Theo Francken, on pouvait voir un retweet (partage) d’un gazouillis émis par un certain Peter Sweden (@petersweden7). Il s’agissait des résultats électoraux de Rinkeby (Suède), un quartier difficile, qualifié par le Twittos de « no-go zone avec plus de 90 % de population émigrée ». Les résultats : « 77 % pour la gauche communiste, 12 % pour les verts […] ». Et dans son partage, Theo Francken de commenter « De l’or électoral pour la gauche ».
Tout de suite, tollé, parce que Peter Sweden a un sacré pedigree. De son vrai nom Peter Imanuelsen, il a plusieurs fois nié ou minimisé la Shoah — rien que ça. Parmi ses citations tristement célèbres (datant toutes de 2016) : « Je crois que la Shoah est un mensonge qui permet de mettre en place les projets du Nouvel Ordre mondial », qu’il considérait lui-même, dans un autre tweet, comme une création « du Vatican et des Juifs ». Comme les palestinistes les plus antisémites, il croit que « les mondialistes (principalement juifs) ont amené les musulmans en Europe. Ils semblent travailler ensemble », ce qui le rapproche d’Israël Shamir, un antisémite prétendument juif publié notamment par Abou Jahjah (eh oui, les extrêmes se touchent) qui a, comme Sweden-Imanuelsen, « étudié » le Protocole des Sages de Sion. À son propos, Peter Sweden n’a rien trouvé de mieux à dire que « Comment le Protocole des Sages de Sion peut-il être “antisémite” ? Le propre texte des Juifs sur le suprémacisme juif peut-il être antisémite ? » Il ne savait donc apparemment pas que ce protocole avait été écrit par un informateur de la police secrète russe, antisémite virulent, au début du siècle dernier. Ou alors, il a faisait comme si.
Enfin, son micromessage le plus célèbre, dont la photo circule beaucoup, était « Je n’aime pas le fascisme, mais je crois qu’Hitler avait raison sur certains points. Je suis assez sûr que la Shoah n’a en fait jamais eu lieu ». Non sans préciser ensuite « À propos, pour que vous sachiez que je ne suis pas un nazi. 🙂 Je crois qu’Hitler avait raison sur certains points, mais je ne suis pas d’accord avec le fascisme ou le socialisme. » Quant à savoir sur quels points Hitler avait raison, on peut en avoir une petite idée quand on lit Peter insinuer que les réfugiés-violeurs (rapefugees) n’auraient pas pu entrer en Allemagne à l’époque du Führer.
Mais depuis tout ça, il s’est reconverti en antinazi antinégationniste.
New Sweden shoes
Peter Sweden se serait-il laissé entraîner à l’extrême pour reculer ensuite (oui, ça arrive) ? Un tweet de sa main permet en tout cas d’envisager que des lectures complotistes l’influençaient : « J’ai aussi entendu que les camps de concentration [extermination] avaient en fait des piscines, des cinémas, des théâtres, des terrains de foot, etc. (photos). Votre opinion ? » Dans un cadre plus ridicule, il affirmait que « presque tous les studios pornos appartiennent à des Juifs ».
On peut aussi se demander s’il n’a pas compris, à un moment donné, que ses opinions sur la Shoah l’empêchaient de progresser au sein même de l’alt-right. À l’été 2017, lors d’une opération d’extrême droite contre les navires de sauvetage en Méditerranée (Defend Europe), il a rencontré la plus dingue des chroniqueuses alt-right (notamment de FoxNews), Katie Hopkins — une raciste patentée qui a fait croire, par exemple, que l’incendie d’un entrepôt communal à Koekelberg était dû à un attentat islamiste « molenbeekois » et n’a jamais retiré son grossier pépiement malgré les corrections factuelles que lui ont envoyées à peu près tous les journalistes belges sur Twitter. Lors de l’opération anti-immigration en Méditerranée, Katie Hopkins a publié une photo en compagnie de « son ami » Peter Sweden, ce qui a rapidement fait gonfler le compte Twitter de ce dernier. Mais, probablement parce que le Huffington Post a alors relevé que le nouveau pote de Katie avait nié la Shoah en 2016, elle a rapidement viré la photo, sans plus d’explications.
