Bart De Wever, dernier premier ou premier dernier ?
Décidément, les effets d’annonce de Bart affolent la presse. Voilà qu’il serait candidat premier ministre. Du moins, si on insiste très fort. Et qu’il ne le serait pas si on insiste fort aussi. Et le lendemain, Geert Bourgeois annonce qu’il répondrait favorablement à une demande de son parti de devenir ministre-président flamand. S’il insiste. Alors qu’en principe, la candidate serait plutôt Liesbeth Homans, l’adjointe de Bart à Anvers. Si celui-ci ne part pas au fédéral. Parce que sinon, elle deviendrait maire d’Anvers. Une bourgmestre à peu près aussi populaire qu’Yvan Mayeur à Bruxelles ou Rudi Vervoort à la Région Bruxelles-Capitale. Mais pour tout ça, il faut que la N-VA s’impose, et ça, ce sera dimanche.
Plus comique : on lie la vidéo en français de Bart à son nouveau « scoop » — qui n’en est pas un, il avait déjà «candidé candidement» sur TV Brussel il y a un mois —, ce serait l’offensive Bartienne qui révélerait ses ambitions fédérales. Soyons sérieux : Bart De Wever n’a pas d’ambition fédérale autre que d’obtenir un blocage définitif de la maison Belgique. Il sait pertinemment qu’aucun parti francophone ne le suivra dans son projet de confédéralisme. Or, Ben Weyts l’a encore rappelé hier à la VRT : la N-VA irait au fédéral à cette condition. Autrement dit, à la condition que ce gouvernement soit le dernier de la fédération belge. Les nationalistes ne sont pas des idiots. Ils savent qu’ils ne pourront pas former un gouvernement, même des droites, le 26 mai. Ils sont parfaitement conscients que leur programme est totalement imbuvable pour les Wallons et plus encore pour les Bruxellois. Et celui-ci s’est encore durci depuis les 541 jours.
Le blocage définitif, sur le modèle tchécoslovaque, ou rien.
Ce que la N-VA cherche, c’est le blocage définitif sur le modèle tchécoslovaque, le protocole de scission nationale que ses caïques citent le plus souvent et qu’ils ont étudié en profondeur. Que s’est-il passé là-bas ? Une scission politique, suite au constat d’incompatibilité entre les fédéralistes tchèques et les autonomistes slovaques. Cette scission s’est faite contre l’avis de la majorité et sans référendum. Les mêmes ingrédients se retrouvent en Belgique : seule une minorité de Flamands veut une scission. C’est pourquoi la N-VA exclut tout référendum — or, sans un tel exercice, la séparation ne serait probablement pas reconnue par l’UE. À moins bien sûr que De Wever ne parvienne à faire reconnaître aux Francophones qu’il n’y a plus d’autre moyen et à les forcer à se séparer à l’amiable. Et pour ça, il lui faut au minimum une minorité « impressionnante », de mettons 35 à 40 %. Le Vlaams Belang joue un rôle de soutien externe et ostracisé dans cette histoire : plus il est fort, plus il renforce le pouvoir de blocage de la N-VA en Flandre.
Mais pour bloquer le pays, Bart doit être invité à la négociation fédérale. Et pour y parvenir, il doit chercher des voix chez les Flamands belgicains, ceux qui veulent une alternative politique et pour qui la séparation n’est pas un must, loin de là. Et pour cela, il doit donner le change, et faire comme s’il était prêt à négocier sérieusement au fédéral, voire à prendre la tête d’un gouvernement des droites. La vidéo adressée aux Francophones entre dans cette stratégie, et doublement. Pour obtenir une crise idéalement terminale, il faut que les Francophones acceptent de négocier avec lui. Pour cela, il doit se présenter comme premier ministrable éventuel et appâter les partis de droite (quoique le CDH soit franchement centriste) en donnant l’impression, ne fut-ce qu’aux électeurs, qu’il propose une solution à l’ensemble des Belges.
Une vidéo et trois effets kiss cool.
C’est ce qu’il a fait dans la vidéo. En encourageant les Francophones à ne pas voter PS, il pense probablement favoriser le MR (principalement). Si celui-ci est fort, De Wever pourra ensuite l’entraîner dans une danse folle, celle des négociations à n’en plus finir, non pas sur le programme socioéconomique (déjà difficile à avaler pour le MR parce que très antisocial, ce que les bleus francophones ne sont pas encore), mais sur le programme confédéraliste, la scission de la Sécu, l’apartheid social bruxellois et le reste du core business de la N-VA, imbuvable pour absolument tous les autres partis, sauf le Vlaams Belang.
