La Belgique recommande à Bénédicte d’abandonner sa fille Dipika « aux services sociaux népalais ».
L’Office des Étrangers, sous la tutelle de Theo Francken (N-VA) recommande aujourd’hui ouvertement à une mère adoptive d’abandonner la petite fille de 5 ans qu’elle élève depuis plus de trois ans, aux « services sociaux népalais » — entendez, un orphelinat. La violence d’une telle attitude de la part d’un État « civilisé » laisse pantois.
Coincée au Népal depuis 40 mois avec sa fille adoptive Dipika (une adoption népalaise que la Belgique ne reconnaît pas), Bénédicte Van De Sande vient donc de recevoir un troisième refus de visa humanitaire qui aurait permis à sa famille d’être enfin réunie : son mari, Gyanendra Khatiwada est bloqué en Belgique, sa boutique de Bruges étant la seule source de revenus de la petite famille, et ce revenu ne permet même pas à Bénédicte de payer une école digne de ce nom à sa fille adoptive à Katmandu. Travailler là-bas, pour une mère seule, est un no-go. Dans ce contexte, le commentaire brutal envoyé par les services du secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations contrevient radicalement aux « valeurs » que le même Theo Francken prie les primoarrivants de respecter à la lettre.
Theo Francken propose que Bénédicte abandonne Dipika aux « services sociaux » népalais.
Car pour motiver son refus, l’attaché du ministre, M. Delbarre, écrit notamment : « Il n’y a actuellement pas assez de circonstances humanitaires pour justifier un visa ». Qu’un enfant n’ait plus pu voir son père depuis un an et demi, qu’une mère soit livrée à elle-même depuis 40 mois dans un pays extrêmement difficile, ne sont donc pas, pour cet office, des circonstances humanitaires. Il affirme aussi que le fait que Bénédicte réside depuis plusieurs années auprès de l’enfant ne justifie pas une intervention de l’État belge. Selon les services de Theo Francken : « l’enfant peut très bien être pris en charge par les services sociaux du pays d’origine ». Autrement dit, l’Office des Étrangers recommande à Bénédicte, si elle veut rentrer en Belgique, d’abandonner Dipika dans un orphelinat ou de la confier à la famille de son mari, sur place. Dans les deux cas, cela reviendrait à un abandon d’enfant. Cette idée avait déjà été formulée oralement à la maman de Dipika, mais c’est la première fois que le gouvernement belge ose mettre une telle ignominie par écrit.
Le ministère de l’Asile et des Migrations ne comprend donc pas ce qu’est un lien maternel ou familial au sens de la Convention (européenne) des Droits de l’Homme, mais en sus, il invite Bénédicte Van De Sande – Khatiwada à commettre ce qui, en Belgique, serait un délit : abandonner sa fille adoptive.
« L’enfant peut toujours se faire soigner ailleurs »
Sur le fait que l’enfant souffre de problèmes cardiaques qui seraient bénins ici, mais constituent un risque dans l’Himalaya, l’Office s’autorise à déduire du dossier rédigé par l’avocat qu’il n’y a « pas urgence », et quand bien même sa vie serait en danger, « l’enfant peut toujours se faire soigner dans un pays voisin du Népal si nécessaire ». Emballez, c’est pesé !
Qu’un ministère manque cruellement de sens humain, ce n’est pas nouveau. Après tout, le dossier est passé entre les mains de plusieurs cabinets, dont les Affaires étrangères où, apparemment, Didier Reynders n’a pas pu peser sur la toute puissante N-VA pour justifier le caractère « social » de son social libéralisme. Pas plus que Joëlle Milquet, ministre de l’Intérieur de l’époque, n’a réussi — malgré sa meilleure volonté — à faire pression sur sa secrétaire d’État, Maggie De Block, docteur en médecine. À leur décharge, Milquet et Reynders semblaient déterminés à régler la question, mais auraient, selon mes sources, été confrontés à « des problèmes » côté flamand. Si c’est vrai, chers Flamands, c’est peut-être le moment de démontrer que les Francophones n’ont pas le monopole du cœur, godverdomme ! Ou tout simplement, le sens du droit européen.