Molenbeek. What on earth would cause an explosion like that in the Jihadi Capital of Europe at the start of Ramadan? *coughs* pic.twitter.com/0QdBuH97b3
— Katie Hopkins (@KTHopkins) 15 mai 2018
Hope Not Hate
Toujours en été 2017, quelques jours après la révélation de ses tweets négationnistes par le Huffington Post, Peter Sweden publiait un gazouillis expliquant qu’il n’était plus négationniste, avec un texte en attachement. « J’ai grandi [il avait 21 ans à l’époque de ces tweets, 23 ans aujourd’hui] et je regrette profondément les choses que j’ai dites quand j’étais jeune ». Il affirmait aussi : « Bien sûr, je crois que la Shoah est arrivée et que c’est un crime horrible ». Il s’y distanciait encore du national-socialisme, d’Hitler, et de l’antisémitisme. Cette explication est plausible, dès lors qu’il a cessé, vers la fin 2016, ses tweets pro-Führer.
Quelques semaines plus tard, Hopenothate révélait son identité, son métier (photographe) et le fait qu’il était en fait un… immigré suédois au Royaume-Uni. Héhé.
En réponse, Peter Sweden a critiqué la « campagne de dénigrement » contre lui, expliquant qu’il a bien toujours cru que la Shoah a existé, mais que face aux « mensonges de la presse » (lesquels ?), il s’est posé ouvertement des questions en 2016. Mais depuis lors, il croit que la Shoah existe. En gros, il ne sait pas trop quand il y a cru : depuis toujours, ou depuis 2017 ?
Il y reconnait aussi qu’il est « right-wing » (« aile droite », une définition vague qui irait en France de Nadine Morano à Nation). Et bien sûr, histoire de se défendre de tout racisme, il affirme, bien lourdaud, que… « l’un de mes meilleurs amis est une personne noire ». Ben tiens. Peter Imanuelsen n’est pas raciste, puisqu’il a un ami noir ! Concluons : on peut croire à la version « Peter Sweden n’est plus négationniste », non sans garder un doute. Mais on ne peut pas croire à la version « Peter Sweden est de droite fréquentable ».
Francken, l’abuseur abusé.
Néanmoins, depuis lors, il twitte sous un profil apparemment respectable : « Je suis Peter Imanuelsen. Journaliste suédois freelance. Commentateur politique. Je méprise les nazis et les communistes. L’amour pas la haine. »
C’est ce profil que Theo Francken a vu avant de le retwitter, pour autant qu’il l’ait effectivement consulté (ce qu’il affirme). Il est donc tout à fait possible que Francken ait cru à la qualification de « journaliste » revendiquée par Peter Sweden.
Ce « journaliste », donc, diffusait sur Twitter des résultats partiels (mais certains partiaux) avec un point de vue antigauchiste bien alléchant pour le secrétaire d’État, antigauchiste lui aussi. Clairement, Theo n’a pas résisté aux « no-go zones » et au rapport entre immigration et vote d’extrême gauche. Mais a-t-il tort ? Rinkeby, dans la banlieue de Stockholm, est habitée à près de 90 % par des personnes issues de l’immigration, il ne s’y trouve aucun poste de police, et il est difficile aujourd’hui de trouver des entreprises de construction acceptant d’y travailler, du fait de risques de violence, confirmés par la police elle-même. Ce n’est peut-être pas une no-go zone pour la police, mais ça l’est apparemment effectivement pour certains travailleurs. Le refus de regarder la vérité en face a été, en Suède, l’une des raisons majeures de la montée de l’extrême droite. On ne peut pas se déclarer de gauche et fermer les yeux sur ce phénomène.
