Damien Thiéry ou le syndrome de Stockholm, maladie suédoise.
C’est un twit apparemment innocent, mais il en dit long. L’auteur, c’est Damien Thiéry, le bourgmestre non nommé de Linkebeek. Après avoir longtemps été le fer de lance de la « résistance » FDF à la Circulaire Peeters en périphérie, il est passé au MR peu avant les élections. Un Mouvement réformateur qui négocie en ce moment un accord de gouvernement avec la N-VA, fer de lance du respect de la… Circulaire Peeters. En fait, si la N-VA le pouvait, elle irait probablement plus loin encore. Le Wooncode, la réservation de certains terrains à des Flamands, c’est elle. Pour un nationaliste-flamand, la reflamandisation des communes périphériques, ce ne serait pas de refus. Linkebeek inclus. Damien vient donc de reprocher à Olivier Maingain de réveiller le communautaire, et au moins un N-VA l’a… huhu… retwitté!
Le FDF, lui, a maintenu son cap, non sans s’inspirer de temps en temps de ce que j’écris. Ainsi, ce week-end, chez Pascal Vrebos (RTL-TVI), Olivier Maingain a asséné : « C’est la première fois que dans le gouvernement belge, il y aura un parti qui compte dans ses rangs des nostalgiques de ce qu’était la VNV » (le parti flamand de la collaboration). Et il a accusé Jan Jambon de participer à des réunions d’anciens collaborateurs. Comme à son habitude, Maingain a prêté le flanc à la critique. Parce que Jambon a bien donné un discours au Sint-Maartensfonds, qui n’est pas seulement une « réunion d’anciens collaborateurs », mais bien l’amicale des ex-Waffen-SS flamands. Mais voilà, c’était il y a quinze ans. La RTBF s’empresse de préciser que Jambon n’était pas encore « actif en politique » à cette époque-là. Mouais. Il discourait dans ce club sulführeux en tant que représentant du Vlaamse Volksbeweging qui, s’il n’était pas un parti politique, est une formation qui fait de la politique et a fourni quelques cadres à la N-VA, comme Peter De Roover, secrétaire politique du Mouvement populaire flamand, qui vient de la rejoindre, lui aussi, juste avant les élections. Notons aussi qu’il y a déjà eu un ministre CD&V pris la main dans le sac dans ce genre de manifestation. Il avait alors dû démissionner de son poste, mais le parti ne l’a pas renvoyé. La N-VA ne serait donc pas le premier parti à héberger des « nostalgiques ».
Pour la RTBF, militer au Vlaamse Volksbeweging, ce n’est pas faire de la politique. Oups.
Cela dit, hormis la formulation boiteuse, Olivier Maingain n’a pas tort sur toute la ligne : Jan Jambon est bien toujours actif au sein du Vlaamse Volksbeweging, dont la faction anversoise commémore tous les ans August Borms, collaborateur nazi antisémite exécuté en 1946. Ce même Vlaamse Volksbeweging a aussi co-organisé en 2004 un hommage au leader nazi Staf De Clercq, avec le Vlaams Belang. C’était à l’Ijzerwake (Garde de l’Yser). On me dira « c’était il y a dix ans ». Admettons. Mais dites-moi, quel parti qui aurait coopéré à une telle commémoration il y a dix ans ne serait pas, pour le moins, considéré comme suspect en Europe ? Du reste, des N-VA ont continué à fréquenter cette fête qui rappelle fortement les célébrations de l’époque nazie et dont plusieurs « visiteurs » sont, eux, radicalement d’extrême droite, du Voorpost à la NSV, en passant par la NS-A. Au bénéfice de la N-VA, on notera toutefois qu’il y a deux ans, on y croisait aussi un membre de… l’Open VLD, Willy De Waele, le bourgmestre « libéral » de Liedekerke qui avait un jour führieux ordonné de retirer le drapeau belge de devant sa mairie.
Cette visite annuelle à la fancy-fair hali-halo-hala néoflamingante n’est pourtant nécessaire pour aucun flamingant : pour les vrais adeptes du Mouvement flamand pacifique et culturel, il y a une autre célébration, plus policée et surtout moins fréquentée par la gerbe fasciste, à savoir l’Ijzerbedevaart (Pèlerinage de l’Yser).