Ensuite, cette délicate attention envers les Wallons qu’il aime tant, lui permet de montrer à l’électeur flamand indécis, plutôt belgicain, et intéressé par ses solutions néoconservatrices (et non néolibérales), que sa promesse d’avoir un gouvernement « dès les 26 mai » (affirmation qui est en soi une belle manipulation joliment mensongère) n’est pas vaine : voyez, il comprend les Wallons, il leur parle, il essaye de les responsabiliser, ces incorrigibles pouilleux du Sud qui votent bêtement socialiste depuis 100 ans.
Enfin, la N-VA a découvert en début de semaine qu’elle risquait de ne même pas reproduire son résultat d’il y a quatre ans. Et là, elle risque de devenir un parti d’opposition qui perdra, petit à petit, son électorat d’occasion au profit du CD&V et de l’Open VLD qui, tous deux, ont recommencé à parler aux gens dans un langage qu’ils comprennent.
Certains pensent que la vidéo servait à ramasser des voix de Francophones à Bruxelles pour la Chambre. Non. Il n’y aura pas de siège N-VA bruxellois à la Chambre, c’est mathématiquement comme qui dirait impossible.
Enfin, même en Flandre, le programme confédéraliste de la N-VA n’est éventuellement buvable que pour le CD&V, mais à très long terme et assez partiellement. Wouter Beke a promis que pour les cinq ans à venir, il n’y aurait plus de réforme du tout. Du reste, comme il l’a fait remarquer à Ben Weyts hier, la N-VA n’a aucune chance de disposer d’une majorité des deux tiers pour lancer son vaste programme d’effondrement de la Belgique.
La N-VA n’a aucune chance d’avoir une majorité des deux-tiers requise pour avancer vers le confédéralisme.
Heureusement, je pense, les partis flamands de droite comme de gauche ont compris que la N-VA entraînait les Flamands, les Wallons, les Bruxellois dans une aventure qui ne profiterait, au final, à personne. Ils le disent clairement. Ils redeviennent crédibles au Nord. Et certains électeurs sont probablement fatigués de voir le parti de Bart jouer le Caliméro permanent, fustiger le chômeur et mettre les prépensionnés, nombreux au Nord, dans le même sac que l’inactif du Sud. Que Bart s’en prenne aux chômeurs wallons, passe encore. Mais quand il les associe aux prépensionnés flamands, ça se rapproche trop des intérêts de ses propres électeurs.
Sa bourde de début de semaine, passée inaperçue en francophonie, pourrait lui en faire perdre beaucoup : il a dit que toute personne qui a un bon CV trouve du boulot. Ce qui montre sa méconnaissance du monde du travail. Et le courrier qui lui a été envoyé, notamment via De Morgen, était du style furieux : des chômeurs dûment diplômés avec des CV longs comme le bras lui donnaient une réponse qui sonnait comme une claque : non, les diplômes et l’expérience ne garantissent plus l’emploi ! Bart godverdomme ? Tu n’as jamais travaillé de ta vie ou quoi ? Eh ben non, dans le privé, jamais !
L’électeur flamand sera-t-il au rendez-vous de la N-VA ? Certains commencent à douter. On parle au Nord de la « semaine de trop » pour la N-VA. Ce qui expliquerait la tentative de reconquête de la campagne, par une vidéo improbable adressée aux Francophones et une déclaration de candidature alambiquée donnée à la VRT.
Plus que trois jours de suspense. Et l’on saura si la Belgique est un Titanic ou un kayak qui descend les chutes du Niagara tous les 4 (et désormais 5) ans, en se faisant très peur, mais en atterrissant toujours, à chaque fois de façon un peu plus acrobatique.
16 Comments
tilto
mai 22, 12:20moinsqueparfait'
mai 22, 14:31Tournaisien
mai 22, 17:00Salade
mai 22, 19:10Tournaisien
mai 23, 19:00L'enfoiré
mai 22, 18:11L'enfoiré
mai 22, 18:12Hachiville
mai 22, 18:25Stéphane Dohet (@stephanedohet)
mai 22, 18:40GuyF
mai 22, 19:55MH
mai 22, 22:35elDebil
mai 22, 23:14Philippe
mai 23, 11:22Lison
mai 23, 11:26Philippe
mai 27, 08:26u'tz
avril 20, 19:16