Le refus des autorités belges engendre une séparation effective contraire au droit de la famille.
Oui, du droit européen ! Car en septembre 2014, dans une affaire d’adoption d’un enfant né d’une mère porteuse en Ukraine — une reconnaissance d’adoption tout aussi problématique que celle de Dipika —, la Cour européenne de Justice a considéré que la séparation des parents et de l’enfant « entr[ait] dans le champ d’application de l’article 8 » de la Convention des Droits de l’Homme, que la Belgique est tenue de respecter, et qui stipule que toute personne a droit au respect de sa vie familiale. La cour ajoutait « que le refus initial des autorités belges de fournir un document de voyage à l’enfant, qui a engendré une séparation effective entre eux, a constitué une ingérence » dans leur droit à une vie de famille. La cour rappelle aussi que ces règles s’appliquent « dès lors qu’exist[ent] des liens familiaux de fait ». Autrement dit, l’Office des Étrangers devait prendre acte de l’existence de liens familiaux réels entre Bénédicte, Gyanendra et Dipika. En insinuant au contraire que ceux-ci pouvaient être rompus par un abandon d’enfant, les services de Theo Francken violaient les principes fondamentaux du droit humain, du droit de l’enfant et du droit de la famille. Ça s’appelle un tiercé.
Dans l’affaire de la mère porteuse, la Belgique, qui se savait poursuivie par les parents, a fourni un document de voyage à l’enfant venu d’Ukraine seulement trois mois après sa naissance. De ce fait, la Cour européenne de Justice a ensuite estimé que ce délai n’était pas déraisonnable et a clôt le dossier. Et la Belgique a échappé à une nouvelle condamnation (elle est un peu abonnée aux condamnations dans les cours européennes…) Or, Bénédicte et Dipika sont séparées du foyer familial et de Gyanendra depuis plus de trois ans, pas trois mois ! Ils forment indiscutablement une famille. Et la distance entre la Belgique et l’Ukraine n’a aucune commune mesure avec celle qui sépare Bruges de Katmandu : même une simple communication Internet est hasardeuse du fait des nombreuses coupures d’électricité. Dipika voit son père de temps en temps grâce à Skype, mais désespère de pouvoir se blottir un jour dans ses bras.
Un monde politique qui n’ose pas se manifester. Du tout. Ça en devient hyper-gênant.
Les mauvaises langues diront que, bien sûr, une petite Ukrainienne, c’est blond aux yeux bleus, c’est peut-être plus facile à digérer dans notre vivre ensemble qu’une petite Népalaise brune aux yeux marron. Peut-être. Mais il semble indéniable que, dans ce pays, le gouvernement donne plus facilement raison à ceux qui ont les moyens de faire rapidement appel à la justice européenne. Si vous n’êtes pas assez riches, allez donc vous faire voir au Népal où l’on peut toutefois espérer que le monde politique népalais. En Belgique, en revanche, en ce moment, il est plutôt hideux.
Car hormis une question publique du PS à l’automne passé, aucun parti, aucun-e politicien-ne n’a trouvé nécessaire d’interpeller publiquement le gouvernement sur cette affaire qu’il faut bien qualifier de sordide, et de suivre le dossier de près. On se prend même à rêver, dans cette affaire, que Charles Michel exerce pour une fois ses fonctions de premier ministre en remettant Theo Francken sur la voie de la raison et du droit européen.
VERBATIM
La lettre intégrale de l’Office des Étrangers, Ministère de l’Intérieur, Secrétariat d’État à l’Asile et aux Migrations (ma traduction)
M. Prasad Khatiwada a introduit une procédure d’adoption pour l’enfant Dipika Balika. Cette adoption n’a pas été reconnue par l’État belge ce qui implique qu’il ne peut pas être accordé de droit de résidence. Contre cette non-reconnaissance, une procédure d’appel a été introduite auprès du tribunal de la famille de Bruxelles. Jusqu’ici, celui-ci ne s’est pas prononcé. Il n’y a actuellement pas assez de circonstances humanitaires pour justifier un visa humanitaire. D’abord, il y a lieu d’attendre le résultat de l’appel introduit contre la non-reconnaissance de l’adoption. La présence de l’enfant n’est pas nécessaire pour cet appel.