Mais il n’est pas dit que Francken connaisse ces détails. Il est tout aussi possible qu’un « journaliste » « suédois » qui parle de « no-go zones » suédoises aille simplement dans le sens de ce que le secrétaire d’État pense vraiment : que l’ouverture des frontières vikings aux migrants et réfugiés a été un échec.
Dans ce cas, il a tort : Rinkerby est un quartier à problèmes depuis les années 90 déjà, bien avant la crise des migrants !
Quand la gauche sert l’alt-droite.
L’autre partie du message (celle qui évoque les campagnes de séduction de la gauche envers les immigrés) est, elle aussi, une aubaine pour Francken, qui utilise son poste pour racoler de l’électorat. Elle n’en est pas moins crédible également. Après tout, c’est vrai que la gauche belge abuse des arguments qui flattent les immigrés — cf. le Loup gris chez Ecolo, le signe de ralliement des Frères musulmans au PS, l’attitude de Philippe Moureau envers de fieffés islamistes… ou son refus de voir le pudibondisme islamiste se répandre dans sa commune, sans oublier les manifs « propalestiniennes » assez systématiques dans certaines communes et certains partis, qui flattent un antisionisme généralisé chez les Arabes et certains Turcs, et un antisémitisme qui toucherait entre un tiers et la moitié des Belges issus de l’immigration marocaine.
C’est donc une opinion doublement crédible que Theo a partagée, à ceci près que, de un, ce n’est absolument pas à un membre du gouvernement de le dire et que, de deux, stigmatiser les immigrés, ces créateurs de « no-go zones », quand on est secrétaire d’État, revient à encourager tous les petits fachos à « se lâcher ». Dans l’ambiance actuelle, c’est positivement indigne. Et c’est là-dessus qu’il fallait lui tomber sur le râble, en le questionnant, pas en l’accusant bêtement, encore moins en lançant la dixième campagne violente contre lui.
En revanche, affirmer (comme beaucoup à gauche l’ont fait) que Theo Francken devait savoir que Peter Sweden avait précédemment été négationniste est un colossal procès d’intention, inutile et contre-productif. D’abord, parce que c’est une info que très peu de gens ont, même du côté de l’alt-right.
Une extrême droite de microstars
Ce mouvement est en effet extrêmement jeune, et inondé de micropersonnalités comme Peter Sweden. Ils se révèlent généralement lors d’un « coup ». Pour Sweden, c’était la photo avec Katie Hopkins. Pour Jack Posobiec, pseudo-journaliste alt-right, ce fut l’affaire des Macronleaks, sur laquelle il a raconté absolument n’importe quoi. Ça l’a tellement propulsé que Donald Trump l’a ensuite fait inviter au point presse de la Maison-Blanche dont d’éminents journalistes (sérieux) venaient de se faire virer.
Je vous fiche mon billet que la plupart des gens qui ânonnent aujourd’hui que Francken devait savoir que Sweden avait eu des propos négationnistes auparavant ne savent même pas qui est Jack Posobiec et ne connaissaient pas eux-mêmes Peter Sweden.
L’alt-right s’est en outre fait une spécialité de la dissimulation des théories les plus radicalement racistes sous un aspect respectable, y compris dans l’habit. Une des caractéristiques de ce mouvement ample et varié — dont Schild en Vrienden ou Peter Sweden font, peut-être inconsciemment, partie — c’est de dissimuler derrière une apparence de démocrates critiques très à droite, des objectifs qui relèvent d’idéologies allant d’un néoconservatisme décomplexé et xénophobe jusqu’à l’extrême droite néonazie. Comme cette idéologie est dissimulée, les membres de ces innombrables groupuscules ne savent parfois pas eux-mêmes à quoi ils adhèrent réellement ! L’utilisation des réseaux sociaux, devenus leur base de recrutement, accroit ce phénomène : certains abonnés de la page Schild en Vrienden sont peut-être tombés de leur chaise quand ils ont vu des croix gammées.
L’alt-right, vivier des gendres idéaux.
