Partis émergents : la Belgique conserve bien !
Article paru dans M… Belgique du 20 mai 2014
« Petits partis » pour les uns, « partis émergents » pour les autres, ils récoltent ensemble la bagatelle de 28 % des intentions de vote en Wallonie dans le dernier baromètre RTBF/La Libre. Mais ils se plaignent d’une couverture médiatique insuffisante. Indépendamment de leurs idéologies, parfois très peu recommandable, cela pose-t-il une question fondamentale pour notre démocratie ?
Hugues Lannoy, tête de liste FDF à la Chambre en province de Liège, vient de recevoir la décision du CSA sur le blocage dont il fait l’objet à Télé Vesdre. Sur cette chaîne locale verviétoise, ne peuvent passer dans les débats régionaux ou fédéraux que les partis qui ont au moins un député wallon et un député à la chambre. Même pour les Européennes ! Étranges critères selon Lannoy, mais pour le CSA, ils sont objectifs et donc, Télé Vesdre n’a rien à se reprocher. Pourtant, avec 13 députés à Bruxelles, 2 à la Chambre et 2 au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, on peut se demander si ces « critères objectifs » n’excluent pas un parti déjà bien installé dans notre pays, mais émergent en Wallonie. Lannoy regrette : « nous sommes un vrai parti d’opposition, mais les gens ne savent tout simplement pas qu’on existe ». Seule consolation, tous les autres « petits » sont exclus de Télé Vesdre aussi !
Sans télévision, les gens ne savent tout simplement pas qu’on existe !
L’exemple inverse, c’est en Hainaut. Si Marie-Françoise Leconte (Mouvement de Gauche), tête de liste à la chambre, constate que l’accès aux médias nationaux est « très, très limité », elle se félicite de la politique de Notélé, la « Télévision de la Wallonie picarde ». Seule règle pour y être invité : avoir une liste complète en Hainaut. « Dans les débats régionaux, Notélé propose une répartition de 50/50 entre partis traditionnels et émergents » se réjouit Marie-Françoise. « Il y a vraiment un intérêt pour les partis émergents dans les médias locaux, et ça, c’est nouveau ». Mais pour la presse écrite nationale, le MdG doit se contenter de la portion congrue. « À part venir parfois aux conférences de presse, ils ne font pas grand-chose. Seul l’Écho nous a interviewés ! »
Mais le défi principal, c’est de passer en télévision nationale. « L’impact est énorme ! » dit-elle. Avec un passage sur RTL-TVI et deux à la RTBF, le parti a pourtant peu de chances de défendre son programme. Si le FDF ne peut se plaindre de la couverture nationale, une tête de liste régionale comme Hugues Lannoy n’a eu droit qu’à un seul passage à la RTBF, et aucun débat dans les grands studios. Il a néanmoins eu un moment de gloire inattendu : dans un sujet de JT sur RTL-TVI, filmé devant un panneau d’affichage électoral, son affiche est restée plus d’une minute à l’écran. Le lendemain, dès qu’il croisait une connaissance dans la rue, elle lui disait : « on t’a vu à la télévision ! »
Cette puissance de la télé explique les protestations de Mischaël Modrikamen contre le peu de passage de son Parti populaire sur les chaînes nationales, malgré ses 5,4 % d’intentions de vote en Wallonie. Même s’il reconnaît volontiers « une nette amélioration à la RTBF [son parti] continue à être exclus des débats principaux », dit-il. « À la grande soirée électorale du 15 mai, seuls les 5 partis traditionnels sont invités ! C’est une véritable prime aux partis en place ! Que veulent les gens ? Un énième débat Reynders-Di Rupo ? Ou enfin un débat Reynders-Modrikamen ? » Sa critique principale vise toutefois RTL-TVI. Il est en effet écarté des plateaux de la chaîne privée pour avoir été l’avocat de Luc Trullemans contre celle-ci. « Mais il n’y a plus de procès en cours entre RTL et moi aujourd’hui ! » proteste-t-il. La chaîne privée a néanmoins invité le parti à Controverse. Mais pas son président.
Que veulent les gens ? Un énième débat Reynders-Di Rupo ?
L’autre critique de Modrikamen concerne le PTB-GO qui aurait droit à « une couverture trois fois supérieure à celle du PP ». L’avocat devenu politicien explique cela par l’a priori favorable « de journalistes formés à la gauche ou l’extrême gauche. Les articles sur le PTB sont toujours plus sympas que ceux qui parlent de nous ».
Raoul Hedebouw, leader du Parti des Travailleurs de Belgique, a une autre explication : il n’est pratiquement invité que quand le parti apporte des faits nouveaux. « C’est en général quand notre bureau d’études fait des révélations sur la fiscalité, ou sur le prix des médicaments. Là, on nous invite ! » Une stratégie payante, comme le souligne le magazine en ligne Apache dans un article intitulé ironiquement « Le PTB, fournisseur officiel d’informations pour les médias ? ». On y explique que le PTB-GO a compris comment présenter ses études pour en faire des sujets alléchants. Titres chocs, mots choisis, comme «milliards», «grandes entreprises», «les riches»… Autant de thèmes que les journalistes reprennent volontiers, parce que la crise a réduit leurs moyens d’analyse et que les études du PTB « font » sérieux. Mais Martine Maelschalk (L’Écho) rappelle qu’elles présentent un point de vue unilatéral et « qu’on ne sait pas comment [elles] sont menées. »
Aux Pays-Bas, les tests électoraux reprennent 16 partis…
Une chose est sûre, l’intérêt des médias dépend aussi du contenu que les partis leur apportent. Avis aux « émergents » ! Ils sont cependant tous d’accord pour reconnaître un net progrès. Hedebouw : « Il y a le nouveau concept de parti émergent, inexistant en 2009. À la RTBF, notre visibilité est à environ 3 % alors qu’elle était quasi de 0,5 % en 2009. » Mais comme Modrikamen, à l’autre extrême du spectre politique, il regrette le « conservatisme » belge qui profite aux partis en place et empêche le développement de jeunes formations. « On barre la route aux idées nouvelles », clame Hugues Lannoy. Marie-Françoise Leconte « comprend l’équilibrage difficile des médias. Mais si c’est orienté, ça doit être dénoncé » ! Modrikamen affirme qu’on est loin des standards appliqués dans les autres pays. Sur ce plan-là, il rejoint Hedebouw qui rappelle qu’aux Pays-Bas, dans les tests électoraux, il y a 16 partis. La Belgique peut donc mieux faire. Car le constat est là : le dernier parti « émergent » francophone qui a réussi à s’installer durablement, c’était Ecolo. Et ça date quand même de… 1977 !
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GuyF
juin 04, 18:20uit 't zuiltje
juin 04, 23:13Capucine
juin 05, 08:37uit 't zuiltje
juin 05, 18:08uit 't zuiltje
juin 05, 18:09Capucine
juin 06, 13:16uit 't zuiltje
juin 07, 21:38