Le fait que l’épouse de M. Prasad Khatiwada se trouve déjà depuis quelques années au Népal avec l’enfant n’oblige en aucun cas l’administration belge à octroyer un visa de longue durée. L’enfant peut aussi être recueilli par les services sociaux dans le pays d’origine ou par des membres de la famille de M. Prasad Khatiwada.
L’enfant aurait par ailleurs des problèmes cardiaques. Il apparaît à la lecture d’une lettre de l’avocat que la situation est stabilisée et non urgente. L’enfant peut toujours se faire soigner dans un pays voisin du Népal si nécessaire.
116 Comments
Franck Pastor
février 10, 20:46Ergo
février 10, 20:52Myriam Verri
février 11, 01:02Yves R
février 12, 14:24delf57
février 13, 15:30Marie Van de Sande
février 21, 19:54Capucine
février 10, 21:06Gilles M - Bxl
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février 12, 12:40alex
février 13, 12:03Myriam Verri
février 10, 22:07Hansen
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février 10, 22:35L'Ornithorynque
février 10, 22:53Nyssen, Vivianne
février 10, 22:56Marie Van de Sande
février 11, 00:51Rudy Delhaye
février 10, 23:00lievenm
février 11, 00:09Marie Van de Sande
février 13, 22:04Hansen
février 13, 23:23Declercq
février 21, 17:18Verlaine
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février 13, 23:54ThM
février 11, 10:40ThM
février 11, 10:46dimier
février 11, 11:08Selavy
février 11, 11:09Marie Van de Sande
février 21, 19:59Bison, la colle super-puissante
février 11, 14:29Shanan Khairi
février 11, 18:30Marcel Sel
février 12, 22:19baudoux
février 11, 23:08Tournaisien
février 12, 09:50Marcel Sel
février 12, 22:22Tournaisien
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février 13, 22:10Marcel Sel
février 15, 13:48Tournaisien
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février 13, 20:58Tournaisien
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février 18, 00:02Tournaisien
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février 22, 20:26atanahan
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février 22, 20:27Valentina
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février 12, 12:46Yves R
février 12, 14:22alex
février 12, 17:00alex
février 13, 10:57uit 't zuiltje
février 13, 21:47alex
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février 16, 02:49Edith
février 12, 21:14Marcel Sel
février 12, 22:26wallimero
février 12, 23:16Samuel
février 12, 22:19Marcel Sel
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février 13, 21:21thomas
février 16, 11:32Franck Pastor
février 16, 19:26wallimero
février 18, 18:26Willy
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février 19, 23:41Franck Pastor
février 22, 22:15Niemoller
février 14, 21:27Tournaisien
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février 13, 23:41uit 't zuiltje
février 13, 21:31uit 't zuiltje
février 16, 00:01Tournaisien
février 14, 20:37Salade
février 15, 13:37uit 't zuiltje
février 15, 23:24Niemoller
février 14, 21:21Marcel Sel
février 15, 13:22uit 't zuiltje
février 15, 23:55Tournaisien
février 16, 22:28Pfff
février 17, 17:40Pfff
février 17, 17:50Pfff
février 17, 17:46LilAngel
février 16, 22:53Marcel Sel
février 17, 23:35Pfff
février 18, 10:10Gijsels - Van de Sande
février 21, 20:26Blogue de Georges » Dipika.
février 19, 15:24Pfff
février 20, 11:34Pfff
février 20, 14:01Off
février 21, 14:41Pfff
février 21, 16:59uit 't zuiltje
février 22, 21:20Pfff
février 23, 13:14Pfff
février 23, 17:30Pfff
février 23, 18:31Pfff
février 23, 18:47uit 't zuiltje
février 27, 01:24PATRICK DE GEYNST
mai 15, 16:34