Comme l’alt right, et comme Peter Sweden, les Schild en Vrienden s’habillent en civil et n’arborent pas ouvertement de signe néonazi traditionnel : ni rune (le S de SS est une rune), ni « 88 », ni croix celtique, ni bien sûr croix gammée. La ressemblance de leur tenue rassurante avec celle des néonazis américains qui ont traversé l’an dernier le campus de Charlotteville aux flambeaux en chantant des chants racistes, est frappante : les Schild en Vrienden portent un T-shirt bleu très « libéral » et un pantalon neutre, évitent les combat shoes, les vestes « skin » et autres attirails. Les suprémacistes blancs de Charlottesville étaient en chaussure de ville, pantalon et polo ou chemise blanche. Leurs leaders veulent projeter le profil du gendre idéal, et il faut chercher dans les réseaux secrets, limités aux membres « sûrs » pour comprendre ce qu’ils sont en réalité : des nostalgiques du Reich, des adeptes d’une Amérique ou d’une Europe blanche comme du papier et chrétienne comme une hostie.
Pour Schild en Vrienden comme pour John Posobiec (par exemple), le déguisement a bien fonctionné. La VRT s’est dans un premier temps elle-même laissé abuser et a régulièrement invité son leader, Dries Van Langenhoven, à exprimer ses vues nationalistes flamandes, saupoudrées de conservatisme radical catholiciste. Jusqu’à ce que Pano enquête en profondeur et publie le reportage qu’on verra demain à la RTBF.
En espérant, toutefois, que notre chaîne publique n’oublie pas de donner le contexte. Schild en Vrienden a l’air d’une nouveauté, mais émane en réalité de deux groupes antédiluviens du folklore nationaliste flamand. D’une part, le KVHV (Alliance des étudiants Catholiques Flamands des Hautes écoles), présent dans toutes les universités et héritier du flamingantisme catholique. D’autre part, la NSV (Association des Étudiants Nationalistes), pépinière du Vlaams Belang, considérée souvent comme simplement nationaliste radicale, mais qui a toutes les caractéristiques des mouvements néonazis (comme je l’ai maintes fois montré) : racisme, rune, suprémacisme, etc.
Schild en Vrienden, une vieille rangaine connue.
Le KVHV n’est pas (aussi) nationaliste identitaire partout, et ne l’a pas toujours été. Énormément de têtes du CD&V en sont ainsi sorties sans être devenues néofascistes pour autant. Le problème, c’est que notamment l’antenne de Gand (une ville plutôt de gauche) s’est radicalisée voici quelques décennies, et s’est rapprochée des néofascistes jusqu’à ne plus s’en distinguer. C’est ainsi le KVHV de Gand qui organisait, en 2010, une rencontre avec l’ancien Untersturmführer Waffen-SS Oswald Van Ooteghem, à laquelle participait au moins un jeune N-VA. Le même KVHV soutenait, la même année, un hommage au premier fasciste flamand, l’antisémite virulent Joris Van Severen. Mais voilà, rien dans la presse, ni en Francophonie, ni en Flandre. Ça n’a été abordé que sur mon blog et par des antifas flamands.
Même quand Hendrik Vuye, à l’époque prof à Namur et candidat N-VA, dont il deviendra ensuite député avant de quitter le parti, est allé donner un cours à la NSV de Gand (tandis que celle de Leuven invitait à commémorer August Borms, « touriste de la Shoah » et grand pourvoyeur de SS flamands), il n’y a pas eu le moindre entrefilet dans la presse. Pire : la RTBF présentait quelque temps plus tôt un reportage dans lequel des étudiants de Namur présentaient ce prof comme très bon, très sympa. Pour un politicien flamand, la NSV n’est pas infréquentable : même des écolos sont allés y débattre !