Mais si tout cela doit être dit — si l’on ne peut par avance blanchir un parti qui entretient de telles relations avec une des extrêmes droites les plus radicales d’Europe du Nord (j’ai cité le Vlaams Belang et son cortège d’organisations), si l’on ne peut négliger que Bart De Wever, éventuel futur chef de facto du gouvernement belge, laisse ses troupes s’adonner à ce qu’il ne voit que comme un folklore, mais qui reste une célébration du national-socialisme flamand de l’Occupation — en déduire que la N-VA est un parti nostalgique, ou d’extrême droite est plus hasardeux. C’est certainement un parti populiste (même Éric Van Rompuy l’a encore insinué assez clairement ce weekend dans Mise au Point — RTBF) qui, au mieux, évolue petit à petit vers une vision plus acceptable du nationalisme identitaire.
La N-VA n’est pas d’extrême droite. Mais pas démocrate pour autant.
Ce n’est pas un parti démocrate au sens européen du terme, et Bart De Wever lui-même récuse l’héritage des Lumières. Le simple fait qu’il considère que l’indépendance de la Flandre ne doit pas être soumise au choix des Flamands (par référendum), ce qui est devenu une pratique de base dans la démocratie européenne, me conforte dans cette idée. La N-VA a de surcroît le gros défaut de s’en prendre assez facilement aux musulmans (l’État islamique a remplacé, au top de son site web, les thèmes de l’immigration et du droit d’asile… ben tiens !) surtout depuis qu’il a cessé de s’en prendre aux Juifs et à Israël. Enfin, le président du Parlement flamand, Jan Peumans, confond toujours résistants et collabos.
Néanmoins, la N-VA n’a pas à proprement parler un programme d’extrême droite. Elle ne cherche pas à blanchir la Flandre, même si elle préfère qu’elle ne brunisse pas trop (ce qui, dans certains pays, serait déjà perçu comme de l’extrême droite). Elle ne veut pas établir un régime autoritaire même si on peut se poser des questions sur l’acharnement de Bart De Wever à rester président de son parti, pratiquement sans élections internes (il n’y a pas d’autres candidats). Elle ne dispose pas de troupes de choc, au contraire du Vlaams Belang (avec le Voorpost, notamment), même si elle entretient des liens avec le Taal Aktie Kommitee francophobe et quelquefois xénophobe. Et elle ne cherche pas à isoler les intellectuels « dissidents » dans un quelconque goulag même si Bart ne se prive pas de les appeler à assumer l’identité flamande (ce qu’ils font en réalité, mais pas dans un sens nationaliste).
Le rôle des médias est de s’inquiéter de toute dérive dans tout parti. Y compris la N-VA.
Bref, la N-VA a autant de quoi rassurer que de quoi inquiéter. Mais de là à la qualifier de fasciste, il y a un pas qu’on ne peut franchir sans risquer l’incompréhension de l’électorat flamand. Avec la N-VA, il faut en rester aux faits, mais jamais manquer de les rappeler, faute de quoi on désinforme. C’est ce que fait d’ailleurs largement la presse belge qui hésite scrupuleusement d’évoquer tout lien factuel, même régulier, même récurrent, entre les nationalistes flamands de Bartounet et tout ce qui pourrait être interprété comme évoquant de petites mains levées. C’est de la diabolisation. On doit réserver ça au Parti socialiste. Pas touche au parti flamand le plus populaire.
Étrangement, tandis que certains se réveillent en Flandre (c’est la VRT qui a révélé la présence de Jan Jambon au congrès nostalgique dont parle Olivier Maingain ; ce dernier a aussi évoqué l’honorable Guido Fonteyn, qui a qualifié la N-VA d’extrême droite, mais surtout pour des raisons sociales), en Belgique francophone, certains continuent à interdire que l’on évoque le passé, mais aussi le présent un peu touchy de tout ce qui touche à Bart De Wever. Ils ont une analyse pour tout dire tordue : eux qui sautent en l’air dès qu’un membre du Parti populaire aurait connu le cousin d’un ami d’une connaissance d’un ex-membre du Front de la Jeunesse, vous gueulent de fermer votre clapet lorsqu’il s’agit d’un flamingant. Non, là, c’est normal. En premier, cette fois, l’inénarrable Vincent Laborderie, qui a accusé Olivier Maingain d’assimiler les Flamands aux fachos. Un politologue extrêmement fin, ce Laborderie, qui confond « Jan Jambon » et « les Flamands », faisant lui-même l’amalgame dont il accuse Maingain. Si vous saviez, Vincent, combien de Flamands détestent qu’on les assimile à Jambon !
