Dipika : les partis ont peur du monopole du cœur.

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Nos politiciens travaillent (mais si !) Ils préparent et discutent des textes, votent des lois, défendent des droits ou des politiques, et les expliquent. Mais les lois sont des blocs destinés à répondre à la majorité des cas, humainement si possible. Elles sont donc imparfaites. Régulièrement, on les modifie pour compenser leurs défauts. Mais quand un cas particulier vient bousculer ce travail, la machine a tendance à se bloquer. L’affaire Dipika en est un bel exemple…

Rappel des faits
Apprenant qu’ils ne pourraient pas avoir d’enfants, Bénédicte Van de Sande et son mari Gyanendra Khatiwada se sont lancés dans le parcours ardu, incertain et long de l’adoption. Gyanendra étant de nationalité népalaise, le choix d’un enfant de ce pays s’imposait. Après cinq ans de démarches — cours de parentalité, passages au tribunal, formalités administratives diverses et variées —, le couple découvre que Kind & Gezin, le pendant flamand de l’ONE, a décidé de clôturer brutalement tous les dossiers d’adoption liés au Népal — un pays qui a notamment laissé adopter des enfants qui n’étaient orphelins que sur papier. Voilà pour le cadre législatif. Et puis, il y a l’humain. Après tant d’années d’attente et d’efforts, Bénédicte et Gyanendra voyaient leurs espoirs de parentalité s’effondrer. Avec cette impression amère d’avoir été mal traités par une administration de plus en plus technique.

Dans ce monde où l’initiative personnelle est valorisée, ces deux entrepreneurs ont alors décidé d’adopter au Népal, persuadés que c’était légal dès lors que Gyanendra disposait toujours de la nationalité. Mal conseillés par un avocat, ils croyaient qu’une fois l’adoption officialisée par la justice himalayenne, ils pourraient rentrer en Belgique avec leur nouvelle petite fille, Dipika. Hélas, la loi est devenue une sorte de paravent aveugle et le visa leur fut systématiquement refusé. Depuis 28 mois, Bénédicte vit donc avec la petite Dipika à Katmandou et Gyanendra tient sa boutique à Bruges pour entretenir sa femme et sa fille qu’il n’a vues que deux fois depuis l’adoption. Aujourd’hui, pour rentrer en Belgique, Bénédicte n’a pas le choix : elle doit abandonner sa fille après 2 ans et demi de parentalité ! C’est ce que lui ont recommandé des administrations belges.

Le monopole du cœur
En novembre 2013, l’affaire paraît dans la presse, jusqu’au Canard enchaîné. Tout de suite, des citoyens se regroupent et contactent les politiciens qu’ils connaissent. Et là, consternation. Bénédicte est sortie du cadre législatif et « on ne peut rien faire ». Serait-elle condamnée à l’exil perpétuel ? Bizarrement, le premier parti à s’intéresser sérieusement à la question est… l’Open VLD. De quoi donner raison à la célèbre phrase de Giscard d’Estaing à Mitterrand : « Vous n’avez pas le monopole du cœur ». Car côté PS, seuls un ou deux parlementaires s’offusquent discrètement quand les bleus flamands préparent une question parlementaire. Mais avec Maggie De Block « à l’immigration » et Annemie Turtelboom à la justice, ces député-e-s OVLD se retrouvent devant un mur : ils (elles) ne peuvent évidemment pas tirer sur leurs propres ministres, d’autant que la campagne électorale est lancée. Quant aux cabinets, ils ne veulent surtout pas créer un précédent : on se dit qu’en permettant à Dipika de rentrer en Belgique sur base d’une adoption valide à Katmandou, mais pas ici, on pourrait encourager d’autres parents à aller adopter dans un pays peu respectueux du droit des parents… Une frilosité absurde. Car qui s’exilerait pendant 2 ou 3 ans pour adopter ?

La campagne électorale tétanise…

Entretemps, Gyanendra a lancé un groupe Facebook « Un visa pour Dipika ». Avec des résultats étranges : une bonne centaine de comptes N-VA s’y abonnent d’emblée, y compris plusieurs députés, comme Ben Weyts, Zuhal Demir, Nadia Sminate ou encore… Siegfried Bracke. C’est de très loin le groupe politique le plus « abonné ». Mais cette empathie facebookienne n’est suivie par aucune action concrète. Il y a aussi quelques FDF, une attachée parlementaire MR et un Écolo, un seul, et pas le moindre : Jean-Marc Nollet ! Les Écolos sont d’ailleurs les seuls avec les Open VLD à avoir agi dès le début. Mais en privé, et non sans demander qu’on ne les cite pas ! Le fait qu’il y ait un enfant dans l’affaire, les risques liés au Népal, la campagne électorale, tout ça tétanise…

Moteur. Action. Et puis, silence.
L’action véritable est à chercher à droite, encore. Début janvier, Didier Reynders, responsable d’une diplomatie belge qui n’a pas été tendre pour Bénédicte et Gyanendra, confie le dossier à un de ses collaborateurs pour chercher une issue. Mais interpellé par un militant, il aurait répondu, en substance : « Oui, c’est un dossier complexe que nous suivons. Nous sommes en contact avec la Région flamande, qui bloque. Mais nous avons aussi des problèmes avec l’ambassade à Kinshasa ». Ah oui ! Kinshasa… Au PS, en revanche, rien ne se passe jusqu’au 22 janvier. Une parlementaire s’insurge même : « J’ai connu un parti plus offensif et plus ferme en la matière. On a décidé de ne pas déranger Maggie DeBlock… Sans doute une stratégie pour renforcer son parti (Open VLD) par rapport à la N-VA ? L’expérience des négociations de 2007 et 2010 a laissé sans doute aussi des traces. »

Enfin, le 22, une lettre de Bénédicte est distribuée à tous les parlementaires, juste après un reportage sur RTL-TVI. Les socialistes se réveillent brusquement : dès le lendemain, le chef de groupe André Frédéric dépose une question parlementaire. Suite à la même lettre, une personnalité de l’Open VLD et une spécialiste de chez Écolo contactent Bénédicte pour en savoir plus, mais toujours plus ou moins incognito ! Finalement, les seuls à n’avoir pas réagi du tout (hormis les jeunes du parti) sont les humanistes du CDH ! Apparemment, le cœur a ses raisons que la raison dépasse !

Reste qu’on se demande si on n’est pas allé trop loin en matière de fermeture des frontières. Une parlementaire nous confie : «Aujourd’hui la belgique est le pays où l’octroi des visas est le plus difficile de toute l’Union européenne. En tant que parlementaire, je passe par d’autres pays pour faire venir un proche.» Vu comme ça, on comprend mieux !

 

 

 

 

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