Issu de ce vivier qu’on a laissé trop tranquille, Schild en Vrienden est aujourd’hui brandi tous azimuts (surtout en francophonie) comme un phénomène nouveau. En réalité, leur émergence, et leurs liens avec certains N-VA (une vingtaine, hein, ce n’est pas tout le parti non plus) remontent aux cercles étudiants précités. Des cercles qui restent considérés comme respectables, et sont généralement subsidiés. Si on les avait dénoncés sérieusement plus tôt, on n’aurait peut-être pas aujourd’hui une photo prétendument accablante de Theo Francken qui circule, où il pose à côté du membre du KVHV qui deviendra plus tard (mais ça, Theo ne pouvait pas le prévoir) le leader du groupe d’extrême droite le plus invasif de notre temps, j’ai nommé Schild en Vrienden.
Les Flamands plus radicaux ? Non, plus libéraux.
Toujours au niveau du contexte, il y a aussi en Flandre une culture nettement plus libérale qu’en Belgique francophone, où les discours radicaux sont plus facilement admis, voire diffusés (non sans être contestés aussi), et où le passé joue toujours un rôle dans les milieux nationalistes. Ceci freine la conversion démocrate de la N-VA (si tant est qu’elle est véritable ou même souhaitée). Mais le parti a bel et bien arrêté énormément de fréquentations anciennes (NSV, VNJ, Ijzerwake, Vlaams Belang, Voorpost, etc.) et vit, depuis cinq ans, une sorte de cure de désintoxication dont on ne sait pas si elle réussira.
C’est là que le cas Schild en Vrienden est, en fait, intéressant. Dès la diffusion du programme, « même » Theo Francken s’est exprimé clairement : « les racistes sont des idiots. » C’était une déclaration importante qui n’a reçu que critiques et quolibets côté francophone. Bart De Wever a déclaré qu’il allait nettoyer le parti [de ses fascistes]. Là aussi, on a surtout retenu le mot « nettoyer », qu’on a mis en parallèle avec le « nettoyer » de Francken parlant du parc Maximilien. Or, il était bien fort ce mot : si De Wever a parlé de nettoyage, c’est bien qu’il considère aujourd’hui les néonazis comme une salissure. Et ça, c’est positif. L’une des plus virulentes était Zuhal Demir, qui avait déjà remis Theo Francken à sa place dans l’affaire des soutiens-gorges pour hétéros.
Si on avait pris Francken au mot, il était probablement plus facile d’obtenir de lui qu’il vire sur-le-champ son colistier à Lubbeek, Nick Peeters, qui s’était distingué en participant à plusieurs activités de Schild en Vrienden, en uniforme du groupe. On a préféré brunir le secrétaire d’État N-VA de toutes les façons possibles. C’est une occasion manquée.
Comment la gauche légitime l’extrême droite…
Parce que ce parti est probablement destiné à durer et que ne pas en tenir compte est une erreur considérable. Il a sérieusement évolué depuis 2004, d’un parti nationaliste identitaire à un parti nationaliste inclusif : tout le monde peut devenir flamand, s’il suit certaines règles. S’il y a toujours des fascistes voire des nazis dans ses rangs, le parti lui-même ne peut plus être considéré comme tel. Un parti d’extrême droite ne produit pas la première bourgmestre d’origine marocaine du pays. La toute première. Un parti d’extrême droite ne donne pas un portefeuille de secrétaire d’État à une Turque, fût-elle moitié kurde. La toute première aussi. Un parti d’extrême droite ne dit pas qu’il faut traiter les réfugiés légaux le plus humainement possible, et « les illégaux » le plus justement possible. Il dit qu’il ne faut pas d’immigration du tout, point. Un parti d’extrême droite se profile dans la révolution antidémocratique, pas dans le respect (fut-il parfois imparfait) de la légalité. Un parti d’extrême droite voudrait la fin de l’Euro, la sortie de l’Europe, et son ministre de l’intérieur ne dirait pas que le coran est respectable.