J’ai parfois l’impression qu’un certain nombre de Francophones prenne pour argent comptant l’idée que les Flamands auraient été opprimés par leurs parents, depuis le fond de la mine, ou le creux de leur sillon Sambre-et-Meuse. Le Mouvement flamand originel était au contraire un mouvement d’émancipation scolaire, littéraire et culturel, et seuls ceux dont les ancêtres étaient des bourgeois ou des aristocrates-députés peuvent, éventuellement, se sentir coupables au point de voir en Bart la réponse naturelle à l’oppression passée des Flamands par la langue française. Mais qu’ils ne fassent pas rejaillir leur culpabilité mal assumée sur les autres.
En Flandre, les nationalistes ont fait passer l’épuration pour une répression, et effacé les noms des flamingants résistants.
Moi, mes ancêtres n’ont jamais opprimé le moindre Flamand ni méprisé la langue. Mais ils ont, comme beaucoup de Flamands, souffert de la collaboration et seraient horrifiés de voir aujourd’hui que des blanchisseurs de collabos se retrouvent à la tête du pays. Je ne vois pas comment le dire autrement. Si, en Flandre, on fait passer l’épuration pour une répression, ce n’est pas parce qu’on aurait été plus sévère envers les collabos flamands, ce n’est pas parce qu’ils étaient moins collabos que les Wallons. Ce n’est même pas parce que l’humiliation de leur langue rendait leur collaboration plus compréhensible. C’est parce que le mouvement nationaliste flamand a réussi à faire croire à la société flamande que, quelque part, il avait été précipité dans l’Ordre nouveau par les Francophones. Un peu comme si les héritiers de Degrelle affirmaient que oui, ce sale type était bien un nazi, mais qu’il avait des circonstances atténuantes : on l’avait brimé étant petit !
La meilleure preuve en est que les flamingants qui, de 1940 à 1945, ont choisi la résistance au nazisme n’ont absolument pas été érigés en héros par le nationalisme d’après-guerre ! Ils ont été oubliés, rejetés dans la mémoire de l’Histoire, et remplacés par ceux qui ont envoyé de jeunes Flamands se battre en Russie dans la Waffen-SS ! Dingue ! Voilà un mouvement que certains Francophones nous demandent de « respecter » sous prétexte qu’il représente le ventre de la Flandre, alors qu’il n’en représente que le rectum. Le ventre de la Flandre, lui, est mort deux fois : une fois en résistant au nom de l’autonomie de la Flandre et du refus du fascisme, une seconde fois en voyant ses noms effacés du tableau d’honneur flamand.
Il reste qu’il y a un point sur lequel ces Francophones victimes du syndrome de Stockholm (dans une Suédoise, c’est pas par hasard) ont raison : des Flamands se sentent toujours mis en cause quand on ne vise que certains de leurs politiciens. Mais ce n’est pas aux autres Flamands ou aux Francophones à résoudre ce problème. Si aucun parti flamand ne veut comprendre que pour être acceptée par les Francophones, la N-VA doit se départir de son folklore nostalgique, pourquoi devrions-nous nous soumettre à des diktats dans notre traitement de l’information sur la N-VA, quitte à négliger des faits, à avaler tout cru la propagande nationaliste, à imposer à nos propres politiciens une propreté-sur-soi qu’on s’interdirait d’exiger de ceux qui domineront le prochain gouvernement ? J’avoue ne pas comprendre.
Damien Thiéry défendant la N-VA… le MR a déjà dépassé le stade de l’absurde.
Ce prochain gouvernement, qui promet d’être déséquilibré. Le MR est déjà sur une pente savonneuse. Damien Thiéry en est l’exemple le plus criant. En réponse à Olivier Maingain, il twittait hier : « Merci Maingain de rallumer le communautaire… en traitant les Flamands de collabos, c’est faire le jeu des séparatistes non ». Rallumer le communautaire ? Ce n’est pas ce qu’a fait Maingain. Si quelqu’un a rallumé le communautaire, c’est Damien Thiéry qui, pour les dernières élections, a envoyé des convocations électorales en français aux Francophones, chose interdite en Flandre… grâce notamment à la rage N-VA. Si quelqu’un n’a pas éteint le communautaire, c’est le gouvernement précédent qui a donné au Conseil d’État le droit de nommer ou non les bourgmestres. Et ce Conseil d’État a approuvé la Circulaire Peeters, enterrant pour toujours la possibilité pour les Francophones majoritaires dans ces communes de recevoir, comme le prévoit la Constitution, leurs documents administratifs en français. Si quelqu’un n’a pas enterré le communautaire, c’est la N-VA, qui refuse l’établissement de la zone métropolitaine bruxelloise, négociée par les partis de la coalition Papillon… pour rien. Quant à traiter « les Flamands de collabos », ce n’est de fait pas du tout ce que Maingain a fait : il ne visait qu’un parti, et en particulier certains de ses élus.
