Bart et les médias flamands : finie l’idylle ?
Autrefois chouchou des médias flamands, Bart De Wever doit désormais faire face à la critique « comme tout homme politique », précise Ivan De Vadder. « Il a mangé son pain blanc », ajoute ce journaliste politique de la VRT. Alors, finie l’idylle ?
Article paru dans M… Belgique le 21 mars 2014.
Bien des journalistes du Nord ne reconnaissent qu’à demi-mot qu’ils auraient été trop « coulants » avec Bart De Wever par le passé. Leen Vervaeke, une journaliste flamande au Volkskrant qui a observé la presse du Nord depuis Amsterdam jusqu’en 2011, est plus franche : « Parfois, je ne pouvais pas en croire mes yeux ! Des formules comme ‘il y a deux démocraties en Belgique’ étaient reprises telles quelles comme si c’était un fait ! » Pour Dave Sinardet, politologue à la VUB, « les médias étaient effectivement friands de Bart De Wever et ont contribué à le ‘faire grandir’ en l’invitant souvent dans des programmes populaires et des débats. C’est un ‘bon client’ qui passe très bien en télé et son humour rugueux plaît beaucoup. » Rien à voir, donc, avec un « complot » ou une préférence politique de la presse flamande « qui n’est pas monolithique, ainsi, De Morgen a toujours été très critique envers Bart De Wever », insiste Ivan De Vadder. Pour lui, le succès de De Wever auprès des médias s’explique surtout par une certaine fraîcheur. « C’est très attrayant pour un journaliste, c’est le ‘petit nouveau dont on parle’ et puis, il amenait une cohérence. Cela a interpellé le public et donc, la presse. Avec le temps, la plupart d’entre nous ont découvert qu’il y avait aussi des failles dans l’argumentation de la N-VA. »
De Slimste mens
Pour Dave Sinardet, « certains journaux étaient en plus ravis de trouver un nationaliste flamand convaincant, capable d’écrire une chronique de qualité. » Comme Leen Vervaeke, il note toutefois des excès d’enthousiasme : « À un moment donné, on cherchait n’importe quel prétexte pour l’inviter. On lui demandait son avis sur tout et n’importe quoi — en vrac dans une même émission : sur une série documentaire sur la Wallonie, sur un reportage sur De Slimste Mens, sur la baisse des subsides pour le pèlerinage de l’Yser… » Jörgen Oosterwaal, rédacteur en chef de Knack, ajoute : « Aujourd’hui, les médias sont plus en phase avec leur audience qu’autrefois. C’est une bonne chose en soi, mais certains journaux en abusent, courant derrière le succès par tous les moyens. Jean-Marie Dedecker, Steve Stevaert, Leterme ou De Wever ont profité de ce phénomène. »
«Certain journaux courent derrière le succès par tous les moyens» (Jörgen Oosterwaal)
Cet « enthousiasme flamand », qui étonne en Belgique francophone, ne nous est pourtant pas étranger : il rappelle l’engouement de la presse française pour Ségolène, Strauss-Kahn ou Balladur, tous annoncés présidents bien avant l’heure, et à tort. Ce journalisme plus « spectaculaire » explique peut-être l’intérêt des Belges francophones pour la politique française. Et si certains « Wallons » en déduisent un peu vite que la presse du Sud serait plus rigoureuse que celle du Nord parce qu’elle ne s’enthousiasme pas en chœur pour un seul et même personnage, on a peut-être le défaut inverse : on a l’impression que règne en communauté française un star-system politique, avec quelques bons clients indétrônables dans chacun des quatre grands partis, et que les nouvelles têtes politiques ont bien de mal à faire parler d’elles.
CD&V : de trein der traagheid ?
Toujours est-il que ces engouements exclusifs finissent tôt ou tard. Idem pour Bart. Retour de manivelle ? Pour Ivan De Vadder, ce serait plutôt une évolution sur le long terme. « Petit à petit, la N-VA a accédé au pouvoir, au gouvernement flamand, à Anvers… C’est là que les journalistes se sont rendu compte que certaines réponses restaient obstinément confuses, comme le sens exact à donner au mot confédéralisme. Il y a aussi le fait que les autres partis flamands ont mis du temps à se réveiller. Quand ils sont arrivés avec du contenu, un message cohérent, eh bien, la presse a suivi ! » Di Rupo y a-t-il contribué ? Difficile à dire, mais Ivan De Vadder note que quand le CD&V et l’Open VLD se sont mis à soutenir l’action gouvernementale, « les journalistes ont relayé ».