Le problème fondamental avec l’attitude de la gauche actuelle, c’est qu’à force de mettre au même niveau la N-VA d’une part et le nazisme d’autre part (« années trente », « bruit de bottes », « déportation », etc.), c’est que la majorité de la population belge ne voit pas ce que cette extrême droite a alors de si grave : même quand Ecolo était au gouvernement, on enfermait des enfants, et énormément. Sous Elio Di Rupo, on régularisait moins et on renvoyait plus de migrants. Les 3/4 des Belges ont vu leur salaire poche augmenter (même si les plus pauvres sont de la revue). L’opinion est toujours libre en Belgique. La religion aussi, et cela, alors même que c’était la N-VA qui était aux manettes quand notre pays a subi le terrorisme islamiste ! La seule sortie vraiment « extrême droitiste » est venu de Jan Jambon qui a un jour ânonné qu’un nombre significatif de musulmans avaient dansé après les attentats. Il a rapidement été recadré (par l’opinion, hein, pas par Charles Michel), et a ensuite fait amende honorable.
Si vous continuez à hurler à l’électeur que c’est ça, l’extrême droite, il n’aura plus peur de la vraie extrême droite : les identitaires, les nazis cachés, le Vlaams Belang producteur de commémos nostalgiques du IIIe Reich. En brunissant inutilement la N-VA, la gauche prend donc l’ahurissante responsabilité de rendre le fascisme crédible et fréquentable.
… et minimise le nazisme.
Elle commet de plus une forme de délit : comparer sans cesse la N-VA à l’Allemagne nazie revient à minimiser les crimes de ces derniers. Oui, la N-VA est peut-être un parti de nouvelle (extrême-) droite qui se cache — même si c’est de moins en moins probable ne fût-ce que parce que ce ne serait pas tenable électoralement et que Bart est accro désormais au pouvoir — mais même dans ce cas, elle n’a aucun rapport avec les horreurs du nazisme, s’est clairement désolidarisée de la collaboration et Bart De Wever a finalement accepté qu’on pose des pavés de mémoire à Anvers.
Et puis, il y a notre Twittos hystérique, notre secrétaire d’État abonné au zinc du café du commerce. Pour tenter de comprendre où il formait ses convictions, j’ai fait le tour des comptes Twitter qu’il suit. Il y a toute la N-VA, évidemment. Énormément de politiciens des autres partis, y compris Paul Magnette ou Fadila Laanan — à l’exception notable du PTB/PVDA dont il ne suit que le président Peter Mertens, et pas beaucoup plus de Vlaams Belang. Il y a toutes les institutions et les ONG qui s’occupent de réfugiés. Il y a pratiquement tout ce que la Belgique compte de journalistes (néerlandophones et francophones). Énormément de ses confrères étrangers (y compris Salvini). Quelques comptes flamingants « traditionnels » (comme Doorbraak). Les comptes nationalistes ou indépendantistes écossais, catalans, etc. Et très, très peu d’alt-right : Breitbart, John Posobiec (depuis les Macronleaks) et, depuis dimanche, Peter Sweden. Il y a des auteurs de gauche, des démocrates américains, des catholiques, des conservateurs. Et aussi, il faut tout de même le signaler, les comptes des Fratelli d’Italia ou des « démocrates suédois », considérés comme étant d’extrême droite par toute la presse européenne.
Un adepte de l’AfD suédoise
Quant à Peter Sweden, il faudrait que Theo Francken aille un pas plus loin en lisant ses autres tweets et cesse de la suivre. Parce que Sweden y assume sa préférence électorale pour l’AfS (Alternative for Sweden), une sorte d’AfD radicale, composés de membres soupçonnés d’avoir des relations avec les néonazis du cru, en particulier les suprémacistes blancs de la Jeunesse nordique (Nordisk Ungdum), homophobes, antiféministes, et participants réguliers à l’hommage de l’extrême droite lettone aux Waffen SS à Riga.
C’est même au point que les Démocrates Suédois (SD) eux-mêmes les trouvent too much. L’AfS s’est en effet créée à partir des membres de la SD qui ont été chamaillés pour leurs relations extrêmes.