À l’arrivée, on voit où le MR veut en venir. Il ne faut plus parler de ce qui fâche, déjà maintenant. Ne plus chercher à défendre des droits constitutionnels des Francophones en périphérie, pourtant validés par de nombreuses instances internationales ; notamment le droit d’être entendus en français, et de parler cette langue au Conseil communal (même en France, ça se passe comme ça !) Ne plus chercher à obtenir cette communauté métropolitaine qui permettrait de résoudre les questions de mobilité avec la Flandre, et non plus à son seul bénéfice. Ne plus chercher à empêcher le survol de Bruxelles ou le délestage du cargo de nuit sur d’autres aéroports. Ne plus chercher à bien financer la Capitale, financement qui profite aussi aux fonctionnaires flamands qui y travaillent et quelquefois, qui y vivent. Ne plus chercher à garder un équilibre entre Francophones et Néerlandophones dans l’industrie, l’armée, la justice, les pompiers bruxellois, ou simplement la diplomatie. Bref, se laisser endormir par le grand méchant loup avant même d’avoir construit sa baraque en brique. On ne pourra ensuite reprocher à aucun politicien flamand d’avoir agi dans le meilleur intérêt de sa région. Ils seraient bien bêtes de ne pas en profiter.
La suédoise sera dewéverienne ou ne sera pas (stable).
On ne pourra même pas reprocher à la N-VA de prendre le bras quand on le lui donnait jusqu’à l’épaule. Mais on pourra se poser la question de la capacité du MR à comprendre les enjeux politiques en Belgique. Alors qu’ils auront la moitié des postes de ministres, ils semblent toujours intéressés de recevoir, en sus, celui de premier ministre, que les partis flamands ne leur laisseront qu’à un prix considérable. Ils auront raison : c’est la seule façon d’expliquer aux Flamands pourquoi le plus petit parti en nombre d’électeurs s’arroge la moitié des portefeuilles, et le suprême en plus. Et alors qu’un parti, plus que tous les autres, aura le pouvoir dans la coalition — la N-VA, bien entendu —, le MR n’a toujours pas compris qu’il doit lui imposer le poste de premier ministre, faute de quoi il ne serait qu’un loup dans la bergerie belge, un cheval de Troie libre de ses mouvements à l’intérieur même de notre gouvernement. D’ailleurs, un premier ministre francophone serait une sorte d’insulte permanente à la majorité flamande, dès lors que la Constitution offre déjà 7 portefeuilles au MR, contre 3 à la N-VA… Je l’ai signalé dans un précédent article. Depuis, Vande Lanotte et Karel De Gucht ont soutenu la même théorie. Ce n’est pas par hasard, c’est juste mathématique.
On me dira encore que je « diabolise » Bart en parlant de loup dans la bergerie ? Même pas. Je ne fais que suivre sa logique. Il veut participer à un gouvernement de droite pour montrer sa valeur. Mais pas le diriger, pour ne pas être perçu comme trop belge, et pour pouvoir, à tout moment, quitter la Suédoise et emporter les fleurs en prime. C’est son jeu politique, il a raison de le jouer. On n’est toutefois pas obligé de le laisser faire. Et le seul moyen de s’assurer de sa loyauté (et la loyauté, en politique, ça n’existe que quand on se la voit imposer), c’est qu’elle prenne les rênes de la coalition. C’est le premier parti en sièges, la première famille en voix, le cœur décisionnel de la kamikaze bosniaque. Je serais le premier à haïr un gouvernement dirigé par Bart De Wever. Mais il serait plus fatal encore qu’il soit dirigé par quelqu’un d’autre. Et apparemment, Charles Michel est toujours sur cette longueur d’onde là.
Damien Thiéry révélateur de la soumission du MR à un futur gouvernement belge qui ne sera qu’une succursale du gouvernement flamand ? Oui. Et j’avoue : j’en suis tombé de ma chaise.
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septembre 22, 17:16Pfff
septembre 22, 17:19Pfff
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septembre 22, 21:53uit't zuiltje
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septembre 22, 22:33Marcel Sel
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septembre 23, 14:14thomas
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