Pauvre petit Bart riche
« Seul, tout seul, sur cette plage, pauvre petite fille riche », mélodiait Claude François dans une de ses premières chansons. Et après avoir vu Terzake lundi soir, où les présidents des partis flamands principaux commentaient leur victoire et évoquaient la formation à venir, j’éprouvais un sentiment similaire envers Bart De Wever (N-VA, nationaliste-flamand). Riche en voix, mais tout seul. En voyant l’attitude de Wouter Beke (CD&V, démocrate-chrétien) et de ses collègues de gouvernement, on se dit que Bart risque bien de ne pas trouver, dans un avenir proche ou lointain, de raisons de pavoiser.
Car un phénomène assez nouveau est apparu en Flandre, du moins par rapport à la victoire d’Yves Leterme en 2007. Les partis traditionnels ne se contentent plus de défendre leur politique d’un point de vue exclusivement flamand, mais soulignent les avancées fédérales. Non sans humour parfois, comme lorsque Gwendoline Rutten (Open VLD — libéraux) fait remarquer que dans ce gouvernement dirigé par un socialiste, Elio Di Rupo, seuls les socialistes ont été sanctionnés, les libéraux étant sortis gagnants du scrutin. Bruno Tobback, président des socialistes flamands lui rétorque, hilare, que « Madame Rutten veut plus de gouvernements avec des ministres socialistes ».
Le genre d’humour qui tord le cou à l’antisocialisme furi-Bart.
Le fait est que cette fois, les partis de la coalition n’ont pas été sanctionnés au Nord, ils ont même progressé. Ceux qui ont participé au gouvernement Di Rupo ont suffisamment crû pour obtenir une majorité en Flandre, ce qui leur manquait depuis 2010. Entouré des présidents du CD&V et de l’Open VLD, Bart De Wever apparaissant sur la défensive. Ses partenaires potentiels aux niveaux flamand et fédéral ont pu s’offrir le luxe de pratiquement le sommer de leur faire une proposition concrète — tant au niveau flamand que national —, sur laquelle ils jugeraient de leur participation ou non à un gouvernement avec la N-VA.
Un retournement spectaculaire !
Le retournement est spectaculaire. Alors que la N-VA avait, en publiant très tôt des textes de congrès radicaux, pris la main dans la campagne, elle se retrouve à devoir ratatiner son propre programme pour espérer séduire les autres partis ! Pour la formation fédérale, c’était encore pire : chacun semblait très conscient que mettre les gagnants francophones des élections (PS, MR et CDH) à la même table de négociations que Bart De Wever n’allait pas de soi. Au contraire. Et l’empereur d’Anvers (concurrent de l’empereur de Mons), de reconnaître qu’avec le PS, ce serait… comment dire… enfin voilà.
Tout seul, isolé, bardé de voix dont il aura bien du mal à faire usage utilement au gouvernement belge — même s’il peut encore espérer former un gouvernement flamand, — Bart De Wever est aujourd’hui à la merci de trois partis flamands qui, ensemble, ont obtenu la majorité des voix en Flandre et de trois partis francophones qui semblent, déjà, vouloir passer rapidement l’épisode De Wever pour engager les négociations pour une prolongation du gouvernement papillon qui, s’il n’est idéal pour personne idéologiquement parlant, parvient apparemment à satisfaire suffisamment de Belges pour être reconduit rapidement. C’en est au point que Didier Reynders continue à « préférer » un gouvernement sans la N-VA. Le contraste avec 2010 est saisissant : il y a quatre ans, au sortir des élections, tout le monde avait reconnu qu’il faudrait parler avec Bart. Reynders avait évoqué un parti « très démocratique » (sic). Elio Di Rupo avait reconnu la victoire nationaliste et engagé des tractations.
Yvan Mayeur, mammouth enragé dans un magasin de vitraux en cristal.
Aujourd’hui, rien de tout cela. On frôle même l’insulte quand Yvan Mayeur, maladroit comme un mammouth enragé dans un magasin de vitraux en cristal, explique que le parti s’apprête à « faire faire quelques tours à De Wever comme informateur » avant de reprendre la main. Le genre de maladresse à ne pas reproduire : l’électeur N-VA a droit à un minimum de respect. Mais elle montre bien que les esprits sont déjà formés à l’après-informateur-De-Wever. Comme je l’explique aujourd’hui dans Paris Match Belgique, et comme je le disais déjà une semaine avant les élections, Bart n’a pas, comme il l’affirmait dans Terzake, « un beau jeu » ou « toutes les cartes en main ». Il a bien toutes les têtes, mais aucune de la même couleur. Une reine de cœur avec un roi de trèfle n’ont jamais fait une paire. Et le pire, c’est que c’était inscrit dans les astres. Comme je l’ai dit, des mois avant les élections : la N-VA n’a aucun intérêt à monter au gouvernement fédéral, et le gouvernement fédéral n’en a aucun à intégrer un parti indépendantiste. La logique et la mathématique sont souvent tordues par les politiciens, mais là, on touche à des axiomes.