Leen Vervaeke nuance : « la ‘marche sur l’Hôtel de Ville’ [après la victoire de la N-VA à Anvers] et l’intégration de nombreux membres du Vlaams Belang ont probablement joué aussi » dans la fin de l’état de grâce. Daniël Termont, bourgmestre socialiste de Gand, avait assimilé cette « marche » aux « années trente », une déclaration qui a fait couler beaucoup d’encre en Flandre, et pas toujours en faveur du président de la N-VA ! Mais pour Dave Sinardet, le changement d’attitude envers De Wever s’explique plutôt par des évolutions politiques : « En 2010, les partis flamands négociaient ‘ensemble’ [contre les partis francophones]. Le SP.a était au gouvernement flamand avec la N-VA. La ligne de front la plus importante opposait donc la N-VA et le PS. Logiquement, la presse flamande relayait plutôt l’interprétation de la N-VA, la seule des deux formations à se présenter en Flandre. Aujourd’hui, la donne a changé parce que la ligne s’est déplacée : la N-VA s’oppose aux partis traditionnels flamands, qui ont plus tendance à réagir — tant officiellement qu’en ‘off’ — lorsque la presse a tendance à trop relayer le point de vue de la N-VA. »
Te bekende Vlaming ?
Il y a aussi l’effet pervers de la notoriété. Toutes les stars politiques sont passées par là. Une fois « arrivées », elles ont moins besoin de la presse, sont sur-sollicitée et deviennent sélectives. Les journalistes n’apprécient pas toujours. En plus, souligne Jörgen Oosterwaal, « la N-VA a toujours réagi un peu hystériquement à la critique. Bart De Wever est par exemple entré en conflit ouvert avec Humo après un dossier sur les négociations fédérales qui lui était plutôt défavorable. » Dave Sinardet abonde : « Il a eu des conflits avec beaucoup de médias au fil des années. À un moment donné, le parti a refusé d’encore parler avec Het Nieuwsblad et il y a eu un clash avec De Standaard qui avait titré à la une ‘pas de T-shirt homo au guichet [anversois]’. » Mais Bart De Wever garde certains privilèges : « Après un tollé à la N-VA, les rédacteurs en chef du Standaard se sont sentis obligés de publier un article pour justifier leur choix de titre. C’est vrai que ce choix pouvait poser question, mais c’est souvent le cas ! Seulement, quand c’est au désavantage d’autres politiciens, ça n’entraîne pas une telle controverse et on ne publie pas de justification officielle ! »
«Après, on reproche aux politiciens de parler de Bart De Wever…» (Dave Sinardet)
Cette relation difficile entre De Wever et les médias fut illustrée par un étrange article dans Knack, à la veille des Communales de 2012. Cette semaine-là, les lecteurs du magazine découvrirent une « interview » de Bart De Wever où toutes les réponses étaient laissées en blanc parce que le président de la N-VA avait refusé de répondre au journaliste Stijn Tormans. Venant d’un « journal de droite », comme l’écrivait à l’époque Leen Vervaeke, le geste a marqué les esprits — et énervé Bart De Wever. Certains ont pu l’interpréter comme un tournant. Mais ce n’était qu’un révélateur. Mieux, Jörgen Oosterwaal rappelle que « le rédacteur en chef du magazine était à l’époque Johan Van Overtveldt, aujourd’hui tête de liste N-VA aux européennes ! » Et Jörgen de préciser qu’il n’aurait pas agi comme son prédécesseur : « En tant que rédac’chef, j’aurais au contraire tout fait pour éviter une telle escalade, appeler De Wever, par exemple ».
Trop is te veel
Aujourd’hui, ce dernier serait donc « devenu » un politicien comme un autre pour la presse flamande. Au point que Leen Vervaeke trouve qu’il y a exagération dans l’autre sens : « Reprendre trois fois la même critique dans le même journal, c’est exagéré. Une fois, c’est bon, on a compris ! » Dave Sinardet trouve aussi que la presse est généralement plus critique, mais qu’il y a encore un excès d’attention. Ainsi, Terzake invitait récemment Gwendolyn Rutten (Open VLD) et Wouter Van Besien (Groen) et leur soumettait un reportage sur… Bart De Wever annonçant qu’il serait tête de liste à la chambre. Pas franchement un scoop… « Puis on a demandé aux deux politiciens ce qu’ils en pensaient, et ensuite, on est allé au siège du PS, où l’on a posé la même question à… Paul Magnette ! Après, on reproche aux politiciens de parler tout le temps de Bart De Wever et pas de leur propre programme ! », ironise le politologue.
Il y a enfin un anachronisme qui ne va pas simplifier la relation du parti nationaliste avec la presse. « La N-VA ne communique toujours pas comme un grand parti et continue à se présenter comme un outsider qui a du mal à accepter la critique », s’étonne Ivan De Vadder. Sinardet confirme : « Le sentiment que ‘tout le monde est contre nous’ est dans l’ADN du Mouvement flamand. La N-VA se présente encore comme un parti antisystème, contre ‘le régime’ ou ‘l’establishement’, alors qu’elle est au gouvernement flamand et dirige plusieurs communes, dont Anvers ! Mais pour partie, cette attitude est aussi stratégique : elle est attrayante électoralement parlant. »
Reste à prendre bonne note de la conclusion de Jörgen Oosterwaal : « Je pense que les médias flamands sont néanmoins plus objectifs que les Francophones quand il s’agit de BDW. Mais il y a une évolution dans les deux sens. C’est une bonne affaire». Message reçu, Jörgen. On espère ne pas avoir démérité…
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Philippe
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