Quant à Nick Peeters, le Schild en Vrienden de la liste de Francken à Lubbeek, il doit évidemment être écarté tout de suite. Peu importe qu’il soit sincère quand il dit qu’il s’était déjà détaché du club néonazi ou non. L’électeur a besoin d’un signal fort.
Et c’est là que ces affaires sont intéressantes : elles imposent à la N-VA de montrer patte blanche et de dire enfin qui elle est : un parti toujours tenté par l’extrémisme, prêt le cas échéant à rejoindre le clan des populistes européens, voire à gouverner avec un Vlaams Belang ? Ou un parti conservateur nationaliste (réellement) inclusif qui, même s’il ne convient pas du tout au libéral démocrate et encore moins au social-démocrate, se libèrera progressivement de ses vieux démons, acceptera de rejeter radicalement les commentaires borderline et le racisme par rebond, et emmènera avec lui l’électorat qui le suit dans des cases plus respectables de la démocratie participative. Je le répète, la N-VA est là pour un bon moment. Plutôt que d’effrayer la population sur sa prochaine invasion (forcément brune) de Bruxelles, cela impose au contraire du sang froid, de la réflexion, de la patience, voire une forme de dialogue.
Ce n’est pas en cherchant chaque jour le tweet inacceptable de l’un ou de l’autre de ses centaines de mandataires ou de ses milliers de candidats qu’on favorisera la seconde évolution. Et vu le poids électoral de la N-VA en Flandre, qui ne risque pas de se réduire de sitôt, continuer à la brunir inutilement ne serait pas une faute. Ce serait un crime.
Tout cela étant dit, la faute originelle revient peut-être au MR, qui n’aurait jamais dû s’engager avec un parti qui n’en avait pas encore fini avec certains démons. À moins qu’au contraire, en l’associant au pouvoir fédéral, il lui a permis d’amorcer un long et lent virage démocratique.
59 Comments
u'tz
septembre 12, 09:12Eridan
septembre 12, 11:42Julien Geens
septembre 14, 15:49marcel
septembre 14, 18:38Julien Geens
septembre 15, 12:44Eridan
septembre 16, 07:00marcel
septembre 18, 13:07Eridan
septembre 18, 14:44antoine dellieu
septembre 19, 13:25Eridan
septembre 22, 11:04Eridan
septembre 15, 11:37marcel
septembre 18, 13:14Eridan
septembre 18, 14:20Wallimero
septembre 13, 20:47Salade
septembre 15, 18:59marcel
septembre 18, 13:09Salade
septembre 18, 13:18antoine dellieu
septembre 19, 13:30u'tz
septembre 21, 14:38Salade
septembre 15, 20:02miyovo
septembre 18, 13:38Salade
septembre 18, 13:01miyovo
septembre 24, 09:01marcel
octobre 08, 22:32Eridan
septembre 19, 09:27u'tz
octobre 02, 00:26marcel
octobre 08, 22:36utz
novembre 19, 01:36Salade
septembre 19, 10:15Eridan
septembre 21, 09:38Eridan
septembre 24, 19:01u'tz
octobre 02, 00:18Salade
septembre 21, 12:23Eridan
septembre 25, 16:25u'tz
octobre 02, 00:02marcel
octobre 08, 22:35u'tz
octobre 02, 00:19u'tz
octobre 02, 00:48Salade
octobre 02, 16:33marcel
octobre 08, 22:37Salade
octobre 09, 09:06miyovo
octobre 09, 12:04marcel
octobre 09, 23:45Eridan
octobre 06, 17:18degeneve
octobre 08, 12:41marcel
octobre 08, 22:38Eridan
octobre 08, 15:26marcel
octobre 08, 22:52Eridan
octobre 11, 12:29marcel
octobre 17, 15:58Salade
octobre 17, 09:50Salade
octobre 17, 09:53Salade
octobre 17, 10:03Salade
octobre 17, 15:45Salade
octobre 17, 19:46Salade
octobre 18, 18:13Salade
octobre 25, 09:05marcel
octobre 25, 14:22Salade
novembre 07, 21:41