Plus humiliant encore pour les nationalistes : cette fois, ce sont les chrétiens-démocrates, des deux côtés de la stupide frontière linguistique, qui ont la main. Sans le CD&V, pas de Bart au gouvernement flamand, ni au gouvernement fédéral. Sans le CDH, il devra trouver un terrain d’entente avec les socialistes… En gagnant mal les élections (notamment pour avoir phagocyté le Vlaams Belang déjà en très mauvais état de par ses dissensions internes), De Wever les a en réalité perdues. Or, le nationalisme supporte très mal les perdants. Et quoi de plus perdant qu’un gagnant qui se retrouve coincé par sa propre victoire ?
En 2010, la N-VA pouvait encore se présenter comme le justicier d’une Flandre brimée en conditionnant toute négociation à une scission unilatérale de BHV. Seulement, voilà, la scission a entre-temps été actée. Il a suffi pour cela que les Flamands négocient avec les Francophones au lieu de leur imposer leur vision unilatérale, imbuvable.
Ce n’est pas Bart qui a les cartes en main, c’est Wouter Beke !
C’est en négociant cette scission que le CD&V a rattrapé quatre ans de crise due au radicalisme d’un certain Yves Leterme et à sa méconnaissance du terrain fédéral. Le parti de Wouter Beke et de Kris Peeters est aujourd’hui sur une tout autre longueur d’onde. Il a repris goût aux vertus du compromis à la Belge. Si celui-ci reste imparfait, il coûte toujours moins cher qu’une longue crise et qu’une Flandre indépendante hors de l’Europe et sans Bruxelles. Le CD&V, jusque chez ses plus ardents flamingants, s’est aussi brusquement rendu compte qu’en s’engagent quasi aveuglément dans un combat pour la scission d’un arrondissement électoral (un certain Herman Van Rompuy en tête), il a fait perdre aux Néerlandophones de Bruxelles tout espoir d’avoir encore, un jour, un député à la Chambre.
Même Éric Van Rompuy a fini par reconnaître qu’il s’était trompé de combat. Aujourd’hui, les faits sont là : la scission de BHV n’a rien changé à la vie des Flamands. Aucun n’est plus heureux ou plus riche. La « tache d’huile » francophone n’a même pas été freinée. Il y a toujours un député UF (Union des Francophones) au Parlement flamand. Mais les « Flamands » de Bruxelles, eux, sont Gros-Jean comme devant. Et ce n’est pas aux Francophones qu’ils le doivent !
Aujourd’hui, Bart n’a plus le joker BHV. Celui qui unissait les partis flamands contre les partis francophones. À la place, il a un confédéralisme tellement radical qu’il réunit l’ensemble de la classe politique contre lui. Sauf bien sûr le Vlaams Belang, mais il s’en est fait un tel ennemi qu’il ne doit plus rien attendre d’Annemans & Co non plus. Il ne reste plus à la N-VA qu’à laisser tomber l’ensemble de son programme communautaire pour espérer monter au fédéral. Mais dans ce cas, elle se sépare de son ADN.
Aujourd’hui, Bart n’a plus la carte BHV.
Bref. Bart est seule sur sa plage. Et même la mielleuse rengaine de Claude François ne suffit pas à décrire le désastre. Parce que sur les plages d’Égypte, au moins, le sable est chaud. Sur celle de Coxyde, on peut tout juste espérer échapper à la drache. À moins, bien sûr, que Bart ne décide de se réchauffer en faisant du cuisse-tax. Mais pour quelqu’un qui veut réduire les taxes, ce serait un comble !
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GuyF
mai 28, 14:10Bernard (Rouen)
mai 28, 14:46Marcel Sel
mai 28, 16:41uit 't zuiltje
mai 29, 19:10guillaume21
mai 28, 15:02thomas
mai 28, 15:46Marcel Sel
mai 28, 16:42wallimero
mai 28, 21:46Marcel Sel
mai 29, 01:33uit 't zuiltje
mai 29, 21:49Axle
mai 28, 16:54uit 't zuiltje
mai 29, 19:17Flandre Pierre
mai 28, 18:41guillaume21
mai 29, 12:24uit 't zuiltje
mai 29, 21:23xavier castille
mai 28, 21:22Philippe
mai 29, 11:57xavier castille
mai 29, 18:40uit 't zuiltje
mai 29, 19:31Juliette
mai 28, 22:44thomas
mai 29, 10:39Philippe
mai 29, 18:07uit 't zuiltje
mai 29, 19:37uit 't zuiltje
mai 29, 19:38thomas
mai 30, 01:15uit 't zuiltje
mai 30, 15:29thomas
juin 01, 23:35uit 't zuiltje
juin 04, 23:31Juliette
mai 30, 05:29thomas
mai 30, 11:04uit 't zuiltje
mai 30, 15:39Suska
mai 29, 11:51uit 't zuiltje
mai 29, 19:49Juliette
mai 30, 05:47moinsqueparfait'
mai 29, 12:01Gregoire
mai 29, 17:47Marcel Sel
mai 30, 00:43Axle
mai 30, 14:02